Numéro 3 - Mars 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2021

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

Com., 10 mars 2021, n° 19-22.395, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Clôture – Clôture pour insuffisance d'actif – Reprise de la procédure – Demande d'un créancier tendant à la fixation du montant de sa créance – Décision d'irrecevabilité – Portée – Extinction de la créance (non)

Le juge du fond, qui statue dans une instance en cours reprise conformément à l'article L. 622-22 du code de commerce, ne fait pas application de l'article L. 624-2 du même code. Il en résulte que la décision par laquelle ce juge déclare irrecevable la demande d'un créancier tendant à la fixation du montant de sa créance ne constitue pas une décision de rejet de cette créance entraînant, dès lors, l'extinction de celle-ci.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 20 juin 2019), le 29 mars 2007, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Nord Est (la banque) a consenti à la société civile AVL finances, dont MM. W... et M... Y... sont les associés, un prêt de 750 000 euros, remboursable en sept annuités, un avenant du 25 février 2011 ayant réaménagé les échéances.

2. Le 23 février 2012, la banque a prononcé la déchéance du terme, en raison d'incidents de paiement, et mis la société AVL finances en demeure de lui payer le solde du prêt, avant de l'assigner en paiement, le 30 mai 2012, devant un tribunal de grande instance.

3. Le 27 septembre 2012, la société AVL finances a été mise en liquidation judiciaire, la société Grave Randoux étant nommée liquidateur.

La banque a déclaré sa créance, avant de la céder au Fonds commun de titrisation Hugo créances II (le FCT).

4. Le 24 octobre 2013, la liquidation judiciaire de la société AVL finances a été clôturée pour insuffisance d'actif.

5. Dans le cadre de l'instance pendante devant le tribunal de grande instance, le FCT est intervenu volontairement, en exposant venir aux droits de la banque et, par un jugement du 22 mai 2014, ce tribunal a déclaré le FCT irrecevable en sa demande de fixation de sa créance au passif de la société AVL finances.

6. Le FCT a assigné MM. W... et M... Y..., en leur qualité d'associés de la société AVL finances, en paiement de la dette sociale, à proportion de leurs droits sociaux.

7. MM. W... et M... Y... se sont opposés à ces demandes en soutenant, notamment, que le jugement du 22 mai 2014 s'analysait en une décision de rejet entraînant l'extinction de la créance du FCT à l'égard de la société et, par voie de conséquence, à l'égard des associés.

Sur le second moyen, ci-après annexé

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le premier moyen

Enoncé du moyen

9. MM. W... et M... Y... font grief à l'arrêt de les condamner au profit du FCT, alors « que toute décision par laquelle le juge rejette la demande de fixation d'une créance au passif d'une société en liquidation judiciaire emporte, quel que soit son motif, son extinction ; qu'il s'ensuit que le créancier d'une société civile ne peut poursuivre le paiement des dettes sociales contre les associés dès lors que, par jugement irrévocable, il a été déclaré irrecevable en sa demande de fixation de sa créance au passif de la société civile ; qu'en jugeant, après avoir pourtant constaté que la demande de fixation de la créance du FCT au passif de la SCI AVL Finances avait été déclarée irrecevable par un jugement du tribunal de grande instance de Saint Quentin du 22 mai 2014, que la dette n'était pas éteinte et qu'ainsi le FCT conservait le droit de poursuite à l'encontre des consorts Y..., associés de cette SCI, la cour d'appel a violé l'article L. 624-2 du code de commerce, ensemble les articles 1857 et 1858 du code civil. »

Réponse de la Cour

10. Le juge du fond, qui statue dans une instance en cours reprise conformément à l'article L. 622-22 du code de commerce, ne fait pas application de l'article L. 624-2 du même code. Il en résulte que la décision par laquelle ce juge déclare irrecevable la demande d'un créancier tendant à la fixation du montant de sa créance ne constitue pas une décision de rejet de cette créance entraînant, dès lors, l'extinction de celle-ci.

11. Après avoir reproduit les termes de l'article 1857 du code civil, l'arrêt relève, d'abord, par motifs propres et adoptés, que, par un acte du 30 mai 2012, la banque a assigné la société civile AVL finances, que le FCT est intervenu volontairement à l'instance et qu'il a assigné le liquidateur en intervention forcée. Il relève, ensuite, qu'il ressort du jugement du 22 mai 2014, rendu par un tribunal de grande instance, que la demande du FCT tendant à la fixation de sa créance au passif de la société civile a été déclarée irrecevable au motif que, la liquidation judiciaire emportant dissolution de la société AVL finances, celle-ci n'avait plus d'existence.

