Numéro 3 - Mars 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2021

IMPOTS ET TAXES

Com., 3 mars 2021, n° 19-22.397, (P)

Cassation partielle

Enregistrement – Impôt de solidarité sur la fortune – Déclaration – Réduction impôt de solidarité sur la fortune (ISF)/petites et moyennes entreprises (PME) – Souscription au capital d'une société remplissant les conditions fixées par la loi – Etat individuel – Portée

L'article 885-0, V bis, du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008, a institué le principe d'une réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), à hauteur de 75 % de versements effectués dans le capital de sociétés éligibles aux conditions qu'il prévoit. Il résulte de l'article 299 septies de l'annexe III du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2008-336 du 14 avril 2008, que lorsqu'un contribuable souscrit au capital d'une telle société, celle-ci lui délivre un état individuel, précisant, notamment, qu'elle satisfait aux conditions exigées par ce texte, qu'il peut joindre à sa déclaration d'ISF ou fournir dans les trois mois suivant la date limite de dépôt de sa déclaration. Si la remise de ce document est une formalité nécessaire à l'obtention de l'avantage en cause, elle ne suffit pas à démontrer que les conditions prévues à l'article 885-0, V bis, sont réunies et ne confère aucun droit au contribuable à bénéficier de la réduction d'impôt à laquelle il prétend, fût-il de bonne foi. Enfin, aucune règle n'impose à l'administration d'établir, avant de procéder à la rectification de l'imposition du contribuable, qu'il avait connaissance du caractère erroné de ce document, joint à sa déclaration.

En dehors des garanties prévues aux articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, qui permettent au contribuable, dans les conditions et limites fixées par ces textes, d'opposer à l'administration l'interprétation d'un texte fiscal qu'elle a formellement admise ou une prise de position formelle de sa part sur une situation de fait au regard d'un texte fiscal, le principe selon lequel une partie ne peut se contredire au détriment d'autrui n'est pas applicable à l'administration fiscale, qui ne peut renoncer à l'application des textes législatifs ou réglementaires définissant les obligations des contribuables, quelle que soit sa position avant la procédure contentieuse.

Il résulte de l'article 885-0 V bis du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008, que les contribuables qui souscrivent au capital d'une société constituant une petite ou moyenne entreprise (PME) exerçant exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale et se trouvant en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expansion, au sens des lignes directrices concernant les aides d'Etat visant à promouvoir les investissements en capital-investissement dans les PME (2006 / C 194 / 02), peuvent bénéficier d'une réduction d'ISF, à concurrence de 75 % du montant de leur investissement.

Est assimilée à une telle société la société holding qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales constituant des PME exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale et se trouvant en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expansion, et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.

Si la qualification de holding animatrice n'est pas subordonnée à une participation majoritaire au capital d'une filiale exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale, une société holding qui ne contrôle aucune filiale opérationnelle ne peut cependant être qualifiée de holding animatrice et ne peut donc être assimilée aux PME visées par l'article 885-0 V bis du code général des impôts, de sorte que la souscription à son capital n'est pas éligible à la réduction d'ISF prévue par ce texte.

Prive sa décision de base légale la cour d'appel qui retient qu'une société holding a participé activement à la conduite de la politique de son groupe en se fondant sur des éléments tenant uniquement au pouvoir d'animation résultant de la structure mise en place et des moyens dont la société disposait pour animer sa filiale, sans constater concrètement qu'elle avait mis en oeuvre ces moyens.

Redressement et vérifications (règles communes) – Garantie – Contradiction au détriment d'autrui – Application à l'administration fiscale (non)

Impôt de solidarité sur la fortune – Calcul – Réduction – Conditions – Souscription au capital d'une société remplissant les conditions fixées par la loi – Holding animatrice – Applications diverses – Holding ne contrôlant aucune filiale opérationnelle (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 2 juillet 2019), M. et Mme D..., assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), ont, afin de bénéficier d'une réduction d'impôt conformément à l'article 885-0 V bis du code général des impôts, joint à leurs déclarations d'impôt des années 2009 et 2010 une attestation de la société Finaréa équinoxe certifiant qu'ils avaient investi une certaine somme dans le capital de cette société, se présentant comme une société holding animatrice de groupe.

