Numéro 3 - Mars 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2021

APPEL CIVIL

2e Civ., 25 mars 2021, n° 20-12.037, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Acte d'appel – Mentions nécessaires – Chefs du jugement critiqués – Défaut – Régularisation – Forme – Déclaration d'appel

La déclaration d'appel, qui ne mentionne pas les chefs critiqués du jugement, ne peut être régularisée que par une nouvelle déclaration d'appel, formée dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond, conformément à l'article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile.

Il en résulte qu'en vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, seul l'acte d'appel emporte dévolution des chefs critiqués du jugement et la régularisation du vice de forme de la déclaration d'appel, qui, tendant à la réformation du jugement, ne mentionne pas les chefs de jugement critiqués, ne s'opère, dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond, que par une nouvelle déclaration d'appel, conformément à l'article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile.

Acte d'appel – Mentions nécessaires – Chefs du jugement critiqués – Défaut – Portée

Acte d'appel – Mentions nécessaires – Chefs du jugement critiqués – Défaut – Régularisation – Délai – Délai imparti à l'appelant pour conclure au fond

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 4 avril 2019), Mme D... a relevé appel, le 4 mai 2018, du jugement d'un tribunal de commerce rendu dans un litige l'opposant, avec la société Les 4 Vents, à la Caisse d'épargne et de prévoyance [...], la déclaration d'appel étant ainsi libellée : « Objet/Portée de l'appel : réformer le jugement ».

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. Mme D... fait grief à l'arrêt de constater que l'appel qu'elle a formé n'a saisi la cour d'appel d'aucun chef du jugement entrepris et, en conséquence, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement, alors :

« 2°/ que l'étendue de l'appel n'est pas seulement déterminée par la déclaration d'appel, mais également par les conclusions de l'appelant ; qu'en considérant cependant que seule la déclaration d'appel emporte effet dévolutif, la cour d'appel a violé les articles 561, 562 et 954 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. La déclaration d'appel, qui ne mentionne pas les chefs critiqués du jugement, ne peut être régularisée que par une nouvelle déclaration d'appel, formée dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond, conformément à l'article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile.

5. Il en résulte qu'en vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, seul l'acte d'appel emporte dévolution des chefs critiqués du jugement et la régularisation du vice de forme de la déclaration d'appel, qui, tendant à la réformation du jugement, ne mentionne pas les chefs de jugement critiqués, ne s'opère, dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond, que par une nouvelle déclaration d'appel, conformément à l'article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile.

6. Ayant relevé qu'indépendamment de la sanction résultant de la nullité pour vice de forme de la déclaration d'appel qui n'aurait pu être mise en oeuvre que devant le conseiller de la mise en état, il résultait de l'article 562 du code de procédure civile, qui définit le contour de l'effet dévolutif de l'appel, qu'en l'absence d'énonciation expresse, dans la déclaration d'appel, des chefs de jugement critiqués, la cour d'appel n'était saisie d'aucun litige, les juges du fond en ont exactement déduit, l'appel de Mme D... ne tendant pas à l'annulation du jugement et l'objet du litige n'étant pas indivisible, qu'ils n'étaient pas saisis de l'appel du jugement.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le moyen relevé d'office

8. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 562 du code de procédure civile :

9. Il résulte de ce texte que le juge qui décide qu'il n'est saisi d'aucune demande, excède ses pouvoirs en statuant au fond.

10. Après avoir dit qu'elle n'était saisie d'aucun chef du jugement entrepris, la cour d'appel a confirmé le jugement.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

12. En application de l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties qu'il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il a confirmé en conséquence en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Châteauroux le 14 mars 2018, l'arrêt rendu le 4 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : Me Le Prado ; SCP Claire Leduc et Solange Vigand -

Textes visés :

Articles 562 et 910-4 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954, Bull. 2020, (rejet).

2e Civ., 25 mars 2021, n° 19-20.636, (P)

Rejet

Appelant – Conclusions – Signification – Signification à l'intimé – Signification à l'intimé n'ayant pas constitué avocat – Délais – Articles 908 et 911 du code de procédure civile – Computation – Délai global de 4 mois

Il résulte des articles 640 et 641 du code de procédure civile que lorsqu'un acte doit être accompli avant l'expiration d'un délai exprimé en mois, celui-ci a pour origine la date de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir et pour terme le jour qui porte le même quantième que le jour de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir.

Par ailleurs, lorsque l'intimé n'a pas constitué avocat, l'article 911 du code de procédure civile impose à l'appelant de signifier les conclusions remises au greffe au plus tard dans le mois suivant l'expiration du délai de trois mois prévu à l'article 908 du code de procédure civile. Il en résulte que dans ce cas, le délai de l'article 908 étant prolongé d'un mois, l'appelant dispose d'un délai de quatre mois suivant la déclaration d'appel.

Ayant constaté que la déclaration d'appel avait été déposée le 13 juillet 2018 et que l'association réseau environnement santé (ARES) avait notifié ses conclusions à l'intimée le 14 novembre 2018, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit que l'appelant avait jusqu'au 13 novembre 2018 pour notifier ses conclusions à l'intimé ou à son avocat s'il avait été constitué, et que, faute de l'avoir fait, la déclaration d'appel était caduque.

Délai – Point de départ – Signification – Computation – Articles 908 et 911 du code de procédure civile

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel – Caducité – Cas – Conclusions de l'appelant – Défaut de notification des conclusions à l'intimé – Délais

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 mai 2019), l'association Réseau environnement santé (l'ARES) a, le 13 juillet 2018, relevé appel d'un jugement rendu dans un litige l'opposant à Mme O....

L'ARES a remis ses conclusions au greffe le 12 octobre 2018. Mme O... a constitué avocat le 13 novembre 2018.

L'ARES a notifié ses conclusions à l'avocat de Mme O... le 14 novembre 2018.

2. Par ordonnance du 5 décembre 2018, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de l'appel, faute de signification des conclusions d'appelant à l'intimé dans le délai de quatre mois à compter de la déclaration d'appel.

