Numéro 3 - Mars 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2020

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX

2e Civ., 12 mars 2020, n° 19-13.804, (P)

Rejet

Contentieux général – Compétence matérielle – Cotisations afférentes aux régimes complémentaires (non)

Les litiges relatifs au paiement des cotisations afférentes aux régimes de retraite complémentaire obligatoire des salariés prévus par les articles L. 921-1 et suivants du code de la sécurité sociale, ne sont pas au nombre des litiges relevant du contentieux général de la sécurité sociale en application de l'article L. 142-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, alors applicable.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 janvier 2019, RG : n° 18/10847), l'institution de retraite complémentaire AG2R Réunica Arrco, aux droits de laquelle vient l'institution de retraite complémentaire AG2R Agirc Arrco (l'institution), a fait assigner l'association Centre libre d'enseignement supérieur international (l'association) devant un tribunal de grande instance en paiement des cotisations, dues par celle-ci, au titre de la retraite complémentaire des salariés.

2. Le juge de la mise en état a rejeté la demande de l'association en nullité de l'assignation ainsi que l'exception d'incompétence au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale.

3. Saisie de l'appel de l'association, la cour d'appel a confirmé l'ordonnance du juge de la mise en état.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. L'association fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'incompétence invoquée au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale, alors « qu'en application de l'article L. 142-2 du code de la sécurité sociale en sa version applicable au litige, relève du contentieux général de la sécurité sociale et partant de la compétence du tribunal des affaires de sécurité sociale, le litige relatif au recouvrement des cotisations dues au titre des régimes complémentaires de retraite, peu important que ceux-ci soient issus d'accords collectifs ; qu'en jugeant le contraire la cour d'appel a violé l'article précité. »

Réponse de la Cour

5. Les litiges relatifs au paiement des cotisations afférentes aux régimes de retraite complémentaire obligatoire des salariés prévus par les articles L. 921-1 et suivants du code de la sécurité sociale, ne sont pas au nombre des litiges relevant du contentieux général de la sécurité sociale en application de l'article L. 142-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-22 du 23 mars 2019, alors applicable.

6. Ayant constaté que le litige dont elle était saisie se rapportait au recouvrement des cotisations dues au titre des régimes de retraite complémentaire obligatoire, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il relevait de la compétence du tribunal de grande instance.

7. Le moyen n'est dès lors pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Palle - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 142-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019.

2e Civ., 12 mars 2020, n° 19-13.422, (P)

Cassation partielle

Contentieux général – Procédure – Procédure gracieuse préalable – Commission de recours amiable – Saisine – Etendue – Détermination – Portée

Il résulte de l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016, d'une part, que l'étendue de la saisine de la commission de recours amiable d'un organisme de sécurité sociale se détermine au regard du contenu de la lettre de réclamation et non de celui de la décision ultérieure de cette commission, d'autre part, que la commission de recours amiable est saisie de la contestation portant sur le bien-fondé d'un redressement même en l'absence de motivation de la réclamation.

Contentieux général – Procédure – Procédure gracieuse préalable – Commission de recours amiable – Saisine – Motivation de la réclamation – Nécessité (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 10 janvier 2019), la société Electro Industrie (la société) a fait l'objet de la part de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de la Haute-Marne, aux droits de laquelle vient l'URSSAF Champagne-Ardennes (l'URSSAF), d'un contrôle portant sur les années 2008 à 2010 à la suite duquel l'URSSAF lui a notifié une lettre d'observations en date du 19 septembre 2011 portant différents chefs de redressement.

