Numéro 3 - Mars 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2020

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL

Soc., 4 mars 2020, n° 18-11.585, n° 18-11.587, n° 18-11.597, n° 18-11.599, n° 18-11.600, (P)

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Métallurgie – Conventions régionales – Convention collective des industries métallurgiques de la région du Havre – Contractualisation des dispositions conventionnelles régionales – Conditions – Application volontaire de la convention collective nationale – Conditions suffisantes (non) – Détermination

L'application volontaire de la convention collective nationale de la métallurgie n'emporte pas contractualisation d'une convention collective des industries métallurgiques conclue au niveau régional ou local.

Vu la connexité, joint les pourvois n° 18-11.585, 18-11.587, 18-11.597, 18-11.599 et 18-11.600 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. C... et quatre autres salariés de la société Escolog (la société), venant aux droits de la société UPS SCS France, travaillant en équipes successives, ont saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant notamment à la rémunération des temps de pause journalière de trente minutes ;

Sur les premier et second moyens réunis du pourvoi incident des salariés, ci-après annexés :

Attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de manque de base légale, le moyen, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la première branche du premier moyen, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine de la valeur et la portée des éléments de fait et de preuve soumis par l'employeur à la cour d'appel qui, procédant à la recherche prétendument omise sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a constaté, sans inverser la charge de la preuve, que les salariés pouvaient prendre effectivement leur pause de trente minutes et que durant ce temps de pause il n'était pas établi qu'ils restaient à la disposition de l'employeur sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :

Vu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu que pour condamner l'employeur à payer aux salariés des sommes à titre de rappel de pause conventionnelle du 1er février 2012 au 30 avril 2017, outre les congés payés afférents, les arrêts retiennent qu'un accord collectif a été conclu le 27 février 2012 au sein de la société afin d'organiser l'application de la convention collective nationale des transports routiers, dans le but d'une bonne transition à la suite de la cessation de l'application volontaire de la convention collective de la métallurgie, suivant dénonciation opérée par la société UPS SCS à échéance du 31 janvier 2012, que le contrat de travail des salariés stipule qu'il est soumis aux dispositions de la convention collective nationale des industries métallurgiques, qu'il en ressort que l'application de cette convention collective a été contractualisée et ne résulte pas d'un engagement unilatéral de la société UPS SCS, de sorte que la dénonciation de cet engagement est inopposable aux salariés, que la contractualisation de l'application volontaire de la convention collective de la métallurgie plutôt que de celle des transports routiers doit s'entendre de l'application tant des accords nationaux applicables aux salariés, toutes catégories confondues, que des accords territoriaux qui les complètent, que les salariés sont en conséquence en droit d'obtenir le paiement de la pause qui est d'ailleurs prévue tant par la convention collective de la région havraise que par celle de la région parisienne que la société UPS SCS appliquait volontairement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'application volontaire de la convention collective nationale de la métallurgie n'emporte pas contractualisation de la convention collective des industries métallurgiques de la région du Havre, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une volonté claire et non équivoque d'appliquer cette convention collective, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent la société Escolog à payer à MM. C..., M..., O..., E... et Q... des sommes à titre de rappel de pause conventionnelle du 1er février 2012 au 30 avril 2017, outre les congés payés afférents, les arrêts rendus le 5 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Caen.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Prieur - Avocat général : M. Liffran - Avocat(s) : SCP Bénabent ; SCP Zribi et Texier -

Textes visés :

Article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

2e Civ., 12 mars 2020, n° 18-14.382, (P)

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Dispositions générales – Arrêté d'extension – Effets – Champ d'application – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 19 décembre 2017), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2009 à 2011, la caisse générale de la sécurité sociale de la Réunion (la caisse) a, le 24 septembre 2012, notifié à la société Transport Camalon (la société), une lettre d'observations mentionnant plusieurs chefs de redressement, suivie, le 27 février 2013, d'une mise en demeure.

2. Une contrainte lui ayant été signifiée, le 18 novembre 2013, la société a formé opposition devant une juridiction de sécurité sociale. Elle conteste, notamment, le chef de redressement afférent à la réintégration, dans l'assiette de la contribution sociale généralisée, de la contribution pour le remboursement de la dette sociale et du forfait social, du montant des primes « Cospar » qui auraient dû, selon la caisse, être versées aux salariés en application de l'accord interprofessionnel du 25 mai 2009 pour la Réunion, étendu par arrêté du 27 juillet 2009.

