Numéro 3 - Mars 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2021

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION

Soc., 31 mars 2021, n° 19-22.557, (P)

Cassation partielle

Employeur – Discrimination entre salariés – Discrimination syndicale – Effets – Préjudice – Action en réparation – Prescription – Durée – Détermination – Dispositions transitoires de l'article 26, II, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 – Portée

Avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination était soumise à la prescription trentenaire de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction alors applicable. Selon l'article 26, II, de la loi susvisée, les dispositions qui réduisent le délai de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Doit être censurée la décision qui dit prescrite l'action introduite en 2012 par une salariée se plaignant d'une discrimination remontant à 1977, alors que si la salariée faisait état d'une discrimination syndicale ayant commencé dès l'obtention de son premier mandat en 1977 et dont elle s'est plainte en 1981, période couverte par la prescription trentenaire, elle faisait valoir que cette discrimination s'était poursuivie tout au long de sa carrière en termes d'évolution professionnelle, tant salariale que personnelle, ce dont il résultait que la salariée se fondait sur des faits qui n'avaient pas cessé de produire leurs effets avant la période non atteinte par la prescription.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 juillet 2019), Mme U... a été engagée en 1976 par la société Groupe Drouot, aux droits de laquelle sont venues les sociétés Axa France vie et Axa France Iard (la société Axa). Elle a été désignée représentante syndicale en 1977, et est devenue permanente syndicale à compter de 1997.

La salariée a fait valoir ses droits à la retraite en décembre 2011.

2. Le 10 avril 2012, la salariée a saisi la juridiction prud'homale en invoquant une discrimination syndicale dans le déroulement de sa carrière.

Le syndicat CGT Axa Marly-le-Roi et l'union locale CGT de Clayes-sous-Bois (les syndicats) sont intervenus volontairement à l'audience.

Examen du moyen

Sur le moyen pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

3. La salariée et les syndicats font grief à l'arrêt de débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes et de déclarer irrecevable l'intervention volontaire des syndicats, alors :

« 1°/ qu'avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination était soumise à la prescription trentenaire de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction alors applicable ; que selon l'article 26 II de la loi susvisée, les dispositions qui réduisent le délai de prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; que les agissements discriminatoires allégués subis postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 se prescrivent par cinq ans ; qu'en déclarant entièrement prescrite l'action introduite le 19 avril 2012 par Mme U... en réparation du préjudice résultant de faits discriminatoires allégués commis jusqu'à sa mise à retraite le 1er décembre 2011 au motif, adopté du jugement, qu'elle avait eu « connaissance de faits susceptibles de revêtir la qualification de discrimination syndicale » à compter de la réception de la lettre de l'inspection du travail du 5 novembre 1981, ce qui au mieux prescrivait les faits antérieurs à cette date mais n'interdisait nullement à la salariée de faire reconnaître les faits de discrimination allégués commis postérieurement jusqu'à sa mise à la retraite le 1er décembre 2011 sur la période non prescrite, la cour d'appel a violé les articles 2262 du code civil alors applicable, 26 II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et L. 1134-5 du code du travail ;

2°/ que si la prescription interdit la prise en compte de faits couverts par elle, le salarié demeure recevable à faire reconnaître la discrimination subie au cours de la période non prescrite ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que Mme U..., embauchée le 1er septembre 1976, en qualité d'employée de restaurant, est devenue employée administrative affectée au service Groupe Central particuliers le 1er septembre 1982 et qu'elle occupait en dernier lieu le poste de rédacteur polyvalent gestion recouvrement et/ou contentieux ; que selon le jugement confirmé, Mme U... a notamment allégué, au soutien de son action, n'avoir effectué que des tâches administratives sans rapport avec ses compétences sur le poste sur lequel elle a été affectée en septembre 1982 suite à l'intervention de l'inspection du travail, n'avoir jamais été augmentée même lors de ses changements de poste, une stagnation de sa classification au poste de rédacteur en dépit de l'obtention d'une capacité en droit, l'absence d'entretien annuel d'appréciation à partir de 1997 ainsi que la non application d'un avenant à un accord-cadre dont ont pourtant bénéficié d'autres délégués permanents syndicaux qui ont été promus cadres classe 5 et qui se sont vus accordés une formation d'une année ; qu'en se bornant à retenir, par motifs adoptés, que Mme U... avait eu « connaissance de faits susceptibles de revêtir la qualification de discrimination syndicale » à compter de la réception de la lettre de l'inspection du travail du 5 novembre 1981 pour déclarer son action prescrite depuis le 5 novembre 2011 sans rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si les faits de discrimination syndicale allégués subis par la salariée dans le déroulement de sa carrière postérieurement à l'intervention de l'inspection du travail jusqu'à son départ à la retraite le 1er décembre 2011 étaient également prescrits à la date de saisine de la juridiction prud'homale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2262 du code civil alors applicable, 26 II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et L. 1134-5 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1134-5 du code du travail et l'article 26 II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 :