2. Considérant que la société Finaréa équinoxe n'avait pas cette qualité, de sorte que M. et Mme D... ne pouvaient prétendre à l'avantage en cause, l'administration fiscale leur a adressé une proposition de rectification.

3. M. et Mme D... ont assigné la direction générale des finances publiques, représentée par l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction du contrôle fiscal Centre-Est, afin d'obtenir la décharge des rappels d'ISF pour les années 2009 et 2010.

Examen des moyens

Sur les premier et quatrième moyens du pourvoi incident

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen du pourvoi incident, qui, bien qu'éventuel, est préalable

Enoncé du moyen

5. M. et Mme D... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de communication et leur demande d'annulation de la procédure, alors :

« 1°/ qu'une réponse ministérielle ayant valeur de doctrine administrative doit être lue et appliquée sans être interprétée ; que le contexte de la question est sans incidence sur les conditions de son application, de sorte, notamment, que le texte de la question du parlementaire à l'occasion de laquelle la réponse a été donnée, texte de la question qui n'est pas repris dans la doctrine administrative consolidée, ne peut en rien limiter, amender, ou élargir, la portée de la réponse, laquelle doit être prise pour elle-même ; qu'au cas présent, M. et Mme D... avaient rappelé les termes de la réponse ministérielle aux questions posées par MM. F... et T..., en leur qualité de parlementaire, réponse selon laquelle tout contribuable destinataire d'une attestation pouvait s'en prévaloir, sauf pour le service à démontrer à la fois que l'attestation serait erronée (pour « attester » un élément inexact) et que le contribuable destinataire de ladite attestation avait connaissance de ce caractère erroné (de sorte qu'il était de mauvaise foi) ; que M. et Mme D... avaient souligné que cette réponse était rédigée en des termes on ne peut plus généraux, reprenant toutes les formes d'attestations visées à l'article 1740 A du code général des impôts, qui est un texte général nullement restreint au cas des attestations émises par les associations bénéficiaires de dons effectués par des contribuables soumis à l'impôt sur le revenu ; qu'en considérant que cette réponse serait cantonnée, dans sa portée, à l'impôt sur le revenu, ainsi qu'à la situation du contribuable ayant effectué un don à une association, cependant que cette restriction ne pouvait ressortir que des termes de la question ayant servi de prétexte ou de contexte à la réponse, mais qu'elle ne se lisait en rien dans la réponse elle-même, la cour d'appel a violé l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales, ensemble le principe de lecture littérale de la doctrine administrative, fût-elle énoncée par voie de réponse ministérielle ;

2°/ qu'il en va d'autant plus ainsi que l'attestation émise par une holding certifiant avoir la qualité de « holding animatrice » au sens et pour les besoins de l'application de la réduction ISF-PME prévue par l'article 885-0 V bis du code général des impôts, atteste également de ce que le même investissement ouvre droit, alternativement et au choix du contribuable, à la réduction dite IR-PME (article 199 terdecies-0-A du code général des impôts) ; qu'il s'agit en effet d'une attestation établie selon un modèle unique dicté par l'article 299 septies de l'annexe III au code général des impôts, non différencié selon que ladite attestation servira à une réduction d'impôt sur la fortune ou d'impôt sur le revenu ; de sorte qu'en cantonnant la valeur de l'attestation émise par la société Finaréa équinoxe à la réduction ISF-PME, pour lui dénier toute valeur en matière d'impôt sur le revenu, la cour d'appel a violé l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales, ensemble l'article 299 septies de l'annexe III au code général des impôts ;