12. De ces constatations, desquelles il ressort que le jugement du 22 mai 2014 avait été rendu dans une instance en cours, de sorte que, même s'il déclarait la demande du FCT irrecevable, il ne pouvait être assimilé à une décision de rejet prise par le juge-commissaire dans la procédure de vérification du passif, la cour d'appel a déduit à bon droit que, la dette de la société AVL finances n'étant pas éteinte, le FCT conservait son droit de poursuite contre les associés de cette société civile, tenus des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Capron ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 622-22 et L. 624-2 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur la portée d'une décision de rejet d'une créance déclarée irrégulièrement, à rapprocher : Com., 4 mai 2017, pourvoi n° 15-24.854, Bull. 2017, IV, n° 65 (cassation).

Com., 24 mars 2021, n° 20-13.832, (P)

Cassation

Liquidation judiciaire – Jugement – Créanciers postérieurs – Régime de faveur – Domaine d'application – Créance née pour les besoins du déroulement de la procédure – Cas – Créance de cotisation foncière des entreprises

Selon l'article L. 622-17, I, du code de commerce, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation sont payées à leur échéance. La cotisation foncière des entreprises, calculées à partir de la valeur locative des biens immobiliers soumis à la taxe foncière que les entreprises utilisent pour leur activité professionnelle, qui est due par une entreprise qui y est assujettie au titre d'une période postérieure au jugement d'ouverture de sa procédure collective, constitue, pour les entreprises qui y sont assujetties, une obligation légale et est inhérente à l'activité poursuivie après le jugement d'ouverture et entre, en conséquence, dans les prévisions de ce texte.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 décembre 2019), la société Mory Ducros a été mise en redressement judiciaire le 26 novembre 2013. Un plan de cession a été arrêté le 6 février 2014, et la liquidation judiciaire prononcée, avec autorisation de poursuite d'activité jusqu'au 6 mai 2014, prorogée par la suite jusqu'au 6 août 2014, M. G... étant désigné liquidateur.

2. Le 6 novembre 2014, le comptable du service des impôts des entreprises de Garges-lès-Gonesse, auquel le liquidateur avait demandé le remboursement d'un crédit de TVA, en a conservé une partie.

Le 29 octobre 2015, le liquidateur a reçu deux avis à tiers détenteur portant sur les sommes de 15 967 euros et de 6 322 euros se rapportant à la cotisation foncière des entreprises due au titre de l'année 2014 par la société Mory Ducros au titre de ses établissements situés à Rennes et à Cesson-Sevigné.

3. M. G..., ès qualités, a saisi le tribunal d'une demande de mainlevée des avis à tiers détenteur.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le comptable chargé du recouvrement du service des impôts des entreprises de Rennes-Est fait grief à l'arrêt d'ordonner la mainlevée des avis à tiers détenteur et de dire que les créances fiscales seraient portées sur la liste des créances pour vérification, alors « que l'arrêt ayant constaté que la cotisation foncière des entreprises en cause était une créance d'origine légale, postérieure à l'ouverture de la procédure, liée aux locaux utilisés, la taxe ne pouvait être considérée comme ni utile à la conservation de ces locaux, ni inhérente à la vie de la société ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, a violé l'article L. 622-17 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 622-17 I du code de commerce :

5. Selon ce texte, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation sont payées à leur échéance.

La cotisation foncière des entreprises, calculée à partir de la valeur locative des biens immobiliers soumis à la taxe foncière que les entreprises utilisent pour leur activité professionnelle, constitue, pour les entreprises qui y sont assujetties, une obligation légale et est inhérente à l'activité poursuivie après le jugement d'ouverture et entre, en conséquence, dans les prévisions du texte susvisé.

6. Pour ordonner la mainlevée des avis à tiers détenteur, l'arrêt relève que le jugement d'ouverture était en date du 26 novembre 2013 et la liquidation judiciaire du 6 février 2014, que la créance au titre de la cotisation foncière des entreprises 2014 pour les immeubles affectés à l'activité professionnelle de la société était née régulièrement le 1er janvier 2014, soit au cours de la période d'observation et que c'était une créance postérieure, mise en recouvrement après l'arrêté du plan de cession et le prononcé de la liquidation judiciaire.

L'arrêt retient que cette cotisation est une créance d'origine légale qui n'est pas la contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant la période d'observation, que si elle est liée aux locaux utilisés, elle n'est cependant ni utile à la conservation de ceux-ci ni inhérente à l'activité de la société, et qu'elle n'est pas directement issue d'opérations ou d'actes faits pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation qu'elle n'avait notamment pas servi à financer, et en déduit que le comptable ne peut pas invoquer le caractère « utile » ou « méritant » de ses créances postérieures afin d'échapper à l'arrêt des poursuites individuelles.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article L. 622-17, I, du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur la qualification de créance née pour les besoins du déroulement de la procédure, à rapprocher : Com., 14 octobre 2014, pourvoi n° 13-24.555, Bull. 2014, IV, n° 148 (rejet).