3. L'ARES a déféré l'ordonnance à la cour d'appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. L'ARES fait grief à l'arrêt de prononcer la caducité de sa déclaration d'appel alors : « qu'à peine de caducité de sa déclaration d'appel, l'appelant dispose d'un délai supplémentaire d'un mois, courant à compter de l'expiration du délai de trois mois prévu pour la remise de ses conclusions au greffe, pour les signifier à l'intimé qui n'a pas constitué avocat ou pour les lui notifier dans le même délai si entre temps, l'intimé a constitué avocat ; que le délai de trois mois expire le dernier jour à minuit et le délai d'un mois commence à courir le lendemain à zéro heure, qu'en retenant, pour dire que le délai de l'ARES pour signifier ses conclusions à Mme O... expirait le 13 novembre 2018, soit dans le délai global de quatre mois suivant la déclaration d'appel du 13 juillet 2018, cependant que le délai d'un mois, commençait à courir à compter de l'expiration du délai de trois mois le 13 octobre à minuit, soit à compter du 14 octobre 2018 à zéro heure, de sorte que l'ARES pouvait signifier ses conclusions jusqu'au 14 novembre à minuit, la cour d'appel a violé les articles 908, 911 et 642 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte des articles 640 et 641 du code de procédure civile que lorsqu'un acte doit être accompli avant l'expiration d'un délai exprimé en mois, celui-ci a pour origine la date de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir et pour terme le jour qui porte le même quantième que le jour de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir.

6. Lorsque l'intimé n'a pas constitué avocat, l'article 911 du code de procédure civile impose à l'appelant de signifier les conclusions remises au greffe au plus tard dans le mois suivant l'expiration du délai de trois mois prévu à l'article 908 du code de procédure civile. Il en résulte, que dans ce cas, le délai de l'article 908 étant prolongé d'un mois, l'appelant dispose d'un délai de quatre mois suivant la déclaration d'appel.

7. Ayant constaté que la déclaration d'appel avait été déposée le 13 juillet 2018 et que l'ARES avait notifié ses conclusions à l'intimée le 14 novembre 2018, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit que l'appelant avait jusqu'au 13 novembre 2018 pour notifier ses conclusions à l'intimé ou à son avocat s'il avait été constitué, et que, faute de l'avoir fait, la déclaration d'appel était caduque.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Alain Bénabent -

Textes visés :

Articles 640 et 641 du code de procédure civile ; articles 908 et 911 du code de procédure civile.

2e Civ., 4 mars 2021, n° 19-22.193, (P)

Cassation sans renvoi

Effet dévolutif – Limites – Annulation du jugement d'orientation découlant de la nullité de l'acte introductif d'instance – Demande tendant à l'annulation du commandement de payer valant saisie immobilière

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 4 juillet 2019), et les productions, après avoir fait délivrer, le 18 juin 2018, un commandement de payer valant saisie immobilière à M. P..., la société Manufactures industrielles lyonnaises (la société) l'a assigné, par acte du 25 septembre 2018, à une audience d'orientation.

2. M. P... a interjeté appel du jugement d'orientation, rendu après une audience à laquelle il n'avait pas comparu, ordonnant la vente forcée des biens saisis.

Examen des moyens

Sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution et 562 du code de procédure civile :

4. En application du premier de ces textes, les contestations et demandes incidentes soulevées après l'audience d'orientation ne sont recevables que si elles portent sur des actes de la procédure de saisie immobilière postérieurs à cette audience ou si, nées de circonstances postérieures à celle-ci, elles sont de nature à interdire la poursuite de la saisie.

5. Néanmoins, statuant en appel d'un jugement d'orientation, la cour d'appel est tenue d'examiner, au préalable, le moyen présenté par le débiteur saisi qui n'avait pas comparu à l'audience d'orientation, tendant à la nullité de l'assignation qui lui avait été délivrée pour cette audience.

6. Il résulte du second de ces textes qu'en cas d'annulation du jugement d'orientation découlant de la nullité de l'acte introductif d'instance, la dévolution ne s'opère pas pour le tout, de sorte que la cour d'appel ne peut pas statuer sur une demande tendant à l'annulation du commandement de payer valant saisie immobilière.

7. Pour annuler le commandement de payer valant saisie immobilière et, en conséquence, tous les actes subséquents de la procédure de saisie immobilière, en ce compris le jugement d'orientation, l'arrêt retient, après avoir relevé les diligences accomplies par les différents huissiers de justice pour délivrer le commandement de payer valant saisie immobilière, l'assignation à l'audience d'orientation et signifier le jugement d'orientation, qu'en définitive, au stade de la délivrance du commandement de saisie immobilière, l'huissier de justice mandaté par la société ignorait l'adresse du débiteur et n'avait aucun motif de considérer que le bien saisi pouvait constituer son domicile.

8. Il ajoute qu'au contraire, la connaissance du précédent usufruit de la mère de M. P... était plutôt de nature à convaincre l'huissier instrumentaire qu'il ne s'agissait pas du domicile de l'intéressé, que ne disposant pas de son adresse, il lui appartenait de faire la recherche qu'il n'a faite qu'au stade de la délivrance de l'assignation pour découvrir que M. P... était gérant d'une SARL L'Etincelle et qu'une levée d'extrait du registre du commerce et des sociétés aurait alors permis de confirmer l'adresse personnelle du gérant et qu'au demeurant, un simple courrier envoyé à l'adresse de la société L'Etincelle aurait aussi suffit à informer M. P... de l'assignation à comparaître devant le juge de l'exécution.

9. Il en déduit que la délivrance des actes à l'adresse du bien saisi, en connaissance du fait qu'il ne correspondait pas au domicile du débiteur, a fait grief à M. P... en ne lui permettant pas d'assurer sa défense devant le juge de l'exécution, ce qui le prive de tout moyen de contestation en cause d'appel en vertu de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. L'assignation à l'audience d'orientation étant irrégulière et cette irrégularité ayant causé un grief au débiteur, il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 4, 5 et 6 qu'il convient de prononcer l'annulation de l'assignation du 25 septembre 2018 à l'audience d'orientation et, en conséquence, du jugement d'orientation rendu le 15 janvier 2019.

14. La dévolution ne s'opérant pas pour le tout, il n'y a pas lieu de statuer sur les autres demandes.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ANNULE l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation délivrée le 25 septembre 2018 ;

En conséquence,

ANNULE le jugement d'orientation rendu le 15 janvier 2019 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lyon (RG 18/00154) ;

DIT n'y avoir lieu de statuer sur les autres demandes.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution ; article 562 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur l'obligation pour la cour d'appel qui rejette la contestation tendant à la nullité de l'assignation à l'audience d'orientation de relever, d'office, l'irrecevabilité de toutes les demandes formulées devant elle par le débiteur saisi, non comparant à l'audience d'orientation, à rapprocher : 2e Civ., 10 février 2011, pourvois n° 10-11.944 et 10-11.946, Bull. 2011, II, n° 39 (cassation partielle sans renvoi).

2e Civ., 4 mars 2021, n° 19-21.579, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Intérêt – Existence – Appréciation – Prétentions accueillies en première instance – Défaut – Portée

L'intérêt à interjeter appel a pour mesure la succombance, qui réside dans le fait de ne pas avoir obtenu satisfaction sur un ou plusieurs chefs de demande présentés en première instance.

