Numéro 3 - Mars 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2021

CHOSE JUGEE

Soc., 16 mars 2021, n° 19-21.063, (P)

Cassation partielle

Décision dont l'autorité est invoquée – Décision prononçant l'astreinte – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 11 juin 2019), Mme J... a été engagée, le 10 octobre 2005, en qualité de technicienne par la société ST Microelectronics (Crolles 2) (la société).

2. Par ordonnance de référé du 21 octobre 2015, la formation de référé de la juridiction prud'homale a ordonné à la société de transmettre à la salariée, au plus tard le 23 décembre 2015, les documents concernant dix hommes non anonymes actuellement salariés au sein de la société et embauchés au 22 juin 2006 (plus ou moins six mois) en qualité de technicien d'atelier niveau IV, échelon 1, coefficient 255 et contenant les informations suivantes : la position actuelle, le coefficient actuel, le salaire actuel, le coefficient d'embauche, la date d'embauche et le salaire d'embauche et dit que, passé le 23 décembre 2015, la remise de ces documents à la salariée sera assortie d'une astreinte par jour de retard.

3. Le 28 juin 2016, la salariée a saisi au fond la juridiction prud'homale de demandes fondées sur la discrimination en raison de son sexe.

4. Par ordonnance de référé du 19 octobre 2018, la formation de référé a condamné la société à payer à la salariée une somme provisionnelle au titre de la liquidation de l'astreinte, ordonné à la société de lui remettre, au plus tard le 30 novembre 2018, les mêmes documents, dit qu'à défaut, à partir du 1er décembre 2018, la remise de ces documents sera assortie d'une astreinte définitive par jour de retard et s'est réservé le droit de liquider cette astreinte.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le troisième moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné à la société de lui transmettre les documents concernant dix hommes, non anonymes, actuellement salariés au sein de la société et embauchés au 22 juin 2006 (plus ou moins un an) en qualité de technicien d'atelier niveau IV, échelon 1, coefficient 255, et contenant les informations suivantes : la position actuelle, le coefficient actuel, le salaire actuel, le coefficient d'embauche, la date d'embauche et le salaire d'embauche, sous astreinte définitive de 50 euros par jour de retard, alors « que, en application de l'article 145 du code de procédure civile, l'absence d'instance au fond, qui constitue une condition de recevabilité de la demande, doit s'apprécier à la date de la saisine du juge ; qu'en jugeant la demande de la salariée irrecevable motif pris qu'il n'est pas contesté que le juge du fond a été saisi le 28 juin 2016 d'une demande formée par la salariée, après avoir constaté que la demande de la salariée visant à obtenir la communication de divers documents sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile avait été engagée le 25 août 2015 et accueillie par ordonnance en date du 21 octobre 2015 que l'employeur n'avait que partiellement exécutée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

8. L'absence d'instance au fond, qui constitue une condition de recevabilité de la demande, doit s'apprécier à la date de la saisine du juge.

9. La cour d'appel, qui a constaté que le juge du fond avait été saisi le 28 juin 2016 d'une demande formée par la salariée, en a exactement déduit que la demande nouvelle en communication de pièces formée ultérieurement, le 21 septembre 2018, par cette dernière devant la formation de référé saisie en application de l'article 145 du code de procédure civile et distincte de la demande en communication de pièces formée le 21 octobre 2015 était irrecevable.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa neuvième branche

Enoncé du moyen

11. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à ce que la société soit condamnée à lui verser une certaine somme au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire, alors « que, en affirmant, pour se déterminer comme elle l'a fait, que les bulletins de salaires d'un salarié comprenaient des données personnelles en sorte que la société était légitime à rechercher l'autorisation des salariés alors qu'il résultait de l'ordonnance en date du 21 octobre 2015, qu'il avait seulement été enjoint à l'employeur de communiquer le salaire d'embauche, la position actuelle, le coefficient actuel, le salaire actuel, le coefficient d'embauche, la date d'embauche et le salaire d'embauche de dix hommes non anonymes actuellement salariés au sein de la société et embauchés au 22 juin 2016 (plus ou moins six mois) et en aucun cas leurs bulletins de salaires, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

12. Pour débouter la salariée de sa demande tendant à ce que la société soit condamnée à lui verser une certaine somme au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire, l'arrêt retient que le bulletin de paie d'un salarié comprend des données personnelles telles que l'âge, le salaire, l'adresse personnelle, la domiciliation bancaire, l'existence d'arrêts de travail pour maladie ou encore de saisies sur leur rémunération et que, dans ces conditions, la société était légitime, préalablement à toute communication de leurs données personnelles à la salariée, à rechercher l'autorisation de ses salariés.