4. Aux termes du premier de ces textes, l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.

5. Avant l'entrée en vigueur de la loi susvisée du 17 juin 2008 l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination était soumise à la prescription trentenaire de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction alors applicable.

Selon l'article 26 II de la loi susvisée, les dispositions qui réduisent le délai de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

6. Pour dire prescrite l'action relative à une discrimination engagée par la salariée le 10 avril 2012, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la salariée se plaint d'une discrimination syndicale remontant à septembre 1977, qu'il n'est pas sérieusement contestable que la salariée avait connaissance de faits susceptibles de revêtir la qualification de discrimination syndicale depuis qu'en août 1981 elle avait fait état de cette discrimination et sollicité un changement de poste, et que l'inspecteur du travail avait relayé cette réclamation dans un courrier du 5 novembre 1981, si bien que le délai de prescription a expiré le 5 novembre 2011.

7. En statuant ainsi, alors que si la salariée faisait état d'une discrimination syndicale ayant commencé dès l'obtention de son premier mandat en 1977 et dont elle s'est plainte en 1981, période couverte par la prescription trentenaire, elle faisait valoir que cette discrimination s'était poursuivie tout au long de sa carrière en terme d'évolution professionnelle, tant salariale que personnelle, ce dont il résultait que la salariée se fondait sur des faits qui n'avaient pas cessé de produire leurs effets avant la période non atteinte par la prescription, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux dernières branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la mise hors de cause de la société Axa France assurance et déclare recevable l'intervention volontaire des sociétés Axa France vie et Axa France Iard, l'arrêt rendu le 11 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 1134-5 du code du travail ; article 26, II, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.

Soc., 16 mars 2021, n° 19-21.063, (P)

Cassation partielle

Employeur – Discrimination entre salariés – Preuve – Comparaison avec la situation d'autres salariés – Communication sous astreinte d'informations non anonymisées – Conditions – Détermination – Portée

Prive sa décision de base légale au regard de l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel qui, pour débouter la salariée de sa demande tendant à ce que l'employeur soit condamné à lui verser une certaine somme au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire, retient que le bulletin de paie d'un salarié comprend des données personnelles, telles que l'âge, le salaire, l'adresse personnelle, la domiciliation bancaire, l'existence d'arrêts de travail pour maladie ou encore de saisies sur leur rémunération, et que, dans ces conditions, l'employeur était légitime, préalablement à toute communication de leurs données personnelles à la salariée, à solliciter l'autorisation de ses salariés, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la communication des informations non anonymisées n'était pas nécessaire à l'exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée et proportionnée au but poursuivi.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 11 juin 2019), Mme J... a été engagée, le 10 octobre 2005, en qualité de technicienne par la société ST Microelectronics (Crolles 2) (la société).

2. Par ordonnance de référé du 21 octobre 2015, la formation de référé de la juridiction prud'homale a ordonné à la société de transmettre à la salariée, au plus tard le 23 décembre 2015, les documents concernant dix hommes non anonymes actuellement salariés au sein de la société et embauchés au 22 juin 2006 (plus ou moins six mois) en qualité de technicien d'atelier niveau IV, échelon 1, coefficient 255 et contenant les informations suivantes : la position actuelle, le coefficient actuel, le salaire actuel, le coefficient d'embauche, la date d'embauche et le salaire d'embauche et dit que, passé le 23 décembre 2015, la remise de ces documents à la salariée sera assortie d'une astreinte par jour de retard.