Com., 24 mars 2021, n° 19-23.413, (P)

Cassation partielle

Liquidation judiciaire – Règlement des créanciers – Créanciers bénéficiant d'une sûreté – Déclaration d'insaisissabilité publiée avant l'ouverture de la liquidation – Inopposabilité – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 18 juillet 2019), par un acte notarié du 31 octobre 2006, la société Caisse d'épargne et de prévoyance Normandie (la banque) a consenti à M. K..., artisan, un prêt de 128 767 euros, destiné à l'acquisition d'un immeuble constituant sa résidence principale et remboursable en plusieurs mensualités.

La banque a inscrit sur l'immeuble un privilège de prêteur de deniers à concurrence de la somme 154 520,40 euros, publié le 7 décembre 2006.

2. Par un acte notarié du 2 mars 2012, M. K... a fait une déclaration d'insaisissabilité de l'immeuble acquis au moyen du prêt.

3. Les 3 septembre et 29 octobre 2013, M. K... a été mis en redressement puis liquidation judiciaires.

Le 18 septembre 2013, la banque a déclaré au passif sa créance au titre du solde du prêt.

Le 12 septembre 2017, la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif, sans que soit rendue une décision d'admission de la créance de la banque, en l'absence de vérification du passif.

4. Le 28 février 2018, la banque a délivré à M. K... un commandement de payer valant saisie immobilière portant sur l'immeuble financé par le prêt, avant de l'assigner à l'audience d'orientation du juge de l'exécution le 15 juin 2018.

5. Devant le juge de l'exécution, M. K... a, notamment, soulevé la prescription de l'action de la banque.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer son action prescrite, alors « que lorsqu'un créancier poursuivant n'est pas dans l'impossibilité d'agir sur un immeuble, au sens de l'article 2234 du code civil, l'effet interruptif de prescription de sa déclaration de créance prend fin à la date de la décision ayant statué sur la demande d'admission ; qu'ainsi, cet effet interruptif se prolonge aussi longtemps qu'il n'est pas statué sur la demande d'admission ; qu'en déclarant néanmoins prescrite l'action en paiement de la société Caisse d'épargne et de prévoyance Normandie, sans constater qu'une décision avait statué sur la demande d'admission de sa créance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2241 et 2242 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 526-1, alinéa 1, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 juin 2010 applicable en la cause, et l'article L. 622-24 du même code :

7. Un créancier inscrit à qui est inopposable la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble appartenant à son débiteur, et qui peut donc faire procéder à la vente sur saisie de cet immeuble, a également la faculté de déclarer sa créance au passif de la procédure collective du débiteur. S'il fait usage de cette faculté, il bénéficie de l'effet interruptif de prescription attaché à sa déclaration de créance, cet effet interruptif se prolongeant en principe jusqu'à la date de la décision ayant statué sur la demande d'admission, dès lors que ce créancier n'est pas dans l'impossibilité d'agir sur l'immeuble au sens de l'article 2234 du code civil. Toutefois, lorsque aucune décision n'a statué sur cette demande d'admission, l'effet interruptif de prescription attaché à la déclaration de créance se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective.

8. Pour déclarer prescrite l'action de la banque, l'arrêt, ayant relevé que le délai de prescription applicable est celui de deux ans prévu par l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, que la déchéance du terme du prêt est intervenue le 29 octobre 2013, et que la déclaration notariée d'insaisissabilité est inopposable à la banque eu égard à sa date, en déduit que, la banque, qui n'était pas dans l'impossibilité d'agir sur l'immeuble lorsqu'elle a déclaré sa créance, ne peut bénéficier de la prolongation de l'effet interruptif de la prescription jusqu'à la clôture de la procédure collective, en l'absence de décision d'admission de sa créance due à l'absence de vérification du passif.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite l'action en paiement de la société Caisse d'épargne et de prévoyance Normandie, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 18 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat(s) : SCP Lévis ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 526-1, alinéa 1, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 juin 2010 ; article L. 622-24 du code de commerce ; article 2234 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur la durée de l'interruption de la prescription au profit d'un créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité est inopposable, à rapprocher : Com., 12 juillet 2016, pourvoi n° 15-17.321, Bull. 2016, IV, n° 109 (rejet).

Com., 10 mars 2021, n° 19-21.971, (P)

Cassation sans renvoi

Organes – Liquidateur – Déclaration d'insaisissabilité – Opposabilité – Déclaration publiée avant l'ouverture de la liquidation – Portée

Il résulte de l'article L. 526-1 du code de commerce qu'une déclaration, par une personne physique qui exerce une activité professionnelle indépendante, de l'insaisissabilité des droits sur un bien foncier non affecté à son usage professionnel n'a d'effet que si elle a été publiée antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, fût-elle une procédure de sauvegarde.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 2 juillet 2019), M. O... a, le 12 août 2008, bénéficié d'une procédure de sauvegarde pour laquelle un administrateur a été désigné.

