Numéro 3 - Mars 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2021

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

Soc., 24 mars 2021, n° 19-13.188, (P)

Rejet

Licenciement – Cause – Cause réelle et sérieuse – Applications diverses – Maladie du salarié – Nécessité de pourvoir au remplacement définitif d'un salarié dont l'absence prolongée ou les absences répétées perturbent le fonctionnement de l'entreprise – Conditions – Remplacement définitif – Moment – Détermination – Portée

L'article L. 1132-1 du code du travail, qui fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, ne s'oppose pas au licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié. Ce salarié ne peut toutefois être licencié que si les perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié.

Ce remplacement doit intervenir à une date proche du licenciement ou dans un délai raisonnable après celui-ci, délai que les juges du fond apprécient souverainement en tenant compte des spécificités de l'entreprise et de l'emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l'employeur en vue d'un recrutement.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 août 2018), Mme V..., engagée le 17 avril 2009 en qualité de directrice par l'association Centre européen des professions culinaires, a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter de mai 2012.

2. Licenciée le 27 mars 2013, à raison de la désorganisation de l'association du fait de son absence prolongée et de la nécessité de procéder à son remplacement définitif, elle a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses première, troisième, quatrième et cinquième branches et le moyen du pourvoi incident, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, de rejeter sa demande de nullité du licenciement ainsi que ses demandes indemnitaires au titre de la rupture de son contrat de travail, alors « que si l'article L. 1132-1 du code du travail faisant interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap ne s'oppose pas au licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif de l'intéressé dont l'absence prolongée ou les absences répétées perturbent son fonctionnement, ce remplacement définitif doit toutefois être effectif à une date proche du licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'absence prolongée de la salariée avait perturbé le fonctionnement de l'entreprise et rendait nécessaire son remplacement quand celui-ci n'est intervenu que six mois après le licenciement de Mme V..., ce dont il résulte que la nécessité alléguée n'était pas établie ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi les articles L. 1132-1, L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail. »

Réponse de la cour

5. L'article L. 1132-1 du code du travail, qui fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, ne s'oppose pas au licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié. Ce salarié ne peut toutefois être licencié que si les perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié, lequel doit intervenir à une date proche du licenciement ou dans un délai raisonnable après celui-ci, délai que les juges du fond apprécient souverainement en tenant compte des spécificités de l'entreprise et de l'emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l'employeur en vue d'un recrutement.

6. C'est par une appréciation souveraine que la cour d'appel, tenant compte des démarches immédiatement engagées par l'employeur en vue d'un recrutement et de l'importance du poste de directeur, a estimé que le remplacement de l'intéressée était intervenu dans un délai raisonnable.

7. Le moyen n'est en conséquence pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Pion - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 1132-1 et L. 1232-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le moment où doit intervenir le remplacement définitif d'un salarié dont l'absence prolongée ou les absences répétées perturbent le fonctionnement de l'entreprise, à rapprocher : Soc., 16 septembre 2009, pourvoi n° 08-41.879, Bull. 2009, V, n° 186 (cassation), et les arrêts cités ; Soc., 28 octobre 2009, pourvoi n° 08-44.241, Bull. 2009, V, n° 234 (2) (cassation partielle).

Soc., 17 mars 2021, n° 19-23.042, (P)

Rejet

Licenciement – Cause – Cause réelle et sérieuse – Défaut – Applications diverses – Salarié soumis à un agrément administratif – Retrait de l'agrément – Annulation du retrait de l'agrément – Effet rétroactif – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 juillet 2019), M. I... a été engagé par la Régie autonome des transports parisiens (RATP) le 29 décembre 1999 en qualité d'agent de sécurité.

2. Par décision du 19 octobre 2015, le préfet de police a abrogé l'autorisation de port d'arme du salarié, qu'il avait renouvelée la dernière fois le 25 septembre précédent.

3. Le 20 octobre 2015, la direction de la RATP a informé le salarié de la décision du préfet de police et l'a suspendu de ses fonctions.

Le 17 décembre 2015, le directeur général de la RATP a prononcé la révocation du salarié avec effet le même jour.

4. Sur le recours du salarié, le tribunal administratif a, par jugement du 24 mai 2018, annulé la décision du préfet du 19 octobre 2015 pour erreur manifeste d'appréciation.

5. Le 1er février 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour que soit jugée nulle sa révocation et obtenir sa réintégration.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en nullité de sa révocation et de réintégration, alors :

« 1° / que les actes administratifs annulés pour excès de pouvoir sont réputés n'être jamais intervenus ; qu'en rejetant la demande de nullité de la révocation de l'exposant, fondée sur la décision d'abrogation de l'autorisation de port d'arme du 19 octobre 2015, tandis qu'elle avait par ailleurs constaté que cette décision d'abrogation avait été annulée par un jugement du tribunal administratif d'Amiens du 24 mai 2018, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation du principe selon lequel l'annulation d'un acte administratif implique que cet acte est réputé n'être jamais intervenu ;

2°/ que résulte de l'article L. 1132-1 du code du travail qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire fondée sur ses convictions religieuses et ses opinions politiques ; qu'en se limitant aux seuls motifs de l'arrêté du 19 octobre 2015, selon lesquels il ressortait des informations communiquées que le comportement du salarié laissait à craindre une utilisation dangereuse pour autrui des armes qui lui étaient confiées pour assurer ses missions, pour apprécier l'existence d'une discrimination, sans tenir compte de ceux du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 24 mai 2018 ayant annulé ledit arrêté et dont il résultait que le préfet s'était fondé sur une analyse inexacte des convictions religieuses et opinions politique du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1132-1 du code du travail ;

3°/ que l'autorité de chose jugée qui s'attache aux décisions d'annulation rendues par le juge administratif est une autorité absolue qui s'attache tant au dispositif qu'aux motifs qui en sont le soutien nécessaire ; qu'en se limitant aux seuls motifs de l'arrêté du 19 octobre 2015, selon lesquels il ressortait des informations communiquées que le comportement du salarié laissait à craindre une utilisation dangereuse pour autrui des armes qui lui étaient confiées pour assurer ses missions, pour apprécier l'existence d'une discrimination, sans tenir compte de ceux du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 24 mai 2018 ayant annulé ledit arrêté et dont il résultait que le préfet s'était fondé sur une analyse inexacte des convictions religieuses et opinions politiques du salarié, la cour d'appel a violé le principe de l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif des décisions d'annulation rendues par le juge administratif. »

Réponse de la Cour

7. En premier lieu le principe selon lequel les actes administratifs annulés pour excès de pouvoir sont réputés n'être jamais intervenus n'entraîne pas en lui-même la nullité d'une mesure prise par l'employeur en considération de la décision administrative annulée.

