Numéro 3 - Mars 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2021

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES

2e Civ., 18 mars 2021, n° 19-24.009, (P)

Cassation partielle

Maladie – Prestations – Conditions – Production de documents – Force majeure – Exclusion – Cas

Aux termes de l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016, sauf cas de force majeure, la non-présentation par le demandeur de pièces justificatives, la présentation de faux documents ou de fausses informations ou l'absence réitérée de réponse aux convocations d'un organisme de sécurité sociale entraînent la suspension, selon le cas, soit du délai d'instruction de la demande pendant une durée maximale fixée par décret, soit du versement de la prestation jusqu'à la production des pièces demandées ou la réponse à la convocation adressée.

Viole ce texte le tribunal qui condamne une caisse primaire d'assurance maladie à prendre en charge la facture relative à des médicaments d'exception délivrés par un pharmacien d'officine, alors qu'il constatait que l'ordonnance remise au pharmacien aux fins de délivrance du médicament d'exception était un faux qui aurait pu être détecté par la consultation d'un applicatif informatique donnant accès au signalement des ordonnances falsifiées et que le pharmacien avait délivré ce médicament en pratiquant le tiers payant sur la base d'une simple attestation de soins et non d'une carte Vitale, ce dont il résultait que la vérification de la prescription médicale n'était pas imprévisible.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Bobigny, 5 septembre 2019), rendu en dernier ressort, la caisse primaire d'assurance maladie [...] (la caisse) a notifié à M. D..., pharmacien d'officine (le pharmacien) sa décision de refus de prise en charge de la facture n° 171661 du 11 mai 2018 pour un certain montant concernant la délivrance de médicaments d'exception.

2. Le pharmacien a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen du pourvoi, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief au jugement de la condamner à prendre en charge la facture du 11 mai 2018, alors :

« 1°/ que la caisse primaire d'assurance maladie ne peut être tenue au remboursement de médicaments prescrits au moyen d'un faux document ; qu'en constatant que l'ordonnance remise le 11 mai 2018 à M. D... aux fins de délivrance d'un médicament d'exception était un faux, pour néanmoins décider que la caisse était tenue à une obligation de prise en charge des médicaments ainsi délivrés, le tribunal de grande instance n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale ;

3°/ qu'en toute hypothèse, la force majeure s'entend d'un événement extérieur, irrésistible et imprévisible ; qu'en se bornant à relever le caractère non obligatoire de l'application ASAFO et l'absence d'alerte automatique relative à des ordonnances falsifiées et/ou volées sans besoin d'un abonnement audit service, pour en déduire l'existence d'un cas de force majeure et condamner la caisse à prendre en charge la facture du 11 mai 2018 de M. D..., sans exposer aucune circonstance propre à caractériser un événement extérieur à la volonté du pharmacien, imprévisible et irrésistible de nature à justifier la présentation d'une ordonnance falsifiée à la caisse, le tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016, applicable au litige :

4. Aux termes de ce texte, sauf cas de force majeure, la non-présentation par le demandeur de pièces justificatives, la présentation de faux documents ou de fausses informations ou l'absence réitérée de réponse aux convocations d'un organisme de sécurité sociale entraînent la suspension, selon le cas, soit du délai d'instruction de la demande pendant une durée maximale fixée par décret, soit du versement de la prestation jusqu'à la production des pièces demandées ou la réponse à la convocation adressée.

5. Pour faire droit à la demande du pharmacien, le jugement retient qu'il apparaît que l'inscription à l'applicatif ASAFO (alerte sécurisée automatisée aux fausses ordonnances) n'est pas obligatoire et qu'il n'est pas paramétré pour diffuser des alertes, sans besoin d'y être abonné et sans besoin de procéder à des recherches après connexion.

Le jugement relève encore qu'il ne peut être fait le reproche à la pharmacie de ne pas avoir consulté ledit applicatif et que si le prix du produit doit inciter les pharmaciens à de la prudence, pour autant cela ne suffit pas à écarter le risque de fraude.

Le jugement ajoute qu'il ressort du dossier que l'ordonnance falsifiée provient d'un carnet de souche volé, de sorte que la falsification était encore plus difficile à détecter.

Le jugement considère qu'en l'état, la caisse ne démontrant pas qu'il était impossible pour la pharmacie de ne pas détecter le caractère falsifié de l'ordonnance litigieuse, l'absence d'alerte automatique relative à des ordonnances falsifiées ou volées sans besoin d'un abonnement à l'applicatif et l'absence d'obligation de consulter l'applicatif avant chaque délivrance de produits quel qu'en soit le montant, constituent des éléments en faveur du cas de force majeure, empêchant la pharmacie de présenter une ordonnance non falsifiée.

6. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser le cas de force majeure, alors qu'il constatait que l'ordonnance remise au pharmacien aux fins de délivrance du médicament d'exception était un faux qui aurait pu être détecté par la consultation d'un applicatif donnant accès au signalement des ordonnances falsifiées et que le pharmacien avait délivré ce médicament en pratiquant le tiers payant sur la base d'une simple attestation de soins et non d'une carte vitale, ce dont il résultait que la vérification de la prescription médicale n'était pas imprévisible, le tribunal a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré recevable M. D... en son action, le jugement rendu le 5 septembre 2019, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Bobigny ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Bobigny.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Pradel - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

Soc, 10 janvier 1973, pourvoi n° 71-14.156, Bull. 1973, V, n° 14 (cassation) ; Soc, 9 mars 2000, pourvoi n° 98-19.209.

2e Civ., 18 mars 2021, n° 19-23.099, (P)

Cassation

Prestations (dispositions générales) – Appareillage – Remboursement – Conditions – Durée prescrite de la cure de médicament – Définition

Selon le titre I, chapitre 1, section 2, de la liste des produits et prestations remboursables, dans sa rédaction applicable au litige, la prise en charge par l'assurance maladie de la location des dispositifs médicaux de perfusion à domicile (code 1183333) est accordée uniquement pour la durée prescrite de la cure de médicament et non de la durée de mise à disposition du matériel par le fournisseur.

Pour l'application de ces dispositions, la durée prescrite de la cure de médicament s'entend de l'ensemble de la période [de la période globale] au cours de laquelle le médicament est prescrit au patient indépendamment des modalités d'administration du médicament au cours de la période.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 23 juillet 2019), à la suite d'un contrôle de la société prestataire de santé à domicile conventionnée Home Air, aux droits de laquelle vient la société Agir A Dom assistance (la société), la caisse primaire d'assurance maladie [...] (la caisse) lui a notifié, le 3 juin 2014, un indu correspondant à des anomalies de facturation.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt attaqué de rejeter son recours alors, « qu'en prévoyant que la prise en charge par l'assurance maladie de la location des dispositifs médicaux de perfusion à domicile « est accordée uniquement pour la durée prescrite de la cure de médicament et non pour la durée de mise à disposition du matériel par le fournisseur », le chapitre I du titre I de la liste des produits et prestations remboursables prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale exclut seulement la prise en charge de la location pendant les périodes d'interruption de la cure et non pendant les jours au cours desquels le matériel n'est pas utilisé, les séances d'une même cure de médicament pouvant être quotidiennes ou de fréquences plus espacées ; que, dès lors, en retenant que la durée prescrite de la cure de médicament correspondait seulement au nombre de journées d'administration du produit par la pompe à perfusion, la cour d'appel a violé les articles L. 165-1 et R. 165-1 du code de la sécurité sociale et la liste des produits et prestations remboursables. »

Réponse de la cour

Vu les articles L. 165-1 et R. 165-1 du code de la sécurité sociale et le titre I, chapitre 1, section 2, de la liste des produits et prestations remboursables dans leur rédaction applicable au litige :

4. Selon le dernier de ces textes, la prise en charge par l'assurance maladie de la location des dispositifs médicaux de perfusion à domicile (code 1183333) est accordée uniquement pour la durée prescrite de la cure de médicament et non pour la durée de mise à disposition du matériel par le fournisseur.

5. Pour l'application de ces dispositions, la durée prescrite de la cure de médicament s'entend de la période globale au cours de laquelle le médicament est prescrit au patient, indépendamment de ses modalités d'administration au cours de la période.

6. Pour débouter la société de son recours, l'arrêt retient que la durée prescrite de la cure de médicament correspond au nombre de journées d'administration du produit par la pompe à perfusion, que la prescription médicale qui fixe à trente jours la mise à disposition de la pompe détermine la durée générale du traitement et son renouvellement et non le nombre de jours d'administration du produit par la pompe et qu'il est établi, sur la base des prescriptions de perfusions et de la consommation de produits spécifiques, que la pompe donnée en location par la société n'a été utilisée que 250 fois sur 867 jours de location facturés.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Cassignard - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Buk Lament-Robillot -

Textes visés :

Articles L. 165-1 et R. 165-1 du code de la sécurité sociale ; titre I, chapitre 1, section 2, de la liste des produits et prestations remboursables.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 17 janvier 2007, pourvoi n° 06-10.520 ; 2e Civ., 25 octobre 2007, pourvoi n° 06-18.518 ; 2e Civ., 11 septembre 2008, pourvoi n° 07-15.021, Bull. 2008, II, n° 197 (rejet) ; 2e Civ., 10 novembre 2011, pourvoi n° 10-26.924.