Le 22 décembre suivant, M. O... a déposé une déclaration notariée d'insaisissabilité de deux immeubles non affectés à l'exploitation, qui a été publiée le 7 janvier 2009.

La procédure de sauvegarde a été convertie en redressement judiciaire le 10 mai 2010, la date de cessation des paiements étant fixée au 12 août 2008.

Le 11 septembre 2012, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire, la société [...], aux droits de laquelle vient Mme V..., a été désignée liquidateur.

2. Dans le cadre de sa mission de réalisation des actifs, le liquidateur, s'étant vu opposer la déclaration d'insaisissabilité, a assigné M. O... en inopposabilité de celle-ci.

Sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 4 août 2008 :

4. Il résulte de ce texte que, lorsque la personne physique qui exerce une activité professionnelle indépendante a déclaré insaisissables des droits sur un bien foncier non affecté à son usage professionnel, cette déclaration n'a d'effet que si elle a été publiée antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, fût-elle une procédure de sauvegarde, qui réunit les créanciers en une collectivité et emporte, dès ce moment, appréhension de l'immeuble dans leur gage commun.

5. Pour dire la déclaration notariée d'insaisissabilité de M. O... opposable au liquidateur, l'arrêt relève que la désignation de l'administrateur n'avait pas ôté au débiteur le pouvoir d'exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d'administration et retient que, la déclaration d'insaisissabilité n'étant pas un acte de disposition, elle ne fait pas partie des actes énumérés par l'article L. 622-7-II, du code de commerce que le juge-commissaire doit autoriser.

6. En statuant ainsi, après avoir relevé que la déclaration d'insaisissabilité avait été publiée après le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare inopposable au liquidateur la déclaration d'insaisissabilité faite par M. O... par acte notarié du 22 décembre 2008 et publiée le 7 janvier 2009.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna ; SCP Marlange et de La Burgade -

Textes visés :

Article L. 526-1 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur l'opposabilité de la déclaration d'insaisissabilité publiée avant le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, à rapprocher : Com., 22 mars 2016, pourvoi n° 14-21.267, Bull. 2016, IV, n° 46 (rejet).

Com., 10 mars 2021, n° 19-15.497, (P)

Rejet

Procédure (dispositions générales) – Voies de recours – Exercice – Opposition – Applications des règles de droit commun (non)

L'article R. 661-2 du code de commerce, qui fixe les conditions d'exercice de l'opposition et de la tierce opposition contre les décisions rendues, notamment, en matière de liquidation judiciaire, est exclusif de l'application des règles de droit commun de sorte que l'opposition à un arrêt rendu par défaut ouvrant une liquidation judiciaire, formée par conclusions adressées par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA), est irrecevable, le seul mode de saisine étant la déclaration au greffe.

Procédure (dispositions générales) – Voies de recours – Exercice – Opposition – Recevabilité – Conclusions adressées par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 31 janvier 2019), M. V... et Mme P... ont été mis en liquidation judiciaire par un arrêt rendu par défaut le 26 octobre 2017. Ils ont formé opposition à cet arrêt par des conclusions transmises par le Réseau privé virtuel des avocats (RPVA).

2. Après avoir ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de conclure sur la fin de non-recevoir, relevée d'office, tirée de l'irrecevabilité de l'opposition sur le fondement des dispositions de l'article R. 661-2 du code de commerce, la cour d'appel a déclaré l'opposition irrecevable.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches

Enoncé du moyen

4. M. V... et Mme P... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'opposition qu'ils ont formée contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 26 octobre 2017, alors :

« 2°/ que l'acte de notification d'un jugement qui ne mentionne pas la voie de recours ouverte, son délai ou ses modalités d'exercice ou qui comporte des mentions erronées la concernant ne fait pas courir le délai de recours ; qu'en déclarant irrecevable l'opposition formée le 13 décembre 2017 sans davantage rechercher, comme elle y était invitée, si le service des impôts des particuliers n'avait pas lui-même signifié l'arrêt rendu par la cour d'appel de Douai le 26 octobre 2017 par un acte d'huissier de justice du 14 novembre 2017 mentionnant comme voie de recours l'opposition à former dans un délai d'un mois à compter de la signification, soit expirant le 14 décembre 2017, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 528 et 680 du code de procédure civile ;

4°/ que le dépôt de conclusions au greffe de la cour d'appel est assimilable à une déclaration motivée qui satisfait aux conditions de l'opposition et les tribunaux de commerce appliquent les principes directeurs du procès civil aux termes desquels les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique ; qu'en déclarant n'avoir pas été saisie de l'opposition des époux V... par des conclusions adressées au greffe par RPVA, la cour d'appel a violé les articles R. 721-1 du code de commerce et 930-1 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. L'article R. 661-2 du code de commerce, qui fixe les conditions d'exercice de l'opposition et de la tierce opposition contre les décisions rendues, notamment, en matière de liquidation judiciaire, est exclusif de l'application des règles de droit commun.