Examen des moyens

Sur les deux moyens du pourvoi principal, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deux moyens du pourvoi principal, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident

Enoncé du moyen

4. La caisse fait grief à l'arrêt d'accueillir la contestation de la société en ce qu'elle porte sur le redressement opéré au titre du bonus Cospar, alors que « selon l'article 3 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, un accord régional ou territorial interprofessionnel conclu selon les modalités prévues à l'article L. 2232-2 du code du travail et applicable dès 2009, peut permettre aux entreprises implantées dans les départements et régions d'outre-mer et dans les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, de verser à leurs salariés un bonus exceptionnel, d'un montant maximal de 1 500 euros par salarié et par an, exonéré de toutes cotisations sauf la CSG et la CRDS ; qu'un arrêté d'extension du ministre du travail du 27 juillet 2009 a rendu obligatoire pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans son champ d'application, les dispositions du titre Ier de l'accord régional interprofessionnel du 25 mai 2009 à la Réunion imposant aux employeurs de verser le bonus Cospar à leurs salariés, même s'ils ne sont pas adhérents du Medef ; qu'en disant l'employeur fondé à contester le redressement opéré au titre du bonus Cospar aux motifs inopérants que « le Medef est seul signataire de l'accord du 25 mai 2009 » et que « la société Transcam est adhérente du syndicat FNTR dont l'adhésion au MEDEF n'est pas invoquée ni établie », la cour d'appel a méconnu les effets de l'arrêté d'extension du 27 juillet 2009 et a violé les textes visés au moyen. »

Réponse de la Cour

Vu les dispositions du titre 1er (Rémunérations) de l'accord régional interprofessionnel de La Réunion, signé le 25 mai 2009, et étendu par l'arrêté du ministre du travail du 27 juillet 2009, les articles L. 2261-15 du code du travail et 3, I, de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, ce dernier dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations et contributions litigieuses :

5. Il résulte du troisième de ces textes, rendu applicable par le dernier aux accords régionaux ou territoriaux interprofessionnels qu'il prévoit, que l'extension d'un accord par arrêté du ministre du travail rend les stipulations de l'accord obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d'application de ce dernier.

6. Pour dire que la société est fondée à contester le redressement opéré au titre du bonus Cospar pour les années 2010 et 2011, l'arrêt, après avoir rappelé que l'arrêté d'extension du ministre a pour effet de rendre obligatoires les dispositions d'un accord professionnel ou interprofessionnel pour tous les employeurs compris dans son champ d'application professionnel et territorial, dont les organisations patronales sont représentatives à la date de la signature de l'accord, retient que l'arrêté d'extension du 27 juillet 2009 n'est pas applicable à la société, dès lors qu'il est établi et non discuté que le MEDEF est seul signataire de l'accord du 25 mai 2009 et que la société est adhérente du syndicat FNTR dont l'adhésion au MEDEF n'est pas invoquée ni établie.

7. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'il lui appartenait seulement de déterminer si la société était comprise dans le champ d'application professionnel de l'accord étendu du 25 mai 2009, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour,

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a débouté la société Transport Camalon de sa demande en nullité du jugement et en ce qu'il a confirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Denis de la Réunion rejetant la demande d'annulation de l'acte de signification de la contrainte ainsi que la demande de nullité de la contrainte, l'arrêt rendu le 19 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Le Fischer - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 2261-15 du code du travail et article 3, I, de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009.

Soc., 25 mars 2020, n° 18-12.467, (P)

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Dispositions générales – Interprétation – Principes – Définition – Portée

Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est-à-dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 20 décembre 2017), M. H... a été engagé en 1975 par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (l'URSSAF) en qualité de cadre et, en dernier lieu, a été nommé directeur de l'URSSAF de la Vendée à compter du 1er janvier 2000.

2. Ayant été licencié pour insuffisance professionnelle le 24 février 2006, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement alors « que le juge, tenu d'interpréter et d'appliquer une convention collective, ne peut se limiter à une interprétation littérale d'une de ses stipulations qui induit une inégalité manifeste de traitement entre les salariés auxquels elle est applicable ; que l'article 28 de la convention collective du 25 juin 1968 des agents de direction et des agents comptables des organismes de sécurité sociale et d'Allocations familiales ne prévoit le versement d'une indemnité de licenciement, plus favorable que l'indemnité légale de licenciement, qu'aux salariés licenciés pour un motif disciplinaire, à l'exclusion des autres salariés licenciés pour un motif personnel non fautif ; qu'en refusant de faire application de cette stipulation au bénéfice du salarié licencié pour insuffisance professionnelle, en se limitant à son interprétation littérale, la cour d'appel, qui, ainsi, n'a pas mis fin à ce traitement inégalitaire injustifié, a violé le texte susvisé, ensemble le principe « à travail égal, salaire égal » et l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 28 de la convention collective nationale du travail du 25 juin 1968 des agents de direction et des agents comptables des organismes de sécurité sociale et d'allocations familiales, alors applicable :

4. Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est à dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

5. Selon l'article 28 de la convention collective susvisée, tout agent de direction ou agent comptable licencié après application de la procédure prévue par l'article R. 123-51 du code de la sécurité sociale recevra, dans tous les cas, une indemnité égale à un mois de traitement (calculée sur la base du dernier mois d'activité) par année d'ancienneté calculée selon les modalités de l'article 30 de la convention collective du 8 février 1957, avec un maximum de 18 mois de salaire.

6. Toutefois, cette convention collective n'envisageait en 1968 que le licenciement en matière disciplinaire et celui prononcé en cas de suppression d'emploi suivie du refus par l'agent de direction d'un reclassement dans un poste de son grade.

7. Eu égard d'abord aux dispositions de l'article 2 de l'ordonnance n° 67-581 du 13 juillet 1967 relatives à certaines mesures applicables en cas de licenciement prévoyant que tout travailleur salarié, lié par un contrat à durée indéterminée et qui est licencié alors qu'il compte deux ans d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur avait droit, sauf faute grave, à une indemnité de licenciement et ensuite à la jurisprudence de la Cour de cassation qui, lors de la signature de la convention collective, n'avait pas encore reconnu l'insuffisance professionnelle comme une catégorie autonome de licenciement, l'article 28 de la convention collective doit être interprété comme n'excluant pas le salarié licencié pour insuffisance professionnelle du bénéfice de l'indemnité conventionnelle de licenciement qu'il prévoit.

8. Pour rejeter la demande de complément d'indemnité conventionnelle prévue à l'article 28 de la convention collective, la cour d'appel retient que ce texte ne s'appliquait qu'aux agents licenciés selon la procédure disciplinaire prévue par l'article R. 123-51 du code de la sécurité sociale à l'exclusion de ceux licenciés pour insuffisance professionnelle.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a dès lors violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. H... de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 20 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Cavrois - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 28 de la convention collective nationale du travail du 25 juin 1968 des agents de direction et des agents-comptables des organismes de sécurité sociale et d'allocations familiales, alors applicable.

Soc., 4 mars 2020, n° 18-19.189, (P)

Rejet

Négociation collective – Périodicité de la négociation – Négociation triennale – Mobilité interne – Mise en oeuvre – Application au contrat de travail des stipulations de l'accord de mobilité – Refus du salarié – Effets – Cas – Etat de grossesse de la salariée – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 3 mai 2018), Mme S... a été engagée à compter du 14 octobre 2013 par la société BPI (la société) en qualité de consultante et affectée au bureau d'Annecy.

2. Le 7 septembre 2015, la salariée a notifié à son employeur son état de grossesse.

3. Après la conclusion, le 21 octobre 2015, d'un accord de mobilité interne, l'employeur a, le 6 novembre 2015, adressé à Mme S..., ainsi qu'aux autres salariés du bureau d'Annecy, une proposition de mobilité interne qu'elle a refusée.

4. Convoquée le 4 janvier 2016 à un entretien préalable fixé au 14 janvier 2016 auquel elle ne s'est pas présentée, la société lui a adressé la documentation relative au contrat de sécurisation professionnelle ainsi qu'un mémorandum expliquant les motifs du licenciement envisagé « Votre refus d'accepter la proposition de mobilité formulée dans le cadre de l'accord de mobilité interne du 21 octobre 2015, doublé de l'impossibilité de maintien de votre poste actuel du fait des graves difficultés financières du bureau d'Annecy.

En effet le bureau d'Annecy ne représente pas un volume de production propre à assurer la rentabilité et à vous fournir la charge de travail correspondant à votre poste ».

5. Le 18 janvier 2016, la salariée a accepté le contrat de sécurisation professionnelle.

6. Contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement nul et de le condamner au paiement de sommes au titre des salaires pendant la période couverte par la nullité, de l'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et de dommages-intérêts pour licenciement nul alors :

« 1°/ qu' aux termes de l'article L. 2242-19 dans sa rédaction applicable au litige, lorsqu'un salarié refuse l'application à son contrat de travail des stipulations d'un accord de mobilité interne, son licenciement repose sur un motif économique et est prononcé selon les modalités d'un licenciement individuel pour motif économique ; qu'un tel licenciement, qui repose sur un motif légal préconstitué, est nécessairement justifié dès lors que la convention de mobilité est valable, et caractérise dès lors nécessairement, par lui-même, l'impossibilité de maintenir le contrat de travail d'une salarié en état de grossesse ; qu'en disant nul le licenciement de la salariée aux motifs que ne serait pas caractérisée l'impossibilité de maintenir le contrat de travail, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 2242-19 du code du travail ;