8. En revanche, selon une jurisprudence établie de la Cour de cassation (Soc., 25 mars 2009, pourvoi n° 07-45.686, Bull. 2009, V, n° 86 ; Soc., 4 mai 2011, pourvoi n° 08-44.431 ; Soc., 2 mars 2011, pourvoi n° 09-67.990), en raison de l'effet rétroactif s'attachant à l'annulation de la décision préfectorale, le salarié est réputé n'avoir jamais perdu l'agrément administratif nécessaire à l'exercice de ses fonctions, en sorte que le licenciement prononcé pour ce seul motif est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

9. En second lieu, la cour d'appel a constaté que la révocation du salarié a été prononcée par la RATP, par la décision du 17 décembre 2015, aux motifs, d'une part de l'abrogation par le préfet de police de l'autorisation de port d'arme, d'autre part de la motivation de la décision d'abrogation selon laquelle le comportement du salarié est de nature à laisser craindre une utilisation dangereuse pour autrui des armes qui lui sont confiées pour assurer ses missions.

10. Elle en a déduit à bon droit que la décision de révocation du salarié n'avait pas été prise par l'employeur en raison de ses convictions religieuses et de ses opinions politiques, mais en raison d'un risque d'atteinte aux personnes qui, s'il s'est révélé ultérieurement infondé, est étranger à toute discrimination en raison des convictions religieuses et des opinions politiques, de sorte que si la révocation du salarié était sans cause réelle et sérieuse du fait de l'annulation par la juridiction administrative de l'arrêté du préfet de police retirant l'habilitation du salarié au port d'une arme, la demande de nullité de cette révocation et de réintégration devait être rejetée.

11. Il en résulte que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Joly - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Lesourd ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Rapprochement(s) :

Sur le caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement d'un salarié dont le retrait d'agrément est annulé par la juridiction administrative, à rapprocher : Soc., 25 mars 2009, pourvoi n° 07-45.686, Bull. 2009, V, n° 86 (rejet).

Soc., 31 mars 2021, n° 19-26.054, (P)

Rejet

Licenciement économique – Cause – Cause réelle et sérieuse – Motif économique – Appréciation – Cadre – Existence d'un groupe de sociétés – Périmètre du groupe – Détermination

La cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient.

Il incombe à l'employeur de démontrer, dans le périmètre pertinent, la réalité et le sérieux du motif invoqué.

En conséquence, ne méconnaît pas les règles de la charge de la preuve relatives à l'étendue du secteur d'activité du groupe dans lequel intervient l'entreprise, la cour d'appel qui, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a constaté, en prenant en considération l'activité des sociétés du groupe et l'activité propre de l'employeur, que celui-ci relevait d'un secteur d'activité plus étendu que celui qu'il avait retenu.

Dès lors que l'employeur ne démontrait pas la réalité de difficultés économiques au sein du secteur d'activité à prendre en considération, la cour d'appel en a exactement déduit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

Licenciement économique – Cause – Cause réelle et sérieuse – Motif économique – Appréciation – Cadre – Existence d'un groupe de sociétés – Secteur d'activité commun – Détermination – Portée

Licenciement économique – Cause – Cause réelle et sérieuse – Motif économique – Appréciation – Cadre – Existence d'un groupe de sociétés – Secteur d'activité commun – Etendue – Preuve – Charge – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 23 octobre 2019), M. H... a été engagé le 2 octobre 2003 par la société Cendres+Métaux France (la société) en qualité de voyageur représentant placier.

2. Après avoir refusé, le 5 novembre 2015, une proposition de modification de son contrat de travail pour motif économique, le salarié a été convoqué le 23 novembre 2015 à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique fixé au 4 décembre 2015 et a adhéré le 24 décembre 2015 au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé lors de cet entretien, son contrat de travail ayant été rompu le 26 décembre 2015.

3. Il a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir des dommages-intérêts à ce titre.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à verser au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de confirmer le jugement en ce qu'il la condamne à verser au salarié une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'ordonner le remboursement des allocations de chômage versées au salarié et de la condamner à payer au salarié une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, alors :

« 1°/ que la preuve du secteur d'activité du groupe au sein duquel s'apprécie la cause économique du licenciement économique est partagée entre l'employeur et le salarié ; qu'en l'espèce, elle faisait valoir, preuves à l'appui, que les difficultés économiques ayant justifié le licenciement du salarié devaient être appréciées au niveau du secteur dentaire, lequel se caractérisait par la spécificité des produits fabriqués et distribués (consommables et matériels nécessaires à la fabrication de prothèses dentaires sur mesure), ses canaux de distribution (filiales propres, réseaux d'importateurs indépendants dans les autres pays), sa clientèle et utilisateurs finaux (principalement les laboratoires de prothèses indépendants) et ses marques (Cendres + Métaux), ajoutant que, même après son rapprochement avec le secteur médical, envisagé fin 2015 mais effectif à partir du 1er juin 2016, soit postérieurement au licenciement du salarié, le secteur dentaire était demeuré distinct, ainsi que le confirmait le maintien, au sein de la nouvelle division Medtech, d'une sous-branche de vente directe (correspondant à l'ancienne division dentaire) à côté de celle nommée CMO (Contract Manufacturing ou fabrication sous contrat) (équivalent à l'ancienne division médicale) ; qu'en jugeant, pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, que l'employeur ne démontrait pas que les secteurs d'activité dentaire et médical continuaient, dans la nouvelle orientation stratégique, de fonctionner de manière distincte à compter de juillet 2015, la cour d'appel qui a fait peser la preuve du secteur d'activité à retenir pour apprécier la cause économique du licenciement exclusivement sur l'employeur, a violé l'article 1315, devenu l'article 1353, du code civil ;

