Numéro 3 - Mars 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2021

RECOURS EN REVISION

2e Civ., 25 mars 2021, n° 19-15.611, (P)

Cassation sans renvoi

Délai – Interruption – Cas – Assignation d'une personne décédée

Le droit à l'accès au juge, garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, implique que la tentative d'assignation en révision, par un acte d'huissier de justice délivré à une personne dont il s'avère qu'elle est décédée, interrompe le délai pour agir à l'encontre des successibles du de cujus, dès lors qu'il n'est pas établi que le demandeur avait connaissance du décès lorsqu'il a fait délivrer l'acte.

Délai – Article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales – Compatibilité – Accès au juge – Acte interruptif

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 31 mai 2018), Mme P... a formé un recours en révision à l'encontre d'un arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 24 février 2004, rendu dans un litige l'opposant à MM. S... Y..., F... Y... et A... Y... (les consorts Y...), en invoquant une cause de révision dont elle a eu connaissance le 6 septembre 2016.

2. L'huissier de justice, mandaté par Mme P... pour assigner les parties au jugement, a dressé, le 4 novembre 2016, à l'occasion de la délivrance de l'assignation aux consorts Y..., le 2 novembre 2016, un procès-verbal de difficulté faisant état du décès, le 13 mars 2012, d'K... A... Y..., l'acte de décès mentionnant l'existence d'un acte de notoriété.

3. Mme P... a assigné en révision l'ayant droit du défunt le 29 décembre 2016.

4. Les consorts Y... ont soulevé l'irrecevabilité du recours en révision pour tardiveté.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen relevé d'office

6. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 2241 du code civil et l'article 596 du code de procédure civile :

7. Le droit à l'accès au juge, notamment en matière de révision, implique que la tentative d'assignation par acte d'huissier de justice d'une personne qui s'avère décédée interrompe le délai pour agir dès lors qu'il n'est pas établi que le demandeur avait connaissance du décès, pour lui permettre d'assigner les successibles du de cujus.

8. Pour déclarer irrecevable l'action en révision de Mme P..., l'arrêt retient qu'il résulte de la combinaison des articles 596, 597 et 598 du code de procédure civile qu'à peine d'irrecevabilité, l'auteur du recours en révision doit appeler dans le délai de deux mois toutes les parties à l'instance ayant donné lieu à la décision attaquée et que faute d'avoir signifié le recours en révision dans le délai de deux mois qui a suivi la connaissance du rapport d'expertise aux ayants droit d'K... Y..., le recours en révision est irrecevable à l'égard de toutes les parties.

9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations qu'une tentative d'assignation en révision avait été effectuée le 4 novembre 2016, de sorte qu'à cette date, le délai du recours en révision avait été interrompu à l'égard des successibles du de cujus dès lors qu'il n'était pas établi que Mme P... avait eu connaissance du décès, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

12. Le délai du recours en révision, qui a recommencé à courir pour deux mois à compter du 4 novembre 2016, n'était pas expiré lorsque Mme P... a assigné M. R... Y... en révision le 29 décembre 2016.

13. Le recours en révision était, dès lors, recevable au regard de l'article 596 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi sur la recevabilité du recours en révision ;

DÉCLARE RECEVABLE le recours en révision formé par Mme P... au regard de l'article 596 du code de procédure civile ;

DIT que l'instance se poursuivra devant la cour d'appel de Nîmes.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 24 juin 1987, pourvoi n° 85-16.153, Bull. 1987, II, n° 141 (cassation).

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