2. Après rejet de son recours amiable, la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation, en sa seconde branche et qui est irrecevable, en sa première branche.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'annulation du chef de redressement n° 1 relatif à la réduction générale des cotisations et de ses autres demandes, alors :

« 1°) que pour le calcul de la réduction de cotisations prévue à l'article L. 241- 13 du code de la sécurité sociale, il résulte de l'article D. 241-7 I 3° du code de la sécurité sociale qu'en cas de suspension du contrat de travail avec maintien partiel de la rémunération mensuelle brute du salarié, le montant mensuel du salaire minimum de croissance pris en compte pour le calcul du coefficient de la réduction de cotisations est réduit selon le pourcentage de la rémunération demeurée à la charge de l'employeur et soumise à cotisations ; que pour valider le redressement contesté, la cour d'appel qui a dit que les dispositions de l'article D. 241-7 I 3° du code de la sécurité sociale n'avaient pas à s'appliquer, même si l'absence du salarié pour congés payés donnait lieu à un maintien du salaire, dès lors que la société Electro industrie avait l'obligation de s'affilier à une caisse de congés payés pour ses salariés, a violé les textes susvisés, dans leur rédaction applicable au litige.

2°) que dans ses conclusions d'appel, la société exposante avait fait valoir que, pour le calcul de la réduction de cotisations des mois au cours desquels les salariés avaient pris des congés payés, l'inspecteur du recouvrement avait opéré un calcul des heures travaillées erroné, différent de celui préconisé par la circulaire de l'ACOSS 2007-121 du 2 octobre 2007, qui indique que pour les salariés n'effectuant pas un mois de travail complet, les dispositions applicables en matière de paie sont reprises ; qu'au sein de la société Electro industrie, la règle applicable en matière de paie afin de déduire les absences était celle du 26ème, la déduction des jours de congés payés s'effectuant en jours ouvrables et non en jours ouvrés, et aboutissait à un nombre d'heures travaillées pour les mois au cours desquels les salariés avaient pris des congés payés supérieur à celui retenu par l'inspecteur du recouvrement qui avait minoré systématiquement la durée de travail des salariés les mois au cours desquels ceux-ci avaient été absents pour congés payés ; que la cour d'appel qui a validé le calcul opéré par l'inspecteur du recouvrement sans répondre à ce moyen des conclusions d'appel, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte des articles L. 241-13 et D. 241-7, I du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au cours de la période d'exigibilité des cotisations litigieuses, que, pour les périodes de congés et hors le cas de maintien de la rémunération par l'employeur prévu au 3 du second de ces textes, le montant du salaire minimum de croissance pris en compte pour le calcul du coefficient de la réduction de cotisations instituée par le premier, est corrigé dans les seules conditions prévues par le 1, en fonction de la durée du travail.

6. Ayant d'une part, constaté que la société avait l'obligation de s'affilier à une caisse de congés payés, la cour d'appel a, à bon droit, retenu que lorsque le salarié prend ses congés, même si son absence donne lieu à un maintien partiel du salaire, les dispositions de l'article D. 241-7, I, 3° du code de la sécurité sociale n'ont pas à s'appliquer dès lors que la société adhère à une caisse de congés payés, que le maintien de salaire assuré par la caisse de congés payés à laquelle la société est affiliée ne place pas celle-ci en situation de maintien partiel de la rémunération mensuelle brute du salarié au sens du texte précité et que seules les dispositions de l'article D. 241-7, I, 1° reçoivent application, lesquelles prévoient une correction du salaire minimum de croissance mensuel à proportion de la durée de travail rapportée à la durée légale du travail.

7. En retenant, d'autre part, que la société n'était pas fondée à contester la méthode de calcul qui avait été appliquée par l'URSSAF et en confirmant la décision de la commission de recours amiable qui avait constaté que l'inspectrice du recouvrement s'était fondée, pour son calcul de la réduction de cotisations, sur les éléments transmis lors du contrôle par la société elle-même issus du logiciel de paie, la cour d'appel a répondu aux conclusions prétendument délaissées.

8. De ces énonciations et constatations, la cour d'appel a exactement décidé que le chef de redressement contesté devait être validé.