2°/ que le secteur d'activité qui sert de cadre d'appréciation du motif économique du licenciement doit être déterminé en fonction du marché sur lequel l'entreprise intervient, lequel est fonction de la nature des produits ou services vendus, de leur mode de production et/ou de commercialisation et de la clientèle à laquelle ils s'adressent ; qu'en l'espèce, pour dire que les secteurs d'activité dentaire et médicale avaient été fusionnés dès le 1er juillet 2015, soit dès avant le licenciement du salarié, la cour d'appel s'est déterminée au regard de communiqués officiels du groupe évoquant la fusion décidée « à partir du 1er juillet 2015 » de ces activités « en une seule division Medtech », sous la responsabilité de M. P... G..., ainsi qu'une note interne de l'employeur datée du 5 novembre 2015 présentant ce dernier sous le titre de « Directeur Medtech » ; qu'en se fondant sur ces seuls éléments, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser que, dès cette date, antérieure au licenciement, les activités dentaire et médicale avaient été effectivement confondues au-delà du seul rapprochement organisationnel de leur direction, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

5. La cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient. Il incombe à l'employeur de démontrer, dans le périmètre pertinent, la réalité et le sérieux du motif invoqué.

6. La spécialisation d'une entreprise dans le groupe ne suffit pas à exclure son rattachement à un même secteur d'activité, au sein duquel doivent être appréciées les difficultés économiques.

7. La cour d'appel, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a constaté en prenant en considération l'activité des sociétés du groupe Cendres+Métaux et l'activité propre de la société Cendres+Métaux France, que les domaines d'activités dentaire et médical avaient été fusionnés en une seule division à partir du 1er juillet 2015, placée sous la responsabilité d'une seule personne, afin de mettre en place une nouvelle orientation stratégique et de développer de nouveaux produits nécessitant une prospection ciblée du marché, une haute productivité et une organisation efficace. Elle a retenu, sans méconnaître les règles relatives à la charge de la preuve, que cette division constituait le secteur d'activité au niveau duquel devait s'apprécier la cause économique du licenciement.

8. Ayant ensuite relevé que l'employeur limitait les informations qu'il produisait à la situation du secteur de l'activité dentaire et ne démontrait pas la réalité de difficultés économiques au niveau du secteur d'activité à prendre en considération, la cour d'appel en a exactement déduit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Mariette - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article L. 1233-3 du code du travail.

Soc., 17 mars 2021, n° 19-12.025, n° 19-12.026, n° 19-12.027, (P)

Rejet

Licenciement économique – Cause – Cause réelle et sérieuse – Motif économique – Défaut – Cas – Difficultés économiques résultant d'agissements fautifs de l'employeur – Caractérisation – Conformité aux dispositions de la directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 – Portée

La jurisprudence de la chambre sociale de Cour de cassation, qui admet qu'un licenciement économique puisse être dénué de cause réelle et sérieuse lorsque l'employeur a commis une faute à l'origine du motif économique invoqué, ne procède pas, comme dans l'affaire AGET Iraklis examinée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 21 décembre 2016 (CJUE, arrêt du 21 décembre 2016, AGET Iraklis/ Ypourgos Ergasias, Koinonikis Asfalisis kai Koinonikis Allilengyis, C-201/15), d'un contrôle préalable permettant à une autorité nationale de s'opposer à un projet de licenciement collectif pour des motifs ayant trait à la protection des travailleurs et de l'emploi, mais s'inscrit au contraire dans un contrôle « a posteriori » de la cause du licenciement, en sorte qu'elle ne touche en rien à la liberté de jugement de l'employeur quant à savoir si et quand il doit former un projet de licenciement collectif.

Elle repose en outre sur des critères suffisamment précis, seuls certains comportements fautifs de l'employeur, ne constituant pas une simple erreur dans l'appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion, pouvant priver de cause réelle et sérieuse un licenciement de nature économique.

Elle n'est donc pas de nature à faire obstacle au droit de l'employeur de licencier et partant à l'effet utile de la directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs, laquelle a pour objectif principal de faire précéder les licenciements collectifs d'une consultation des représentants des travailleurs et de l'information de l'autorité publique compétente.

En l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de cette directive, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 19-12.025 à 19-12.027 sont joints.

Désistement partiel

2. Il est donné acte à la société Keyria du désistement de ses pourvois en ce qu'ils sont dirigés contre MM. A... et K..., pris en leur qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Keyria, la société MJA, prise en la personne de Mme F... en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Keyria, la société Frégate, la société Legris industries Partners 1 (LIP1) et l'AGS CGEA IDF Ouest.

Faits et procédure

3. Selon les arrêts attaqués (Paris, 11 décembre 2018), au 1er janvier 2009, le groupe Legris était organisé en trois divisions industrielles, dont la division Keyria regroupant trente et une sociétés ayant pour activité la conception et l'installation d'usines et des équipements de production de matériaux de construction.

La société Keyria, elle-même détenue par la société Legris industrie par l'intermédiaire des sociétés Legris industries Partner 1 et Legris industrie FE, était la société holding de la division Keyria et avait pour activité l'accomplissement de prestations de services au profit de l'ensemble des sociétés de la division dans différents domaines (comptabilité, fiscalité, communication...).

4. Par jugement du 28 octobre 2009, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Keyria, puis, par jugement du 9 juin 2010, a arrêté le plan de sauvegarde de la société. Dans le même temps, la plupart des filiales françaises de la division Keyria ont fait l'objet de liquidations judiciaires.

