Numéro 3 - Mars 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2021

PRESCRIPTION CIVILE

3e Civ., 25 mars 2021, n° 20-10.947, (P)

Cassation

Action imprescriptible – Action en revendication – Applications diverses – Action en expulsion de l'occupant sans droit ni titre

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 novembre 2019), le 21 septembre 1962, Mme Y... a été embauchée par la Caisse centrale de crédit hôtelier, commercial et industriel, aux droits de laquelle vient la société Bpifrance Financement.

2. Le 13 janvier 1975, un logement a été mis à sa disposition par son employeur à titre d'accessoire à son contrat de travail.

3. Le 31 juillet 2004, Mme Y... a pris sa retraite et a continué à occuper les lieux.

4. Le 25 juillet 2014, souhaitant vendre le logement libre d'occupation, la société Bpifrance Financement a délivré à Mme Y... un congé à effet du 31 juillet 2015.

5. Mme Y... ayant refusé de libérer les lieux, au motif qu'elle bénéficiait d'un bail d'habitation, la société Bpifrance Financement l'a assignée en expulsion.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. La société Bpifrance Financement fait grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable comme prescrite, alors « que l'action du propriétaire tendant à l'expulsion d'un occupant sans droit ni titre est imprescriptible ; qu'est sans droit ni titre l'occupant qui se maintient dans son logement de fonction après le terme de son contrat de travail ; qu'en jugeant que l'action de la société Bpifrance Financement tendant à l'expulsion de Mme Y... était une action personnelle soumise à la prescription quinquennale de droit commun dès lors qu'elle dérivait d'un contrat, quand elle constatait que cette action tendait à l'expulsion de l'occupante d'un logement de fonction constituant l'accessoire de son contrat de travail qui avait pris fin, ce dont il résultait que cette action avait pour objet l'expulsion d'un occupant sans droit ni titre et qu'elle était, par conséquent, imprescriptible, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 2227 du code civil. » Réponse de la Cour

Vu les articles 544 et 2227 du code civil :

7. Selon le premier de ces textes, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

Selon le second, le droit de propriété est imprescriptible.

8. La revendication est l'action par laquelle le demandeur, invoquant sa qualité de propriétaire, réclame à celui qui la détient la restitution de son bien (3e Civ., 16 avril 1973, pourvoi n° 72-13.758, Bull., III, n° 297).

9. Pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action de la société Bpifrance Financement, l'arrêt retient qu'elle tend à l'expulsion de l'occupante d'un logement de fonction constituant l'accessoire d'un contrat de travail qui a pris fin, le terme de la convention interdisant à l'ancienne salariée de se maintenir dans les lieux, de sorte qu'il ne s'agit pas d'une action de nature réelle immobilière, mais d'une action dérivant d'un contrat soumise à la prescription quinquennale de droit commun.

10. L'arrêt retient encore qu'en application de l'article 26 II de la loi du 17 juin 2008, un nouveau délai de cinq ans a commencé à courir le 19 juin 2008 pour expirer le 19 juin 2013, de sorte que l'action engagée le 24 septembre 2015 est atteinte par la prescription.

11. En statuant ainsi, alors que l'action en expulsion d'un occupant sans droit ni titre, fondée sur le droit de propriété, constitue une action en revendication qui n'est pas susceptible de prescription, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Parneix - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles 544 et 2227 du code civil.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 16 avril 1973, pourvoi n° 72-13.758, Bull. 1973, III, n° 297 (rejet) ; 3e Civ., 9 juillet 2003, pourvoi n° 02-11.612, Bull. 2003, III, n° 156 (rejet), et l'arrêt cité.

Com., 24 mars 2021, n° 19-23.413, (P)

Cassation partielle

Interruption – Causes – Citation en justice – Déclaration des créances – Portée – Créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble est inopposable – Absence de décision statuant sur la demande d'admission

Il résulte des articles L. 526-1, alinéa 1, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 juin 2010 applicable en la cause, et L. 622-24 de ce code qu'un créancier inscrit à qui est inopposable la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble appartenant à son débiteur, et qui peut donc faire procéder à la vente sur saisie de cet immeuble, a également la faculté de déclarer sa créance au passif de la procédure collective du débiteur. S'il fait usage de cette faculté, il bénéficie de l'effet interruptif de prescription attaché à sa déclaration de créance, cet effet interruptif se prolongeant en principe jusqu'à la date de la décision ayant statué sur la demande d'admission, dès lors que ce créancier n'est pas dans l'impossibilité d'agir sur l'immeuble au sens de l'article 2234 du code civil. Toutefois, lorsque aucune décision n'a statué sur cette demande d'admission, l'effet interruptif de prescription attaché à la déclaration de créance se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 18 juillet 2019), par un acte notarié du 31 octobre 2006, la société Caisse d'épargne et de prévoyance Normandie (la banque) a consenti à M. K..., artisan, un prêt de 128 767 euros, destiné à l'acquisition d'un immeuble constituant sa résidence principale et remboursable en plusieurs mensualités.

