Numéro 3 - Mars 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2020

SECURITE SOCIALE

2e Civ., 12 mars 2020, n° 17-22.436, (P)

Cassation

Caisse – Conventions – Convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie – Modalités d'exercice conventionnel – Médecin ressortissant d'un autre Etat membre – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 4 juillet 2017), M. E..., qui est de nationalité belge, exerce, depuis 2001, la profession de médecin libéral en Belgique et en France, dans le département des Ardennes.

L'intéressé a, le 1er mai 2016, fermé son cabinet en France, tout en continuant d'exercer en Belgique, à proximité de la frontière française, son activité de médecin auprès de ses patients belges et français. M. E... ayant, alors, sollicité son conventionnement auprès de la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes (la caisse), celle-ci a exigé qu'il soit, au préalable, inscrit sur une liste spéciale en qualité de médecin prestataire de services.

2. M. E... a assigné la caisse devant un juge des référés.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Énoncé du moyen

4. La caisse fait grief à l'arrêt de la condamner, sous astreinte, à procéder au conventionnement de M. E... et à adresser à l'ensemble de ses patients un courrier les informant qu'ils pouvaient le conserver comme médecin traitant, alors :

« 1°/ qu'à moins qu'un médecin ne soit établi dans l'Etat dans lequel il fournit ses services, sa faculté de prodiguer des soins transfrontières relève de la libre prestation de service ; que le fait qu'un médecin établi dans un État membre fournisse des services de manière plus ou moins régulière dans un autre État membre sans y disposer d'une infrastructure stable et continue ne suffit pas à le considérer comme établi dans ledit État membre ; qu'en décidant que la caisse ne pouvait imposer à M. E..., qui n'est pas établi en France, le statut de médecin prestataire de service, pour les soins prodigués en France, la cour d'appel a violé l'article L. 4112-7 du code de la santé publique ensemble, l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

2°/ que le fait qu'un médecin établi dans un État membre reçoive de manière plus ou moins régulière des patients résidant dans un autre État membre ne suffit pas à le considérer comme établi dans ce dernier État membre ; qu'en décidant que la caisse ne pouvait imposer à M. E..., qui n'est pas établi en France, le statut de médecin prestataire, pour les soins prodigués en Belgique, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 4112-1 du code de la santé publique, ensemble, l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

3°/ que le fait que ce médecin soit inscrit à l'ordre des médecins dans l'Etat dans lequel il prodigue des soins ne suffit pas à le considérer comme établi dans ledit État membre ; qu'en se fondant sur l'inscription de M. E... à l'Ordre des médecins français pour décider que la caisse ne pouvait imposer à M. E..., qui est établi en Belgique, le statut de médecin prestataire de service, pour les soins prodigués en France, la cour d'appel a violé l'article L. 4112-7 du code de la santé publique ensemble, l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

4°/ que le fait que ce médecin soit inscrit à l'Ordre des médecin dans l'Etat de résidence de ses patients ne suffit pas à le considérer comme établi dans ledit État membre ; qu'en se fondant sur l'inscription de M. E... à l'Ordre des médecins français pour décider que la CPAM ne pouvait imposer à M. E..., qui n'est pas établi en France, le statut de médecin prestataire de service, pour les soins prodigués en Belgique, la Cour d'appel a violé, par fausse application, par fausse application l'article L. 4112-1 du Code de la santé publique, ensemble, l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 4111-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige, nul ne peut exercer la profession de médecin s'il n'est :

1° Titulaire d'un diplôme, certificat ou autre titre mentionné à l'article L. 4131-1.

2° De nationalité française ou ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

3° Inscrit à un tableau de l'ordre des médecins.

6. Selon l'article L. 4112-7 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, le médecin, le praticien de l'art dentaire ou la sage-femme ressortissant d'un Etat, membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, qui est établi et exerce légalement les activités de médecin, de praticien de l'art dentaire ou de sage-femme dans un Etat, membre ou partie, peut exécuter en France, de manière temporaire et occasionnelle, des actes de sa profession sans être inscrit au tableau de l'ordre correspondant.