5. MM. Q..., S... et Mme V..., qui étaient salariés de la société Keyria, ont été licenciés entre février et mai 2010, dans le cadre d'un licenciement économique collectif concernant 30 salariés, et ont saisi la juridiction prud'homale afin de voir constater que le motif économique invoqué résultait d'une faute et à tout le moins d'une légèreté blâmable de leur employeur, demandant la condamnation de la société Keyria à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La demande de saisine préjudicielle de la Cour de justice de l'Union européenne

6. La société Keyria demande que soient transmises à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes :

« Le licenciement opéré en l'espèce étant, on l'a dit, collectif, la question se pose en effet de savoir si la directive 98/59/CE du 20 juillet 1998, ensemble le principe de la liberté d'établissement et de la liberté d'entreprendre, ne doivent pas être interprétés en ce sens que, dès lors qu'un employeur connaît des difficultés économiques avérées, il ne doit pas pouvoir librement procéder à un licenciement collectif, avec pour seule exception à ce principe le cas de la fraude ?

Cette directive et ces principes ne doivent-ils pas être interprétés comme prohibant la disqualification d'un licenciement collectif en licenciement sans cause réelle et sérieuse dès lors que les difficultés économiques, ainsi que l'absence de fraude, sont avérées et que le cas de disqualification retenu (la « légèreté blâmable ») non seulement empiète sur l'appréciation souveraine de l'employeur sur les décisions de gestion, mais encore n'est pas suffisamment précis ni connu à l'avance ? »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de l'article 267, 3e alinéa, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, que lorsqu'une question est soulevée dans le cadre d'une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour d'une demande de décision préjudicielle. Une telle obligation n'incombe pas à cette juridiction lorsque celle-ci constate que la question soulevée n'est pas pertinente ou que la disposition du droit de l'Union en cause a déjà fait l'objet d'une interprétation de la part de la Cour ou que l'application correcte du droit de l'Union s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable.

8. La directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs a pour objectif principal de faire précéder les licenciements collectifs d'une consultation des représentants des travailleurs et de l'information de l'autorité publique compétente.

9. Il ne ressort pas de l'arrêt que la société Keyria relève de la liberté d'établissement comme établie dans un autre Etat membre ayant créé des filiales en France.

10. La Cour de justice de l'Union européenne, dans un arrêt du 21 décembre 2016 (CJUE, arrêt du 21 décembre 2016, AGET Iraklis, C-201/15), après avoir relevé que l'article 2 de la directive 98/59 du Conseil du 20 juillet 1998 « impose une obligation de négociation », la consultation des représentants des travailleurs devant être effectuée « en vue d'aboutir à un accord » afin d'éviter ou de limiter le nombre de licenciements, ainsi que d'en atténuer les conséquences, a précisé que les conditions de fond auxquelles se trouve, le cas échéant, soumise la possibilité pour l'employeur de procéder ou non à des licenciements collectifs ne relèvent pas, en principe, de l'application de la directive 98/59 et demeurent, en conséquence, du ressort des Etats membres (point 33). Ainsi, ladite directive ne saurait, en principe, être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à un régime national conférant à une autorité publique le pouvoir d'empêcher des licenciements collectifs par une décision motivée, sauf dans l'hypothèse où un tel régime national aurait pour effet de priver les dispositions des articles 2 à 4 de la directive 98/59 de leur effet utile (points 34 et 35), c'est à dire d'exclure toute possibilité effective pour l'employeur de procéder à des licenciements collectifs (point 38).

11. Cependant, il convient de relever que la jurisprudence critiquée de la Cour de cassation ne procède pas, comme dans l'affaire AGET Iraklis, d'un contrôle préalable permettant à une autorité nationale de s'opposer à un projet de licenciement collectif pour des motifs ayant trait à la protection des travailleurs et de l'emploi, mais s'inscrit au contraire, dans un contrôle « a posteriori » de la cause du licenciement, en sorte qu'elle ne touche en rien à la liberté de jugement de l'employeur quant à savoir si et quand il doit former un projet de licenciement collectif et n'est donc pas de nature à priver d'effet utile la directive 98/59 du Conseil du 20 juillet 1998.

12. Il ressort en outre de la jurisprudence de la Cour de cassation, que si les juges du fond doivent contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique de licenciement au regard des critères posés par l'article L. 1233-3 du code du travail pour autant ils ne peuvent pas se substituer à l'employeur quant aux choix qu'il effectue pour faire face à la situation économique de l'entreprise.

La Cour de cassation veille ainsi à ce que dans le cadre de ce contrôle de la réalité et du sérieux du motif économique, les juges du fond ne procèdent pas à une appréciation des choix de gestion de l'employeur (Ass. plén., 8 décembre 2000, pourvoi n° 97-44.219, Bull. 2000, Ass. plén., n° 11 ; Soc., 8 juillet 2009, pourvoi n° 08-40.046, Bull. 2009, V, n° 173).

13. Il ressort de cette jurisprudence que dès lors que l'employeur justifie de difficultés économiques réelles et sérieuses, de mutations technologiques, d'une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou d'une cessation d'activité totale et définitive, il ne peut pas être sanctionné pour ses choix de gestion, même lorsqu'ils résultent d'une erreur d'appréciation (Soc., 14 décembre 2005, pourvoi n° 03-44.380, Bull. V, n° 365). Seuls certains comportements fautifs de l'employeur, ne constituant pas une simple erreur dans l'appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion, peuvent priver de cause réelle et sérieuse un licenciement de nature économique (Soc., 16 janvier 2001, pourvoi n° 98-44.647, Bull. 2001, V, n° 10 ; Soc., 4 novembre 2020, pourvoi n° 18-23.029).

14. Les difficultés économiques ne sauraient être ainsi issues d'une situation volontaire dans laquelle l'employeur « s'était laissé dépouiller par pure complaisance d'une partie importante de son patrimoine et avait ainsi contribué en connaissance de cause à la création de la mauvaise situation financière apparue à l'époque du licenciement » (Soc., 9 octobre 1991, pourvoi n° 89-41.705, Bull. 1991, V, n° 402), ou d'une fraude lorsque les difficultés ont été « intentionnellement et artificiellement créées » (Soc., 12 janvier 1994, pourvoi n° 92-43.191).