9. Le moyen n'est, dés lors, pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

10. La société fait grief à l'arrêt de dire irrecevable la contestation du chef de redressement n° 3 relatif à des frais professionnels, alors :

« 1°) que l'étendue de la saisine de la commission de recours amiable d'un organisme de sécurité sociale, se détermine au regard du contenu de la lettre de réclamation, la commission de recours amiable étant saisie de la contestation portant sur l'intégralité d'un redressement même en l'absence de motivation de la réclamation sur certains chefs de redressement ; qu'ayant constaté que, le 19 décembre 2011, la société avait saisi la commission de recours amiable d'une demande d'annulation du contrôle et des redressements au motif qu'elle contestait le calcul de la réduction Fillon effectué par l'inspectrice du recouvrement et qu'elle avait, le 6 novembre 2012, saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'un recours à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable confirmant le redressement, notifiée le 3 octobre 2013, la cour d'appel qui pour dire irrecevable la contestation du chef de redressement relatif aux frais professionnels, a énoncé que cette contestation avait été formée par une lettre du 18 novembre 2013 par laquelle la société Electro industrie avait sollicité de la commission de recours amiable un réexamen de son dossier, n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient, violant les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016, applicable au litige.

2°) que les réclamations portées devant les juridictions du contentieux général contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole sont soumises, préalablement à la saisine de la juridiction, à la commission de recours amiable de l'organisme ; que la cour d'appel a constaté que, le 19 décembre 2011, la société avait saisi la commission de recours amiable d'une demande d'annulation du contrôle et des redressements au motif qu'elle contestait le calcul de la réduction Fillon effectué par l'inspectrice du recouvrement et qu'elle avait, le 6 novembre 2012, saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'un recours à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable confirmant le redressement, notifiée le 3 octobre 2012, puis demandé, par lettre du 18 novembre 2013, un réexamen de son dossier à la commission de recours amiable qui avait jugé qu'elle ne pouvait être saisie une nouvelle fois et que cette demande était irrecevable ; qu'en énonçant néanmoins, pour dire irrecevable la contestation du chef de redressement relatif aux frais professionnels, que cette contestation avait fait l'objet du recours du 18 novembre 2013, déclaré irrecevable par la décision de la commission de recours amiable du 30 mai 2014 qui n'avait pas fait l'objet d'un recours et n'avait pas été remise en cause devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, la cour d'appel a de nouveau ignoré les conséquences légales de ses propres constatations, violant les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016, applicable au litige, ensemble les articles 561 et 562 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016, applicable au litige :

10. Il résulte du premier de ces textes, d'une part, que l'étendue de la saisine de la commission de recours amiable d'un organisme de sécurité sociale se détermine au regard du contenu de la lettre de réclamation et non de celui de la décision ultérieure de cette commission, d'autre part, que la commission de recours amiable est saisie de la contestation portant sur le bien-fondé d'un redressement, même en l'absence de motivation de la réclamation.

11. Pour déclarer irrecevable la contestation du chef de redressement n° 3 relatif aux frais professionnels, l'arrêt relève qu'à la suite de la mise en demeure du 22 novembre 2011, la société avait saisi, le 19 décembre 2011, la commission de recours amiable de l'URSSAF d'une demande d'annulation du contrôle et des redressements afférents au motif qu'elle contestait le calcul de la réduction générale de cotisations effectué par l'inspectrice du recouvrement, qu'après le rejet de son recours amiable, elle avait saisi, le 6 novembre 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale d'un recours contre la décision de la commission de recours amiable confirmant le redressement, puis, que le 18 novembre 2013, elle avait adressé au président de la commission de recours amiable un courrier faisant part de son souhait de voir réexaminer son dossier. Il énonce que la contestation du chef de redressement portant sur les frais professionnels qui avait fait l'objet du recours du 18 novembre 2013, avait été déclarée irrecevable par une décision de la commission de recours amiable du 30 mai 2014 qui n'avait pas fait l'objet d'un recours et n'avait pas été remise en cause devant le tribunal des affaires de sécurité sociale.

12. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que le recours amiable de la société formé le 19 décembre 2011 portait sur l'ensemble des chefs de redressement et que la lettre du 18 novembre 2013 tendant au réexamen du dossier était sans portée sur la recevabilité du recours contentieux déjà formé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du deuxième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la contestation du chef de redressement n° 3 relatif à des frais professionnels, l'arrêt rendu le 10 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Renault-Malignac - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : Me Le Prado ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-941du 8 juillet 2016.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 13 février 2014, pourvoi n° 13-12.329, Bull. 2014, II, n° 46 (rejet).

2e Civ., 12 mars 2020, n° 19-10.439, (P)

Rejet

Preuve – Modes de preuve – Difficulté d'ordre médical – Expertise technique – Nécessité

Il résulte de la combinaison des articles L. 141-1 et R. 142-24, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, que lorsque le différend fait apparaître en cours d'instance une difficulté d'ordre médical relative à l'état du malade ou de la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, notamment à la date de consolidation ou de la guérison, le juge du fond ne peut statuer qu'après mise en oeuvre de la procédure d'expertise médicale technique.

Ayant constaté que la décision contestée portait sur un refus de prise en charge d'une rechute et que la solution du litige dépendait de difficultés d'ordre médical, une cour d'appel décide exactement que, n'ayant été préalablement mise en oeuvre ni par la caisse, ni par la victime, une expertise médicale technique doit être ordonnée.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 14 novembre 2018), par décision du 13 avril 2015, la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne (la caisse) a refusé à M. X..., victime d'un accident du travail le 21 février 2012, la prise en charge au titre de la législation professionnelle d'une rechute, au 10 février 2015.

2. M. X... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de la victime en contestation de la décision de refus de prise en charge de la rechute et d'ordonner une expertise médicale technique, alors que « l'assuré, qui entend soulever, à l'encontre d'une décision de la caisse, une contestation portant sur une question d'ordre médical, doit présenter une demande d'expertise médicale dans le délai d'un mois à compter de la date de la décision ; que passé ce délai, l'assuré n'est plus recevable à former devant le juge une demande d'expertise médicale, ni à soulever devant lui une contestation au fond postulant de trancher une question d'ordre médical ; qu'en décidant que la forclusion, qui frappait la demande d'expertise médicale formée par M. X..., ne pouvait s'étendre à sa contestation au fond, laquelle postulait pourtant de trancher une question d'ordre médical, la cour d'appel a violé l'article R. 141-2 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 122 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte de la combinaison des articles L. 141-1 et R. 142-24, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, applicable au litige, que lorsque le différend fait apparaître en cours d'instance une difficulté d'ordre médical relative à l'état du malade ou de la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, notamment à la date de consolidation ou de la guérison, le juge du fond ne peut statuer qu'après mise en oeuvre de la procédure d'expertise médicale technique.

5. Ayant constaté que la décision contestée portait sur un refus de prise en charge d'une rechute et que la solution du litige dépendait de difficultés d'ordre médical, la cour d'appel en a exactement déduit que si la demande d'expertise technique de la victime était effectivement forclose en application de l'article R. 141-2 du code de la sécurité sociale, sa demande de contestation du refus de prise en charge ne pouvait l'être au seul motif qu'elle n'avait pas demandé, dans le délai, l'expertise technique sur les difficultés d'ordre médical dont dépend la solution du litige, de sorte que n'ayant été préalablement mise en oeuvre ni par la caisse, ni par la victime, une expertise technique s'imposait.

6. Le moyen n'est dès lors pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Palle - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles L. 141-1 et R. 142-24, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 24 mai 2017, pourvoi n° 16-18.027, Bull. 2017, II, n° 110 (cassation).

2e Civ., 12 mars 2020, n° 19-11.399, (P)

Cassation partielle

Preuve – Modes de preuve – Renseignement communiqué par une autre administration – Obligations attachées à une opération de contrôle

Selon l'article L. 114-21 du code de la sécurité sociale, l'organisme ayant usé du droit de communication en application de l'article L. 114-19 du même code, est tenu d'informer la personne physique à l'encontre de laquelle est prise la décision de supprimer le service d'une prestation ou de mettre des sommes en recouvrement, de la teneur et de l'origine des informations et documents obtenus auprès des tiers sur lesquels il s'est fondé pour prendre cette décision.