Intérêt – Succombance – Définition

Recevabilité – Conditions – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 14 novembre 2017), au cours de l'année 1977, une station d'épuration ainsi qu'un château d‘eau ont été construits sur une parcelle située lieudit [...] sur la commune du Diamant, cadastrée section [...] puis [...] et actuellement [...].

2. La propriété de ce terrain était revendiquée par la SAEG, aux droits de laquelle vient la société Cofic, suivant acte de fusion-absorption du 3 décembre 1998.

3. Estimant être victime d'une voie de fait sur sa parcelle, la société Cofic a assigné le 16 octobre 2007, en réparation, la commune du Diamant devant un tribunal de grande instance. Celle-ci a attrait en intervention forcée devant cette juridiction, le 7 juillet 2009, le syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique (le syndicat intercommunal), auquel elle prétendait avoir transféré les compétences d'assainissement sur le terrain de la société Cofic.

4. Par jugement du 20 avril 2010, le tribunal a dit que la prise de possession du terrain appartenant à la société Cofic est constitutive d'une voie de fait imputable à la commune du Diamant, a rejeté la demande tendant à voir constater que la compétence assainissement a été transférée au syndicat intercommunal, ainsi que le moyen tiré de la déchéance quadriennale opposé par la commune du Diamant à la demande d'indemnisation présentée par la société Cofic. Il a, avant dire droit, ordonné une expertise sur l'évaluation du préjudice.

5. Par jugement du 19 novembre 2013, le tribunal a condamné la commune du Diamant à payer à la société Cofic une certaine somme à titre d'indemnisation de la voie de fait commise sur la parcelle appartenant à celle-ci outre les intérêts.

6. Le 12 juin 2014, le syndicat intercommunal a interjeté appel du jugement du 19 novembre 2013.

7. Par ordonnance, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables l'appel du syndicat intercommunal et l'appel incident de la commune du Diamant et constaté le dessaisissement de la cour.

Statuant sur déféré, la cour d'appel a, par arrêt du 22 novembre 2016, infirmé l'ordonnance et déclaré l'appel du syndicat intercommunal recevable.

8. Le 16 juillet 2015, la commune du Diamant a interjeté appel du jugement du 20 avril 2010.

Le syndicat intercommunal a formé un appel incident par conclusions du 30 novembre 2015.

9. Par ordonnance du 17 novembre 2016, le conseiller de la mise en état a déclaré recevables l'appel principal de la commune du Diamant et l'appel incident du syndicat intercommunal.

10. Statuant sur déféré, la cour d'appel a, par arrêt du 14 novembre 2017, confirmé, en toutes ses dispositions, l'ordonnance.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, et sur le troisième moyen, pris en ses troisième et cinquième branches, ci-après annexés

11. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

12. La société Cofic fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance déférée et de refuser de l'annuler, alors :

« 1°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; que la décision rendue par un magistrat qui avait, préalablement à celle-ci, porté une appréciation sur les faits en litige méconnaît ce droit que l'arrêt attaqué, pour rejeter le moyen de nullité de l'ordonnance déférée, retient que la participation du conseiller de la mise en état à la formation collégiale ayant statué en déféré contre une autre ordonnance préalablement rendue entre les mêmes parties était connue de l'avocat de l'exposante qui s'était abstenu de soulever un incident tendant à la récusation comme l'aurait exigé l'article 342 du code de procédure civile ; qu'en statuant ainsi, tandis que la société ne contestait pas, en soi, l'exercice successif par le magistrat de ses pouvoirs juridictionnels s'agissant de deux instances distinctes qui auraient dû être tranchées indépendamment l'une de l'autre, mais faisait valoir qu'il résultait de la lecture combinée de l'arrêt du 22 novembre 2016, prononcé en cours de délibéré de l'ordonnance déférée, et de cette ordonnance que le conseiller de la mise en état avait porté une appréciation de nature à faire douter de son impartialité, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; que la décision rendue par un magistrat qui avait, préalablement à celle-ci, porté une appréciation sur les faits en litige méconnaît ce droit ; qu'en l'espèce, il était relevé que la conseillère de la mise en état dont l'ordonnance du 15 décembre 2016, après débats du 17 novembre 2016, était déférée avait préalablement siégé le 23 septembre 2016 au sein de la formation collégiale qui avait quant à elle connu du déféré d'une autre ordonnance du conseiller de la mise en état dans l'autre instance d'appel concernant le jugement du 19 novembre 2013 ; qu'il était également relevé qu'étaient repris dans l'ordonnance déférée certains éléments de motivation de l'arrêt rendu dans l'autre instance ; qu'en considérant néanmoins que cette reprise de la motivation d'un arrêt rendu préalablement entre les mêmes parties ne démontrait en aucune façon la partialité soutenue par la requérante, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

13. Les débats ayant eu lieu devant une formation collégiale dont la composition était nécessairement connue à l'avance de la partie représentée par son avocat, celle-ci n'est pas recevable à invoquer devant la Cour de cassation la violation de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle n'a pas fait usage de la possibilité d'en obtenir le respect en sollicitant, en application de l'article 342 du code de procédure civile, la récusation du magistrat qui figurait déjà dans la composition de la cour statuant sur le déféré d'une ordonnance précédemment rendue, et qu'en s'abstenant de le faire, elle a ainsi renoncé à s'en prévaloir.

14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

15. La société Cofic fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré recevable l'appel principal de la commune du Diamant à l'encontre du jugement du 20 avril 2010, alors « que l'appel d'un jugement mixte est irrecevable s'il est interjeté après l'appel du jugement statuant sur le fond ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé par fausse interprétation les articles 544 et 545 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

16. La cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'article 545 du code de procédure civile, interprété comme imposant de former appel le même jour du jugement avant dire droit et du jugement sur le fond, n'était pas applicable au jugement du 20 avril 2010, ce texte concernant les jugements « autres » que ceux visés par l'article 544 du même code.

17. Elle en a exactement déduit, après avoir constaté que le jugement n'avait été signifié, que le délai d'appel n'avait pas commencé à courir et que l'appel de la commune du Diamant était recevable.

18. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le troisième moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches

Enoncé du moyen

19. La société Cofic fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré recevable l'appel incident du syndicat intercommunal, alors :

« 2°/ qu'une partie n'a pas intérêt à agir contre un arrêt qui ne lui fait aucun grief ; qu'en retenant que le SICSM avait intérêt à discuter les prétentions de la SARL COFIC, même dirigées à l'encontre de la seule commune du Diamant, puisqu'il serait susceptible d'en supporter les conséquences en vertu des dispositions du code général des collectivités territoriales tandis qu'elle constatait que le jugement entrepris n'avait prononcé aucune condamnation contre le syndicat et l'avait même mis hors de cause, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 546 du code de procédure civile ;

4°/ que l'intérêt à agir s'entend d'un intérêt direct et personnel ; qu'un syndicat intercommunal prétendument bénéficiaire d'un transfert de compétence n'a pas vocation à veiller de façon abstraite au respect de la loi indépendamment de son intérêt propre ; qu'en justifiant l'intérêt du SICSM à faire appel d'un jugement ne lui faisant pas grief par le motif selon lequel il aurait intérêt à faire assurer le respect des dispositions légales relatives à l'organisation des collectivités publiques par la détermination, en cas de condamnation, de l'exact débiteur de celle-ci, la cour d'appel a violé les articles 31 et 546 du code de procédure civile.

Réponse de la Cour

Vu l'article 546 du code de procédure civile :

20. Aux termes de ce texte, le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt si elle n'y a pas renoncé.

21. L'intérêt à interjeter appel a pour mesure la succombance, qui réside dans le fait de ne pas avoir obtenu satisfaction sur un ou plusieurs chefs de demande présentés en première instance.

22. Pour déclarer recevable l'appel incident du syndicat intercommunal, l'arrêt retient que ce dernier, à qui la commune du Diamant a transféré la compétence qu'elle détenait en matière d'assainissement par une délibération du 3 octobre 2003, a un intérêt à discuter les prétentions de la société Cofic, même dirigées à l'encontre de la seule commune du Diamant, puisqu'elle est susceptible d'en supporter les conséquences en vertu des dispositions légales susvisées, mais aussi, comme l'a relevé le conseiller de la mise en état, à faire assurer le respect de ces mêmes dispositions légales relatives à l'organisation des collectivités territoriales par la détermination, en cas de condamnation, de l'exact débiteur de celle-ci ; elle a corrélativement intérêt à interjeter appel du jugement qui a condamné la commune du Diamant et l'a mis hors de cause.

23. En statuant ainsi, alors que le jugement entrepris n'avait prononcé aucune condamnation à l'encontre du syndicat intercommunal et que ce dernier, qui n'était pas comparant en première instance, n'avait formulé aucune demande devant le tribunal, ce dont il résultait que le syndicat intercommunal n'avait aucun intérêt à interjeter appel, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

24. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

25. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

26. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 20, 21 et 23 que le syndicat intercommunal ne justifie d'aucun intérêt à interjeter appel incident du jugement du 20 avril 2010. Il y a donc lieu d'infirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état et de déclarer irrecevable l'appel incident formé par le syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique contre le jugement du 20 avril 2010 rendu par le tribunal de grande instance de Fort-de-France.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré recevable l'appel incident du syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique, l'arrêt rendu le 14 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

INFIRME l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 17 novembre 2016 ;

DÉCLARE IRRECEVABLE l'appel incident formé par le syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique contre le jugement du 20 avril 2010 rendu par le tribunal de grande instance de Fort-de-France.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Maunand - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Article 546 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 8 avril 2010, pourvoi n° 09-11.159, Bull. 2010, III, n° 72 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

2e Civ., 25 mars 2021, n° 19-16.216, (P)

Cassation sans renvoi

Ouverture – Conditions – Décision entachée d'excès de pouvoir – Excès de pouvoir – Cas – Ordonnance de mise en état écartant des pièces du débat

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 28 mars 2019) et les productions, la société MD Immo ayant assigné M. et Mme R... devant un tribunal de grande instance, le juge de la mise en état, par une ordonnance du 12 juin 2018, s'est déclaré compétent pour connaître d'une demande de la société MD Immo tendant à voir écarter des pièces produites par les défendeurs, puis a écarté des débats deux pièces, au motif qu'elles étaient couvertes par le secret professionnel.

2. M. et Mme R... ont relevé appel de cette ordonnance, en vue de son annulation pour excès de pouvoir.

Recevabilité du pourvoi contestée par la défense

3. La société MD Immo conteste la recevabilité du pourvoi, au motif qu'en application des articles 606, 607 et 608 du code de procédure civile, les décisions rendues en dernier ressort qui ne mettent pas fin à l'instance ne sont pas susceptibles de pourvoi en cassation si elles ne tranchent pas le principal, au moins en partie.

4. Cependant, il est dérogé à la règle prévue par ces textes lorsque la décision attaquée a commis ou consacré un excès de pouvoir.

5. Les attributions du juge de la mise en état sont limitativement énumérées par les dispositions le régissant. Dans leur rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable au litige, aucune de ces dispositions, en particulier l'article 770, devenu 788, du code de procédure civile, selon lequel ce juge exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l'obtention et à la production des pièces, ne lui confère le pouvoir d'écarter du débat une pièce produite par une partie.

6. Le pourvoi est dirigé contre un arrêt déclarant irrecevable, faute d'excès de pouvoir, l'appel immédiat de l'ordonnance d'un juge de la mise en état ayant écarté du débat des pièces produites par les défendeurs.

En outre, ce pourvoi invoque la consécration par l'arrêt attaqué d'un excès de pouvoir.

7. Le pourvoi est donc recevable.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. M. et Mme R... font grief à l'arrêt de dire leur appel irrecevable, alors « que l'article 770 du code de procédure civile, qui confère au juge de la mise en état tous pouvoirs nécessaires à la communication, à l'obtention et à la production de pièces, ne l'autorise pas à ordonner le retrait des débats de pièces qui y ont été produites ; que commet un excès de pouvoir le juge de la mise en état qui s'octroie ce pouvoir ; qu'en décidant le contraire, au motif que le juge de la mise en état, en écartant des débats les pièces litigieuses, avait peut-être excédé sa compétence mais pas ses pouvoirs, la cour d'appel, qui a consacré l'excès de pouvoir du juge de la mise en état, a violé l'article 770 du code de procédure civile, ensemble les principes régissant l'excès de pouvoir. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 763 à 772-1 du code de procédure civile, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 :

9. Il résulte de ces textes, fixant de façon limitative les attributions du juge de la mise en état, que seul le tribunal de grande instance dispose du pouvoir d'écarter des pièces du débat auquel donne lieu l'affaire dont cette juridiction est saisie.