3°/ que, dans leurs conclusions d'appel, les contribuables soulignaient que l'idée de reconnaître une valeur aux attestations dont sont destinataires les contribuables, pour n'accepter qu'elles ne soient écartées par le juge qu'en cas de preuve à la fois de leur caractère inexact et de ce que le contribuable connaissait cette inexactitude (donc qu'il était de mauvaise foi), était certes énoncée dans les réponses ministérielles discutées, mais qu'il s'agissait d'une norme de droit naturel, inhérente aux principes régissant l'action de l'administration fiscale ; qu'en ne procédant à aucune recherche à cet égard, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des principes de confiance légitime, de sécurité juridique, de loyauté de l'action de l'Etat, ainsi que du principe selon lequel l'Etat ne peut mal faire ;

4°/ qu'en ne répondant pas au moyen précité des conclusions d'appel de M. et Mme D..., la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

5°/ que la production d'une attestation en bonne et due forme par le contribuable est la seule condition d'application de la réduction ISF-PME ; qu'en prétendant contester l'application de cette réduction au cas de M. et Mme D..., sans remettre en cause ladite attestation, la cour d'appel a violé les articles 885-0 V bis et 299 septies de l'annexe III au code général des impôts. »

Réponse de la Cour

6. En premier lieu, après avoir constaté que M. et Mme D... se prévalaient de la doctrine administrative pour soutenir que les attestations de souscription émises par la société Finaréa équinoxe faisaient échec à la rectification dont ils avaient fait l'objet, la cour d'appel a énoncé à bon droit, par motifs adoptés, que les réponses ministérielles sont assimilées à des instructions ou circulaires pour l'application du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, sous réserve qu'elles se rapportent à la détermination de la base imposable ou à l'assiette de l'impôt et qu'elles émanent de l'autorité compétente, et que le juge doit se borner à faire une application littérale de la doctrine administrative sans chercher à l'interpréter. Elle a ensuite relevé, par motifs adoptés, que les réponses ministérielles dites « F... » et « T... », invoquées par M. et Mme D..., concernaient, en matière d'impôt sur le revenu, les reçus délivrés en l'échange de dons par des associations et en a exactement déduit que la portée des attestations litigieuses, établies pour un autre impôt, l'ISF, et délivrées par une société au capital de laquelle les contribuables avaient souscrit, ne pouvait être comparée à celle des attestations délivrées par une association, à la suite de dons, dans le cadre de l'impôt sur le revenu.

7. En second lieu, l'article 885-0 V bis du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008, a institué le principe d'une réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune à hauteur de 75 % de versements effectués dans le capital de sociétés éligibles aux conditions qu'il prévoit. Il résulte de l'article 299 septies de l'annexe III du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2008-336 du 14 avril 2008, que lorsqu'un contribuable souscrit au capital d'une telle société, celle-ci lui délivre un état individuel, précisant, notamment, qu'elle satisfait aux conditions exigées par ce texte, qu'il peut joindre à sa déclaration d'ISF ou fournir dans les trois mois suivant la date limite de dépôt de sa déclaration. Si la remise de ce document est une formalité nécessaire à l'obtention de l'avantage en cause, elle ne suffit pas à démontrer que les conditions prévues à l'article 885-0 V bis sont réunies et ne confère aucun droit au contribuable à bénéficier de la réduction d'impôt à laquelle il prétend, fût-il de bonne foi. Enfin, aucune règle n'impose à l'administration d'établir, avant de procéder à la rectification de l'imposition du contribuable, qu'il avait connaissance du caractère erroné de ce document joint à sa déclaration.

8. En cet état, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche invoquée par la troisième branche, ni à répondre aux conclusions invoquées par la quatrième, a exactement retenu que les attestations délivrées par la société Finaréa équinoxe ne s'imposaient pas à l'administration, de sorte que leur absence de prise en compte ne constituait pas une cause de nullité de la procédure de rectification.

9. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.

