Numéro 3 - Mars 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2021

SANTE PUBLIQUE

1re Civ., 17 mars 2021, n° 19-23.567, (P)

Irrecevabilité partielle

Lutte contre les maladies et les dépendances – Lutte contre les maladies mentales – Modalités de soins psychiatriques – Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques – Procédure – Principe de la contradiction – Violation – Défaut – Audition par le premier président – Dispense – Motif médical constaté dans l'avis du médecin – Caractérisation

Un premier président ne peut pas se dispenser d'entendre à l'audience la personne admise en soins psychiatriques sans consentement en se fondant sur l'avis d'un médecin qui fait exclusivement état d'un risque majeur de fugue, un tel risque ne constituant pas à lui seul un motif médical.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Caen, 9 mai 2019), et les pièces de la procédure, M. B... a été admis en soins psychiatriques sans consentement le 5 avril 2019, sur décision du directeur de l'établissement prise au motif d'un péril imminent en application de l'article L. 3212-1, II, 2°, du code de la santé publique.

Par ordonnance du 16 avril, le juge des libertés et de la détention a ordonné la poursuite de son hospitalisation complète.

Par arrêté du 25 avril, le préfet a, sur le fondement de l'article L. 3213-6, pris une mesure d'admission en soins psychiatriques en application de l'article L. 3213-1 et, par arrêté du 29 avril, il a décidé de la poursuite des soins.

2. Le 30 avril 2019, ce dernier a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande aux fins de prolongation de la mesure sur le fondement de l'article L. 3211-12-1. Celui-ci a accueilli la demande.

Recevabilité du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre le directeur du centre hospitalier du Bon Sauveur, contestée par la défense

Vu les articles R. 3211-13 et R. 3211-19 du code de la santé publique :

3. Le pourvoi, en ce qu'il est formé contre le directeur du centre hospitalier du Bon Sauveur, avisé de l'audience conformément aux textes précités, mais qui n'était pas partie à l'instance, n'est pas recevable.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. M. B... fait grief à l'ordonnance de déclarer son appel irrecevable, alors « qu'à l'audience, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques doit être entendue sauf si, au vu d'un avis médical motivé, des motifs médicaux font obstacle, dans son intérêt, à son audition ; qu'en l'espèce, par un avis médical établi le 6 mai 2019, le docteur I... a fait état de l'existence d'un « risque majeur de fugue » faisant, selon lui, obstacle à la comparution de M. B... devant le premier président de la cour d'appel de Caen ; qu'en se fondant, pour décider de ne pas entendre personnellement M. B..., sur cet avis médical qui ne faisait pourtant état d'aucun motif d'ordre médical faisant obstacle, dans son intérêt, à son audition, la délégataire du premier président a violé l'article R. 3211-8 du code de la santé publique, ensemble les articles L. 3211-12-2 et L. 3211-12-4 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3211-12-2, L. 3211-12-4 et R. 3211-8 du code de la santé publique :

5. Il résulte de ces textes que le premier président, qui statue sur l'appel d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention, ne peut se dispenser d'entendre à l'audience la personne admise en soins psychiatriques que s'il résulte de l'avis d'un médecin des motifs médicaux qui, dans l'intérêt de celle-ci, font obstacle à son audition ou si, le cas échéant, est caractérisée une circonstance insurmontable empêchant cette audition.

6. Pour déclarer l'appel de M. B... irrecevable sans que celui-ci ait été entendu, l'ordonnance constate que le certificat médical de situation du 6 mai 2019 indique que son état mental fait obstacle à sa comparution.

7. En statuant ainsi, alors que le risque majeur de fugue visé dans ce document ne constituait pas à lui seul un motif médical, le premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que les délais légaux pour se prononcer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

DÉCLARE irrecevable le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le directeur du centre hospitalier du Bon Sauveur ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 9 mai 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Caen ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Feydeau-Thieffry - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; Me Haas -

Textes visés :

Articles L. 3211-12-2, L. 3211-12-4 et R. 3211-8 du code de la santé publique.

Rapprochement(s) :

Sur l'exception au principe de l'audition par le premier président d'une personne admise en soins sans consentement, à rapprocher : 1re Civ., 12 octobre 2017, pourvoi n° 17-18.040, Bull. 2017, I, n° 217 (cassation sans renvoi).

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