10. Pour déclarer irrecevable l'appel formé contre l'ordonnance du juge de la mise en état, l'arrêt retient que la décision de ce juge étant insusceptible de recours immédiat, M. et Mme R... sont recevables en leur appel-nullité, mais qu'il leur appartient d'établir que ce juge, en ordonnant le retrait de pièces des débats, peu important la nature de ces pièces, a commis un excès de pouvoir, qu'ils sont défaillants dans l'administration de cette preuve, seule la compétence du juge de la mise en état ayant fait débat et non pas la demande dont il était saisi qui excéderait ses pouvoirs, et que le juge de la mise en état ne s'est pas attribué un pouvoir qu'il n'avait pas mais a éventuellement exercé une compétence qu'il n'avait pas.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a consacré la méconnaissance par le juge de la mise en état de l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE recevable l'appel formé par M. et Mme R... contre l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Lyon du 12 juin 2018 ;

ANNULE cette ordonnance ;

STATUANT à nouveau :

DÉCLARE irrecevable l'incident formé par la société MD Immo ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens et les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile afférents à l'incident devant le juge de la mise en état.

- Président : Mme Martinel (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Gaschignard ; SCP Ortscheidt -

Textes visés :

Article 788 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Avis de la Cour de cassation, 2e Civ., 21 janvier 2013, n° 12-00.017, Bull. 2013, Avis, n°4.

2e Civ., 4 mars 2021, n° 19-24.293, (P)

Cassation

Procédure avec représentation obligatoire – Appel de la décision statuant exclusivement sur la compétence – Articles 83, 84, 85 et 922 du code de procédure civile – Combinaison – Portée

Il résulte de la combinaison des articles 83, 84, 85 et 922 du code de procédure civile que lorsqu'un appel est formé contre un jugement statuant exclusivement sur la compétence, la cour d'appel est saisie, en matière de représentation obligatoire, selon la procédure à jour fixe, par la remise d'une copie de l'assignation au greffe, avant la date fixée pour l'audience. A défaut, la déclaration d'appel est caduque.

Procédure à jour fixe – Assignation – Remise de la copie au secrétariat-greffe – Remise avant la date fixée pour l'audience – Défaut – Portée

Procédure avec représentation obligatoire – Appel de la décision statuant exclusivement sur la compétence – Modalités – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 18 septembre 2019), à la suite de son licenciement pour inaptitude professionnelle, consécutif à un accident de travail survenu alors qu'il était salarié de la société Serpollet (la société), M. W... a saisi un conseil des prud'hommes à fin de la voir condamner, à raison de son manquement à son obligation de sécurité, au paiement de sommes en réparation de divers préjudices.

2. Par jugement du 22 janvier 2019, le conseil des prud'hommes a accueilli l'exception d'incompétence soulevée par la société et s'est déclaré incompétent au profit d'un tribunal des affaires de sécurité sociale devant lequel il a renvoyé l'affaire.

3. M. W... a interjeté appel de ce jugement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt attaqué de dire que la déclaration d'appel n'est pas caduque et, en conséquence, d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de rejeter l'exception d'incompétence matérielle soulevée par la société et de renvoyer l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Lyon, alors « que l'appel dirigé contre la décision de toute juridiction du premier degré se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige relève, lorsque les parties sont tenues de constituer un avocat, de la procédure à jour fixe ; qu'en jugeant néanmoins que les articles 83 à 85 du code de procédure civile étaient exclusifs de l'application des dispositions de l'article 922 du même code, selon lequel, dans le cadre d'une procédure à jour fixe, la cour est saisie, à peine de caducité, par remise d'une copie de l'assignation au greffe avant la date fixée pour l'audience, la cour d'appel a violé l'article 922 du code de procédure civile, ensemble l'article 85, alinéa 2, de ce code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 83, 84, 85 et 922 du code de procédure civile :

5. Il résulte de la combinaison de ces textes que lorsqu'un appel est formé contre un jugement statuant exclusivement sur la compétence, la cour d'appel est saisie, en matière de représentation obligatoire, selon la procédure à jour fixe, par la remise d'une copie de l'assignation au greffe, avant la date fixée pour l'audience. A défaut, la déclaration d'appel est caduque.

6. Pour rejeter l'incident soulevé par l'intimée, tiré de la caducité de la déclaration d'appel, l'arrêt énonce que s'agissant d'une procédure d'appel spéciale dont les règles sont fixées par les articles 83 à 85 du code de procédure civile, lesquelles prévoient des délais et formalités à respecter sous peine de caducité ou d'irrecevabilité de la déclaration d'appel, les dispositions de droit commun de l'article 922 du code de procédure civile ne sont pas applicables, de sorte que c'est par erreur que l'article 917 de ce code, régissant les procédures d'appel sur autorisation du premier président, a été visé dans l'ordonnance de fixation du 8 février 2019.

L'arrêt ajoute que la déclaration d'appel ayant été formée dans les délais et formes prescrits, elle n'est pas caduque.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles 83, 84, 85 et 922 du code de procédure civile.

3e Civ., 4 mars 2021, n° 20-14.195, (P)

Rejet

Procédure avec représentation obligatoire – Conclusions – Prétentions récapitulées sous forme de dispositif – Cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif – Portée – Tierce opposition – Effet dévolutif

Selon l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile, la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties.

Par ailleurs, l'effet dévolutif de la tierce opposition est limité à la remise en question, relativement à son auteur, des points jugés qu'elle critique.

Une cour d'appel, qui constate que la seule demande figurant au dispositif de l'assignation du tiers opposant ne correspond à aucun motif ni à aucun chef de dispositif de l'arrêt frappé de tierce opposition, en déduit exactement que cette prétention, qui ne comporte pas de demande de rétractation ou de réformation d'un chef de dispositif, n'a pas pour objet la remise en cause de points jugés qu'elle critique, mais porte sur une modalité d'exécution de l'arrêt, ce qui constitue un objet distinct de celui jugé par celui-ci.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 17 décembre 2019), M. et Mme P... ont assigné M. et Mme F... en cessation d'un trouble anormal du voisinage résultant de la présence de batraciens introduits dans une mare créée au pied de leur immeuble.

2. Un arrêt du 2 juin 2016 a ordonné à M. et Mme F... de combler leur mare située à moins de dix mètres de l'habitation P... dans un délai de quatre mois après le prononcé de l'arrêt, sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard pendant un délai de deux mois.