3. Le 28 juin 2016, la salariée a saisi au fond la juridiction prud'homale de demandes fondées sur la discrimination en raison de son sexe.

4. Par ordonnance de référé du 19 octobre 2018, la formation de référé a condamné la société à payer à la salariée une somme provisionnelle au titre de la liquidation de l'astreinte, ordonné à la société de lui remettre, au plus tard le 30 novembre 2018, les mêmes documents, dit qu'à défaut, à partir du 1er décembre 2018, la remise de ces documents sera assortie d'une astreinte définitive par jour de retard et s'est réservé le droit de liquider cette astreinte.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le troisième moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné à la société de lui transmettre les documents concernant dix hommes, non anonymes, actuellement salariés au sein de la société et embauchés au 22 juin 2006 (plus ou moins un an) en qualité de technicien d'atelier niveau IV, échelon 1, coefficient 255, et contenant les informations suivantes : la position actuelle, le coefficient actuel, le salaire actuel, le coefficient d'embauche, la date d'embauche et le salaire d'embauche, sous astreinte définitive de 50 euros par jour de retard, alors « que, en application de l'article 145 du code de procédure civile, l'absence d'instance au fond, qui constitue une condition de recevabilité de la demande, doit s'apprécier à la date de la saisine du juge ; qu'en jugeant la demande de la salariée irrecevable motif pris qu'il n'est pas contesté que le juge du fond a été saisi le 28 juin 2016 d'une demande formée par la salariée, après avoir constaté que la demande de la salariée visant à obtenir la communication de divers documents sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile avait été engagée le 25 août 2015 et accueillie par ordonnance en date du 21 octobre 2015 que l'employeur n'avait que partiellement exécutée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

8. L'absence d'instance au fond, qui constitue une condition de recevabilité de la demande, doit s'apprécier à la date de la saisine du juge.

9. La cour d'appel, qui a constaté que le juge du fond avait été saisi le 28 juin 2016 d'une demande formée par la salariée, en a exactement déduit que la demande nouvelle en communication de pièces formée ultérieurement, le 21 septembre 2018, par cette dernière devant la formation de référé saisie en application de l'article 145 du code de procédure civile et distincte de la demande en communication de pièces formée le 21 octobre 2015 était irrecevable.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa neuvième branche

Enoncé du moyen

11. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à ce que la société soit condamnée à lui verser une certaine somme au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire, alors « que, en affirmant, pour se déterminer comme elle l'a fait, que les bulletins de salaires d'un salarié comprenaient des données personnelles en sorte que la société était légitime à rechercher l'autorisation des salariés alors qu'il résultait de l'ordonnance en date du 21 octobre 2015, qu'il avait seulement été enjoint à l'employeur de communiquer le salaire d'embauche, la position actuelle, le coefficient actuel, le salaire actuel, le coefficient d'embauche, la date d'embauche et le salaire d'embauche de dix hommes non anonymes actuellement salariés au sein de la société et embauchés au 22 juin 2016 (plus ou moins six mois) et en aucun cas leurs bulletins de salaires, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

12. Pour débouter la salariée de sa demande tendant à ce que la société soit condamnée à lui verser une certaine somme au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire, l'arrêt retient que le bulletin de paie d'un salarié comprend des données personnelles telles que l'âge, le salaire, l'adresse personnelle, la domiciliation bancaire, l'existence d'arrêts de travail pour maladie ou encore de saisies sur leur rémunération et que, dans ces conditions, la société était légitime, préalablement à toute communication de leurs données personnelles à la salariée, à rechercher l'autorisation de ses salariés.

