Numéro 3 - Mars 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2021

PROTECTION DES CONSOMMATEURS

1re Civ., 24 mars 2021, n° 19-21.254, (P)

Cassation

Cautionnement – Principe de proportionnalité – Critère d'appréciation – Biens et revenus à considérer – Biens grevés de sûretés

Cautionnement – Principe de proportionnalité – Critère d'appréciation – Biens et revenus déclarés – Fiche de renseignements – Absence d'anomalies apparentes – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 20 juin 2019), par acte du 7 mars 2009, la caisse régionale de Crédit mutuel [...] (la banque) a consenti à la société MGM moto (la société) un prêt de 160 000 euros.

Le même jour, M. et Mme G... (les cautions) se sont portés cautions solidaires, à concurrence de 52 000 euros, des engagements de la société à l'égard de la banque.

2. La société ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné les cautions en paiement. Celles-ci lui ont opposé la disproportion de leur engagement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt de dire que les engagements des cautions étaient manifestement disproportionnés à leurs patrimoines et revenus, de prononcer la déchéance de son droit de se prévaloir de ces engagements et de la condamner au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que le caractère disproportionné d'un cautionnement s'apprécie par rapport à l'ensemble des revenus et biens de la caution, la valeur de ces derniers fût-elle diminuée à raison des hypothèques ou autres suretés réelles les grevant ; qu'en l'espèce, il ressortait des termes mêmes de la fiche de renseignements remplie par les cautions, que chacune d'elles avait déclaré un patrimoine composé d'une résidence principale (170 000 euros), d'une résidence secondaire (60 000 euros), de parts de SCI (660 000 euros), de terrains (170 000 euros), d'un fonds de commerce (500 000 euros) et d'une épargne mobilière (6 000 euros) ; qu'en appréciant la proportionnalité des engagements des cautions au seul regard de leur fonds de commerce et de leur épargne au motif que les autres éléments d'actifs déclarés étaient grevés d'hypothèques ou de sûretés, sans expliquer en quoi ces sûretés auraient été de nature à retirer toute valeur aux biens sur lesquels ils portaient, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-3, du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 du code de la consommation :

4. Il résulte de ce texte que pour apprécier la proportionnalité de l'engagement d'une caution au regard de ses biens et revenus, les biens, quoique grevés de sûretés, lui appartenant doivent être pris en compte, leur valeur étant appréciée en en déduisant le montant de la dette dont le paiement est garanti par ladite sûreté, évalué au jour de l'engagement de la caution.

5. Pour dire les engagements des cautions manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus et déchoir la banque du droit de s'en prévaloir, l'arrêt relève que le patrimoine des deux cautions était grevé d'hypothèques ou de sûretés à l'exception du fonds de commerce d'une valeur déclarée de 500 000 euros et de leur épargne en assurance sur la vie d'une valeur de 6 000 euros, que leurs revenus mensuels sont de 3 000 et 3 500 euros et qu'ils ont déclaré un total d'emprunts à rembourser de 36 120 euros par an.

6. En se déterminant ainsi, sans préciser en quoi les sûretés auraient été de nature à retirer toute valeur aux biens qu'elles grevaient, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

7. La banque fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en l'absence d'anomalie apparente, le créancier n'a pas à vérifier l'exactitude des déclarations d'une caution quant à ses biens et revenus ; que lors de la conclusion du contrat de cautionnement, c'est à la caution qu'il revient d'apporter spontanément au créancier tous les éléments d'information sur sa situation patrimoniale et financière de nature à apprécier la proportionnalité de son engagement et non à la banque qu'il revient d'interroger de manière précise les cautions ; qu'en jugeant que les informations relatives au cautionnement antérieurement conclu par les cautions n'avaient pas à être apportées à la banque, dans la mesure où une telle information n'était pas expressément demandée dans les fiches de renseignements fournies par la banque, cependant que c'était aux cautions qu'il incombait d'apporter à la banque tous les éléments de nature à apprécier la proportion de leur engagement, la cour d'appel de Pau a violé l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-3, du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 341-4, devenu L. 332-1 du code de la consommation et 1134, alinéa 3, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

8. Il résulte de ces textes que la caution qui a rempli, à la demande de la banque, une fiche de renseignements relative à ses revenus et charges annuels et à son patrimoine, dépourvue d'anomalies apparentes sur les informations déclarées, ne peut, ensuite, soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle a déclarée au créancier.