3. Par acte du 17 mai 2018, la Société pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le Sud-Ouest (Sepanso Dordogne), association agréée pour la protection de la nature, a assigné M. et Mme P... et M. et Mme F... en tierce opposition à l'arrêt du 2 juin 2016.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. L'association Sepanso Dordogne fait grief à l'arrêt de rejeter la tierce opposition, alors :

« 1°/ que dans le dispositif de son assignation, l'association Sepanso Dordogne avait demandé de « dire que les époux F... seront tenus de procéder au déplacement des espèces protégées amphibiens se trouvant dans la mare située à 10 mètres de l'habitation P... dans un site permettant le repos et la reproduction des dites espèces protégées » ; que cette demande, présentée au visa des articles 582 et suivants du code de procédure civile et fondée sur les dispositions du code de l'environnement et celles de l'arrêté du 19 novembre 2007 fixant les listes des amphibiens et des reptiles protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection interdisant la destruction d'animaux des espèces protégées et la destruction, la dégradation ou l'altération du site de reproduction que la mare litigieuse constituait, avait pour objet de substituer à la mesure de comblement de la mare ordonnée par l'arrêt du 2 juin 2016 une mesure préservant les batraciens et la mare litigieuse ; qu'en retenant que le seul objet de la demande de l'association était de s'assurer que lorsque les époux F... procéderont à l'exécution de l'arrêt devenu définitif, ils veilleraient à déplacer au préalable dans les conditions requises les espèces protégées, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation des articles 4 et 954 du code de procédure civile ;

2°/ que sont interdites sur les parties du territoire métropolitain où les espèces d'amphibiens protégés sont présentes ainsi que dans l'aire de déplacement naturel des noyaux de populations existants, la destruction, l'altération ou la dégradation des sites de reproduction et des aires de repos des animaux ; qu'en refusant de rétracter l'arrêt du 2 juin 2016 en ce qu'il ordonnait le comblement de la mare située sur la parcelle appartenant aux époux F..., sans rechercher si, comme le soutenait l'association exposante, le comblement de la mare litigieuse ne conduisait pas « à porter atteinte au site de repos ou de reproduction d'une espèce protégée », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 411-1 du code de l'environnement et l'article 2 de l'arrêté du 19 novembre 2007 fixant les listes des amphibiens et des reptiles protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile, la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties.

6. La cour d'appel a constaté qu'il résultait du dispositif de l'assignation délivrée par l'association Sepanso Dordogne que la seule et unique demande y figurant était de « dire que les époux F... seront tenus de procéder au déplacement des espèces protégées amphibiens se trouvant dans la mare située à 10 mètres de l'habitation P... dans un site permettant le repos et la reproduction des dites espèces protégées. »

7. Ayant rappelé que l'effet dévolutif de la tierce opposition était limité à la remise en question, relativement à son auteur, des points jugés qu'elle critiquait, elle en a déduit à bon droit qu'une telle règle n'autorisait pas à instaurer un nouveau litige devant la juridiction saisie du recours.

8. Ayant relevé que l'arrêt du 2 juin 2016 s'était borné à ordonner à M. et Mme F... de combler leur mare dans un délai de quatre mois et que la présence d'espèces protégées, comme l'interdiction à M. et Mme F... de procéder au déplacement de ces espèces, n'avaient été évoquées ni par le dispositif de l'arrêt ni par ses motifs, elle en a exactement déduit que la prétention de l'association Sepanso Dordogne, qui ne comportait pas de demande de rétractation ou de réformation d'un chef de dispositif de l'arrêt, n'avait pas pour objet la remise en cause de points jugés qu'elle critiquait, mais seulement de s'assurer que, lorsqu'ils procéderaient à l'exécution de l'arrêt, M. et Mme F... veilleraient à déplacer, au préalable, les espèces protégées, ce qui constituait un objet distinct de celui jugé par l'arrêt.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Abgrall - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; Me Haas -

Textes visés :

Article 954, alinéa 3, du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 5 juin 1996, pourvoi n° 93-19.805, Bull. 1996, II, n° 142 (cassation sans renvoi) ; Avis de la Cour de cassation, 10 juillet 2000, pourvoi n° 20-20.007, Bull. 2000, Avis, n° 6 ; 1e Civ., 9 juin 2017, pourvoi n° 16-17.970, Bull. 2017, I, n° 137 (cassation partielle).

2e Civ., 25 mars 2021, n° 18-13.940, (P)

Cassation sans renvoi

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel – Caducité – Cas – Conclusions de l'appelant – Défaut de notification des conclusions à l'intimé – Conditions – Condition nécessaire – Intimé – Constitution d'avocat – Notification préalable à l'avocat de l'appelant

La notification de l'acte de constitution d'avocat de l'intimé à l'appelant, en application de l'article 960 du code de procédure civile, tend à lui rendre cette constitution opposable. Il en résulte que, lorsque cette notification n'a pas été régulièrement faite, l'appelant satisfait à l'obligation de notification de ses conclusions à l'intimé, prévue par les articles 908 et 911 du même code, en lui signifiant ses conclusions. Il résulte en outre de l'article 908 que l'appelant satisfait également à cette obligation en les notifiant à l'avocat que l'intimé a constitué.

Intimé – Constitution d'avocat – Notification – Irrégularité – Effets – Articles 908 et 911 du code de procédure civile

Procédure avec représentation obligatoire – Conclusions – Conclusions de l'appelant – Notification – Régularité – Absence de notification de la constitution d'avocat de l'intimé – Effets

Faits et procédure

1.Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 19 janvier 2018), l'association Ludus institut (l'association) a interjeté appel, le 10 octobre 2016, devant la cour d'appel de Colmar d'un jugement rendu par un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à Mme P....

2. Mme P... a fait le choix d'un conseil appartenant à l'ordre des avocats du barreau de Paris, lequel a remis sa constitution pour le compte de l'intimée à la cour d'appel par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

3. Informée de la constitution de l'avocat pour l'intimée, l'appelante lui a adressé ses premières conclusions d'appel le 10 janvier 2017 en même temps qu'elle les a remises au greffe de la cour d'appel.

4. Le conseiller de la mise en état a, d'office, invité les parties à s'expliquer sur l'irrecevabilité de la constitution de l'avocat de l'intimée et sur l'irrecevabilité de ses conclusions en application de l'article 930-1 du code de procédure civile, dans sa rédaction alors applicable.