13. En statuant ainsi, alors que, par l'ordonnance de référé du 21 octobre 2015 dont la salariée se prévalait, le conseil de prud'hommes avait ordonné à la société de transmettre à celle-ci les documents concernant dix hommes non anonymes actuellement salariés au sein de la société et embauchés au 22 juin 2006 (plus ou moins 6 mois) en qualité de technicien d'atelier niveau IV échelon 1 coefficient 255 et contenant les informations suivantes : la position actuelle, le coefficient actuel, le salaire actuel, le coefficient d'embauche, la date d'embauche et le salaire d'embauche (et non les bulletins de paie de ces salariés), la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa huitième branche

Enoncé du moyen

14. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à ce que la société soit condamnée à lui verser une certaine somme au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire, alors « que le respect de la vie personnelle du salarié ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile dès lors que le juge constate que les mesures qu'il ordonne procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie sollicitée ; qu'en l'espèce, en (se) bornant, pour dire qu'il n'y avait pas lieu de liquider l'astreinte, à affirmer que la société était légitime, en vue d'assurer le respect du droit à la vie privée de ses salariés, à leur demander leur autorisation préalable à toute communication de leurs données, ce que cinq salariés avaient refusé, sans rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si la communication des données non anonymisées n'était pas indispensable à l'exercice du droit à la preuve et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6, §1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

15. Pour débouter la salariée de sa demande tendant à ce que la société soit condamnée à lui verser une certaine somme au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire, l'arrêt retient que le bulletin de paie d'un salarié comprend des données personnelles telles que l'âge, le salaire, l'adresse personnelle, la domiciliation bancaire, l'existence d'arrêts de travail pour maladie ou encore de saisies sur leur rémunération et que, dans ces conditions, la société était légitime, préalablement à toute communication de leurs données personnelles à la salariée, à rechercher l'autorisation de ses salariés.

16. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si

la communication des informations non anonymisées n'était pas nécessaire à l'exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée et proportionnée au but poursuivi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme J... de sa demande de liquidation de l'astreinte provisoire, l'arrêt rendu le 11 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Rinuy - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Soc., 31 mars 2021, n° 19-12.289, (P)

Cassation partielle

Employeur – Modification dans la situation juridique de l'employeur – Transfert des contrats de travail – Effets – Règlement intérieur – Transmission (non) – Portée

Le règlement intérieur s'imposant à l'employeur et aux salariés avant le transfert de plein droit des contrats de travail de ces derniers, en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, n'est pas transféré avec ces contrats de travail, dès lors que ce règlement constitue un acte réglementaire de droit privé dont les conditions d'élaboration sont encadrées par la loi.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 14 décembre 2018), M. C... a été engagé le 14 juin 1999 en qualité de directeur de développement des affaires pharmaceutiques par la société Ioltech.

En 2005, cette société a été rachetée par la société Carl Zeiss Meditec.

Le 4 février 2010, M. C... a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement et a été licencié pour faute lourde le 18 février 2010.

2. Le 9 février 2010, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation de son contrat de travail puis, à titre subsidiaire, a contesté la régularité et le bien-fondé de son licenciement.

Examen des moyens

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer au salarié diverses sommes à titre de rappel de salaire fixe de février 2010, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, et d'indemnité de congés payés, alors « que le règlement intérieur applicable aux salariés avant le transfert de leurs contrats de travail en application de l'article L. 1224-1 du code du travail n'est pas transféré avec ces contrats de travail et n'est donc pas opposable au nouvel employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le salarié avait été initialement engagé par la société Ioltech qui avait été rachetée par la société Carl Zeiss Meditec en 2005 ; qu'en considérant néanmoins que le règlement intérieur de la société Ioltech était opposable à la société Carl Zeiss Meditec qui aurait dû respecter la procédure disciplinaire prévue par ce règlement et en en déduisant que le licenciement du salarié prononcé en violation des dispositions de ce règlement était privé de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1224-1 et L. 1321-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1224-1 du code du travail :

5. Dès lors que le règlement intérieur constitue un acte réglementaire de droit privé, dont les conditions d'élaboration sont encadrées par la loi, le règlement intérieur s'imposant à l'employeur et aux salariés avant le transfert de plein droit des contrats de travail de ces derniers en application de l'article L. 1224-1 du code du travail n'est pas transféré avec ces contrats de travail.

