Numéro 3 - Mars 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2021

PRUD'HOMMES

Soc., 31 mars 2021, n° 19-24.489, (P)

Rejet

Procédure – Instance – Péremption – Diligences fixées par la juridiction – Accomplissement – Accomplissement de la totalité des diligences fixées – Défaut – Incidence de la remise au rôle de l'affaire – Portée

En procédure prud'homale, la remise au rôle de l'affaire n'implique pas en elle-même que les diligences prescrites par l'ordonnance de radiation ont été accomplies.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 septembre 2019), M. D..., engagé le 24 juillet 2001 en qualité de technicien de maintenance par la société Lear Corporation aux droits de laquelle vient la société Lear Corporation Seating France et titulaire de mandats syndicaux, a saisi le 2 novembre 2011 la juridiction prud'homale de diverses demandes.

Par jugement du 27 novembre 2012, le conseil de prud'hommes a rejeté ses demandes.

Le salarié a relevé appel de cette décision le 14 décembre 2012.

2. Le 20 mars 2014, une ordonnance de radiation a été prononcée prévoyant en son dispositif que l'affaire serait rétablie au rôle sur justificatif du dépôt de conclusions au greffe et de la justification de communication par chaque partie à la partie adverse de ses conclusions et pièces.

3. L'affaire a été réinscrite au rôle le 14 décembre 2014 et audiencée le 17 septembre 2015 puis renvoyée au 30 mars 2017 dans l'attente d'une décision de la juridiction administrative. A cette date, le salarié a demandé le renvoi de l'affaire. Une nouvelle ordonnance de radiation a été rendue.

4.Le 8 juin 2018, le salarié a demandé la réinscription de l'affaire. Celle-ci a été audiencée au 19 juin 2019.

Statuant sur la fin de non-recevoir soulevée par l'employeur, la cour d'appel a constaté la péremption de l'instance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de constater la péremption de l'instance et de rejeter les demandes des parties, alors « que si l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans, le rétablissement de la procédure par une décision de remise au rôle implique que les diligences préconisées par l'ordonnance de radiation ont été accomplies ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'à la suite du rétablissement de la procédure intervenu le 2 mai 2014, soit dans les deux ans de l'ordonnance de radiation du 20 mars 2014, l'affaire a été remise au rôle et audiencée le 17 septembre 2015, étant précisé qu'à cette audience, l'affaire a été renvoyée, à l'audience du 30 mai 2017 en raison de l'attente d'une décision du tribunal administratif ; qu'en décidant que la péremption de l'instance était acquise au motif qu'il n'était pas établi que Monsieur D... avait effectué l'ensemble des diligences de l'ordonnance de radiation du 20 mars 2014 subordonnant le rétablissement de l'affaire au rôle quand elle avait néanmoins constaté que l'affaire avait été remise au rôle et audiencée le 17 septembre 2015, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 386 du code de procédure civile et R. 1452-8 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. Selon l'article R. 1452-8 du code du travail, en matière prud'homale l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.

8. Pour interrompre la péremption, les parties doivent s'acquitter de l'ensemble des diligences mises à leur charge par l'ordonnance de radiation.

9. En procédure prud'homale, la remise au rôle n'implique pas en elle-même que les diligences prescrites par l'ordonnance de radiation ont été accomplies.

10. Ayant constaté que le salarié ne justifiait pas avoir communiqué ses pièces à la partie adverse dans les deux ans suivant la notification de l'ordonnance de radiation du 20 mars 2014, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la péremption était acquise.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Duvallet - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 386 du code de procédure civile ; article R. 1452-8 du code du travail.

Soc., 17 mars 2021, n° 19-21.349, (P)

Rejet

Procédure – Représentation des parties – Personnes habilitées – Mandataire – Défenseur syndical – Mandat donné à soi-même – Possibilité (non) – Portée

Un salarié, défenseur syndical, partie à une instance prud'homale, ne peut pas assurer sa propre représentation en justice devant la chambre sociale de la cour d'appel.

Appel – Acte d'appel – Validité – Conditions – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 18 juin 2019), rendu en référé, M. L... a saisi le 30 septembre 2018 la juridiction prud'homale de diverses demandes.