5. Mme P... a soulevé, à titre subsidiaire, au cas où sa constitution serait irrecevable, la caducité de la déclaration d'appel, faute pour l'association de lui avoir signifié ses premières conclusions d'appelante dans le délai prévu par l'article 911 du code de procédure civile.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et cinquième branches, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

7. L'association fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables la constitution de l'avocat de Mme P... du 28 novembre 2018 et ses conclusions datées du 9 mars 2017, et de constater la caducité de la déclaration d'appel de l'association, le dessaisissement de la cour d'appel et que le jugement entrepris est définitif, alors « que l'article 902 du code de procédure civile prévoit que, lorsque l'intimé n'a pas constitué avocat dans le délai d'un mois à compter de l'envoi de la lettre de notification de l'appel, le greffier en avise l'avocat de l'appelant, afin que celui-ci procède par voie de signification de la déclaration d'appel ; que lorsque l'avocat de l'appelant n'a reçu aucun avertissement du greffe l'informant d'un défaut de constitution et qu'au contraire, il a été avisé par l'avocat de l'intimée de sa constitution (hors RPVA s'agissant d'un confrère d'un barreau étranger à la cour d'appel), l'appelant est tenu de notifier ses écrits et ses pièces à cet avocat, régulièrement constitué à ses yeux, la signification à partie n'étant requise qu'à défaut de constitution du défendeur ; que la cour d'appel a violé les articles 902, 906 et 901 du code de procédure civile, ensemble les droits de la défense. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 908, 911 et 960 du code de procédure civile :

8. La notification de l'acte de constitution d'avocat de l'intimé à l'appelant, en application du dernier de ces textes, tend à lui rendre cette constitution opposable. Il en résulte que, lorsque cette notification n'a pas été régulièrement faite, l'appelant satisfait à l'obligation de notification de ses conclusions à l'intimé, prévue par les deux premiers textes, en lui signifiant ses conclusions. Il résulte, en outre, du deuxième de ces textes que l'appelant satisfait également à cette obligation en les notifiant à l'avocat que celui-ci a constitué.

9. Pour constater la caducité de la déclaration d'appel de l'association, l'arrêt retient qu'il est constant que l'association, après avoir interjeté appel le 10 octobre 2016 et transmis ses conclusions d'appel à la cour le 10 janvier 2017 par voie électronique, ne les a pas signifiées à Mme P..., intimée, avant le 10 février 2017, bien qu'elle n'ait pas été destinataire d'un acte de constitution par voie électronique d'un avocat pour l'intimée, qu'elle ne justifie pas d'un avis électronique de réception d'un acte de constitution d'un avocat pour l'intimée et qu'elle ne peut prétendre que l'envoi de ses conclusions par fax à Me H..., avocat non constitué, le 10 janvier 2017, pourrait suppléer le défaut de signification de ses conclusions à Mme P....

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 8 et 10 qu'il n'y a pas lieu de dire la déclaration d'appel caduque, ni de déclarer irrecevables la constitution et les conclusions de Mme P....

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

INFIRME l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 6 juillet 2017 ;

DIT n'y avoir lieu à caducité de la déclaration d'appel en application des articles 908 et 911 du code de procédure civile ;

DIT recevables la constitution et les conclusions de Mme P... ;

DIT que l'instance se poursuivra devant la cour d'appel de Colmar.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles 908, 911 et 960 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 4 juin 2020, pourvoi n° 19-12.959, Bull. 2020, (cassation sans renvoi).

2e Civ., 25 mars 2021, n° 20-10.654, (P)

Rejet

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel – Caducité – Exclusion – Force majeure – Définition – Caractère insurmontable et non-imputable à la partie

Aux termes de l'article 910-3 du code de procédure civile, applicable en matière d'appel jugé suivant la procédure ordinaire avec représentation obligatoire, en cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l'application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911 du même code. Constitue un tel cas de force majeure en procédure civile, la circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt pour elle un caractère insurmontable.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 octobre 2019), le [...] a saisi un tribunal de grande instance de demandes dirigées contre la société Prima, puis a relevé appel, le 4 avril 2018, du jugement de ce tribunal rendu le 8 mars 2018.

2. Par une ordonnance du 18 mars 2019, le conseiller de la mise en état a déclaré caduque la déclaration d'appel du [...].

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. Le [...] fait grief à l'arrêt de déclarer caduque au 4 juillet 2018 sa déclaration d'appel en date du 4 avril 2018, alors « que si l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe, à peine de caducité, cette sanction est écartée en cas de force majeure ; que le [...] faisait expressément valoir que ses conclusions d'appel ne pouvaient être finalisées dans le délai imposé, dès lors que le jugement déféré l'a débouté de ses demandes au motif qu'il ne justifiait pas de son préjudice, dont le montant devait être fixé par un rapport d'expertise ; que les conclusions de l'appelant dépendait donc nécessairement de ce rapport d'expertise, lequel n'a pas été déposé dans les trois mois de la déclaration d'appel ; qu'en jugeant néanmoins que ce fait n'était ni imprévisible ni insurmontable, pour écarter la force majeure et prononcer la caducité de la déclaration d'appel du centre hospitalier, la cour d'appel a violé l'article 910-3 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 910-3 du code de procédure civile, en cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l'application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911 du même code.

6. Constitue un tel cas de force majeure en procédure civile, la circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt pour elle un caractère insurmontable.

7. Ayant constaté que le [...] avait été débouté de ses demandes indemnitaires en première instance au motif qu'aucun justificatif ne permettait d'établir et chiffrer un préjudice imputable au sinistre déclaré, qu'il reconnaissait ne pas avoir conclu dans le délai de trois mois en raison de ce qu'il attendait le rapport d'expertise d'un cabinet extérieur et qu'il pouvait conclure sans faire figurer ce rapport non encore remis dans le bordereau annexé à ses conclusions, qui aurait pu ainsi être joint à ses dernières conclusions dès lors que la communication du rapport aurait été faite en temps utile pour que l'assureur puisse y répondre, faisant ainsi ressortir que l'appelant n'avait pas été placé dans l'impossibilité de conclure en raison d'une circonstance qui ne lui serait pas imputable, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a prononcé la caducité de la déclaration d'appel.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Spinosi ; SARL Cabinet Briard -

Textes visés :

Articles 905-2 et 908 à 911 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 27 février 2020, pourvoi n° 19-10.849, Bull. 2020, (rejet).

2e Civ., 25 mars 2021, n° 18-23.299, (P)

Cassation sans renvoi

Procédure sans représentation obligatoire – Instruction – Magistrat chargé d'instruire l'affaire – Ordonnances – Voies de recours – Déféré – Requête – Délai – Point de départ – Détermination – Portée

Il résulte de l'article 945 du code de procédure civile, que les décisions du magistrat chargé d'instruire l'affaire dans une procédure d'appel sans représentation obligatoire n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée et ne sont susceptibles d'aucun recours indépendamment de l'arrêt sur le fond, sauf à être déférées à la cour d'appel dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles constatent l'extinction de l'instance.

La requête en déféré est un acte de la procédure d'appel qui s'inscrit dans le déroulement de cette procédure et n'ouvre pas une instance autonome. En outre, cet article, en ce qu'il fait courir le délai du déféré depuis le jour de l'ordonnance mettant fin à l'instance, poursuit un but légitime de célérité de traitement des incidents affectant l'instance d'appel, en vue du jugement de ceux-ci dans un délai raisonnable.