6. Pour juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la société Carl Zeiss Meditec n'a pas respecté les dispositions du règlement intérieur de la société Ioltech, qu'elle avait rachetée en 2005, prévoyant que tout salarié à l'égard duquel est envisagée une sanction disciplinaire est convoqué au moyen d'une lettre l'informant des griefs retenus contre lui.

7. En statuant ainsi, alors que la société Carl Zeiss Meditec n'était pas tenue d'appliquer le règlement intérieur de la société Ioltech qui ne lui avait pas été transmis en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. Il résulte de l'article L. 3141-26 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la décision n° 2015-523 QPC du 2 mars 2016 du Conseil constitutionnel, que, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les dispositions des articles L. 3141-22 à L. 3141-25 du même code. Cette indemnité est due, que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l'employeur.

9. Il s'ensuit que la cassation à intervenir sur le premier moyen n'entraîne pas la cassation du chef de l'arrêt ayant condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 14 827, 09 euros à titre d'indemnité de congés payés.

10. Par ailleurs, elle n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt relatifs aux dépens et aux demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du premier moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne la société Carl Zeiss Meditec à verser à M. C... 5 620,40 euros à titre de rappel de salaire fixe de février 2010, 85 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 33 697,95 euros d'indemnité de préavis et 3 369,79 euros de congés payés afférents et 39 875,90 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 14 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Agen.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Marguerite - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article L.1224-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'exclusion du transfert du règlement intérieur au repreneur à la suite du transfert des contrats de travail des salariés en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, à rapprocher : Soc., 17 octobre 2018, pourvoi n° 17-16.465, Bull. 2018, V, (rejet). Sur le caractère réglementaire du règlement intérieur, à rapprocher : Soc., 17 octobre 2018, pourvoi n° 17-16.465, Bull. 2018, V, (rejet), et l'arrêt cité.

Soc., 24 mars 2021, n° 19-16.418, (P)

Rejet

Employeur – Pouvoir de direction – Etendue – Atteinte à la liberté du travail – Limites

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 janvier 2018), M. O... a été engagé par contrats de travail à durée déterminée successifs du 17 mai 2014 au 31 mars 2015, par la société Agi sécurité en qualité d'agent de sécurité.

2. Le contrat conclu le 1er juin 2014 stipulait que le salarié s'obligeait à réserver à l'entreprise l'exclusivité de ses services, l'exercice de toute autre activité professionnelle, soit pour son compte, soit pour le compte d'un tiers, lui étant formellement interdit.

3. Il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification du contrat de travail à durée déterminée à temps partiel conclu le 1er juin 2014 en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein et le paiement de diverses sommes à titre d'indemnités et de rappels de salaires.

4. Par jugement du 6 juin 2017, la liquidation judiciaire de l'employeur a été prononcée, la société BR et associés, prise en la personne de M. X... étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à voir requalifier le contrat de travail à durée déterminée à temps partiel du 1er juin 2014 en contrat de travail à temps complet et fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Agi sécurité à diverses sommes à titre de rappel de salaire, d'indemnité compensatrice de congés payés afférents et d'indemnité de précarité, alors « que la nullité de la clause d'un contrat de travail par laquelle un salarié s'engage à travailler pour un employeur à titre exclusif et à temps partiel lui permet d'obtenir la requalification de ce contrat de travail en contrat de travail à temps complet et par partant, de bénéficier des conséquences financières d'une telle requalification ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que la nullité de la clause d'exclusivité insérée dans le contrat de travail à temps partiel du 1er juin 2014 ''ne pouvait avoir pour effet d'entraîner la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet'', quand cette nullité emportait la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et permettait à M. O... de bénéficier de toutes les conséquences financières découlant de cette requalification, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1243-8, L. 1245-1, L. 1245-2 et L. 3123-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. La clause par laquelle un salarié à temps partiel se voit interdire toute autre activité professionnelle, soit pour son compte, soit pour le compte d'un tiers, porte atteinte au principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et n'est dès lors valable que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

8. Si la nullité d'une telle clause n'a pas pour effet d'entraîner la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, elle permet toutefois au salarié d'obtenir réparation du préjudice ayant résulté pour lui de cette clause illicite.