6.L'arrêt retient en conséquence exactement que le seul mode de saisine de la cour d'appel d'une opposition à un arrêt, rendu par défaut, ouvrant une liquidation judiciaire, est la déclaration au greffe, de sorte que l'opposition formée par des conclusions adressées par le RPVA est irrecevable.

7. Par ces seuls motifs, abstraction faite de celui erroné, mais surabondant, critiqué par la deuxième branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

8. Inopérant en sa deuxième branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vaissette - Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie ; SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article R. 661-2 du code de commerce.

Com., 10 mars 2021, n° 19-22.385, (P)

Cassation partielle

Redressement judiciaire – Période d'observation – Créanciers – Déclaration des créances – Qualité – Préposé – Ratification par le créancier – Forme – Ratification implicite

Selon l'article L. 622-24, alinéa 2, du code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance et aucune forme particulière n'est prévue pour cette ratification, qui peut être implicite.

En conséquence, viole ce texte la cour d'appel qui rejette la créance déclarée par le préposé d'une banque, au motif que la chaîne des pouvoirs n'était pas complète, alors que cette banque, en concluant devant elle à l'admission de la créance déclarée en son nom par ce préposé, avait nécessairement ratifié la déclaration.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 juin 2019), M. G... D... a été mis en redressement judiciaire le 4 septembre 2015, la société [...] étant nommée mandataire judiciaire.

2. Le 20 octobre 2015, M. X..., responsable du service du contentieux de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Centre Ouest (la banque) a déclaré une créance de 152 325,52 euros qui a été admise par le juge-commissaire.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance d'admission et de dire que la créance qu'elle a déclarée au passif de M. G... D... l'avait été par une personne dépourvue du pouvoir de le faire, alors « que le créancier déclarant peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance ; qu'en invalidant la déclaration que la banque a faite, par l'entremise de M. X..., au passif de M. G... D..., sans examiner si cette dernière, qui a conclu à l'admission de la créance qu'elle a ainsi déclarée, n'a pas ratifié, par là même, la déclaration que M. X... a faite en son nom, la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce, dans la rédaction que lui a donnée l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 622-24, alinéa 2, du code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 :

4. Selon ce texte, le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance et aucune forme particulière n'est prévue pour cette ratification, qui peut être implicite.

5. Pour rejeter la créance déclarée par la banque, l'arrêt retient que, si M. X... avait reçu le 1er avril 2015 de M. J... une délégation de pouvoir effectuer toutes déclarations de créances pour le compte de la CRCAM Centre Ouest, la chaîne des pouvoirs n'est pas complète et que la déclaration de créance n'a pas été dûment ratifiée en cours de procédure.

6. En statuant ainsi, alors que la banque, en concluant devant elle à l'admission de la créance déclarée en son nom par M. X..., avait nécessairement ratifié la déclaration, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la créance n'a pas été déclarée par une personne dûment habilitée et rejette la créance déclarée par la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Centre Ouest au passif de la procédure collective de M. G... D..., l'arrêt rendu le 6 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Riffaud - Avocat(s) : SCP Capron -

Textes visés :

Article L. 622-24, alinéa 2, du code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014.

Com., 31 mars 2021, n° 19-14.839, (P)

Cassation partielle

Redressement judiciaire – Plan de redressement – Jugement arrêtant le plan – Voies de recours – Tierce opposition – Recevabilité – Conditions – Détermination

Il résulte de l'article 583 du code de procédure civile que si l'associé est, en principe, représenté, dans les litiges opposant la société à des tiers, par le représentant légal de la société, il est néanmoins recevable à former tierce opposition contre un jugement auquel celle-ci a été partie s'il invoque une fraude à ses droits ou un moyen qui lui est propre.

L'associé qui prétend que le plan de redressement judiciaire de la société porte atteinte à sa qualité d'associé et à son droit préférentiel de souscription, invoque un moyen qui lui est propre, peu important que chacun des autres associés ait disposé d'un droit préférentiel de souscription.