La banque a inscrit sur l'immeuble un privilège de prêteur de deniers à concurrence de la somme 154 520,40 euros, publié le 7 décembre 2006.

2. Par un acte notarié du 2 mars 2012, M. K... a fait une déclaration d'insaisissabilité de l'immeuble acquis au moyen du prêt.

3. Les 3 septembre et 29 octobre 2013, M. K... a été mis en redressement puis liquidation judiciaires.

Le 18 septembre 2013, la banque a déclaré au passif sa créance au titre du solde du prêt.

Le 12 septembre 2017, la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif, sans que soit rendue une décision d'admission de la créance de la banque, en l'absence de vérification du passif.

4. Le 28 février 2018, la banque a délivré à M. K... un commandement de payer valant saisie immobilière portant sur l'immeuble financé par le prêt, avant de l'assigner à l'audience d'orientation du juge de l'exécution le 15 juin 2018.

5. Devant le juge de l'exécution, M. K... a, notamment, soulevé la prescription de l'action de la banque.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer son action prescrite, alors « que lorsqu'un créancier poursuivant n'est pas dans l'impossibilité d'agir sur un immeuble, au sens de l'article 2234 du code civil, l'effet interruptif de prescription de sa déclaration de créance prend fin à la date de la décision ayant statué sur la demande d'admission ; qu'ainsi, cet effet interruptif se prolonge aussi longtemps qu'il n'est pas statué sur la demande d'admission ; qu'en déclarant néanmoins prescrite l'action en paiement de la société Caisse d'épargne et de prévoyance Normandie, sans constater qu'une décision avait statué sur la demande d'admission de sa créance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2241 et 2242 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 526-1, alinéa 1, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 juin 2010 applicable en la cause, et l'article L. 622-24 du même code :

7. Un créancier inscrit à qui est inopposable la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble appartenant à son débiteur, et qui peut donc faire procéder à la vente sur saisie de cet immeuble, a également la faculté de déclarer sa créance au passif de la procédure collective du débiteur. S'il fait usage de cette faculté, il bénéficie de l'effet interruptif de prescription attaché à sa déclaration de créance, cet effet interruptif se prolongeant en principe jusqu'à la date de la décision ayant statué sur la demande d'admission, dès lors que ce créancier n'est pas dans l'impossibilité d'agir sur l'immeuble au sens de l'article 2234 du code civil. Toutefois, lorsque aucune décision n'a statué sur cette demande d'admission, l'effet interruptif de prescription attaché à la déclaration de créance se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective.

8. Pour déclarer prescrite l'action de la banque, l'arrêt, ayant relevé que le délai de prescription applicable est celui de deux ans prévu par l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, que la déchéance du terme du prêt est intervenue le 29 octobre 2013, et que la déclaration notariée d'insaisissabilité est inopposable à la banque eu égard à sa date, en déduit que, la banque, qui n'était pas dans l'impossibilité d'agir sur l'immeuble lorsqu'elle a déclaré sa créance, ne peut bénéficier de la prolongation de l'effet interruptif de la prescription jusqu'à la clôture de la procédure collective, en l'absence de décision d'admission de sa créance due à l'absence de vérification du passif.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite l'action en paiement de la société Caisse d'épargne et de prévoyance Normandie, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 18 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat(s) : SCP Lévis ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 526-1, alinéa 1, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 juin 2010 ; article L. 622-24 du code de commerce ; article 2234 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur la durée de l'interruption de la prescription au profit d'un créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité est inopposable, à rapprocher : Com., 12 juillet 2016, pourvoi n° 15-17.321, Bull. 2016, IV, n° 109 (rejet).