2. Le salarié a interjeté appel de l'ordonnance rendue le 16 novembre 2018.

La cour d'appel a invité les parties à s'expliquer sur le moyen de nullité de la déclaration d'appel tiré de ce que le salarié, par ailleurs défenseur syndical, avait, seul, interjeté appel de la décision de première instance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer nulle sa déclaration d'appel, alors :

« 1°/ que le défenseur syndical, qui peut représenter toute partie à un litige prud'homal, que ce soit en première instance ou en appel, dans la région où il a été désigné, peut également se représenter lui-même en justice dans les mêmes conditions et limites ; qu'en décidant le contraire, pour déclarer nulle la déclaration d'appel formée et déposée par M. L... en son nom, la cour d'appel a violé l'article R. 1461-1 du code du travail en sa rédaction applicable au litige ;

2°/ que les dispositions relatives au mandat qui interdiraient au défenseur syndical de se représenter lui-même en justice constituent une restriction injustifiée du droit d'accès au juge ; qu'en retenant que les dispositions relatives au mandat excluent que ''les personnes du mandant et du mandataire soient confondues'', la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article R. 1461-1 du code du travail en sa rédaction applicable au litige ;

3°/ que le juge est tenu de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office que M. L... ne justifiait pas d'un pouvoir spécial pour interjeter appel de l'ordonnance rendue par le conseil de prud'hommes de Besançon le 16 novembre 2018, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur cette fin de non-recevoir, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en conduisant la procédure d'appel à son terme, le défenseur syndical est réputé avoir ratifié le mandat qu'il s'est donné à lui-même pour interjeter appel d'une décision à laquelle il est partie ; qu'il n'est pas tenu, en conséquence, de justifier d'un pouvoir spécial à ce titre ; qu'en opposant dès lors à M. L... l'absence de pouvoir spécial pour interjeter appel de l'ordonnance rendue par le conseil de prud'hommes de Besançon le 16 novembre 2018, à laquelle il était partie, quand elle constatait que le salarié avait déposé des conclusions d'appel au soutien de sa déclaration d'appel et conduit la procédure d'appel jusqu'à son terme, la cour d'appel a violé l'article R. 1461-1 du code du travail en sa rédaction applicable au litige ;

5°/ que l'exigence imposée au défenseur syndical d'assortir la déclaration d'appel, faite à son nom et dans le cadre d'une instance à laquelle il est partie, d'un pouvoir spécial, constitue également une restriction injustifiée au droit d'accès au juge ; qu'en déclarant nulle la déclaration d'appel déposée par M. L..., faute de justifier d'un pouvoir spécial pour interjeter appel de l'ordonnance rendue par le conseil de prud'hommes de Besançon le 16 novembre 2018, à laquelle il était partie, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article R. 1461-1 du code du travail en sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

4. D'abord, selon l'article R. 1461-2 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, l'appel porté devant la chambre sociale de la cour d'appel est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire, prévue par le code de procédure civile, sous réserve de dispositions particulières.

Selon l'article L. 1453-4 du même code, dans sa version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, les parties doivent s'y faire représenter par un avocat ou par un défenseur syndical.

5. Ensuite, la représentation en justice, prévue par l'article 411 du code de procédure civile, est fondée sur un mandat.

Aux termes de l'article 1984 du code civil, le mandat est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.

6. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'un salarié, défenseur syndical, partie à une instance prud'homale, ne peut pas assurer sa propre représentation en justice.

7. Ces dispositions poursuivent un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'occurrence l'efficacité de la procédure d'appel et une bonne administration de la justice. Elles ne constituent pas une atteinte au droit à l'accès au juge d'appel dans sa substance même.

8. La cour d'appel a dès lors fait l'exacte application des textes invoqués en énonçant que le défenseur syndical, qui exerce un mandat de représentation en justice, ne peut pas confondre en sa personne les qualités de mandant et de mandataire et en a déduit à bon droit que la déclaration d'appel, formée par une personne qui n'en avait pas le pouvoir, était nulle.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Le Lay - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 1453-4, dans sa version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, et R. 1461-2, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, du code du travail ; article 411 du code de procédure civile ; article 1984 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur l'impossibilité pour un avocat d'assurer sa propre représentation au titre de l'article R. 431-2 du code de justice administrative, cf. : CE, 22 mai 2009, n° 301186, publié au Recueil Lebon ; CE, 10 juillet 2019, n° 417985, inédit au Recueil Lebon.

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