9. Ayant constaté qu'elle était saisie d'une demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet au motif que le contrat comportait une clause d'exclusivité illicite, sans que le salarié ne formule de demande de dommages-intérêts, la cour d'appel a exactement énoncé que la nullité d'une telle clause ne pouvait avoir pour effet d'entraîner la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, en sorte que la demande de rappel de salaire et d'indemnité de congés payés afférente devait être rejetée.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Mariette - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Ortscheidt -

Textes visés :

Principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de validité de la clause contractuelle limitant la liberté fondamentale de libre exercice d'une activité professionnelle et les effets de la nullité d'une telle clause, à rapprocher : Soc., 25 février 2004, pourvoi n° 01-43.392, Bull. 2004, V, n° 64 (1 et 2) (cassation partielle), et les arrêts cités.

Soc., 17 mars 2021, n° 18-25.597, (P)

Cassation

Employeur – Pouvoir de direction – Etendue – Contrôle et surveillance des salariés – Procédés de surveillance – Procédés clandestins – Caractérisation – Défaut – Cas – Enquête – Enquête interne – Enquête à la suite de la dénonciation de faits – Dénonciation de faits de harcèlement moral – Portée

L'enquête effectuée au sein d'une entreprise à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral n'est pas soumise aux dispositions de l'article L. 1222-4 du code du travail et ne constitue pas une preuve déloyale comme issue d'un procédé clandestin de surveillance de l'activité du salarié.

Employeur – Pouvoir de direction – Etendue – Contrôle et surveillance des salariés – Procédés de contrôle – Validité – Cas – Enquête – Enquête interne – Enquête à la suite de la dénonciation de faits – Dénonciation de faits de harcèlement moral – Détermination – Portée

Employeur – Pouvoir de direction – Etendue – Contrôle et surveillance des salariés – Procédés de contrôle – Information préalable du salarié – Nécessité – Exclusion – Cas – Enquête – Enquête interne – Enquête à la suite de la dénonciation de faits – Dénonciation de faits de harcèlement moral – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 septembre 2018), Mme F..., engagée par la société M&C Saatchi Gad le 1er septembre 2005, en qualité de responsable trafic, statut cadre, a, par lettre du 22 septembre 2014, été mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Elle a été licenciée pour faute grave le 13 octobre 2014, au motif qu'un audit confié avec l'accord des délégués du personnel à une entreprise extérieure spécialisée en risques psycho-sociaux avait révélé, à la suite d'entretiens s'étant déroulés les 25 septembre et 1er octobre 2014, qu'elle avait proféré des insultes à caractère racial et discriminatoire et causé des perturbations graves de l'organisation et l'efficacité collective.

2. La salariée a contesté son licenciement devant la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt d'écarter le compte-rendu de l'enquête confiée à un organisme, tiers à l'entreprise, de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner l'employeur aux versements de sommes à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour le préjudice résultant des circonstances vexatoires de la rupture, en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens et d'ordonner le remboursement des indemnités de chômage, alors « que ne constitue pas un mode de preuve illicite, l'enquête réalisée dans l'entreprise par un tiers en vue de recueillir des témoignages après que des faits de harcèlement ont été dénoncés, peu important que le salarié auquel les faits de harcèlement sont imputés n'en ait pas été préalablement informé, ni n'ait été entendu dans ce cadre ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir et offrait de prouver qu'avec l'accord des délégués du personnel, il avait missionné un cabinet d'audit aux fins d'entendre et d'accompagner psychologiquement les salariés après que des agissements de harcèlement imputés à Mme F... avaient été dénoncés ; qu'en déclarant illicite le compte rendu de cette mission faute pour Mme F... d'en avoir été préalablement informée ou, à tout le moins, d'avoir été entendue, la cour d'appel a violé les articles L.1222-1 et s. du code du travail, ensemble le principe de loyauté dans l'administration de la preuve. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1222-4 du code du travail et le principe de loyauté dans l'administration de la preuve :

4. D'abord, selon le texte susvisé, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance.

5. Ensuite, si l'employeur a le pouvoir de contrôler et de surveiller l'activité de son personnel pendant le temps de travail, il ne peut mettre en oeuvre un dispositif de contrôle clandestin et à ce titre déloyal.

