Numéro 3 - Mars 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2021

EFFET DE COMMERCE

Com., 24 mars 2021, n° 19-18.614, (P)

Rejet

Aval – Donneur d'aval – Engagement – Limitation de la durée de la garantie – Conditions – Connaissance par le bénéficiaire de telles limitations

L'article L. 511-21, alinéa 6, du code de commerce n'interdit pas à un avaliste de limiter la durée de sa garantie en dehors des stipulations du billet à ordre ou de celles de l'aval dès lors que le bénéficiaire de celui-ci avait connaissance de telles limitations.

Aval – Donneur d'aval – Convention d'aval par acte séparé – Validité – Conditions

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 15 mai 2019), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 28 juin 2017, pourvoi n° 16-11.077) et les productions, une assemblée générale ordinaire de la société Mac Manus l'a autorisée à donner son aval pour une ligne de billets à ordre souscrits par sa filiale, la société Coreupt, au bénéfice de la société Banque commerciale pour le marché de l'entreprise, devenue la société Arkéa banque entreprises et institutionnels (la banque).

2. La société Coreupt n'ayant pas respecté ses engagements, la banque a dénoncé son concours et a assigné la société Mac Manus en exécution de ses engagements d'avaliste.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement à l'encontre de la société Mac Manus, alors :

« 1/ que le donneur d'aval est tenu de la même manière que celui dont il s'est porté garant ; que seule une stipulation de l'acte d'aval lui-même est de nature à soumettre l'avaliste à des restrictions ou limitations particulières ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu' « il est admis que l'avaliseur est autorisé à apporter à son engagement toutes limitations non contraires aux règles du change à la condition que ces restrictions soient clairement exprimées » ; qu'en statuant ainsi, quand il est constant que les prétendues limites et conditions de l'engagement ne résultaient d'aucune stipulation des actes d'aval, mais des termes de la résolution de l'assemblée générale ordinaire des associés de la société Mac Manus en date du 1er mars 2011, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, et a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 511-21 du code de commerce ;

2/ qu'est valable l'aval donné par une société civile s'il entre directement dans son objet social ou s'il existe une communauté d'intérêts entre cette société et la personne garantie ou encore s'il résulte du consentement unanime des associés ; qu'est donc licite l'aval qui entre directement dans l'objet social, quand bien même il excéderait les limites de l'autorisation donnée du consentement unanime des associés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'autorisation donnée par l'unanimité des associés de la société Mac Manus pour qu'elle se porte avaliste ne couvrait que les billets à ordre dont les échéances étaient antérieures au 29 février 2012 ; que, même à l'admettre, il n'en demeurait pas moins que l'aval demeurait régulier, et engageait la société Mac Manus s'il entrait dans l'objet social de cette société ; qu'en retenant pourtant que « ne peut être opposée à une personne physique ou morale une garantie dont se prévaut un tiers lorsque cette garantie était assortie de limites et conditions connues du tiers qui n'ont pas été respectées », sans rechercher, comme elle était invitée à le faire, si l'aval n'entrait pas directement dans l'objet social de la société Mac Manus, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1852 du code civil ;

3/ qu'est valable l'aval donné par une société civile s'il entre directement dans son objet social ou s'il existe une communauté d'intérêts entre cette société et la personne garantie ou encore s'il résulte du consentement unanime des associés ; qu'est donc licite l'aval lorsqu'il existe une communauté d'intérêts entre l'avaliste et la personne garantie, quand bien même il excéderait les limites de l'autorisation donnée du consentement unanime des associés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'autorisation donnée par l'unanimité des associés de la société Mac Manus pour qu'elle se porte avaliste ne couvrait que les billets à ordre dont les échéances étaient antérieures au 29 février 2012 ; que, même à l'admettre, il n'en demeurait pas moins que l'aval demeurait régulier, et engageait la société Mac Manus dès lors qu'il existait une communauté d'intérêts entre celle-ci et la société garantie, à savoir sa filiale, la société Coreupt ; qu'en retenant pourtant que « ne peut être opposée à une personne physique ou morale une garantie dont se prévaut un tiers lorsque cette garantie était assortie de limites et conditions connues du tiers qui n'ont pas été respectées », sans rechercher, comme elle était invitée à le faire, si la communauté d'intérêts unissant les sociétés Mac Manus et Coreupt ne suffisait pas à justifier l'aval, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1852 du code civil ;

4/ que les clauses statutaires et, a fiortiori, les stipulations extrastatutaires limitant les pouvoirs des gérants des sociétés civiles sont inopposables aux tiers, sans qu'il importe qu'ils en aient eu connaissance ou non ; qu'en retenant pourtant que « la banque ne peut pas davantage invoquer les pouvoirs du dirigeant de la société Mac Manus qui, selon elle, pouvait engager sa société au-delà de l'autorisation d'aval donnée en 2011 alors même qu'en sa qualité de bénéficiaire des garanties, elles connaissait les limites donnée par la société Mac Manus à son dirigeant » et « que, par là même, elle savait que ces mêmes restrictions s'imposaient au dirigeant », la cour d'appel a violé l'article 1849 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. En premier lieu, l'article L. 511-21, alinéa 6, du code de commerce n'interdit nullement à l'avaliste de limiter la durée de sa garantie, en dehors des stipulations même du billet à ordre ou de celles de l'aval, lorsqu'il est établi, comme le constate l'arrêt, que le bénéficiaire de l'aval avait connaissance de telles limitations.

5. En second lieu, après avoir relevé que la banque connaissait les restrictions résultant de la décision de l'assemblée générale des associés du donneur d'aval quant à la durée de la garantie, la cour d'appel a retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain de recherche de la commune intention des parties, qu'étaient seulement garantis par le donneur d'aval les billets à ordre ne dépassant pas une certaine échéance, sauf à ce qu'il sollicite à nouveau l'accord des associés de la société Mac Manus, justifiant ainsi légalement sa décision de rejeter la demande en paiement de la banque, sans avoir à effectuer les recherches invoquées par les deuxième, troisième et quatrième branches que ses constatations et appréciations rendaient inopérantes.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Guerlot - Avocat général : M. Lecaroz - Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article L. 511-21, alinéa 6, du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur la limitation de la durée de la garantie d'un donneur d'aval, à rapprocher : Com., 28 juin 2017, pourvoi n° 16-11.077.

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