Toutefois, les parties n'étant pas tenues de constituer un avocat, professionnel avisé, l'irrecevabilité frappant le déféré formé au-delà du délai de quinze jours constituerait une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, protégé par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si ce délai courait du jour de l'ordonnance sans que la partie ait été informée de la date à laquelle elle serait rendue.

Il découle ainsi du droit d'accès au juge qu'à défaut pour la partie ou son représentant d'avoir été informé de cette date, le délai qui lui est ouvert pour déférer l'ordonnance ne peut courir que du jour où l'ordonnance est portée à sa connaissance par tout moyen permettant de s'assurer de la date à laquelle la partie ou son représentant a reçu cette information.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 février 2018), rendu sur déféré, et les productions, la société HKDC Europe (la société) a relevé appel, le 21 septembre 2015, du jugement d'un conseil de prud'hommes l'ayant condamnée à payer diverses sommes à Mme R....

2. Le magistrat, chargé d'instruire l'affaire devant la cour d'appel, a adressé un avis aux parties invitant la société appelante à conclure et à produire ses pièces pour une certaine date et l'avertissant que, faute de le faire, l'affaire pourrait être radiée ou l'appel déclaré non soutenu à une audience du 14 avril 2016. Cet avis précisait qu'il valait convocation à cette audience mais que, si le calendrier était respecté, les parties étaient dispensées d'y comparaître.

La société n'a pas comparu à cette audience.

3. Par ordonnance du 14 avril 2016, notifiée le 18 mai 2016, le magistrat chargé d'instruire l'affaire a déclaré l'appel non soutenu et a confirmé le jugement.

4. La société a formé un déféré contre cette ordonnance, le 1er juin 2016, ainsi qu'un pourvoi, lequel a été déclaré irrecevable (Soc., 19 septembre 2018, pourvoi n° 16-20.489), au motif que le déféré était ouvert contre cette décision.

Sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de déclarer le déféré irrecevable alors :

« 1°/ que le délai pour former un déféré ayant pour point de départ le prononcé de l'ordonnance, il ne peut commencer à courir qu'autant que la date à laquelle la décision devait être rendue a été portée à la connaissance des parties et que cet avis est mentionné dans l'ordonnance ; qu'en déclarant irrecevable le déféré formé par la société dans les quinze jours de la notification de l'ordonnance, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le conseiller chargé d'instruire l'affaire avait avisé les parties de la date de prononcé de sa décision, et quand la délivrance d'une telle information ne résulte pas des énonciations de l'ordonnance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 450 et 528 du code de procédure civile et 6, § 1er, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ que l'application des règles de procédure ne peut conduire à un formalisme excessif portant atteinte à l'équité de la procédure ; qu'en déclarant irrecevable comme tardif le déféré formé par la société, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la fixation du point de départ du délai de déféré au jour du prononcé de l'ordonnance et, partant, la tardiveté du déféré formé dans les quinze jours de la notification de celle-ci n'avait pas, dans les circonstances de l'espèce, porté une atteinte disproportionnée au droit au recours de la société, en sorte que son droit d'accès au juge avait été atteint dans sa substance même, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 6, § 1er, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 945 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

6. Il résulte du premier de ces textes que les décisions du magistrat chargé d'instruire l'affaire dans une procédure d'appel sans représentation obligatoire n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée et ne sont susceptibles d'aucun recours indépendamment de l'arrêt sur le fond, sauf à être déférées à la cour d'appel dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles constatent l'extinction de l'instance.

7. La requête en déféré est un acte de la procédure d'appel qui s'inscrit dans le déroulement de cette procédure et n'ouvre pas une instance autonome.

En outre, cette disposition, en ce qu'elle fait courir le délai du déféré depuis le jour de l'ordonnance mettant fin à l'instance, poursuit un but légitime de célérité de traitement des incidents affectant l'instance d'appel, en vue du jugement de ceux-ci dans un délai raisonnable.

8. Toutefois, les parties n'étant pas tenues de constituer un avocat, professionnel avisé, l'irrecevabilité frappant le déféré formé au-delà du délai de quinze jours constituerait une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge si ce délai courait du jour de l'ordonnance sans que la partie ait été informée de la date à laquelle elle serait rendue.

9. Il découle ainsi du droit d'accès au juge qu'à défaut pour la partie ou son représentant d'avoir été informé de cette date, le délai qui lui est ouvert pour déférer l'ordonnance ne peut courir que du jour où l'ordonnance est portée à sa connaissance par tout moyen permettant de s'assurer de la date à laquelle la partie ou son représentant a reçu cette information.

10. Pour déclarer le déféré irrecevable, l'arrêt retient qu'il n'a pas été formé dans les 15 jours de l'ordonnance du magistrat chargé d'instruire l'affaire.

11. En statuant ainsi, alors, d'une part, que la société n'avait pas comparu à l'audience du magistrat chargé d'instruire l'affaire et que l'ordonnance déférée n'indiquait pas que la date de son prononcée avait été portée à la connaissance des parties et, d'autre part, que cette ordonnance avait été notifiée aux parties le 18 mai 2020, soit moins de quinze jours avant le déféré, formé le 1er juin 2020, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

14. Il ressort des constatations faites au paragraphe 10, ainsi que des productions, que le déféré n'a pas été formé tardivement.

15. En outre, ainsi que la société requérante le faisait valoir à l'appui de son déféré, le magistrat chargé d'instruire l'affaire ne dispose pas du pouvoir de statuer sur l'appel, qui n'appartient qu'à la cour d'appel.

En déclarant l'appel non soutenu et en confirmant en conséquence le jugement attaqué, ce magistrat ne s'est pas borné à instruire l'affaire ou à constater l'extinction de l'instance, conformément aux pouvoirs qui lui sont reconnus par les articles 939 à 943 du code de procédure civile, ni à tenir seul l'audience de la cour d'appel, en application de l'article 945-1 du code de procédure civile, mais a statué seul sur l'appel, en méconnaissance de ses pouvoirs.

16. En conséquence, il y a lieu d'annuler cette ordonnance.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE recevable la requête en déféré de l'ordonnance rendue le 14 avril 2016 par le magistrat chargé d'instruire l'affaire ;

ANNULE cette ordonnance en toutes ses dispositions ;

DIT que l'affaire se poursuivra devant la cour d'appel de Versailles.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Ortscheidt -

Textes visés :

Article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 945 du code de procédure civile ; articles 939 à 943 et 945-1 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 7 juillet 1983, pourvoi n° 82-11.760, Bull., II, n° 146 (cassation) ; 2e Civ., 4 juin 2020, pourvoi n° 18-23.248, Bull. 2020, (rejet). 2e Civ., 31 janvier 2019, pourvoi n° 17-31.432, Bull. 2019, (rejet).

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