Numéro 3 - Mars 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2021

REPRESENTATION DES SALARIES

Soc., 17 mars 2021, n° 18-16.947, (P)

Rejet

Cadre de la représentation – Unité économique et sociale – Reconnaissance – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 20 mars 2018), M. F... a été engagé le 4 janvier 1999 en qualité de comptable par la société Tresch organisation, aux droits de laquelle vient la société S2J Finance. Courant 2013, la société Tresch organisation, holding administrative fournissant des prestations de service à destination des filiales, a décidé le transfert de son siège d'[...], sur un site de la société Tresch Clerget chargée des activités d'exploitation et de commercialisation, avec laquelle elle constituait le groupe Tresch.

Le 2 octobre 2013, l'employeur a proposé au salarié la modification de son contrat de travail pour motif économique consistant en une mutation sur le site de Vignoles.

2. Suite à son refus et celui d'autres salariés, l'employeur a engagé une procédure de licenciement collectif pour motif économique et a réuni les délégués du personnel les 18 novembre et 4 décembre 2013.

3. Par jugement du 21 janvier 2014, le tribunal d'instance a reconnu l'existence d'une unité économique et sociale (UES) entre les sociétés Tresch organisation et Tresch Clerget, ce en l'état de la situation existante à la date de la demande introductive d'instance, soit le 28 octobre 2013.

4. M. F..., salarié protégé en sa qualité de délégué du personnel suppléant, a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique fixé le 4 février 2014, au cours duquel il s'est vu remettre les documents relatifs au contrat de sécurisation professionnelle. Son licenciement a été autorisé par décision de l'inspecteur du travail du 2 avril 2014.

Le salarié ayant accepté le contrat de sécurisation professionnelle, le contrat de travail a été rompu à l'issue du délai de réflexion.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La société S2J Finance fait grief à la cour d'appel de se déclarer compétente pour la condamner à indemniser la rupture du contrat de travail de M. F..., alors « qu'en vertu du principe de la séparation des autorités administrative et judiciaire, le juge judiciaire ne peut remettre en cause l'autorisation administrative de licencier un salarié protégé ; que ce principe interdit au juge judiciaire d'apprécier la régularité de la procédure antérieure à la décision de l'inspection du travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'autorisation administrative de licencier, délivrée le 2 avril 2014, n'avait pas été contestée par le salarié ; qu'en retenant que la contestation du salarié, qui prétendait qu'un plan de sauvegarde de l'emploi aurait dû être mis en oeuvre, « ne concerne pas le bien-fondé de la décision administrative ayant autorisé le licenciement », quand cette procédure, à la supposer applicable aurait dû être mise en oeuvre avant la saisine de l'inspecteur du travail, la cour d'appel a violé la loi du 16-24 août 1790. »

Réponse de la Cour

6. Il appartient à l'inspecteur du travail saisi de la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique d'un salarié protégé inclus dans un licenciement collectif qui requiert l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, ou au ministre chargé du travail statuant sur recours hiérarchique, de s'assurer de l'existence, à la date à laquelle il statue sur cette demande, d'une décision de validation ou d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, à défaut de laquelle l'autorisation de licenciement ne peut légalement être accordée.

En revanche, dans le cadre de l'examen de cette demande, il n'appartient à ces autorités, ni d'apprécier la validité du plan de sauvegarde de l'emploi ni, plus généralement, de procéder aux contrôles mentionnés aux articles L. 1233-57-2 et L. 1233-57-3 du code du travail, qui n'incombent qu'au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétemment saisi de la demande de validation ou d'homologation du plan (CE, 19 juillet 2017, n° 391849, Rec.).

7. Par ailleurs, il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour (Soc., 16 novembre 2010, pourvoi n° 09-69.485, 09-69.486, 09-69.487, 09-69.488, 09-69.489, Bull. 2010, V, n° 258) que, si les conditions d'effectifs et de nombre de licenciements dont dépend l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi s'apprécient au niveau de l'entreprise que dirige l'employeur, il en va autrement lorsque, dans le cadre d'une unité économique et sociale, la décision de licencier a été prise au niveau de cette UES.

8. Il en résulte qu'en l'absence de toute procédure de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à la juridiction judiciaire d'apprécier l'incidence de la reconnaissance d'une UES quant à la validité des licenciements, dès lors qu'il est soutenu devant elle que les licenciements auraient été décidés au niveau de cette UES, sans que cette contestation, qui ne concerne pas le bien-fondé de la décision administrative ayant autorisé le licenciement d'un salarié protégé, porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs.