Procédure (dispositions générales) – Voies de recours – Exercice – Tierce opposition – Qualité pour l'exercer – Associé – Conditions – Invocation de moyens propres – Applications diverses – Atteinte à la qualité d'associé et au droit préférentiel de souscription

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 20 septembre 2018) et les productions, la société anonyme Le Thenney a été mise en redressement judiciaire par jugement du 17 décembre 2014, les sociétés FHB et [...] étant désignées en qualité d'administrateur et mandataire judiciaires. Mme C..., veuve B... (Mme B...), alors associée de la société Le Thenney, a formé tierce-opposition à l'arrêt rendu par une cour d'appel le 30 novembre 2017, ayant adopté le plan de redressement de cette société « dans les termes de la proposition élaborée par M. G.... »

2. Le 5 mars 2018, l'assemblée générale de la société Le Thenney a, conformément à ce plan de redressement, décidé la réduction du capital à zéro et l'augmentation de capital réservée à M. G..., qui est ainsi devenu seul actionnaire de la société.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Mme B... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa tierce-opposition, alors « que la représentation des associés par le représentant légal de la société est limitée aux hypothèses où l'atteinte aux droits ou au patrimoine des associés n'est que la conséquence indirecte de l'atteinte aux droits ou au patrimoine de la société ; que l'atteinte à la qualité même d'actionnaire s'analyse en atteinte directe aux droits ou au patrimoine de l'associé ; qu'en décidant que Mme B... avait été représentée, s'agissant de la perte de sa qualité d'associé et de son droit préférentiel de souscription, par le représentant légal, quand ces deux points s'analysaient en atteinte directe à ses droits, les juges du fond ont violé l'article 583 du code de procédure civile ensemble l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 583 du code de procédure civile :

4. Il résulte de ce texte que si l'associé est, en principe, représenté, dans les litiges opposant la société à des tiers, par le représentant légal de la société, il est néanmoins recevable à former tierce-opposition contre un jugement auquel celle-ci a été partie s'il invoque une fraude à ses droits ou un moyen qui lui est propre.

5. Pour déclarer irrecevable la tierce-opposition formée par Mme B..., l'arrêt retient que les moyens qu'elle invoque ont tous été soulevés par la société Le Thenney dans le cadre de l'instance ayant abouti à l'arrêt du 30 novembre 2017 et que, s'ils concernent uniquement les actionnaires, ce sont des moyens qui leur sont communs à tous et qui ont été soutenus et défendus en tant que tels par la société Le Thenney, qui les représentait. Il en déduit que, Mme B... n'étant pas seule à pouvoir les invoquer, il ne s'agit pas de moyens propres au sens des dispositions de l'article 583 du code de procédure civile.

6. En statuant ainsi, alors que Mme B... prétendait que le plan de redressement adopté par l'arrêt du 30 novembre 2017 portait atteinte à sa qualité d'associée et à son droit préférentiel de souscription, de sorte qu'elle invoquait un moyen qui lui était propre, peu important que chacun des autres associés ait disposé d'un droit préférentiel de souscription, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. G... de sa demande en paiement par Mme C..., veuve B... de la somme de 300 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 20 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.

- Président : Mme Darbois (conseiller le plus ancien faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme de Cabarrus - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin -

Textes visés :

Article 583 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur la recevabilité d'un créancier à former tierce opposition au jugement arrêtant un plan de sauvegarde, à rapprocher : Com., 15 novembre 2017, pourvoi n° 16-14.630, Bull. 2017, IV, n° 154 (cassation).

Com., 10 mars 2021, n° 19-12.825, n° 19-17.066, (P)

Rejet

Responsabilités et sanctions – Responsabilité pour insuffisance d'actif – Recevabilité – Qualité à agir – Liquidateur – Cas – Action directe contre l'assureur garantissant la responsabilité civile du dirigeant – Condition

Le liquidateur qui agit en responsabilité pour insuffisance d'actif contre le dirigeant d'une société mise en liquidation judiciaire est recevable à exercer une action directe contre l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable dès lors que les conséquences de cette responsabilité ne sont pas exclues par le contrat d'assurance, aucune disposition légale ou réglementaire n'interdisant par ailleurs au liquidateur de joindre, dans la même instance, à sa demande de condamnation du dirigeant, celle de l'assureur, l'incompétence du tribunal saisi de la procédure de liquidation judiciaire n'ayant pas été soulevée.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 19-12.825 et 19-17.066 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 janvier 2019), la société ACE et trois de ses filiales, les sociétés Airwell France, Airwell industrie France et Wesper industrie France ont été mises en redressement puis liquidation judiciaires les 1er avril et 15 juillet 2014, la société ML Conseils étant désignée liquidateur dans chacune des procédures.