15. Dans l'arrêt rendu le 10 septembre 2019 (Soc., 10 septembre 2019, pourvois n° 19-12.025, 19-12.026, 19-12.027) refusant de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Keyria, la Cour de cassation a en outre rappelé qu'il n'existait pas de jurisprudence constante selon laquelle un licenciement pour motif économique pourrait être privé de cause réelle et sérieuse en présence d'une quelconque faute de gestion, alors même que celle-ci serait dépourvue de lien de causalité direct et certain avec les difficultés économiques.

16. Il en résulte que la jurisprudence critiquée de la Cour de cassation qui admet, dans le cadre d'un contrôle « a posteriori », qu'un licenciement économique puisse être dénué de cause réelle et sérieuse lorsque l'employeur a commis une faute à l'origine du motif économique invoqué, repose sur des critères suffisamment précis. Elle n'est pas de nature à faire obstacle au droit de l'employeur de licencier et partant à l'effet utile de la directive 98/59.

17. En l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de la directive 98/59 du Conseil du 20 juillet 1998, il n'y a pas lieu en conséquence de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

Examen des moyens

Sur les premier et second moyens :Publication sans intérêt

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT n'y avoir lieu à renvoi préjudiciel ;

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Mariette - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin ; Me Haas -

Textes visés :

Directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs.

Rapprochement(s) :

Sur le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement lorsque les difficultés économiques résultent d'agissements fautifs de l'employeur, à rapprocher : Soc., 24 mai 2018, pourvoi n° 17-12.560, Bull. 2018, V, n° 85 (rejet).

Soc., 17 mars 2021, n° 18-16.947, (P)

Rejet

Licenciement économique – Licenciement collectif – Plan de sauvegarde de l'emploi – Mise en oeuvre – Conditions – Appréciation – Cadre – Unité économique et sociale – Reconnaissance – Reconnaissance postérieure à l'autorisation administrative de licenciement d'un salarié protégé – Incidence sur la validité des licenciements – Compétence du juge judiciaire – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 20 mars 2018), M. F... a été engagé le 4 janvier 1999 en qualité de comptable par la société Tresch organisation, aux droits de laquelle vient la société S2J Finance. Courant 2013, la société Tresch organisation, holding administrative fournissant des prestations de service à destination des filiales, a décidé le transfert de son siège d'[...], sur un site de la société Tresch Clerget chargée des activités d'exploitation et de commercialisation, avec laquelle elle constituait le groupe Tresch.

Le 2 octobre 2013, l'employeur a proposé au salarié la modification de son contrat de travail pour motif économique consistant en une mutation sur le site de Vignoles.

2. Suite à son refus et celui d'autres salariés, l'employeur a engagé une procédure de licenciement collectif pour motif économique et a réuni les délégués du personnel les 18 novembre et 4 décembre 2013.

3. Par jugement du 21 janvier 2014, le tribunal d'instance a reconnu l'existence d'une unité économique et sociale (UES) entre les sociétés Tresch organisation et Tresch Clerget, ce en l'état de la situation existante à la date de la demande introductive d'instance, soit le 28 octobre 2013.

4. M. F..., salarié protégé en sa qualité de délégué du personnel suppléant, a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique fixé le 4 février 2014, au cours duquel il s'est vu remettre les documents relatifs au contrat de sécurisation professionnelle. Son licenciement a été autorisé par décision de l'inspecteur du travail du 2 avril 2014.

Le salarié ayant accepté le contrat de sécurisation professionnelle, le contrat de travail a été rompu à l'issue du délai de réflexion.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La société S2J Finance fait grief à la cour d'appel de se déclarer compétente pour la condamner à indemniser la rupture du contrat de travail de M. F..., alors « qu'en vertu du principe de la séparation des autorités administrative et judiciaire, le juge judiciaire ne peut remettre en cause l'autorisation administrative de licencier un salarié protégé ; que ce principe interdit au juge judiciaire d'apprécier la régularité de la procédure antérieure à la décision de l'inspection du travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'autorisation administrative de licencier, délivrée le 2 avril 2014, n'avait pas été contestée par le salarié ; qu'en retenant que la contestation du salarié, qui prétendait qu'un plan de sauvegarde de l'emploi aurait dû être mis en oeuvre, « ne concerne pas le bien-fondé de la décision administrative ayant autorisé le licenciement », quand cette procédure, à la supposer applicable aurait dû être mise en oeuvre avant la saisine de l'inspecteur du travail, la cour d'appel a violé la loi du 16-24 août 1790. »

Réponse de la Cour

6. Il appartient à l'inspecteur du travail saisi de la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique d'un salarié protégé inclus dans un licenciement collectif qui requiert l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, ou au ministre chargé du travail statuant sur recours hiérarchique, de s'assurer de l'existence, à la date à laquelle il statue sur cette demande, d'une décision de validation ou d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, à défaut de laquelle l'autorisation de licenciement ne peut légalement être accordée.

En revanche, dans le cadre de l'examen de cette demande, il n'appartient à ces autorités, ni d'apprécier la validité du plan de sauvegarde de l'emploi ni, plus généralement, de procéder aux contrôles mentionnés aux articles L. 1233-57-2 et L. 1233-57-3 du code du travail, qui n'incombent qu'au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétemment saisi de la demande de validation ou d'homologation du plan (CE, 19 juillet 2017, n° 391849, Rec.).

7. Par ailleurs, il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour (Soc., 16 novembre 2010, pourvoi n° 09-69.485, 09-69.486, 09-69.487, 09-69.488, 09-69.489, Bull. 2010, V, n° 258) que, si les conditions d'effectifs et de nombre de licenciements dont dépend l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi s'apprécient au niveau de l'entreprise que dirige l'employeur, il en va autrement lorsque, dans le cadre d'une unité économique et sociale, la décision de licencier a été prise au niveau de cette UES.

8. Il en résulte qu'en l'absence de toute procédure de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à la juridiction judiciaire d'apprécier l'incidence de la reconnaissance d'une UES quant à la validité des licenciements, dès lors qu'il est soutenu devant elle que les licenciements auraient été décidés au niveau de cette UES, sans que cette contestation, qui ne concerne pas le bien-fondé de la décision administrative ayant autorisé le licenciement d'un salarié protégé, porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs.