9. La cour d'appel a constaté que les licenciements entrepris participaient d'un seul et même projet décidé au niveau de l'UES entre la société Tresch organisation qui ne comptait que quinze salariés et la société Tresch Clerget qui en comprenait plus d'une centaine, de sorte que la société Tresch organisation aurait dû mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi au niveau de l'UES pour les salariés licenciés de Tresch organisation.

10. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a décidé que la contestation du salarié ne concernait pas le bien-fondé de la décision administrative ayant autorisé le licenciement et que, par voie de conséquence, la juridiction prud'homale était compétente pour connaître de cette demande.

Sur le second moyen : Publication sans intérêt

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Prache - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Principe de la séparation des pouvoirs.

Soc., 3 mars 2021, n° 19-21.086, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Comité social et économique – Mise en place – Mise en place au niveau de l'entreprise – Détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts – Modalités – Accord collectif – Défaut – Décision de l'employeur – Contestation – Saisine de l'autorité administrative – Décision de l'autorité administrative – Recours – Tribunal d'instance – Pouvoirs – Etendue – Limites – Cas – Portée

Il résulte des articles L. 2313-5, alinéas 1 et 3, et de l'article R. 2313-1, alinéa 3, du code du travail que, lorsque le juge annule la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts de l'entreprise en raison de la saisine de celui-ci par des parties dépourvues de la personnalité juridique et, dès lors, du droit d'agir, il ne peut statuer, à nouveau, sur ce nombre et sur ce périmètre, par une décision se substituant à celle de l'autorité administrative.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Courbevoie, 2 août 2019), la société CGI France a fixé, suivant une décision unilatérale en date du 11 décembre 2018, à trois le nombre de ses établissements distincts.

2. Par décision du 5 mars 2019, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (le Direccte) d'Ile-de-France a rejeté la contestation formée contre la décision unilatérale et a retenu un découpage identique à celui arrêté par cette dernière.

3. Les syndicats FIECI CFE CGC, SNEPPSI CFE CGC, SICSTI CFTC et M. N... ont formé un recours, le 21 mars 2019, contre la décision du Direccte d'Ile de France.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société fait grief au jugement de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action soulevée par la société, le syndicat CGT-CGI et la Fédération communication, conseil et culture (F3C CFDT), de déclarer recevable la contestation portant sur la décision du 5 mars 2019 rendue par la Direccte d'Ile-de-France sur le nombre et le périmètre des établissements distincts, de fixer à douze le nombre d'établissements distincts et de reconnaître la qualité d'établissement distinct aux unités d'affaires « Business Unit Business Consulting », « Business Unit CPG Retail & Manufacturing », « Business Unit Energy Utilities Telco et Media », « Business Unit Financial Services », « Business Unit Transportations – Public Sector et Human Ressource », « Business Unit Grand Est », « Business Unit Grand Ouest », « Business Unit Grand Sud », l'unité d'affaires « Business Unit Nord », « Business Unit France Global Delivery Center », « Business Unit I2CE » et à l'entité « Fonctions corporatives », alors « que lorsqu'il est saisi d'un recours contre la décision de l'autorité administrative fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts, le tribunal d'instance ne peut, s'il annule cette décision au motif que l'autorité administrative n'a pas été valablement saisie et ne pouvait en conséquence se prononcer sur le découpage de l'entreprise, statuer lui-même sur la question du nombre et du périmètre des établissements distincts ; que selon l'article R. 2313-1 du code du travail, seules les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise et les organisations syndicales ayant constitué une section syndicale dans l'entreprise peuvent, dans le délai de quinze jours à compter de la date à laquelle ils en ont été informés, contester devant la Direccte la décision unilatérale de l'employeur fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts ; qu'en l'absence de contestation formée dans le délai de quinze jours par l'une de ces organisations syndicales, la décision unilatérale de l'employeur devient définitive ; qu'en conséquence, en cas de contestation formée par une section syndicale, dépourvue de la personnalité juridique, la Direccte n'est pas valablement saisi et doit rejeter cette contestation, sans pouvoir se prononcer sur le nombre et le périmètre des établissements distincts ; qu'en l'espèce, le tribunal d'instance a constaté que la Direccte d'Ile-de-France avait été saisie par trois sections syndicales dépourvues de la personnalité juridique, ce qui rendait sa saisine irrégulière ; qu'en considérant cependant qu'après avoir annulé la décision de la Direccte ayant fixé à trois le nombre d'établissements distincts, il devait statuer à nouveau par une décision se substituant à celle de l'autorité administrative sur la question du nombre et du périmètre des établissements distincts, le tribunal d'instance a violé les articles R. 2313-1 et L. 2313-5 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2313-5, alinéas 1 et 3, et R. 2313-1, alinéa 3, du code du travail :