9. Pour dire les engagements des cautions manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus et déchoir la banque du droit de s'en prévaloir, l'arrêt relève que les cautions s'étaient déjà engagées, l'une et l'autre, en qualité de caution personnelle et solidaire à concurrence de 214 500 euros auprès d'une autre banque moins de cinq mois avant les engagements litigieux, mais que cette information n'avait pas à figurer sur les fiches de renseignements, celle-ci ne leur ayant pas été demandée.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Serrier - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation.

Rapprochement(s) :

Com., 29 septembre 2015, pourvoi n° 13-24.568, Bull. 2015, IV, n° 13 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

Com., 24 mars 2021, n° 19-14.307, n° 19-14.404, (P)

Cassation partielle

Intérêts – Taux – Taux effectif global – Défaut de mention ou mention erronée – Sanction – Détermination – Déchéance du droit aux intérêts du prêteur dans la proportion fixée par le juge

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 19-14.307 et n° 19-14.404 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 novembre 2018), courant 2007, la société Dexia crédit local (la société Dexia) a consenti trois prêts à la Société anonyme de construction de la ville de Lyon (la SACVL), numérotés [...], [...] et [...].

3. Les trois contrats de prêts stipulaient que, pour une partie de leur durée, le taux d'intérêt serait un taux fixe de 3,68 % par an pour le premier prêt et de 3,20 % par an pour les deux derniers si le taux du change de l'euro en franc suisse était supérieur au taux du change de l'euro en dollar américain et que, dans le cas contraire, le taux d'intérêt serait égal au taux fixe stipulé pour chacun des contrats, augmenté de 30 % de la différence entre ces taux de change pour le premier prêt et de 26 % de cette différence pour les deux derniers.

4. Les contrats des prêts n° […] et […] ont été réitérés par deux actes notariés du 29 avril 2008, tandis que le contrat du prêt n° [...] a fait l'objet d'un avenant courant 2012 et a été renuméroté […].

5. Le 1er mars 2013, la SACVL a assigné la société Dexia pour obtenir notamment, à titre principal, l'annulation des stipulations d'intérêt des trois contrats de prêt et, à titre subsidiaire, la réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de la banque à son obligation d'information.

Examen des moyens

Sur les premier et quatrième moyens du pourvoi n° 19-14.307, les premier et deuxième moyens du pourvoi n° 19-14.404 et le troisième moyen de ce pourvoi, pris en sa première branche, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen du pourvoi n° 19-14.307, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société Dexia fait grief à l'arrêt d'annuler la stipulation d'intérêts conventionnels du contrat n° […] renuméroté […], de dire que le taux d'intérêt légal est applicable à compter du 22 juin 2012 et de la condamner à rembourser à la SACVL les intérêts perçus en excès du taux d'intérêt légal depuis cette date, alors « que la mention du taux effectif global ne constitue pas, dans un contrat de prêt structuré, une condition de validité de la stipulation du taux d'intérêt contractuel ; qu'en annulant néanmoins la stipulation du taux d'intérêt contractuel litigieuse en raison de l'inexactitude du taux effectif global indiqué dans l'avenant régularisé par les parties les 30 juillet et 13 août 2012, quand il résultait de ses propres constatations que le contrat de prêt était assorti d'une formule de détermination du taux d'intérêt à la fois indexée et structurée, la cour d'appel a violé l'article L. 313-2 du code de la consommation dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l'article 1907 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

8. La SACVL conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que celui-ci développe une thèse contraire à celle soutenue devant la cour d'appel par la société Dexia, selon laquelle le taux effectif global indiqué dans le contrat de prêt suffisait à informer la SACVL de l'évolution possible du taux d'intérêt de l'emprunt.

9. Cependant, cette thèse, qui ne présupposait pas que l'indication du taux effectif global était nécessaire, n'apparaît pas incompatible avec celle du moyen, qui conteste que la mention du taux effectif global constitue, dans un contrat de prêt structuré, une condition de validité de la stipulation du taux d'intérêt contractuel.

10. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 313-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 :

11. En application de ce texte, le taux effectif global, déterminé selon les modalités prévues par les dispositions du code de la consommation communes au crédit à la consommation et au crédit immobilier, doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de crédit.