9. La cour d'appel a constaté que les licenciements entrepris participaient d'un seul et même projet décidé au niveau de l'UES entre la société Tresch organisation qui ne comptait que quinze salariés et la société Tresch Clerget qui en comprenait plus d'une centaine, de sorte que la société Tresch organisation aurait dû mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi au niveau de l'UES pour les salariés licenciés de Tresch organisation.

10. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a décidé que la contestation du salarié ne concernait pas le bien-fondé de la décision administrative ayant autorisé le licenciement et que, par voie de conséquence, la juridiction prud'homale était compétente pour connaître de cette demande.

Sur le second moyen : Publication sans intérêt

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Prache - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Principe de la séparation des pouvoirs.

Soc., 31 mars 2021, n° 19-17.300, n° 19-17.301, n° 19-17.302, n° 19-17.303, n° 19-17.304, n° 19-17.305, n° 19-17.306, n° 19-17.307, n° 19-17.308, n° 19-17.310 et suivants, (P)

Rejet

Licenciement économique – Reclassement – Obligation de l'employeur – Périmètre de l'obligation – Groupe de sociétés – Groupe de reclassement – Périmètre – Preuve – Charge – Détermination – Portée

Si la preuve de l'exécution de l'obligation de reclassement incombe à l'employeur, il appartient au juge, en cas de contestation sur l'existence ou le périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties.

En conséquence, ne méconnaît pas les règles de la charge de la preuve relatives au périmètre du groupe de reclassement, la cour d'appel qui, appréciant les éléments qui lui étaient soumis tant par l'employeur que par le salarié, a constaté qu'il n'était pas suffisamment établi que le périmètre de reclassement devait être limité à seulement trente-cinq sociétés du groupe, comme retenu par l'employeur, et en a déduit que celui-ci ne justifiait pas du respect de son obligation de reclassement.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° X 19-17.300 à F 19-17.308, G 19-17.310 à T 19-17.319 et V 19-17.321 à Z 19-17.325 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Rennes, 27 mars 2019), la société Boutet Nicolas, appartenant au groupe CECAB, et ayant une activité de fabrication de conserves de légumes stérilisés, a licencié dans le courant des mois de mars à juin 2014 M. R... et vingt-trois autres salariés dans le cadre d'une procédure de licenciement économique collectif.

3. Contestant leur licenciement, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses trois dernières branches

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

5. La société fait grief aux arrêts de dire les licenciements dépourvus de cause réelle et sérieuse, de la condamner à verser aux salariés des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de lui ordonner d'office de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées aux salariés dans la limite de six mois, alors :

« 1°/ que la charge de la preuve du périmètre de reclassement n'incombe pas à l'employeur, de sorte que le doute profite à ce dernier ; qu'en retenant par motifs propres que les seuls éléments produits par la société ne permettaient pas de limiter le périmètre des recherches de reclassement à 35 entités du groupe CECAB et, par motifs adoptés, qu'elle ne produisait aux débats aucun organigramme précis des entreprises constituant le groupe se contentant de fournir une présentation incomplète de celui-ci effectuée dans le document d'information des instances représentatives au titre de l'article L. 1233-31 du code du travail, pour en déduire que le reclassement des salariés devait être recherché dans l'ensemble des sociétés du groupe CECAB, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve du périmètre de reclassement sur l'employeur, et partant a violé les dispositions de l'article 1233-4 du code du travail, alors en vigueur ;

2°/ que la recherche des possibilités de reclassement doit être effectuée à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en l'espèce, la société Boutet Nicolas faisait valoir et offrait de prouver que parmi les entreprises composant le groupe CECAB, seules 35 d'entre elles constituaient le périmètre de reclassement en ce que leur organisation permettait d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir consulté l'ensemble des sociétés composant le groupe CECAB, sans caractériser que les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation de ces sociétés permettaient d'effectuer une permutation de tout ou partie du personnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa version alors en vigueur. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Cette recherche de possibilités de reclassement doit être réalisée par l'employeur, si la société fait partie d'un groupe, auprès des autres sociétés de ce groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

7. Si la preuve de l'exécution de l'obligation de reclassement incombe à l'employeur, il appartient au juge, en cas de contestation sur l'existence ou le périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties.

8. La cour d'appel, en l'état des éléments qui lui étaient soumis tant par l'employeur que par le salarié, a constaté qu'il n'était pas suffisamment établi que le périmètre de reclassement devait être limité à seulement trente-cinq sociétés du groupe, comme retenu par l'employeur, et a pu en déduire, sans méconnaître les règles relatives à la charge de la preuve, que l'employeur ne justifiait pas du respect de son obligation de reclassement.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Mariette - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article L. 1233-4 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010.

Rapprochement(s) :

Sur la charge de la preuve relative au périmètre du groupe de reclassement lors d'un licenciement économique, à rapprocher : Soc., 16 novembre 2016, pourvoi n° 14-30.063, Bull. 2016, V, n° 216 (2) (rejet), et les arrêts cités.

Soc., 17 mars 2021, n° 19-11.114, (P)

Cassation partielle

Licenciement économique – Reclassement – Obligation de l'employeur – Périmètre de l'obligation – Groupe de sociétés – Groupe de reclassement – Reclassement – Recherche de postes disponibles – Recherche assortie du profil personnalisé du salarié – Nécessité (non)

Il résulte de l'article L.1233-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 que l'employeur est tenu avant tout licenciement économique de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe dont il relève, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. Les recherches de postes disponibles dans les sociétés du groupe, auquel appartient l'employeur qui envisage un licenciement économique collectif, n'ont pas à être assorties du profil personnalisé des salariés concernés par le reclassement.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 22 novembre 2018), la société VFD, exerçant une activité de transport interurbain de voyageurs et appartenant à un groupe, a décidé de procéder à une restructuration pour motif économique. Des salariés ont été licenciés pour motif économique le 12 décembre 2013 dans le cadre d'un licenciement économique collectif avec mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi.