13. En statuant ainsi, alors que, par l'ordonnance de référé du 21 octobre 2015 dont la salariée se prévalait, le conseil de prud'hommes avait ordonné à la société de transmettre à celle-ci les documents concernant dix hommes non anonymes actuellement salariés au sein de la société et embauchés au 22 juin 2006 (plus ou moins 6 mois) en qualité de technicien d'atelier niveau IV échelon 1 coefficient 255 et contenant les informations suivantes : la position actuelle, le coefficient actuel, le salaire actuel, le coefficient d'embauche, la date d'embauche et le salaire d'embauche (et non les bulletins de paie de ces salariés), la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa huitième branche

Enoncé du moyen

14. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à ce que la société soit condamnée à lui verser une certaine somme au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire, alors « que le respect de la vie personnelle du salarié ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile dès lors que le juge constate que les mesures qu'il ordonne procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie sollicitée ; qu'en l'espèce, en (se) bornant, pour dire qu'il n'y avait pas lieu de liquider l'astreinte, à affirmer que la société était légitime, en vue d'assurer le respect du droit à la vie privée de ses salariés, à leur demander leur autorisation préalable à toute communication de leurs données, ce que cinq salariés avaient refusé, sans rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si la communication des données non anonymisées n'était pas indispensable à l'exercice du droit à la preuve et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6, §1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

15. Pour débouter la salariée de sa demande tendant à ce que la société soit condamnée à lui verser une certaine somme au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire, l'arrêt retient que le bulletin de paie d'un salarié comprend des données personnelles telles que l'âge, le salaire, l'adresse personnelle, la domiciliation bancaire, l'existence d'arrêts de travail pour maladie ou encore de saisies sur leur rémunération et que, dans ces conditions, la société était légitime, préalablement à toute communication de leurs données personnelles à la salariée, à rechercher l'autorisation de ses salariés.

16. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si

la communication des informations non anonymisées n'était pas nécessaire à l'exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée et proportionnée au but poursuivi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme J... de sa demande de liquidation de l'astreinte provisoire, l'arrêt rendu le 11 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Rinuy - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3e Civ., 25 mars 2021, n° 19-20.603, (P)

Rejet

Identité de cause – Obligation de concentration des moyens – Domaine d'application – Exclusion – Demandes successives fondées sur les mêmes faits mais tendant à un objet distinct

La demande de reconnaissance d'une servitude de passage du fait de l'homme et celle d'une servitude légale n'ont pas le même objet, de sorte que, le principe de concentration des moyens n'étant pas applicable, la seconde demande ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée sur la première.

Identité d'objet – Définition – Exclusion – Cas – Demande de reconnaissance d'une servitude conventionnelle de passage et demande de reconnaissance d'une servitude légale de passage pour cause d'enclave

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 juin 2019), Q... K..., aux droits duquel se trouvent MM. E... et V... K..., ses fils, et Mme K..., son épouse, (les consorts K...), propriétaires de la parcelle [...], ont assigné M. B... et Mme M..., propriétaires de la parcelle contiguë, cadastrée [...], en reconnaissance d'une servitude conventionnelle de passage par tout véhicule sur cette parcelle. Un arrêt du 6 novembre 2007, devenu irrévocable, a reconnu un seul droit de passage piétonnier.

2. Un arrêt, devenu irrévocable, du 24 septembre 2015 a rejeté la demande reconventionnelle des consorts K... en reconnaissance d'une servitude conventionnelle de passage en voiture sur la parcelle [...], propriété de M. B... et Mme M....