12. En l'absence de sanction prévue par la loi, la Cour de cassation jugeait depuis de nombreuses années que l'inexactitude de la mention du taux effectif global dans l'écrit constatant tout contrat de crédit, de même que l'omission de la mention de ce taux, emportaient l'annulation de la clause stipulant l'intérêt conventionnel et la substitution à celui-ci de l'intérêt légal (1re Civ., 24 juin 1981, n° 80-12.903, Bull. n° 234 ; Com., 29 nov. 2017, n° 16-17.802 ; 1re Civ., 5 juin 2019, n° 18-16.360).

13. Toutefois, cette sanction, qui n'est susceptible d'aucune modération par le juge, ne permet pas de prendre en considération le préjudice subi par l'emprunteur, privé d'une chance de souscrire le contrat de crédit en connaissance du taux effectif global de celui-ci, et ce, en dépit de la jurisprudence selon laquelle cette sanction n'est pas encourue lorsque le taux effectif global est en réalité inférieur à celui mentionné (1re Civ., 12 oct. 2016, n° 15-25.034, Bull. n° 194, Com., 22 nov. 2017, n° 16-15.756) ou lorsque l'erreur affectant le taux effectif global mentionné est inférieure à un dixième de point de pourcentage (1re Civ., 26 novembre 2014, pourvoi n° 13-23.033 ; Com., 18 mai 2017, n° 16-11.147, Bull. n° 75).

14. En outre, dès lors que son incidence financière dépend de l'évolution du taux légal, cette sanction, dans le contexte d'une baisse tendancielle de ce taux, se révèle sans commune mesure avec le préjudice subi par l'emprunteur, tandis qu'à l'inverse, en cas de hausse de ce taux, elle peut se trouver privée de tout effet.

15. Le législateur est intervenu, dans un premier temps par la loi n° 2014-844 du 29 juillet 2014, pour écarter l'application de cette sanction aux contrats de prêt conclus, avant l'entrée en vigueur de cette loi, entre un établissement de crédit et une personne morale de droit public, la stipulation d'intérêts étant validée, sous certaines conditions, que le taux effectif global ne soit pas mentionné sur l'écrit constatant le contrat de prêt ou que le taux mentionné soit inférieur au taux déterminé conformément aux prescriptions du code de la consommation, l'emprunteur ayant droit, dans cette dernière hypothèse, au versement par le prêteur de la différence entre ces deux taux appliquée au capital restant dû à chaque échéance.

16. Le législateur a, ensuite, aux termes de l'article 55 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018, habilité le gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la consommation et du code monétaire et financier relatives au taux effectif global en vue de clarifier et d'harmoniser le régime des sanctions civiles applicables en cas d'erreur ou de défaut de ce taux.

17. Il résulte de l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 relative aux sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d'erreur du taux effectif global, prise en application de ce texte et qui généralise la sanction jusqu'alors applicable en cas d'irrégularité affectant la mention du taux effectif global dans une offre de crédit immobilier, qu'en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global dans un écrit constatant un contrat de prêt, le prêteur n'encourt pas l'annulation de la stipulation de l'intérêt conventionnel mais peut être déchu de son droit aux intérêts dans une proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l'emprunteur.

18. Si, conformément au droit commun, les dispositions de cette ordonnance ne sont applicables qu'aux contrats souscrits postérieurement à son entrée en vigueur, il apparaît nécessaire, compte tenu de l'évolution de ce contentieux et du droit du crédit, de modifier la jurisprudence de la Cour pour juger, désormais, à l'instar la première chambre civile (1re Civ., 10 juin 2020, n° 18-24.287, en cours de publication) qu'en cas d'omission du taux effectif global dans l'écrit constatant un contrat de crédit conclu avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 17 juillet 2019, comme en cas d'erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l'emprunteur.

19. Pour annuler la stipulation d'intérêts conventionnels du contrat n° […] et dire que le taux d'intérêt légal est applicable pour ce contrat à compter du 22 juin 2012, après avoir énoncé que le non-respect des dispositions des articles 1907, alinéa 2, du code civil et L. 313-2 (lire L. 313-4) du code monétaire et financier est sanctionné par la nullité relative de la stipulation d'intérêts, l'arrêt retient que la SACVL est fondée à prétendre que le taux effectif global indiqué dans l'avenant du 22 juin 2012 est erroné.