2e Civ., 18 mars 2021, n° 17-20.226, (P)

Cassation partielle

Vieillesse – Pension – Majoration – Enfant handicapé – Article L. 541-1 du code de la sécurité sociale et 35a du code social allemand – Principe d'assimilation des faits – Office du juge – Obligation de vérification de la matérialité des faits

Selon l'article L. 351-4-1 du code de la sécurité sociale, une majoration de leur durée d'assurance est attribuée aux assurés sociaux élevant un enfant ouvrant droit, en vertu des articles L. 541-1 et R. 541-1, à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et son complément lorsque le taux d'incapacité permanente de l'enfant est au moins égal à 80 % ou, sous certaines conditions, à 50 %.

Saisie par la Cour de cassation d'une question préjudicielle, la Cour de justice de l'Union européenne, par arrêt du 12 mars 2020 (CJUE, arrêt du 12 mars 2020, Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail d'Alsace-Moselle, C-769/18), a dit pour droit que l'article 3 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, tel que modifié par le règlement (CE) n° 988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009, doit être interprété en ce sens que l'aide à l'intégration des enfants et des adolescents handicapés mentaux, prévue à l'article 35a du huitième livre du Sozialgesetzbuch (code social allemand), ne constitue pas une prestation, au sens de cet article 3, et, dès lors, ne relève pas du champ d'application matériel de ce règlement.

Elle a ensuite dit que l'article 5 du même règlement modifié doit être interprété en ce sens que l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, prévue à l'article L. 541-1 du code de la sécurité sociale français, et l'aide à l'intégration des enfants et des adolescents handicapés mentaux, au titre de l'article 35a du huitième livre du code social allemand, ne peuvent pas être considérées comme des prestations ayant un caractère équivalent, au sens du point a) de cet article 5, mais que le principe d'assimilation des faits consacré au point b) dudit article 5 s'applique dans des circonstances telles que celles en cause au principal et qu'il incombe donc aux autorités compétentes françaises de déterminer si, en l'occurrence, la survenance du fait requis au sens de cette disposition est établie, ces autorités devant, à cet égard, tenir compte des faits semblables survenus en Allemagne comme si ceux-ci étaient survenus sur leur propre territoire.

Viole, dès lors, les articles L. 351-4-1, L. 541-1 et R. 541-1 du code de la sécurité sociale et 3 et 5 du règlement n° 883/2004 modifié, la cour d'appel qui accorde à un assuré une majoration de sa durée d'assurance, alors que les prestations française et allemande ne sont pas équivalentes et qu'il lui appartenait de vérifier, dans les conditions et sous les modalités rappelées par la Cour de justice de l'Union européenne dans sa décision, si le taux d'incapacité permanente de l'enfant handicapé requis par le droit français était atteint.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 27 avril 2017), Mme V... (l'assurée), résidant en Allemagne, a demandé la prise en compte par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail d'Alsace-Moselle (la caisse), pour la liquidation de ses droits à pension ouverts en application de la législation française, d'une majoration de durée d'assurance au titre de l'éducation d'un enfant handicapé, invoquant la reconnaissance du handicap de l'enfant par la législation sociale allemande.

2. La caisse lui ayant refusé cette majoration, l'assurée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de faire droit au recours, alors « que l'application des textes européens ne peut donner lieu à une discrimination à rebours, donnant plus de droits aux personnes ayant relevé de systèmes d'allocations d'autres pays membres qu'aux assurés sociaux ayant toujours relevé uniquement du régime français ; que, comme le faisait justement valoir la caisse devant la cour d'appel, la majoration de la durée d'assurance pour enfant handicapé suppose que l'enfant ait été atteint d'une incapacité permanente d'au moins 80 % ; que la cour d'appel ne pouvait statuer comme elle l'a fait, sans vérifier que la fille de Mme V... avait été atteinte d'une incapacité permanente d'au moins 80 % ; que la cour d'appel a violé, ensemble, l'article 5 du règlement CE n° 883/2004, les articles L. 351-4-1, L. 541-1 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 351-4-1, L. 541-1 et R. 541-1 du code de la sécurité sociale et 3 et 5 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, tel que modifié par le règlement (CE) n° 988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 :

4. Selon le premier de ces textes, une majoration de leur durée d'assurance est attribuée aux assurés sociaux élevant un enfant ouvrant droit, en vertu des deuxième et troisième, à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et son complément lorsque le taux d'incapacité permanente de l'enfant est au moins égal à 80 % ou, sous certaines conditions, à 50 %.