2e Civ., 18 mars 2021, n° 19-21.411, (P)

Cassation

Prescription quinquennale – Article 2224 du code civil – Domaine d'application – Remboursement des trop-perçus

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Gap, 14 février 2019), rendu en dernier ressort, l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (l'IRCANTEC), ayant constaté qu'une pension de réversion avait été servie à Mme U... alors que celle-ci s'était remariée, l'a assignée le 26 octobre 2018 en restitution des sommes indûment perçues.

Sur le moyen

Enoncé du moyen

2. L'IRCANTEC fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande irrecevable en raison de la prescription de sa créance, alors « que l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale prévoit que toute demande de remboursement de prestations de vieillesse et d'invalidité est prescrite par un délai de deux ans à compter de leur paiement ; que cette disposition vise exclusivement les sommes versées au bénéficiaire au titre des prestations légales de vieillesse et d'invalidité ; que les institutions de retraite complémentaire visées par le livre IX du code de la sécurité sociale sont, en revanche, fondées à réclamer la restitution des prestations indûment versées en application des dispositions des articles 1302, 1302-1 du code civil ; que, conformément à l'article 2224 du même code, le délai de prescription quinquennal pour l'action de répétition de l'indû commence à courir le jour où « le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer » ; que le tribunal de Gap a constaté que « le délai de prescription des prestations de l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale est biennal et court à compter du premier versement, que la date du premier versement de la prestation de réversion servie à Mme U... est du 21 décembre 2009 et qu'en conséquence la prescription était acquise au 21 décembre 2011 » ; qu'en statuant ainsi, alors que l'action formée en restitution des sommes indûment versées par l'IRCANTEC est soumise au délai de droit commun, le tribunal a violé à la fois l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale et l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224 du code civil et L. 355-3 du code de la sécurité sociale :

3. Selon le premier de ces textes, applicable sauf texte particulier, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

4. Selon le second de ces textes, toute demande de remboursement de trop-perçu en matière de prestations de vieillesse et d'invalidité est prescrite par un délai de deux ans à compter du paiement desdites prestations dans les mains du bénéficiaire, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration.

5. Il résulte de ces textes que la prescription prévue par le second de ces textes ne s'applique pas aux indus afférents au remboursement des trop-perçus des prestations servies par le régime de retraite complémentaire obligatoire des agents publics non titulaires mentionnés à l'article L. 921-2-1 du code de la sécurité sociale, lesquels relèvent de la prescription prévue par le premier.

6. Pour déclarer l'IRCANTEC irrecevable en sa demande, le jugement retient en substance qu'en application de l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale, la créance invoquée par l'IRCANTEC, correspondant à un premier versement effectué le 21 décembre 2009, était atteinte par la prescription biennale depuis le 23 décembre 2011.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par refus d'application, le second par fausse application.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 14 février 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Gap ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Grenoble.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Gauthier - Avocat(s) : SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin ; SCP Melka-Prigent-Drusch -

Textes visés :

Article L. 355 du code de la sécurité sociale ; article 2224 du code civil.

Rapprochement(s) :

Soc., 5 mai 1995, pourvoi n° 92-10.456, Bull. 1995, V, n° 147 (cassation) ; 2e Civ., 16 décembre 2003, pourvoi n° 01-17.627, Bull. 2003, II, n° 387 (cassation partielle) ; 2e Civ., 6 mars 2008, pourvoi n° 07-12.677, Bull. 2008, II, n° 60 (cassation).

Soc., 31 mars 2021, n° 19-22.557, (P)

Cassation partielle

Prescription quinquennale – Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 – Dispositions transitoires – Application – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 juillet 2019), Mme U... a été engagée en 1976 par la société Groupe Drouot, aux droits de laquelle sont venues les sociétés Axa France vie et Axa France Iard (la société Axa). Elle a été désignée représentante syndicale en 1977, et est devenue permanente syndicale à compter de 1997.

La salariée a fait valoir ses droits à la retraite en décembre 2011.

2. Le 10 avril 2012, la salariée a saisi la juridiction prud'homale en invoquant une discrimination syndicale dans le déroulement de sa carrière.

Le syndicat CGT Axa Marly-le-Roi et l'union locale CGT de Clayes-sous-Bois (les syndicats) sont intervenus volontairement à l'audience.