Et sur le troisième moyen du pourvoi incident, qui, bien qu'éventuel, est préalable

Enoncé du moyen

10. M. et Mme D... font le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que le caractère déductible des charges exposées par une société holding pour réaliser ses activités d'animation dépend de la reconnaissance de sa qualité de « holding animatrice » ; qu'au cas présent, M. et Mme D... soulignaient, dans leurs conclusions d'appel, en versant des pièces aux débats, que l'objet principal du contrôle réalisé par la direction compétente de l'administration fiscale auprès de la société Finaréa Equinoxe portait sur sa qualité de « holding animatrice », dont la reconnaissance était la condition sine qua non à la fois de l'absence de redressement de cette holding à l'impôt sur les sociétés et de l'invitation à elle faite de demander un remboursement de crédit de TVA ; qu'en considérant qu'il ne peut être déduit de cette absence de redressement et de cette invitation à demander un remboursement que le caractère de holding animatrice aurait été discuté et reconnu dans le cadre de la procédure diligentée au siège de Finaréa équinoxe par la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France Ouest, la cour d'appel, qui a négligé la circonstance que le critère central mis en oeuvre dans le cadre de ce contrôle résidait précisément dans la reconnaissance de cette qualité de « holding animatrice », a violé les articles 39 et 256 du code général des impôts ;

2°/ que l'absence de redressement ni d'infliction d'une quelconque amende à une société ayant revendiqué la qualité de holding animatrice dans une attestation délivrée à des contribuables vaut reconnaissance, par l'administration fiscale, de ce que ladite société est bien une « holding animatrice » ; que cette qualité ne peut plus désormais, par respect pour les principes de cohérence, de confiance légitime et de sécurité juridique, être discutée par la même administration fiscale, fût-elle prise en une autre direction ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'administration fiscale a reconnu la qualité de « holding animatrice » à la société Finaréa équinoxe à l'occasion d'un contrôle de ladite société menée par la direction habilitée (direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France Ouest) ; que l'administration fiscale ne pouvait plus, dès lors, remettre en cause cette qualification dans le cadre du contrôle fiscal d'un souscripteur au capital de ladite holding, titulaire d'une attestation établie par ladite holding ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a méconnu les articles L. 80 A et L. 80 B du Livre des procédures fiscales, ensemble les principes de confiance légitime, de sécurité juridique, de loyauté, de cohérence et d'interdiction de se détruire au détriment d'autrui. »

Réponse de la Cour

11. En dehors des garanties prévues aux articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, qui permettent au contribuable, dans les conditions et limites fixées par ces textes, d'opposer à l'administration l'interprétation d'un texte fiscal qu'elle a formellement admise ou une prise de position formelle de sa part sur une situation de fait au regard d'un texte fiscal, le principe selon lequel une partie ne peut se contredire au détriment d'autrui n'est pas applicable à l'administration fiscale, qui ne peut renoncer à l'application des textes législatifs ou réglementaires définissant les obligations des contribuables, quelle que soit sa position avant la procédure contentieuse.

12. Ayant constaté, par motifs adoptés, que l'objet exact du contrôle subi par la société Finaréa équinoxe ne ressortait pas précisément des documents versés aux débats, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que l'absence de toute rectification de l'imposition de cette société à l'issue de la vérification de sa comptabilité et de prononcé de l'amende prévue à l'article 1740 A du code général des impôts ne constituaient ni une prise de position formelle de l'administration, ni l'interprétation d'un texte fiscal formellement admise, au sens des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, et qu'elle a écarté le moyen d'irrégularité de la procédure de rectification invoqué.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

14. L'administration fiscale fait grief à l'arrêt de prononcer la décharge des impositions, alors « qu'il résulte des dispositions de l'article 885-0 V bis du code général des impôts, applicables au litige, que les redevables peuvent imputer, sur le montant de l'ISF dû, 75 % des versements effectués au titre de la souscription au capital initial ou aux augmentations de capital de PME qui exercent exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l'exclusion des activités de gestion de patrimoine mobilier définies à l'article 885 O quater du même code ; que cette même disposition admet que cet avantage fiscal peut également s'appliquer aux souscriptions faites dans des sociétés ayant pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés opérationnelles ; mais que l'article 885-0 V bis du code général des impôts ne vise pas les investissements réalisés au profit de sociétés holding animatrices d'un groupe ; que seule la doctrine administrative publiée au BOI 7 S-0-08 prévoit que les investissements réalisés au profit de sociétés holding animatrices effectives de leur groupe puissent, sous certaines conditions, ouvrir droit à une réduction d'ISF ; que pour être qualifiée d'animatrice, la société holding doit entretenir des relations l'amenant à contrôler, gérer et animer ses filiales ; que ces actions supposent une participation suffisante de la holding au capital de la société opérationnelle pour exercer une influence réelle sur sa filiale mais également que les principales décisions économiques et stratégiques du groupe émanent de la holding ; qu'en estimant qu'« aucune disposition de la loi ne subordonne le bénéfice de la réduction d'ISF, qui n'est que la contrepartie du risque de perte assumé par le souscripteur, à une véritable prise de contrôle des PME à aider », écartant ainsi toute analyse du critère de contrôle de la société opérationnelle qui participe du faisceau d'indices permettant d'apprécier l'animation, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 885-0 V bis du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 885-0 V bis du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 :