2. Contestant leur licenciement, Mme J... et sept autres salariés ont saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Sur le moyen, en ses griefs concernant Mmes J... et V... et MM. Y..., L... et C...

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire les licenciements de Mmes J... et V... et de MM. Y..., L... et C... dépourvus de cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer à chacun des dommages-intérêts à ce titre et d'ordonner le remboursement à Pôle emploi d'indemnités de chômage payées aux intéressés, alors :

« 1°/ que l'obligation de reclasser les salariés dont le licenciement pour motif économique est envisagé n'incombe qu'à l'employeur, et non aux autres sociétés du groupe auquel il appartient ; qu'en conséquence, s'il doit rechercher des possibilités de reclassement dans les entreprises du groupe dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'implantation permettent la permutation de tout ou partie du personnel, l'employeur ne saurait reporter sur ces entreprises la charge d'examiner l'adaptation des postes disponibles en leur sein à la situation de chaque salarié ; que l'employeur n'est donc pas tenu, lorsqu'il interroge les entreprises du groupe sur les possibilités de reclassement existant en leur sein, de leur fournir des indications précises sur les qualifications, expériences et ancienneté de chaque salarié ; qu'en l'espèce, la société VFD justifiait avoir demandé à ses trois filiales, par lettres du 18 juin 2013, de lui communiquer ''toutes les possibilités de reclassement, accompagnées d'un descriptif de poste détaillé (emploi et qualification, nature du contrat, date à laquelle ce poste doit être pourvu, lieu de travail, durée du travail, rémunération, etc.) et ce quelle que soit la localisation géographique des postes'', en leur fournissant la liste des emplois dont elle envisageait la suppression ; qu'en relevant, pour dire que la société VFD ne justifiait pas s'être entièrement libérée de son obligation de reclassement, que ces courriers ne comportent aucune indication concrète relative aux salariés occupant les postes supprimés notamment quant à leur âge, formation, expérience, qualification, ancienneté, la cour d'appel a reporté sur les autres sociétés du groupe la charge d'effectuer les recherches de reclassement et a ainsi violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;

2°/ que la seule indication de la nature et de la classification des emplois supprimés permet aux entreprises sollicitées de fournir une réponse utile sur l'existence, en leur sein, de postes susceptibles de correspondre aux qualifications des salariés menacés de licenciement et de permettre leur reclassement ; qu'en l'espèce, la société VFD avait indiqué, dans les lettres adressées à ses filiales, le niveau de classification et l'intitulé de chaque poste de travail supprimé, ce qui permettait à ces sociétés de lui faire connaître les postes éventuellement disponibles en leur sein faisant appel à des qualifications de même nature ; qu'ainsi, l'une des filiales avait répondu qu'elle disposait d'un poste de ''contrôle'' susceptible de correspondre aux qualifications des salariés ; qu'en considérant néanmoins, par principe, que les recherches effectuées auprès des autres entreprises du groupe n'étaient pas suffisantes, faute de comporter des indications sur l'âge, la formation, l'expérience, la qualification et l'ancienneté de chaque salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;

3°/ que l'employeur n'est pas tenu de proposer au salarié des postes qui ne sont pas compatibles avec ses qualifications ; qu'il n'est pas non plus tenu de proposer au salarié un reclassement au sein d'une autre société du groupe sur un poste comparable à celui qu'il a déjà refusé au sein de l'entreprise ; que, dans ses conclusions d'appel, la société VFD soutenait que le seul poste disponible au sein de la société VFC était un poste de ''conducteur'' affecté à la structure ''contrôle'', poste occupé jusqu'alors par un conducteur receveur de la société VFD détaché auprès de sa filiale ; qu'elle expliquait qu'elle avait déjà proposé à cinq salariés, qui étaient titulaires du permis de conduire D, des postes de conducteurs qu'ils avaient refusés et que les trois autres salariés ne disposaient pas de la qualification nécessaire (permis de conduire D) pour exercer des fonctions de conducteur ; qu'en reprochant à la société VFD de n'avoir pas proposé aux salariés licenciés le poste disponible au sein de la structure ''contrôle'' de la société VFC, sans rechercher si des postes comparables n'avaient pas été proposés à cinq salariés au sein de la société VFD et si les trois autres salariés n'étaient pas dépourvus des qualifications nécessaires pour occuper ce poste, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;

4°/ que le juge doit apprécier le sérieux des recherches de reclassement de l'employeur, en fonction des offres de reclassement proposées à chaque salarié et de sa situation personnelle ; qu'en l'espèce, la société VFD justifiait avoir proposé à chacun des huit salariés défendeurs aux pourvois les postes disponibles en son sein compatibles avec leurs qualifications, de catégorie équivalente ou, à défaut, de catégorie inférieure à celle de leur emploi ; que ces offres de reclassement étaient assorties de toutes les indications utiles sur les postes proposés et de mesures d'accompagnement propres à faciliter un reclassement effectif, tels qu'un maintien temporaire de salaire en cas de déclassement ou des aides financières à la mobilité géographique ; que la société VFD justifiait également que tous les salariés, à l'exception d'un seul d'entre eux, avaient refusé les offres de reclassement proposées et qu'aucun d'entre eux n'avait postulé sur un autre poste disponible, dans l'entreprise ou le groupe, dont la liste leur avait été communiquée ; qu'en refusant d'examiner les ''diverses offres (...) soumises aux salariés'' et ''la situation de chacun d'entre eux'' pour apprécier si la société VFD a satisfait à son obligation de reclassement, au prétexte que les lettres adressées par la société VFD à ses filiales pour les interroger sur les postes disponibles en leur sein ne comportaient pas d'indications personnalisées sur le profil de chaque salarié, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article L. 1233-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. Ayant constaté que l'employeur n'avait pas proposé aux salariés le poste disponible de conducteur dans la structure « contrôle » d'une filiale dont il n'était pas contesté qu'il était compatible avec leur qualification, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à des recherches inopérantes, a pu déduire de ces seuls motifs que l'employeur avait manqué à leur égard à son obligation de reclassement.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, en ses griefs concernant Mmes O..., G... et M. A..., pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire les licenciements de Mmes O..., G... et de M. A... dépourvus de cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer à chacun des dommages-intérêts à ce titre et d'ordonner le remboursement à Pôle emploi d'indemnités de chômage payées aux intéressés, alors :