3. Se prévalant de l'absence d'accès à leur parcelle en voiture, les consorts K... ont assigné M. B... et Mme M... en reconnaissance de l'existence d'une servitude de passage pour cause d'enclave. Après expertise, ils ont sollicité que le passage ait pour assiette les parcelles [...] et [...]. Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. B... et Mme M... font grief à l'arrêt de déclarer l'action recevable, alors :

« 1°/ que le juge doit tirer les conséquences qui procèdent de l'autorité de la chose jugée de ce qui a fait l'objet d'un jugement définitif entre les parties en leurs mêmes qualités, sur la même cause et le même objet ; qu'en l'espèce, il est constant que la demande de désenclavement formulée par les consorts K... avait fait l'objet d'une décision définitive leur reconnaissant le bénéfice d'une servitude conventionnelle depuis l'arrêt de rejet rendu par la Cour de cassation le 3 mars 2009, ce dont il s'induisait que la même demande de servitude, cette fois fondée sur le cadre légal, était frappée d'irrecevabilité ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil (devenu 1355 du code civil) ;

2°/ que l'autorité de la chose jugée de ce qui a fait l'objet d'un jugement définitif entre les parties prises dans leurs mêmes qualités, sur la même cause et le même objet empêche les juges de statuer sur une demande qui a déjà été tranchée ; qu'en l'espèce, en faisant droit à la demande de désenclavement tandis qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que par un « arrêt du 6 novembre 2007, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a considéré que le droit de passage conventionnel bénéficiant au fonds [...] des consorts K... s'entendait d'un droit de passage piétonnier s'exerçant sur un chemin de un mètre de large sur la parcelle [...] des consorts B... » et, que par « un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 24 septembre 2015, la cour a rejeté les demandes des consorts K..., au vu des actes de propriété des 17 mars 1964 et 20 avril 1964, qui ne prévoient qu'un droit de passage à pied », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article 1351 du code civil (devenu 1355) par fausse application ;

3°/ qu'il incombe au demandeur, avant qu'il ne soit statué sur sa demande, d'exposer l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; qu'il s'ensuit que, dans une même instance, une prétention rejetée ne peut être présentée à nouveau sur un autre fondement ; qu'en l'espèce, pour déclarer la demande recevable aux motifs que « l'avantage recherché » par les consorts K... était différent, cependant que leur demande de désenclavement visait la même finalité d'obtention d'une servitude de passage tout en étant présentée sous le couvert d'un nouveau moyen, de sorte qu'ils n'étaient pas recevables à faire juger à nouveau cette prétention, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil (devenu 1355 du code civil) par fausse application. »

Réponse de la Cour

6. En application de l'article 1355 du code civil, il a été jugé que se heurtait à l'autorité de la chose jugée une demande fondée sur une servitude par destination du père de famille, qui, opposant les mêmes parties, tendait, comme la demande originaire pour cause d'enclave, à la reconnaissance d'un droit de passage grevant et profitant aux mêmes parcelles sur un fondement juridique différent, alors que les demandeurs se bornaient à développer des moyens nouveaux qu'il leur appartenait d'invoquer lors de la précédente instance (3e Civ., 16 juin 2011, pourvoi n° 10-18.925, Bull. 2011, III, n° 105).

7. Or, la demande de reconnaissance d'une servitude de passage du fait de l'homme et celle d'une servitude légale n'ont pas le même objet, de sorte que, le principe de concentration des moyens n'étant pas applicable, la seconde demande ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée sur la première.

8. Ayant retenu que les consorts K... ne demandaient plus une servitude conventionnelle comme dans les instances antérieures, mais un désenclavement sur le fondement des articles 682 et suivants du code civil, soit une servitude légale, de sorte que, l'avantage recherché étant différent, il n'y avait pas identité d'objet, la cour d'appel en a exactement déduit que leur action était recevable.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Jariel - Avocat général : Mme Morel-Coujard - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Boulloche -

Textes visés :

Article 1355 du code civil.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 16 juin 2011, pourvoi n° 10-18.925, Bull. 2011, III, n° 105 (rejet), et l'arrêt cité.