15. Il résulte de ce texte que les contribuables qui souscrivent au capital d'une société constituant une petite ou moyenne entreprise (PME) exerçant exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale et se trouvant en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expansion, au sens des lignes directrices concernant les aides d'Etat visant à promouvoir les investissements en capital-investissement dans les PME (2006/C 194/02), peuvent bénéficier d'une réduction d'ISF, à concurrence de 75 % du montant de leur investissement.

16. Est assimilée à une telle société la société holding qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales constituant des PME exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale et se trouvant en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expansion, et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.

17. Pour prononcer la décharge totale des impositions mises à la charge de M. et Mme D..., l'arrêt, après avoir énoncé à bon droit que le dispositif d'investissement dans la holding animatrice est assimilé à l'investissement direct dans une société opérationnelle et que la qualification de holding animatrice ne saurait être subordonnée à une participation majoritaire au capital de sa filiale exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale, retient que l'objectif de la loi étant la création d'emplois par le soutien aux jeunes entreprises, il n'y a pas lieu de calquer la définition de la holding animatrice de l'article 885-0 V bis sur celle de l'article 885 O quater, le premier répondant à des objectifs radicalement différents de la préservation des biens professionnels recherchée par le second, qu'aucune disposition de la loi ne subordonne le bénéfice de la réduction d'ISF, qui n'est que la contrepartie du risque de perte assumé par le souscripteur, à une véritable prise de contrôle des PME à aider et que la loi n'exige pas non plus de la holding qu'elle soit « actuellement animatrice », donc déjà active et structurée à la date des premiers apports de fonds par les actionnaires, de sorte qu'une société « potentiellement animatrice » ou démarrant son activité d'animation est éligible au dispositif de réduction.

18. Il constate à cet égard que, si, à la date du premier versement effectué par M. et Mme D... le 15 juin 2009, la société Finaréa équinoxe ne détenait aucune participation dans des sociétés, la holding avait, dès sa création, mis en place un dispositif destiné à lui permettre de jouer un rôle actif au sein des PME cibles, consistant en la désignation des membres de son comité d'investissement, composé de personnes particulièrement qualifiées qui ont perçu des jetons de présence pour leur travail d'analyse des dossiers des PME et de sélection des investissements à réaliser, la société Imagine ton futur ayant été sélectionnée dès le 8 juin 2009, soit avant la première souscription réalisée par M. et Mme D....

19. En statuant ainsi, alors qu'une société holding qui ne contrôle aucune filiale opérationnelle ne peut être qualifiée de holding animatrice et ne peut donc être assimilée aux PME visées par l'article 885-0 V bis du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, de sorte que la souscription à son capital n'est pas éligible à la réduction d'ISF prévue par ce texte, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

20. L'administration fiscale fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ qu'il résulte des dispositions de l'article 885-0 V bis du code général des impôts, applicables au litige, que les redevables peuvent imputer, sur le montant de l'ISF dû, 75 % des versements effectués au titre de la souscription au capital initial ou aux augmentations de capital de PME qui exercent exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l'exclusion des activités de gestion de patrimoine mobilier définies à l'article 885 O quater du même code ; que cette même disposition admet que cet avantage fiscal peut également s'appliquer aux souscriptions faites dans des sociétés ayant pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés opérationnelles.