« 1°/ que l'obligation de reclasser les salariés dont le licenciement pour motif économique est envisagé n'incombe qu'à l'employeur, et non aux autres sociétés du groupe auquel il appartient ; qu'en conséquence, s'il doit rechercher des possibilités de reclassement dans les entreprises du groupe dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'implantation permettent la permutation de tout ou partie du personnel, l'employeur ne saurait reporter sur ces entreprises la charge d'examiner l'adaptation des postes disponibles en leur sein à la situation de chaque salarié ; que l'employeur n'est donc pas tenu, lorsqu'il interroge les entreprises du groupe sur les possibilités de reclassement existant en leur sein, de leur fournir des indications précises sur les qualifications, expériences et ancienneté de chaque salarié ; qu'en l'espèce, la société VFD justifiait avoir demandé à ses trois filiales, par lettres du 18 juin 2013, de lui communiquer ''toutes les possibilités de reclassement, accompagnées d'un descriptif de poste détaillé (emploi et qualification, nature du contrat, date à laquelle ce poste doit être pourvu, lieu de travail, durée du travail, rémunération, etc.) et ce quelle que soit la localisation géographique des postes'', en leur fournissant la liste des emplois dont elle envisageait la suppression ; qu'en relevant, pour dire que la société VFD ne justifiait pas s'être entièrement libérée de son obligation de reclassement, que ces courriers ne comportent aucune indication concrète relative aux salariés occupant les postes supprimés notamment quant à leur âge, formation, expérience, qualification, ancienneté, la cour d'appel a reporté sur les autres sociétés du groupe la charge d'effectuer les recherches de reclassement et a ainsi violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;

2°/ que la seule indication de la nature et de la classification des emplois supprimés permet aux entreprises sollicitées de fournir une réponse utile sur l'existence, en leur sein, de postes susceptibles de correspondre aux qualifications des salariés menacés de licenciement et de permettre leur reclassement ; qu'en l'espèce, la société VFD avait indiqué, dans les lettres adressées à ses filiales, le niveau de classification et l'intitulé de chaque poste de travail supprimé, ce qui permettait à ces sociétés de lui faire connaître les postes éventuellement disponibles en leur sein faisant appel à des qualifications de même nature ; qu'ainsi, l'une des filiales avait répondu qu'elle disposait d'un poste de ''contrôle'' susceptible de correspondre aux qualifications des salariés ; qu'en considérant néanmoins, par principe, que les recherches effectuées auprès des autres entreprises du groupe n'étaient pas suffisantes, faute de comporter des indications sur l'âge, la formation, l'expérience, la qualification et l'ancienneté de chaque salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

7. Il résulte de ce texte que l'employeur est tenu avant tout licenciement économique de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe dont il relève, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Les recherches de postes disponibles dans les sociétés du groupe auquel appartient l'employeur qui envisage un licenciement économique collectif, n'ont pas à être assorties du profil personnalisé des salariés concernés par le reclassement.

8. Pour dire les licenciements de Mmes O..., G... et M. A... dépourvus de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à payer à chaque salarié des dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt retient que dans ses lettres de recherche de reclassement adressées aux sociétés du groupe, l'employeur fait état de la suppression de plusieurs postes de travail qu'il liste de façon générale et abstraite en indiquant uniquement l'intitulé et la classification de l'ensemble des postes supprimés sans apporter aucune indication concrète relative aux salariés occupant les postes supprimés notamment quant à leur âge, formation, expérience, qualification, ancienneté.

9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les lettres de demande de recherche de postes de reclassement étaient suffisamment précises, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, en ses griefs concernant Mmes O..., G... et M. A..., pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

10. L'employeur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que l'employeur n'est pas tenu de proposer au salarié des postes qui ne sont pas compatibles avec ses qualifications ; qu'il n'est pas non plus tenu de proposer au salarié un reclassement au sein d'une autre société du groupe sur un poste comparable à celui qu'il a déjà refusé au sein de l'entreprise ; que, dans ses conclusions d'appel, la société VFD soutenait que le seul poste disponible au sein de la société VFC était un poste de ''conducteur'' affecté à la structure « contrôle », poste occupé jusqu'alors par un conducteur receveur de la société VFD détaché auprès de sa filiale ; qu'elle expliquait qu'elle avait déjà proposé à cinq salariés, qui étaient titulaires du permis de conduire D, des postes de conducteurs qu'ils avaient refusés et que les trois autres salariés ne disposaient pas de la qualification nécessaire (permis de conduire D) pour exercer des fonctions de conducteur ; qu'en reprochant à la société VFD de n'avoir pas proposé aux salariés licenciés le poste disponible au sein de la structure ''contrôle'' de la société VFC, sans rechercher si des postes comparables n'avaient pas été proposés à cinq salariés au sein de la société VFD et si les trois autres salariés n'étaient pas dépourvus des qualifications nécessaires pour occuper ce poste, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

11. Il résulte de ce texte que si l'employeur a l'obligation d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi, au besoin en leur assurant une formation complémentaire, il ne peut lui être imposé d'assurer la formation initiale qui leur fait défaut.

12. Pour dire les licenciements de Mmes O..., G... et M. A... dépourvus de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à payer à chaque salarié des dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt retient encore que l'employeur ne justifie pas avoir proposé aux intéressés le poste disponible dans la structure « contrôle » d'une filiale.

13. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si ce poste de conducteur était compatible avec les qualifications des salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit les licenciements de Mmes O..., G... et de M. A... sans cause réelle et sérieuse, condamne l'employeur à payer à ces salariés des dommages-intérêts à ce titre outre une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il ordonne le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à Mmes O..., G... et M. A... dans la limite de six mois d'indemnités, l'arrêt rendu le 22 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Duvallet - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; Me Haas -

Textes visés :

Article L.1233-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015.

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