3. Le liquidateur a assigné M. F..., dirigeant des sociétés, et la société Aig Europe limited aux droits de laquelle vient la société Aig Europe (la société Aig Europ), auprès de laquelle la société ACE avait souscrit au profit de son dirigeant une assurance - responsabilité, en condamnation solidaire au paiement de l'insuffisance d'actif des sociétés sur le fondement des articles L. 651-2 du code de commerce et L. 124-3 du code des assurances.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi n° 19-12.825 et sur les trois moyens du pourvoi n° 19-17.066, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le premier moyen du pourvoi n° 19-12.825

Enoncé du moyen

5. La société Aig fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action directe exercée contre elle par le liquidateur, alors :

« 1°/ que le liquidateur, qui agit contre un dirigeant dans le cadre d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif, exerce une action attitrée dont l'objet est le prononcé d'une sanction patrimoniale du dirigeant de droit ou de fait, et ne peut, dans le cadre de cette action, exercer contre l'assureur du dirigeant l'action directe, laquelle tend à poursuivre l'exécution de l'obligation de l'assureur en application du contrat d'assurance ; qu'en retenant néanmoins que la société ML Conseils était recevable à exercer, ès qualités de liquidateur de la société ACE SAS et de ses filiales, l'action directe de l'article L. 124-3 du code des assurances à l'encontre de la société Aig Europe, motif pris que cette action suppose seulement que le tiers lésé établisse l'existence du contrat d'assurance souscrit et la responsabilité de l'assuré, et qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au liquidateur d'agir dans le cadre d'une action distincte de celle exercée contre le dirigeant, la cour d'appel a violé les articles L. 651-1 et L. 651-2 du code de commerce, ensemble l'article L. 124-3 du code des assurances ;

2°/ que les sommes versées par le dirigeant condamné au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif entrent dans le patrimoine du débiteur ; que le liquidateur, qui agit à la fois dans l'intérêt collectif des créanciers et en tant que représentant du débiteur, pour les droits et actions concernant son patrimoine, ne peut exercer l'action directe en qualité de représentant de ce dernier, lorsqu'il est à la fois le souscripteur du contrat d'assurance de responsabilité des dirigeants et tiers lésé ; qu'en considérant que la société ML Conseils, prise en la personne de M. G..., ès qualités de liquidateur de la société ACE SAS et de ses filiales, avait agi dans le cadre de l'action directe formée par le tiers lésé, sans prendre en compte la circonstance qu'elle intervenait également dans l'intérêt patrimonial de la société ACE SAS, souscripteur du contrat d'assurance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 651-1 et L. 651-2 du code de commerce, ensemble l'article L. 124-3 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

6. N'ayant pas à relever d'office l'incompétence du tribunal saisi de la procédure de liquidation judiciaire pour connaître de l'action directe exercée contre l'assureur, par application des dispositions de l'article R. 662-3 du code de commerce, c'est à bon droit qu'après avoir énoncé que l'article L. 124-3 du code des assurances prévoit que le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe contre l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable, et relevé que cette action suppose seulement que le tiers lésé établisse l'existence du contrat d'assurance souscrit et la responsabilité de l'assuré, l'arrêt retient que, la garantie des conséquences de la responsabilité pour insuffisance d'actif des dirigeants n'étant pas exclue par le contrat, les conditions sont réunies pour que l'action directe exercée par le liquidateur contre l'assureur soit recevable sans qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'interdise au liquidateur de joindre, dans la même instance, à sa demande de condamnation du dirigeant, celle de l'assureur.

7. Ayant exactement retenu que le liquidateur des sociétés avait agi en qualité d'organe de chacune des procédures et en représentation de l'intérêt collectif des créanciers aux fins de réparation de leur préjudice et non en représentation des sociétés et pour leur compte, la cour d'appel n'avait pas à prendre en considération la personnalité de la société ACE, souscripteur du contrat d'assurance pour examiner la recevabilité de l'action du liquidateur.

8. Le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat(s) : SCP Ortscheidt ; SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés ; SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh -

Textes visés :

Article R. 662-3 du code de commerce ; article 124-3 du code des assurances.

Com., 10 mars 2021, n° 19-16.816, n° 19-17.154, (P)

Cassation partielle

Sauvegarde – Plan de sauvegarde – Jugement arrêtant le plan – Effets – Applications diverses – Cautionnement antérieur à l'entrée en vigueur de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 – Opposabilité des dispositions du plan de sauvegarde

Il résulte de l'article 626-11 du code de commerce que le jugement qui arrête le plan de sauvegarde d'un débiteur en rend les dispositions opposables à tous et que, à l'exception des personnes morales, les cautions de ce débiteur peuvent s'en prévaloir, même si leur engagement est antérieur à l'entrée en vigueur de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 qui a introduit ce bénéfice à leur égard, dès lors que la procédure a été ouverte postérieurement.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 19-16.816 et n° 19-17.154 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 5 février 2019), la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Nord-Est (la banque) a, dans la limite des montants fixés par deux conventions de crédit global de trésorerie conclues les 3 novembre 2005 et 30 mars 2007 avec la société Nord voile, consenti à celle-ci deux prêts, respectivement de 189 700 et 150 000 euros, qui ont été réalisés le 26 juillet 2013.