5. Aux termes du premier de ces textes, en cas de litige portant sur la décision de l'employeur prévue à l'article L. 2313-4 du code du travail, le nombre et le périmètre des établissements distincts sont fixés par l'autorité administrative du siège de l'entreprise dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État.

La décision de l'autorité administrative peut faire l'objet d'un recours devant le juge judiciaire, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.

6. Selon l'article R. 2313-1, alinéa 3, dudit code les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise et les organisations syndicales ayant constitué une section syndicale dans l'entreprise ou, lorsque les négociations se sont déroulées conformément au premier alinéa de l'article L. 2313-3 le comité social et économique peuvent, dans le délai de quinze jours à compter de la date à laquelle ils ont été informés, contester la décision de l'employeur devant le Direccte.

7. Pour fixer le nombre d'établissements distincts de la société et délimiter leur périmètre, le jugement retient que, la saisine du Direccte d'Ile-de-France par des sections syndicales, dépourvues de personnalité juridique, étant irrégulière, il convient d'annuler la décision de ce dernier et, dès lors, de statuer à nouveau par une décision se substituant à celle de l'autorité administrative.

8. En statuant ainsi, alors que, lorsque le juge annule la décision du Direccte fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts de l'entreprise en raison de la saisine de celui-ci par des parties dépourvues de la personnalité juridique et, dès lors, du droit d'agir, il ne peut statuer, à nouveau, sur ce nombre et sur ce périmètre, par une décision se substituant à celle de l'autorité administrative, le tribunal a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. La critique du moyen ne vise pas les chefs du dispositif rejetant la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action soulevée par la société et le syndicat CGT-CGI de la Fédération communication, conseil et culture (F3C CFDT), et déclarant recevable la contestation formée par les syndicats FIECI CFE CGC, SNEPPSI CFE CGC, SICSTI CFTC et M. N..., que la cassation prononcée ne permet pas d'atteindre.

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action soulevée par la société CGI France et le syndicat CGT-CGI de la Fédération communication, conseil et culture (F3C CFDT), déclare recevable la contestation formée par les syndicats FIECI CFE CGC, SNEPPSI CFE CGC, SICSTI CFTC et M. N... et annule la décision en date du 5 mars 2019 rendue par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France, le jugement rendu le 2 août 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Courbevoie ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Le Masne de Chermont - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles L. 2313-5, alinéas 1 et 3, et R. 2313-1, alinéa 3, du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'étendue des pouvoirs du juge judiciaire en cas de contestation de la décision de l'autorité administrative fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts de l'entreprise, à rapprocher : Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 19-11.918, Bull. 2020, (1) (rejet), et l'arrêt cité.

Soc., 3 mars 2021, n° 19-18.150, (P)

Rejet

Règles communes – Fonctions – Temps passé pour leur exercice – Heures de délégation – Paiement – Effets – Heures de travail théoriques du salarié – Définition par l'employeur – Défaut

En application de l'article L. 4614-6, alors applicable, du code du travail, l'utilisation des heures de délégation ne doit entraîner aucune perte de salaire pour le représentant du personnel et lorsque les heures de délégation sont prises en dehors du temps de travail, en raison des nécessités du mandat, elles doivent être payées en plus des heures de travail. Il en résulte qu'en cas de dispense d'activité, il convient de se référer aux horaires que le salarié aurait dû suivre s'il avait travaillé et que ce dernier peut prétendre au paiement des heures de délégation prises en dehors du temps de travail résultant de son planning théorique.