20. En statuant ainsi, alors que l'inexactitude du taux effectif global mentionné dans l'avenant au contrat de prêt emportait, non l'annulation de la stipulation du taux de l'intérêt conventionnel et la substitution à celui-ci de l'intérêt légal, mais la déchéance de la banque de son droit aux intérêts dans la proportion qu'il lui appartenait de fixer au regard, notamment, du préjudice subi par la SACVL, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen du pourvoi n° 19-14.404, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

21. La SACVL fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation, alors « que le banquier est tenu de délivrer à son client, même averti, une information sincère et complète quant à l'opération envisagée, en ce compris ses inconvénients et ses caractéristiques les moins favorables ; qu'en retenant que « la banque Dexia avait remis à la SACVL des documents précis, notamment datés du 19 juin et 25 octobre 2007, comportant les formules de calcul des intérêts, qui, pour être complexes, n'en étaient pas moins compréhensibles pour un emprunteur averti tel que la SACVL, expérimenté, capable de constater le mode de calcul des intérêts à un taux variable selon les périodes de remboursement et d'en saisir le sens et la portée à l'aide notamment des graphiques présentant l'historique des indices connus à l'époque de conclusion des contrats », sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Dexia n'avait pas manqué à son obligation d'information en s'abstenant de communiquer sur le risque de variabilité du coût de sortie des contrats et sur le risque de dégradation des taux variables et en se bornant à faire état de données historiques, sans préciser que ces données n'avaient aucune valeur prédictive, et sans présenter de données prospectives, notamment les moins favorables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code civil :

22. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Un défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

23. Pour rejeter la demande d'indemnisation de la SACVL, l'arrêt retient que la banque avait pour seule obligation d'informer complètement cette société sur les caractéristiques des prêts afin d'éclairer sa décision et qu'à cet égard, la banque lui a remis des documents précis comportant les formules de calcul des intérêts qui, pour être complexes, n'en étaient pas moins compréhensibles pour un emprunteur averti tel que la SACVL, expérimenté, capable de constater le mode de calcul des intérêts à un taux variable selon les périodes de remboursement et d'en saisir le sens et la portée à l'aide notamment des graphiques présentant l'historique des indices connus à l'époque de la conclusion des contrats.

24. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la SACVL qui soutenait que la banque avait manqué à son obligation d'information en s'abstenant de lui communiquer les éléments susceptibles d'influer sur le coût de sortie des contrats, afin de lui permettre de s'engager en connaissance des risques affectant les conditions de leur résiliation anticipée, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il déboute la SACVL de sa demande de dommages-intérêts, en ce qu'il prononce la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels pour le contrat n° […] renuméroté […], en ce qu'il dit que le taux d'intérêt légal est applicable pour ce contrat à compter du 22 juin 2012, en ce qu'il condamne la société Dexia à rembourser à la SACVL les intérêts perçus en excès du taux d'intérêt légal depuis cette date pour le contrat n° […] renuméroté […] et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 27 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Blanc - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article L. 313-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 ; article 455 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens, à rapprocher : 1re Civ., 10 juin 2020, pourvoi n° 18-24.287, Bull. 2020, (rejet).

2e Civ., 4 mars 2021, n° 19-24.151, (P)

Cassation partielle

Surendettement – Commission de surendettement – Saisine du juge des contentieux de la protection – Vérification des créances – Preuve de la créance – Détermination

Surendettement – Commission de surendettement – Saisine du juge des contentieux de la protection – Vérification des créances – Office du juge – Détermination – Portée

Il résulte des articles L. 723-3 et R. 723-7 du code de la consommation que lorsque la créance dont la vérification est demandée n'est pas contestée en son principe, le juge ne peut pas l'écarter au motif que le créancier ne produit pas les pièces justificatives sans inviter préalablement celui-ci à les produire. Méconnaît dès lors son office, le juge qui écarte une créance au motif que l'historique de compte y afférent n'est pas produit.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort (tribunal d'instance de Paris, 09 septembre 2019), une commission de surendettement, après avoir déclaré recevable la demande de M. D... tendant au traitement de sa situation de surendettement, a saisi, à la demande de ce dernier, le juge d'un tribunal d'instance d'une demande de vérification de plusieurs créances, dont celles de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Côtes-d'Armor (la banque).