Cette obligation d'information, qui doit être satisfaite avant la mise en recouvrement des cotisations en litige, constitue une formalité substantielle dont le non-respect entraîne la nullité de la procédure de contrôle.

Preuve – Modes de preuve – Renseignement communiqué par une autre administration – Principe de la contradiction – Respect – Défaut – Sanction

Preuve – Modes de preuve – Renseignement communiqué par une autre administration – Principe de la contradiction – Respect – Moment – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 29 novembre 2018), la société Etablissements Biason (la société) a fait l'objet d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale et d'assurance de garantie des salaires par l'URSSAF d'Aquitaine (l'URSSAF), pour les années 2012 à 2014.

2. Par une lettre d'observations du 30 juillet 2015, l'URSSAF a notifié à la société un redressement portant notamment sur la réintégration, dans l'assiette des cotisations, des sommes attribuées aux salariés en exécution de l'accord de participation conclu le 28 octobre 2010.

3. La société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

5. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du redressement ayant donné lieu aux deux mises en demeure du 12 novembre 2015 alors « qu'en toute hypothèse, aucune violation du principe du contradictoire ne peut être caractérisée lorsque l'URSSAF a informé le cotisant, dans la lettre d'observations, de la teneur et de l'origine des informations et documents obtenus auprès de tiers avant la mise en recouvrement ; qu'en l'espèce, la lettre d'observations, qui avait été adressée à la société contrôlée le 30 juillet 2015, mentionnait expressément que, questionnée sur la réalité du dépôt de l'accord de participation, la Direccte en avait confirmé l'absence ; qu'en affirmant, pour dire que la procédure de contrôle était frappée de nullité et annuler le redressement litigieux, qu'à défaut d'avoir porté les renseignements pris auprès de l'administration à la connaissance préalable de la société en lui précisant les coordonnées du service et de la personne physique qui l'avait renseignée, l'URSSAF n'avait pas respecté le principe du contradictoire, la cour d'appel a violé les articles R. 243-59 et L. 119-21 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 114-19 et L. 114-21 du code de la sécurité sociale :

6. Selon le second de ces textes, l'organisme ayant usé du droit de communication en application du premier est tenu d'informer la personne physique ou morale à l'encontre de laquelle est prise la décision de supprimer le service d'une prestation ou de mettre des sommes en recouvrement, de la teneur et de l'origine des informations et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels il s'est fondé pour prendre cette décision. Cette obligation d'information, qui doit être satisfaite avant la mise en recouvrement des cotisations en litige, constitue une formalité substantielle dont le non respect entraîne la nullité de la procédure de contrôle.

7. Pour annuler le redressement litigieux au motif tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire, l'arrêt retient que soutenir qu'il n'est pas établi que l'entreprise n'ait pas été informée de son interrogation de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) est inopérant dans la mesure où ni la lettre d'observations, ni les contestations de la cotisante, ni le courrier de maintien du redressement ne portent mention de la connaissance préalable que pouvait avoir eue la cotisante de la demande formée par l'agent de recouvrement de l'URSSAF auprès de la direction régionale, et que l'URSSAF devait recueillir les renseignements litigieux en toute transparence et les porter à la connaissance préalable de la société en lui précisant les coordonnées du service et de la personne physique qui l'avaient renseignée afin que ladite société puisse répondre éventuellement et apporter tout justificatif qu'elle estimait utile.

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'URSSAF avait porté les informations relatives à l'exercice de son droit de communication dans la lettre d'observations du 30 juillet 2015, soit avant la mise en recouvrement des cotisations litigieuses, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la nullité du redressement ayant donné lieu aux deux mises en demeure du 12 novembre 2015, l'arrêt rendu le 29 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Vigneras - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Articles L. 114-19 et L. 114-21 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 21 juin 2018, pourvoi n° 17-20.227, Bull. 2018, (rejet).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.