Ayant constaté que l'employeur, auquel il appartient de fixer l'horaire de travail, n'avait pas défini les heures de travail théoriques du salarié placé en situation de dispense d'activité avec maintien de sa rémunération, est approuvée la cour d'appel qui décide que ce dernier est fondé à réclamer le paiement de ses heures de délégation.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 26 avril 2019), M. U... a été engagé le 9 février 1979 en qualité d'opérateur polyvalent par la société Française de mécanique, aux droits de laquelle se trouve la société PSA automobiles.

2. Le 25 mars 2014, il a été élu membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

3. Le salarié ayant présenté, le 1er avril 2014, une demande d'adhésion au dispositif du congé de maintien de l'emploi des salariés seniors, lui permettant de bénéficier d'une période de travail à temps partiel fin de carrière, suivie d'une période totale de dispense d'activité rémunérée avant la liquidation d'une retraite à taux plein, le 7 avril 2014, les parties ont signé un avenant au contrat de travail prévoyant que l'intéressé travaillerait du 1er mai 2014 au 31 août 2015 à temps partiel fin de carrière, puis serait dispensé d'activité du 1er septembre 2015 au 31 décembre 2016.

Par avenant du 12 mars 2015, il a été convenu que la période de dispense d'activité soit avancée au 1er avril 2015.

4. Soutenant que ses heures de délégation devaient être réglées en sus de la rémunération qui lui était versée, le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 23 mai 2016, d'une demande de rappel de salaire à ce titre.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de certaines sommes à titre de rappel de salaire et de congés payés afférents et d'ordonner la remise de bulletins de paie rectifiés, alors « qu'un représentant du personnel ayant convenu avec l'employeur d'être placé en situation de dispense d'activité rémunérée en raison de son adhésion à un plan de fin de carrière, ne peut cumuler sa rémunération avec le paiement des heures de délégation susceptibles d'être utilisées pendant cette période d'inactivité, sauf à ce qu'il ait été contraint de se rendre à des réunions à l'initiative de l'employeur durant la période litigieuse ou que l'existence de circonstances exceptionnelles aient justifié le dépassement du crédit d'heures de délégation ; qu'en se bornant à relever la qualité de salarié protégé de M. U... et l'utilisation d'heures de délégation pendant la période d'inactivité rémunérée, sans à aucun moment constater que ces heures dont le salarié sollicitait le paiement, auraient été utilisées pour se rendre à des réunions à l'initiative de l'employeur ou en raison de circonstances exceptionnelles justifiant le dépassement de son crédit d'heures de délégation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-I, L.1134-I, L. 4614-3 et L. 4614-6 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. En application de l'article L. 4614-6, alors applicable, du code du travail, l'utilisation des heures de délégation ne doit entraîner aucune perte de salaire pour le représentant du personnel et lorsque les heures de délégation sont prises en dehors du temps de travail, en raison des nécessités du mandat, elles doivent être payées en plus des heures de travail. Il en résulte qu'en cas de dispense d'activité, il convient de se référer aux horaires que le salarié aurait dû suivre s'il avait travaillé et que ce dernier peut prétendre au paiement des heures de délégation prises en dehors du temps de travail résultant de son planning théorique.

7. La cour d'appel, qui, ayant constaté que l'employeur, auquel il appartient de fixer l'horaire de travail, n'avait pas défini les heures de travail théoriques du salarié placé en situation de dispense d'activité avec maintien de sa rémunération, de sorte que ce dernier était fondé à réclamer le paiement de ses heures de délégation, a, sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Sommé - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article L. 4614-6 du code du travail, dans sa version applicable.

Soc., 31 mars 2021, n° 19-25.233, (P)

Rejet

Règles communes – Mandat – Exercice – Conditions – Travail dans l'entreprise – Salariés exclus – Salariés représentants ou délégataires de l'employeur

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Saint-Omer, 25 novembre 2019), la Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services (la fédération) a saisi le 29 octobre 2019 le tribunal d'instance d'une demande de retrait des listes électorales pour l'élection, devant se dérouler le 26 novembre 2019, des membres titulaires et suppléants du troisième collège du comité social et économique d'établissement de la région Nord-Est de la société Carrefour supermarchés France (CSF, la société) des directeurs des quatre-vingts magasins concernés.