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. La banque fait grief au jugement d'écarter de la procédure de traitement de la situation de surendettement de M. D... les créances qui suivent : une créance de 3 373,19 euros, une créance de 6 465,49 euros, une créance de 1 904,51 euros, une créance 6 640,02 euros et une créance de 2 806,12 euros, alors :

« 1°/ que la créance qui figure sur l'état du passif dressé par la commission de surendettement des particuliers, et qui a fait l'objet d'une contestation de la part du débiteur, est écartée de la procédure de traitement de la situation de surendettement, lorsque sa validité ou celle du titre qui la constate n'est pas reconnue ; qu'en écartant de la procédure de traitement de la situation de surendettement de M. P... D... la créance de la Crcam des Côtes-d'Armor figurant à l'état du passif dressé par la commission de surendettement des particuliers, quand M. P... D..., qui contestait le seul taux de cette créance, en reconnaissait par là même la validité, le tribunal d'instance a violé l'article R. 723-7, alinéa 2, du code de la consommation ;

2°/ que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et que, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation : qu'il appartenait à M. P... D..., qui contestait seulement le taux des créances déclarées par la Crcam des Côtes-d'Armor et retenues par la commission de surendettement des particuliers dans l'état du passif qu'elle a dressé, d'administrer la preuve de la libération partielle qu'il invoquait ; qu'en relevant, pour écarter la créance de la Crcam des Côtes-d'Armor de la procédure dont il était saisi, que la Crcam des Côtes-d'Armor ne produit ni les contrats de prêt dont les créances déclarées sont résultées, ni les historiques de compte correspondants, le tribunal d'instance, qui impose à la Crcam des Côtes-d'Armor une preuve dont la charge incombait exclusivement à M. P... D..., a violé l'article 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

3. Ayant constaté que, malgré l'injonction qui lui avait été faite, la banque ne produisait ni les contrats de prêts ni les historiques de compte, seuls documents permettant la vérification des cinq créances dont M. D... contestait le montant, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, et sans inverser la charge de la preuve, que le tribunal a estimé que ces créances, faute de preuve des montants réclamés, devaient être écartées de la procédure de surendettement.

4. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. La banque fait grief au jugement d'écarter de la procédure de traitement de la situation de surendettement de M. D..., sa créance immobilière de 27 736, 05 euros, alors « que l'office du juge de la vérification des créances déclarées lui commande de réclamer au créancier déclarant dont le droit n'est pas contesté dans son principe, la production des pièces justificatives qu'il estime nécessaires à la manifestation de la vérité ; qu'en relevant, pour écarter la créance immobilière que la Crcam des Côtes-d'Armor a déclarée, et que la commission de surendettement des particuliers a retenue dans l'état du passif qu'elle a dressé, que la Crcam des Côtes-d'Armor « ne produit pas l'historique de compte afférent [au] contrat de prêt » d'où résulte cette créance immobilière, le tribunal d'instance, qui ne constate pas qu'il a réclamé à la Crcam des Côtes-d'Armor la production de l'historique de compte qu'il estime nécessaire à la manifestation de la vérité, a violé l'article R. 723-6 du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 723-3 et R. 723-7 du code de la consommation :

6. Il résulte de ces textes que lorsque la créance dont la vérification est demandée n'est pas contestée en son principe, le juge ne peut pas l'écarter au motif que le créancier ne produit pas les pièces justificatives sans inviter préalablement celui-ci à les produire.

7. Pour écarter de la procédure de surendettement la créance immobilière de la banque, le jugement retient que celle-ci produit le contrat de prêt et le tableau d'amortissement mais ne produit pas l'historique de compte afférent à ce contrat de prêt, alors que les relevés de compte courant de M. D... ne sauraient permettre la vérification de la créance immobilière détenue par la banque.

8. En statuant ainsi, le juge du tribunal d'instance a méconnu son office et violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a écarté de la procédure de surendettement la créance immobilière d'un montant de 27 736,04 euros (00355586191), le jugement rendu le 09 septembre 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Yves et Blaise Capron -

Textes visés :

Articles L. 723-3 et R. 723-7 du code de la consommation.

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