Mais que l'article 885-0 V bis du code général des impôts ne vise pas les investissements réalisés au profit de sociétés holding animatrices d'un groupe ; que seule la doctrine administrative publiée au BOI 7 S-3-08 prévoit que les investissements réalisés au profit de sociétés holding animatrices effective de leur groupe puissent, sous certaines conditions, ouvrir droit à une réduction d'ISF ; que pour être qualifiée d'animatrice, la société holding doit entretenir des liens l'amenant à contrôler, gérer et animer ses filiales ; que ces actions supposent une participation suffisante de la holding au capital de la société opérationnelle pour exercer une influence réelle sur sa filiale mais également que les principales décisions économiques et stratégiques du groupe émanent de la holding ; que, conformément à ces principes, il appartenait, en l'espèce, à la cour d'appel de vérifier, comme elle y était invitée, si la société Finaréa équinoxe disposait d'une participation suffisante au capital de sa filiale pour en assurer le contrôle et si les principales décisions économiques et stratégiques du groupe émanaient bien de la holding ; que, contre toute attente, la cour d'appel s'est abstenue de cette analyse, se contentant d'affirmer, pour en déduire le rôle animateur de cette société, qu'« il est ainsi établi qu'elle s'est dotée des moyens d'orienter la stratégie des PME » ou encore qu'« il est établi que la société Finaréa équinoxe a mis en oeuvre le dispositif prévu aux conventions précitées et qu'elle a participé activement à la conduite de la politique de développement de l'entreprise, répondant ainsi à la qualification de holding animatrice », alors que les premiers juges avaient constaté qu'« aucun support ne matérialise l'exécution effective de la convention d'animation » et qu'il en était également de même devant la cour d'appel ; qu'en se prononçant de la sorte, après examen des seuls éléments de la structuration mise en place par la société Finaréa équinoxe préalablement ou concomitamment à son investissement, sans s'être concrètement assurée de la réalité du rôle actif de cette même société dans le contrôle et l'animation du groupe qu'elle formait avec sa filiale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 885-0 V bis du code général des impôts ;

3°/ qu'il résulte des dispositions de l'article 885-0 V bis du code général des impôts applicable au litige que les redevables peuvent imputer, sur le montant de l'ISF dû, 75 % des versements effectués au titre de la souscription au capital initial ou aux augmentations de capital de PME qui exercent exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l'exclusion des activités de gestion de patrimoine mobilier définies à l'article 885 O quater du même code ; que cette même disposition admet que cet avantage fiscal peut également s'appliquer aux souscriptions faites dans des sociétés ayant pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés opérationnelles ; mais que l'article 885-0 V bis du code général des impôts ne vise pas les investissements réalisés au profit de sociétés holding animatrices d'un groupe ; que seule la doctrine administrative publiée au BOI 7 S-3-08 prévoit que les investissements réalisés au profit de sociétés holding animatrices effectives de leur groupe puissent, sous certaines conditions, ouvrir droit à une réduction d'ISF ; que pour être qualifiée d'animatrice, la société holding doit entretenir des liens l'amenant à contrôler, gérer et animer ses filiales ; que ces actions supposent une participation suffisante de la holding au capital de la société opérationnelle pour exercer une influence réelle sur sa filiale mais également que les principales décisions économiques et stratégiques du groupe émanent de la holding ; que, conformément à ces principes, il appartenait en l'espèce à la cour d'appel de vérifier, comme elle y était invitée, si les principales décisions économiques et stratégiques du groupe émanaient bien de la société Finaréa équinoxe et si elle disposait d'une participation suffisante au capital de sa filiale pour en assurer le contrôle ; que contre toute attente, la cour d'appel a estimé qu'« il est ainsi établi qu'elle s'est dotée des moyens d'orienter la stratégie des PME » ou encore qu'il est établi que la société Finaréa équinoxe a mis en oeuvre le dispositif prévu aux conventions précitées et qu'elle a participé activement à la conduite de la politique de développement de l'entreprise, répondant ainsi à la qualification de holding animatrice » alors que les premiers juges avaient constaté qu'« aucun support ne matérialise l'exécution effective de la convention d'animation » ; qu'en se prononçant de la sorte sans examiner les documents postérieurs à ces conventions qui justifieraient une animation effective ou sans avoir constaté leur absence, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 885-0 V bis du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 885-0 V bis du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 :