2°/ que le juge, qui est tenu par la conséquence légale attachée au refus d'application de l'accord de mobilité dès lors que celui-ci est valable, ne saurait, même en présence d'une salariée en état de grossesse médicalement constaté, vérifier si l'accord de mobilité procède d'une cause économique pouvant justifier, en cas de refus de son application par la salariée, son licenciement ; qu'affirmant que l'accord de mobilité interne du 21 octobre 2015, dont elle avait constaté la conformité aux exigences légales, ne pouvait caractériser l'impossibilité de maintenir le contrat de travail de Mme S... dès lors que les difficultés économiques à l'origine de cet accord n'auraient pas été démontrées, la cour d'appel a derechef violé l'article susvisé ;

3°/ qu'en retenant, pour conclure à la nullité du licenciement de la salariée, que dans le memorandum qui lui avait été transmis dans le cadre de son éventuelle adhésion au mécanisme du CSP, l'impossibilité de maintenir son contrat de travail était justifiée par les graves difficultés financières du bureau d'Annecy, difficultés qui, faute d'être démontrées, ne pouvaient justifier d'une telle impossibilité, quand il ressortait dudit document que le motif à l'origine de la procédure de licenciement était son « refus d'accepter la proposition de mobilité formulée dans le cadre de l'accord de mobilité interne du 21 octobre 2015 », les difficultés financières du bureau n'étant évoquées qu'à titre secondaire, la cour d'appel a dénaturé les termes dudit document et violé en conséquence l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ;

4°/ qu'en retenant, pour conclure à la nullité du licenciement de la salariée, que les graves difficultés financières du bureau d'Annecy, non démontrées, ne justifiaient pas de l'impossibilité de maintenir son contrat de travail, sans rechercher si le motif avancé par l'employeur dans le mémorandum, tenant à son refus d'accepter la proposition de mobilité formulée dans le cadre de l'accord de mobilité interne du 21 octobr 2015, ne constituait pas une telle justification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2242-19 et L. 1225-4 du code du travail ;

5°/ qu'aux termes de l'article L. 1225-4 du code du travail, l'employeur peut résilier le contrat de travail d'une salariée enceinte s'il justifie de l'impossibilité dans laquelle il se trouve, pour un motif étranger à la grossesse, de le maintenir ; que cette impossibilité s'évince des circonstances de la vie de l'entreprise, étrangères aux rapports individuels nés du contrat de travail, qui imposent la suppression de l'emploi, telles que la fermeture d'un établissement ; qu'en retenant uniquement que la réalité des difficultés économiques de l'agence d'Annecy n'aurait pas été démontrée, sans rechercher si sa fermeture définitive, pour des raisons de gestion prévisionnelle des emplois, ne constituait pas l'impossibilité requise par l'article susvisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte. »

Réponse de la Cour

8. Aux termes de l'article L. 1225-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la modification issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes.

Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa.

9. Il résulte de l'article L. 2242-19 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, que lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent l'application à leur contrat de travail des stipulations de l'accord relatives à la mobilité interne mentionnées au premier alinéa de l'article L. 2242-17, leur licenciement repose sur un motif économique.

10. Cependant, un tel refus ne caractérise pas, par lui-même, l'impossibilité dans laquelle se trouve l'employeur de maintenir le contrat de travail d'une salariée enceinte pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement.

11. Par ailleurs, la cour d'appel, qui ne s'est pas bornée à retenir que la réalité des difficultés économiques de l'agence d'Annecy n'était pas établie, a relevé que la fermeture de cette agence n'était pas évoquée dans le memorandum adressé à la salariée, que l'accord de mobilité prévoyait qu'avant d'envisager la fermeture totale d'un bureau, l'entreprise devrait étudier toutes les solutions alternatives possibles et que s'il n'y avait pas de travail suffisant pour huit salariés au sein de l'agence d'Annecy il n'était pas démontré qu'il ne pouvait pas y en avoir pour certains d'entre eux. Ayant déduit de ces éléments, hors toute dénaturation, que l'employeur ne caractérisait pas l'impossibilité de maintenir le contrat de travail de la salariée pour un motif étranger à sa grossesse, la cour d'appel a procédé aux recherches prétendument omises.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Duval - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Articles L. 1225-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la modification issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et L. 2242-19 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.