2e Civ., 4 mars 2021, n° 19-16.859, (P)

Cassation partielle

Portée – Décision définitive – Responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle – Fixation du préjudice global – Aggravation postérieure – Réévaluation de l'entier préjudice (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 26 mars 2019), Mme T... a été victime, le 18 novembre 1979, d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule assuré par la société MAAF assurances (l'assureur).

2. Les préjudices de la victime ont été indemnisés suivant plusieurs protocoles transactionnels successifs, dont celui signé en 2007 qui prévoit l'indemnisation de son besoin d'assistance par une tierce personne.

3. Invoquant une aggravation de son état de santé et son projet de changement de lieu de vie, Mme T..., assistée de sa curatrice, a assigné l'assureur pour solliciter l'indemnisation de ses préjudices non inclus dans la transaction de 2007.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à Mme T..., au titre de la rente tierce personne, en lieu et place des sommes versées au titre du procès-verbal de transaction des 15 février et 17 mars 2007, une rente mensuelle de 17 877 euros à compter du 1er août 2016, indexée selon les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 et dont le service sera suspendu en cas de placement de Mme T... dans une structure hospitalière et/ou dispensant des soins et/ou assurant un accueil total ou partiel de type occupationnel ou non, à partir du 46e jour de cette prise en charge, alors « que les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort ; qu'une transaction conclue en 2007 entre Mme T... et la société MAAF assurances prévoyait, en réparation du poste de préjudice lié à l'assistance par tierce personne rendue nécessaire par l'accident survenu en 1979, le paiement, d'une part, d'une rente mensuelle de 3 420 euros au titre des frais d'assistance humaine à la structure collective qu'elle occupait alors et, d'autre part, d'une rente trimestrielle de 625 euros, au titre des frais d'assistance lors des retours au domicile ; qu'en allouant à Mme T..., qui souhaitait regagner son domicile, une rente mensuelle de 17 877 euros sur la base d'un besoin de 24 heures par jour en tierce personne, la cour d'appel, qui a refusé de limiter aux seuls nouveaux besoins de la victime l'indemnisation qu'elle allouait, et a ainsi procédé à une nouvelle évaluation des besoins antérieurs en tierce personne qui avaient pourtant été définitivement évalués et liquidés en 2007, a méconnu l'autorité attachée à cette transaction, violant les articles 1134, devenu 1103, et 2052 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1103 et 2052 du code civil :

5. Selon ces textes, la réparation du dommage est définitivement fixée à la date à laquelle une transaction est intervenue, celle-ci faisant obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet.

6. Pour condamner l'assureur à verser à Mme T..., en lieu et place des sommes versées au titre du procès-verbal de transaction des 15 février et 17 mars 2007, une rente mensuelle de 17 877 euros à compter du 1er août 2016, l'arrêt retient que le coût de la tierce personne doit être calculé sur la base d'une intervention de 24h/ 24, sans référence à la somme mentionnée dans le procès verbal de transaction de 2007 dès lors qu'est intervenue une modification substantielle du fait du départ de Mme T... de la maison familiale, rendant caduc le protocole transactionnel, conditionné à sa présence dans cet établissement.

7. En statuant ainsi, en procédant à une nouvelle évaluation des besoins au titre de la tierce personne de Mme T..., sans tenir compte, pour évaluer ses nouveaux besoins liés à un changement de situation, de ceux déjà définitivement évalués et indemnisés par la transaction de 2007, laquelle prévoyait la possibilité d'analyser les nouveaux besoins éventuels de la victime seulement en cas de modifications de sa situation, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée y étant attachée et violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la SA MAAF assurances à payer à Mme T..., assistée de sa curatrice, au titre de la rente tierce personne, en lieu et place des sommes versées au titre du procès-verbal de transaction des 15 février et 17 mars 2007, une rente mensuelle de 17 877 euros à compter du 1er août 2016, indexée selon les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 et dont le service sera suspendu en cas de placement de Mme T... dans une structure hospitalière et/ou dispensant des soins et/ou assurant un accueil total ou partiel de type occupationnel ou non, à partir du 46ème jour de cette prise en charge, l'arrêt rendu le 26 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles 1103 et 2052 du code civil.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 12 octobre 2000, pourvoi n° 98-20.160, Bull. 2000, II, n° 141 (cassation), et les arrêts cités.

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