6. Pour écarter le compte-rendu de l'enquête confiée par l'employeur à un organisme extérieur sur les faits reprochés à la salariée, la cour d'appel a retenu que celle-ci n'avait ni été informée de la mise en oeuvre de cette enquête ni entendue dans le cadre de celle-ci, de sorte que le moyen de preuve invoqué se heurtait à l'obligation de loyauté et était illicite.

7. En statuant ainsi, alors qu'une enquête effectuée au sein d'une entreprise à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral n'est pas soumise aux dispositions de l'article L. 1222-4 du code du travail et ne constitue pas une preuve déloyale comme issue d'un procédé clandestin de surveillance de l'activité du salarié, la cour d'appel a violé par fausse application le texte et le principe susvisés.

Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche : Publication sans intérêt

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Le Lay - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer -

Textes visés :

Article L. 1222-4 du code du travail ; principe de loyauté dans l'administration de la preuve.

Rapprochement(s) :

Sur la licéité du contrôle du salarié réalisé en l'absence d'information préalable de ce dernier, à rapprocher : Soc., 26 janvier 2016, pourvoi n° 14-19.002, Bull. 2016, V, n° 13 (rejet), et les arrêts cités.

Soc., 31 mars 2021, n° 15-19.979, (P)

Rejet

Employeur – Pouvoir disciplinaire – Rétrogradation – Compétence du juge judiciaire – Décision de la juridiction administrative – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 avril 2015), M. A..., engagé le 11 juillet 1994 par la Régie autonome des transports parisiens (RATP), a fait l'objet, à la suite de faits de vol, d'une mesure de rétrogradation qu'il a contestée devant la juridiction prud'homale.

2. Par arrêt du 9 avril 2015, la cour d'appel l'a débouté de sa demande d'annulation de la rétrogradation.

3. Saisie du pourvoi du salarié, la chambre sociale de la Cour de cassation (Soc., 20 avril 2017, pourvoi n° 15-19.979, Bull. 2017, V, n° 63) a renvoyé au Conseil d'Etat la question préjudicielle tenant à l'appréciation de la légalité de l'article 149 du statut du personnel de la RATP, pris en application de l'article 31 de la loi n° 48-506 du 21 mars 1948 relative à la réorganisation et à la coordination des transports des usagers dans la région parisienne, en ce qu'il déroge au principe général du droit du travail selon lequel un employeur ne peut pas imposer à un salarié soumis au code du travail, comme sanction d'un comportement fautif, une rétrogradation impliquant la modification de son contrat de travail et a sursis à statuer sur le pourvoi.

4. Par jugement du 11 juin 2018, le tribunal administratif, à qui la question de légalité posée par la Cour de cassation a été attribuée, a jugé que le pouvoir de modification unilatérale du contrat de travail d'un agent commissionné, que confèrent au directeur général de la RATP les dispositions du 8° de l'article 149 du statut du personnel, ne porte pas, compte tenu de l'économie générale de ce statut, telle qu'elle découle notamment des garanties résultant de ses articles 43, 47 b) et c), 48, 149, 152, 154, 156, 160, 163, 164, une limitation excessive au principe général d'immutabilité du contrat de travail. Il a en conséquence déclaré légales les dispositions du 8° de l'article 149 du statut du personnel de la RATP.

Examen des moyens

Sur le second moyen : Publication sans intérêt

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire bien-fondée la mesure disciplinaire prononcée à son encontre et de le débouter de ses demandes subséquentes en rappels de salaires et dommages-intérêts, alors :

« 1°/ qu'une modification du contrat de travail prononcée à titre disciplinaire contre un salarié ne peut lui être imposée ; qu'en énonçant que les sanctions sont par nature des mesures unilatérales exclusives de tout respect des règles régissant le contrat, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil et l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ que les dispositions d'ordre public de l'article 1134 du code civil et des articles L.1221-1 et s. du code du travail s'appliquent de plein droit aux agents de la RATP sauf dispositions plus favorables du statut ; qu'en écartant les règles qui régissent la modification du contrat de travail sans constater que l'application de ces règles et l'exigence du consentement du salarié à la modification de son contrat de travail contrevenait aux nécessités du service public confié à la RATP, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil et l'article L. 1221-1 du code du travail ;