21. Pour prononcer la décharge totale des impositions mises à la charge de M. et Mme D..., l'arrêt, après avoir constaté qu'à la date du second versement réalisé par ces derniers, la société Finaréa équinoxe avait pris une participation au sein de la société Imagine ton futur à hauteur de 35,01 % des parts tandis que la dirigeante de cette société en détenait 57,28 %, relève que la holding s'est dotée des moyens d'orienter la stratégie des PME, de conseiller et d'assister leurs dirigeants fondateurs et de leur apporter toute l'expertise de ses acteurs en mettant en place un dispositif consistant à concevoir et à imposer aux PME un modèle de statuts-type, avec transformation en société par actions simplifiée et création d'un conseil de direction chargé de valider toutes les décisions stratégiques avec voix prépondérante pour la holding, ainsi qu'à conclure un contrat d'animation relatant le détail des prestations qui seraient fournies moyennant rémunération et un pacte d'actionnaires.

22. L'arrêt constate ensuite que M. et Mme D... justifient de ce que la société Finaréa équinoxe a refondu le plan stratégique à cinq ans de la société Imagine ton futur, présenté le projet au conseil de surveillance au mois de juin 2009 et intégré celui-ci au pacte d'associés, ce dont il déduit qu'elle ne s'est pas bornée à financer la stratégie déterminée par la fondatrice de l'entreprise. Il relève que le contrat d'animation conclu avec la société Imagine ton futur prévoyait la définition conjointe et la matérialisation, par un document normalisé, d'un plan d'action annuel fixant la stratégie de l'entreprise, le listage des actions détaillées à mener et leur calendrier, les indicateurs permettant de s'assurer de leur réalisation, la vérification semestrielle du bon déroulement du plan et son éventuelle adaptation, le fait que la holding bénéficie d'un droit d'information privilégié, mensuel et trimestriel sur les chiffres de l'entreprise lui permettant d'évaluer les actions menées et d'opérer les réorientations stratégiques qui apparaîtraient nécessaires, et que le pacte d'associés prévoyait que la holding contrôle toutes les décisions stratégiques de l'entreprise opérationnelle en confiant notamment au conseil de direction la nomination ou la révocation des mandataires sociaux et la fixation de leur rémunération, l'embauche ou le licenciement des principaux cadres et la fixation de leur rémunération, ainsi que le contrôle des opérations engageant la société au-delà d'un certain seuil. Il en déduit que, même si la holding ne disposait pas de la majorité au sein de l'assemblée générale des associés, elle avait la possibilité d'imposer ses vues en matière de développement et de maîtriser les orientations de sa filiale.

23. L'arrêt ajoute enfin qu'il est établi que la société Finaréa équinoxe a mis en oeuvre le dispositif prévu aux conventions précitées et participé activement à la conduite de la politique de développement de l'entreprise, répondant ainsi à la qualification de holding animatrice.

24. En se déterminant ainsi, par des éléments tenant uniquement au pouvoir d'animation résultant de la structure mise en place et des moyens dont la société Finaréa équinoxe disposait pour animer sa filiale, sans constater concrètement qu'elle les avait mis en oeuvre, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la participation active effective de la société Finaréa équinoxe à la conduite de la politique du groupe, a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes de communication de pièces et d'annulation de la procédure formées par M. et Mme D..., l'arrêt rendu le 2 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Lion - Avocat général : M. Debacq - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin -

Textes visés :

Article 885-0, V bis, du code général des impôts, dans sa rédaction de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 ; article 299 septies de l'annexe III du code général des impôts, dans sa rédaction issue du décret n° 2008-336 du 14 avril 2008 ; articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales.

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