5. Saisie par la Cour de cassation dans le présent pourvoi d'une question préjudicielle, la Cour de justice de l'Union européenne, par arrêt du 12 mars 2020 (CJUE, caisse d'assurance retraite et de la santé au travail d'Alsace-Moselle, aff. C-769/18), a dit pour droit :

« L'article 3 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, tel que modifié par le règlement (CE) n° 988/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, doit être interprété en ce sens que l'aide à l'intégration des enfants et des adolescents handicapés mentaux, prévue à l'article 35a du huitième livre du Sozialgesetzbuch (code social allemand), ne constitue pas une prestation, au sens de cet article 3, et, dès lors, ne relève pas du champ d'application matériel de ce règlement.

L'article 5 du règlement n° 883/2004, tel que modifié par le règlement n° 988/2009, doit être interprété en ce sens que :

- l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, prévue à l'article L. 541-1 du code de la sécurité sociale français, et l'aide à l'intégration des enfants et des adolescents handicapés mentaux, au titre de l'article 35a du huitième livre du code social allemand, ne peuvent pas être considérées comme des prestations ayant un caractère équivalent, au sens du point a) de cet article 5 ;

- le principe d'assimilation des faits consacré au point b) dudit article 5 s'applique dans des circonstances telles que celles en cause au principal. Il incombe donc aux autorités compétentes françaises de déterminer si, en l'occurrence, la survenance du fait requis au sens de cette disposition est établie. À cet égard, ces autorités doivent tenir compte des faits semblables survenus en Allemagne comme si ceux-ci étaient survenus sur leur propre territoire. »

6. La Cour de justice a précisé, dans les motifs de sa décision :

- que lesdites autorités doivent tenir compte de faits semblables survenus en Allemagne et ne peuvent se limiter, dans l'appréciation de l'incapacité permanente de l'enfant handicapé concerné, aux seuls critères prévus à cet effet par le guide-barème applicable en France en vertu de l'article R. 541-1 du code de la sécurité sociale français ;

- qu'afin d'établir si le taux d'incapacité permanente est atteint, elles ne pourraient refuser de prendre en compte des faits semblables survenus en Allemagne, pouvant être démontrés par tout élément de preuve, et notamment par des rapports d'examens médicaux, des certificats ou encore des prescriptions de soins ou de médicaments ;

- que dans le cadre d'une telle vérification, elles doivent également respecter le principe de proportionnalité en veillant, notamment, à ce que le principe d'assimilation des faits ne donne pas lieu à des résultats objectivement injustifiés, conformément au considérant 12 du règlement n° 883/2004.

7. Pour accueillir le recours, l'arrêt retient que la Ville de Stuttgart ayant versé à l'assurée, à compter du 10 novembre 1995, une aide financière régulière pour allégement des charges du handicap de sa fille sur le fondement de l'article 35a du huitième livre du code social allemand, l'assurée a ainsi perçu un revenu lié à un handicap susceptible de produire un effet juridique, et que les prestations allemande et française étant équivalentes pour des faits ou événements semblables, elle pouvait prétendre, en vertu de la règle européenne de coordination et sans que la caisse puisse lui opposer la nécessité d'un taux d'incapacité d'au moins 80 %, à la majoration de carrière prévue par la législation française.

8. En statuant ainsi, alors que les prestations française et allemande ne sont pas équivalentes et qu'il lui appartenait de vérifier, dans les conditions et sous les modalités rappelées au § 6 ci-dessus, si le taux d'incapacité permanente de l'enfant handicapé requis par le droit français était atteint, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit l'appel recevable et confirme la décision du 11 septembre 2012 de la commission de recours amiable ayant fixé la date d'effet de la pension de retraite de Mme V... au 1er avril 2011, l'arrêt rendu le 27 avril 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Taillandier-Thomas - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 315-4-1, L. 541-1 et R. 541-1 du code de la sécurité sociale ; articles 3 et 5 du règlement CE n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.

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