3°/ que les dispositions d'ordre public qui régissent le contrat de travail s'appliquent de plein droit aux agents de la RATP à la seule exception des hypothèses dans lesquelles les nécessités du service public confié à l'entreprise feraient obstacle à leur application ; qu'en écartant les règles qui régissent la modification du contrat de travail sans rechercher et constater en quoi l'application de ces règles et l'exigence du consentement du salarié à la modification de son contrat de travail contreviendraient aux nécessités du service public confié à la RATP, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil et l'article L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. La juridiction administrative a jugé, par une décision devenue définitive, que les dispositions de l'article 149-8° du statut du personnel de la RATP selon lesquelles l'employeur, dans l'exercice de ses pouvoirs de sanction disciplinaire, peut, sans recueillir l'accord de l'agent, le rétrograder dans une échelle inférieure et changer ses fonctions, ne portent pas une limitation excessive au principe général d'immutabilité du contrat de travail et sont légales.

8. Il ressort de cette décision de la juridiction administrative quant à la légalité de l'article 149-8° du statut du personnel que l'agent n'est pas fondé à demander que son application soit écartée en tant qu'il méconnaissait le principe général de l'immutabilité du contrat.

9. Le moyen n'est dès lors pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Pietton - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 149-8° du statut du personnel de la régie autonome des transports parisiens (RATP).

Soc., 24 mars 2021, n° 19-21.263, (P)

Rejet

Maladie – Accident du travail ou maladie professionnelle – Inaptitude au travail – Obligation de reclassement – Proposition d'un emploi adapté – Refus du salarié – Obligation de notification – Notification par écrit – Notification des motifs s'opposant au reclassement – Obligation de notification des motifs par l'employeur (non)

L'employeur a l'obligation de faire connaître au salarié, par écrit, les motifs qui s'opposent au reclassement, lorsqu'il est dans l'impossibilité de lui proposer un autre emploi. Il n'est pas tenu de cette obligation lorsqu'il a proposé au salarié, qui l'a refusé, un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10 du code du travail.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 18 juin 2019), M. T... a été engagé le 17 avril 1990 par la société Stihle puis, le 1er octobre 2010 par la société Graf services plus qui appartient au même groupe, en qualité de dépanneur installateur.

2. Le salarié victime d'un accident du travail le 7 avril 2015, déclaré inapte à son poste de travail, à l'issue de deux examens du médecin du travail des 6 et 21 février 2017, a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 24 avril 2017.

3. Le 19 octobre 2017 il a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'indemnité pour défaut de notification préalable des motifs qui s'opposent au reclassement, alors « que l'employeur est tenu de faire connaître au salarié par écrit les motifs qui s'opposent à ce reclassement, ce avant que ne soit engagée la procédure de licenciement ; qu'en déboutant le salarié de sa demande à ce titre en se référant aux mentions de la lettre de licenciement concernant l'impossibilité de reclassement, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-12 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article L. 1226-12 du code du travail, lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

7. Il en résulte que l'employeur a l'obligation de faire connaître au salarié, par écrit, les motifs qui s'opposent au reclassement, lorsqu'il est dans l'impossibilité de lui proposer un autre emploi. Il n'est pas tenu de cette obligation lorsqu'il a proposé au salarié, qui l'a refusé, un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10 du code du travail.

8. La cour d'appel, qui a retenu que l'employeur avait proposé au salarié des offres de reclassement conformes aux exigences de l'article L. 1226-10 du code du travail, que le médecin du travail avait validé leur compatibilité avec l'aptitude résiduelle du salarié, qui les avait refusées, a exactement décidé que la demande de dommages-intérêts pour non information des motifs de l'impossibilité de reclassement devait être rejetée.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Gilibert - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 1226-10 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Soc., 30 novembre 2010, pourvoi n° 09-66.687, Bull. 2010, V, n° 271 (rejet).

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