Le syndicat national de l'encadrement du groupe Carrefour SNEC CFE-CGC (le SNEC CFE-CGC) est intervenu volontairement dans la procédure.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. La société fait grief au jugement d'ordonner la radiation des listes pour les élections des membres titulaires et suppléants du CSE d'établissement de la région Nord-Est de la société de l'ensemble des quatre-vingts directeurs de magasins, alors :

« 1°/ que seuls les cadres détenant sur un service, un département ou un établissement de l'entreprise une délégation particulière d'autorité établie par écrit permettant de les assimiler à un chef d'entreprise sont exclus de l'électorat et de l'éligibilité pour les fonctions de membres du comité social et économique ; que ne peut être assimilé à l'employeur, le salarié qui ne peut décider seul d'un recrutement par contrat à durée indéterminée, du prononcé d'une sanction disciplinaire et de la rupture d'un contrat de travail ; qu'au cas présent, il résulte des constatations du jugement attaqué que le directeur de magasin « ne dispose pas d'une pleine liberté dans l'embauche, la discipline et le licenciement des salariés de son magasin et doit faire valider ses choix avant décision grave » ; qu'en retenant néanmoins qu'il exerce tous les attributs de l'employeur au seul motif que « la lettre de convocation et de sanction est établie au nom du directeur du magasin et du responsable des relations sociales », le tribunal n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses constatations, en violation des articles L. 2314-18 et L. 2324-19 du code du travail ;

2°/ que seule la représentation effective de l'employeur devant le comité social et économique est de nature à exclure des salariés de l'électorat et de l'éligibilité aux fonctions de membres de ce comité ; que le fait pour un salarié d'être l'interlocuteur de représentants de proximité désignés par le comité social et économique, dont l'existence et les attributions dépendent d'un accord collectif, et qui ne dispose d'aucune prérogative propre, ne saurait avoir pour effet de le radier de l'électorat et de l'éligibilité aux fonctions de membre de ce comité ; qu'en estimant que leur qualité d'interlocuteur des représentants de proximité désignés par le comité social et économique d'établissement au sein du magasin, en application de l'accord du 5 juin 2019 sur la mise en place des CSE d'établissement et du CSE central au sein de la société CSF, devait conduire à exclure l'ensemble des directeurs de magasin des listes pour les élections des membres du comité social et économique, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2313-7, L. 2314-18 et L. 2324-19 du code du travail ;

3°/ en toute hypothèse, que la qualité d'interlocuteur des représentants de proximité, désignés par le comité social et économique ne peut remettre en cause que l'éligibilité de salariés aux fonctions de membres dudit comité et ne peut les priver de la qualité d'électeur ; qu'en ordonnant, pour cette raison, la radiation des listes pour les élections des membres titulaires et suppléants du CSE d'établissement, de l'ensemble des 80 directeurs de magasins, qui représentaient 30 % de l'effectif du collège cadre, le tribunal a porté une atteinte disproportionnée au droit pour chaque travailleur de participer, par l'intermédiaire de ses représentants, à la détermination de ses conditions de travail, en violation de l'article 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et des articles L. 2313-7, L. 2314-18 et L. 2324-19 du code du travail. »

Réponse de la Cour

3. Il résulte des articles L. 2314-18 et L. 2314-19 du code du travail que ne peuvent ni exercer un mandat de représentation du personnel ni être électeurs les salariés qui, soit disposent d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise, soit représentent effectivement l'employeur devant les institutions représentatives du personnel.

4. Il résulte, par ailleurs, de l'article L. 2313-7 du code du travail que l'accord d'entreprise défini à l'article L. 2313-2 peut mettre en place des représentants de proximité et que ceux-ci sont membres du comité social et économique ou désignés par celui-ci pour une durée qui prend fin avec celle des mandats des membres élus du comité.

5. Dès lors, le tribunal qui a retenu, d'une part que, même si le directeur du magasin ne disposait pas d'une pleine liberté dans l'embauche, la discipline et le licenciement des salariés de son magasin à raison de son appartenance au groupe Carrefour et qu'il devait faire valider ses choix avant décision grave, licenciement notamment, il représentait l'employeur vis-à-vis des salariés à ces occasions et en exerçait alors tous les attributs -embauche, discipline, licenciement-, et d'autre part que le directeur de magasin représentait effectivement l'employeur devant les représentants de proximité, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Rinuy - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 2313-7, L. 2314-18 et L. 2314-19 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'exclusion de salariés représentants ou délégataires de l'employeur d'un mandat de représentation du personnel, à rapprocher : Soc., 12 juillet 2006, pourvoi n° 05-60.300, Bull. 2006, V, n° 260 (rejet), et les arrêts cités.

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