Examen du moyen

Sur le moyen pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

3. La salariée et les syndicats font grief à l'arrêt de débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes et de déclarer irrecevable l'intervention volontaire des syndicats, alors :

« 1°/ qu'avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination était soumise à la prescription trentenaire de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction alors applicable ; que selon l'article 26 II de la loi susvisée, les dispositions qui réduisent le délai de prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; que les agissements discriminatoires allégués subis postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 se prescrivent par cinq ans ; qu'en déclarant entièrement prescrite l'action introduite le 19 avril 2012 par Mme U... en réparation du préjudice résultant de faits discriminatoires allégués commis jusqu'à sa mise à retraite le 1er décembre 2011 au motif, adopté du jugement, qu'elle avait eu « connaissance de faits susceptibles de revêtir la qualification de discrimination syndicale » à compter de la réception de la lettre de l'inspection du travail du 5 novembre 1981, ce qui au mieux prescrivait les faits antérieurs à cette date mais n'interdisait nullement à la salariée de faire reconnaître les faits de discrimination allégués commis postérieurement jusqu'à sa mise à la retraite le 1er décembre 2011 sur la période non prescrite, la cour d'appel a violé les articles 2262 du code civil alors applicable, 26 II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et L. 1134-5 du code du travail ;

2°/ que si la prescription interdit la prise en compte de faits couverts par elle, le salarié demeure recevable à faire reconnaître la discrimination subie au cours de la période non prescrite ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que Mme U..., embauchée le 1er septembre 1976, en qualité d'employée de restaurant, est devenue employée administrative affectée au service Groupe Central particuliers le 1er septembre 1982 et qu'elle occupait en dernier lieu le poste de rédacteur polyvalent gestion recouvrement et/ou contentieux ; que selon le jugement confirmé, Mme U... a notamment allégué, au soutien de son action, n'avoir effectué que des tâches administratives sans rapport avec ses compétences sur le poste sur lequel elle a été affectée en septembre 1982 suite à l'intervention de l'inspection du travail, n'avoir jamais été augmentée même lors de ses changements de poste, une stagnation de sa classification au poste de rédacteur en dépit de l'obtention d'une capacité en droit, l'absence d'entretien annuel d'appréciation à partir de 1997 ainsi que la non application d'un avenant à un accord-cadre dont ont pourtant bénéficié d'autres délégués permanents syndicaux qui ont été promus cadres classe 5 et qui se sont vus accordés une formation d'une année ; qu'en se bornant à retenir, par motifs adoptés, que Mme U... avait eu « connaissance de faits susceptibles de revêtir la qualification de discrimination syndicale » à compter de la réception de la lettre de l'inspection du travail du 5 novembre 1981 pour déclarer son action prescrite depuis le 5 novembre 2011 sans rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si les faits de discrimination syndicale allégués subis par la salariée dans le déroulement de sa carrière postérieurement à l'intervention de l'inspection du travail jusqu'à son départ à la retraite le 1er décembre 2011 étaient également prescrits à la date de saisine de la juridiction prud'homale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2262 du code civil alors applicable, 26 II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et L. 1134-5 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1134-5 du code du travail et l'article 26 II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 :

4. Aux termes du premier de ces textes, l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.

5. Avant l'entrée en vigueur de la loi susvisée du 17 juin 2008 l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination était soumise à la prescription trentenaire de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction alors applicable.

Selon l'article 26 II de la loi susvisée, les dispositions qui réduisent le délai de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

6. Pour dire prescrite l'action relative à une discrimination engagée par la salariée le 10 avril 2012, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la salariée se plaint d'une discrimination syndicale remontant à septembre 1977, qu'il n'est pas sérieusement contestable que la salariée avait connaissance de faits susceptibles de revêtir la qualification de discrimination syndicale depuis qu'en août 1981 elle avait fait état de cette discrimination et sollicité un changement de poste, et que l'inspecteur du travail avait relayé cette réclamation dans un courrier du 5 novembre 1981, si bien que le délai de prescription a expiré le 5 novembre 2011.

7. En statuant ainsi, alors que si la salariée faisait état d'une discrimination syndicale ayant commencé dès l'obtention de son premier mandat en 1977 et dont elle s'est plainte en 1981, période couverte par la prescription trentenaire, elle faisait valoir que cette discrimination s'était poursuivie tout au long de sa carrière en terme d'évolution professionnelle, tant salariale que personnelle, ce dont il résultait que la salariée se fondait sur des faits qui n'avaient pas cessé de produire leurs effets avant la période non atteinte par la prescription, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux dernières branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la mise hors de cause de la société Axa France assurance et déclare recevable l'intervention volontaire des sociétés Axa France vie et Axa France Iard, l'arrêt rendu le 11 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 1134-5 du code du travail ; article 26, II, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.

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