3. N'ayant pas honoré ses engagements de remboursement, la société Nord voile a été mise en demeure, le 4 septembre 2014, de payer les sommes restant dues au titre des prêts.

La même mise en demeure a été délivrée à M. L..., gérant de la société, qui s'était rendu caution solidaire de l'exécution des conventions de crédit global de trésorerie.

Les créances de la banque ont été cédées à la société Intrum Justitia Debt Finance AG (la société Justitia).

4. Par un jugement du 30 septembre 2016, la société Nord voile a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde.

Le 22 septembre 2017, un plan de sauvegarde a été adopté, prévoyant le règlement de la créance de la société Justitia en un unique dividende forfaitaire de 10 %, le 22 septembre 2018.

Examen des moyens des pourvois n° 19-16.816 et n° 19-17.154, rédigés en termes identiques, réunis

Sur les moyens, pris en leur première branche, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur les moyens, pris en leur seconde branche

Enoncé des moyens

6. La société Nord voile et M. L... font grief à l'arrêt de fixer au passif de la procédure de sauvegarde les créances de la société Justitia aux sommes de 53 445,23 euros outre intérêts au taux de 8,50 % l'an majoré de six points à compter du 2 décembre 2014, 202 234,83 euros outre intérêts au taux de 2 % l'an majoré de six points à compter du 2 décembre 2014, et de 158 633,96 euros outre intérêts au taux de 2,12 % l'an majoré de six points à compter du 2 décembre 2014, de condamner M. L... à payer les sommes de 189 700 euros au titre du prêt du même montant outre intérêts au taux de 2 % l'an majoré de six points à compter du 2 décembre 2014, et la somme de 150 000 euros au titre du prêt de 150 000 euros outre intérêts au taux de 2,12 % l'an majoré de six points à compter du 2 décembre 2014, de dire que la condamnation à payer la somme de 150 000 euros outre intérêts ne pourra être mise à exécution contre M. L... qu'au terme du plan de sauvegarde ou si ce plan est résolu et de débouter M. L... de toutes ses autres demandes et notamment de sa demande de délai de paiement, alors « que l'article L. 626-11 du code de commerce, issu de la loi du 26 juillet 2005, entré en vigueur le 1er janvier 2006, s'applique sans réserve aux procédures nouvelles et les cautions en bénéficient dès lors que la procédure collective est ouverte à la date du 1er janvier 2006, indépendamment de la date de leur engagement ; qu'en jugeant que cette disposition n'était pas applicable au cautionnement donné le 3 novembre 2005, la cour d'appel a violé l'article L. 626-11 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 626-11 du code de commerce :

7. Il résulte de ce texte que le jugement qui arrête le plan de sauvegarde d'un débiteur en rend les dispositions opposables à tous, et qu'à l'exception des personnes morales, les cautions de ce débiteur peuvent s'en prévaloir, même si leur engagement est antérieur à l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005 qui a introduit ce bénéfice à leur égard, dès lors que la procédure a été ouverte postérieurement.

8. Pour limiter la faculté pour M. L... de se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde de la société Nord voile aux sommes dues au titre du cautionnement du 30 mars 2007, et rejeter sa demande d'inclusion de celles dues au titre du cautionnement du 3 novembre 2005, l'arrêt retient que l'article L. 626-11 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2006, n'est pas applicable au cautionnement donné le 3 novembre 2005 en garantie de la convention de crédit global consentie le même jour.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

10. En l'état des motifs critiqués par le moyen, qui ne viennent pas au soutien des chefs de dispositif relatifs aux condamnations prononcées contre la société Nord voile et contre M. L..., ni au soutien du chef de dispositif disant que la condamnation à payer la somme de 150 000 euros, outre intérêts, au titre du cautionnement du 30 mars 2007, ne pourra être mise à exécution contre M. L... qu'au terme du plan de sauvegarde de la société ou si ce plan est résolu, la cassation n'atteint que ce dernier chef de dispositif en ce qu'il exclut de son champ la condamnation de M. L... à payer la somme de 189 700 euros, outre intérêts, au titre du cautionnement du 3 novembre 2005.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il exclut du chef de dispositif disant que la condamnation à payer la somme de 150 000 euros, outre intérêts, au titre du cautionnement du 30 mars 2007, ne pourra être mise à exécution contre M. L... qu'au terme du plan de sauvegarde de la société ou si ce plan est résolu, la condamnation de M. L... à payer la somme de 189 700 euros, outre intérêts, au titre du cautionnement du 3 novembre 2005, l'arrêt rendu le 5 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article 626-11 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur l'application de l'article L. 626-11 du code de commerce à un cautionnement antérieur à l'entrée en vigueur de loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, à rapprocher : Com., 10 janvier 2012, pourvoi n°11-11.482, Bull. 2012, IV, n° 5 (cassation partielle).

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