L'exécution de ces actes est subordonnée à une déclaration préalable, qui est accompagnée de pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé.

Le prestataire joint une déclaration concernant les connaissances linguistiques nécessaires à la réalisation de la prestation.

7. Il résulte de la combinaison de ces textes que le médecin, ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, qui est régulièrement inscrit en France à un tableau de l'ordre des médecins, n'est pas tenu, lorsqu'il exécute en France des actes de sa profession, de procéder à la déclaration de prestation de services.

8. Ayant relevé que M. E... était régulièrement inscrit, en France, à un tableau de l'ordre des médecins, sur décision du conseil régional de Champagne-Ardennes de l'ordre des médecins, confirmée, le 4 octobre 2016, par le Conseil national de l'ordre des médecins, la cour d'appel en a exactement déduit, sans méconnaître les dispositions du droit de l'Union européenne invoquée, que l'intéressé ne relevait pas des dispositions de l'article L. 4112-7 du code de la sécurité sociale.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa quatrième branche

Énoncé du moyen

10. La caisse fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en décidant que la caisse ne pouvait refuser le conventionnement de M. E..., qui n'est pas établi en France, sur la base des conventions nationales applicables aux médecins établis en France, sans faire le départage entre les soins prodigués en France et les soins prodigués en Belgique, la cour d'appel a violé l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 4112-7 du code de la santé publique et l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 162-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, 2 de la convention nationale du 26 juillet 2011 organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie, approuvée par arrêté du 22 septembre 2011, applicable à la date de la demande d'adhésion, 56 et 57 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :

11. Il résulte du deuxième de ces textes que la convention nationale s'applique aux médecins exerçant à titre libéral, inscrits au tableau de l'ordre national des médecins et qui ont fait le choix d'exercer sous le régime conventionnel, pour les soins dispensés sur leur lieu d'exercice professionnel ou au domicile du patient.

12. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, il découle du troisième, qui est applicable aux activités médicales sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que les soins sont dispensés dans un cadre hospitalier ou en dehors d'un tel cadre (arrêt du 31 janvier 1984, P... et D..., C-286/82 et C-26/83), d'une part, que le principe de libre prestation des services s'applique non seulement lorsque le prestataire et le destinataire du service sont établis dans des États membres différents, mais également dans tous les cas où un prestataire offre des services sur le territoire d'un État membre autre que celui dans lequel il est établi, quel que soit, par ailleurs, le lieu où sont établis les destinataires de ces services (arrêts du 28 octobre 1999, Skatteministeriet contre Bent Vestergaard, C-55/98, du 5 octobre 1994, Commission/France, C-381/93 et du 5 juin 1997, SETTG, C-398/95), d'autre part, que les États membres ont l'interdiction d'introduire ou de maintenir des restrictions injustifiées à l'exercice de cette liberté dans le domaine des soins de santé (arrêts du 12 juillet 2001, Smits et Peerbooms, C-157/99, du 16 mai 2006, Watts, C-372/04, et du 19 avril 2007, Stamatelaki, C-444/05).

13. Il résulte de la combinaison de ces textes que les conventions nationales organisant, en France, les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie, sont applicables, pour les actes qu'il dispense sur le territoire français, fut-ce au titre d'une activité réduite, au médecin, dès lors qu'il est régulièrement inscrit, en France, au tableau de l'ordre des médecins, indépendamment de son lieu d'établissement dans un autre État membre de l'Union européenne.

14. Pour accueillir le recours de M. E..., l'arrêt retient que la caisse ne pouvait lui refuser un conventionnement afférent à sa situation de médecin régulièrement inscrit au tableau de l'ordre des médecins des Ardennes.

15. En statuant ainsi, alors que l'intéressé, établi en Belgique, ne pouvait relever de la convention applicable que pour les soins dispensés en France, fut-ce au titre d'une activité réduite, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés.

Sur la saisine, sollicitée par la défense, de la Cour de justice de l'Union européenne

16. En l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation des dispositions en cause, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

Dit n'y avoir lieu à saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Le Fischer - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Richard -

Textes visés :

Articles L. 4111-1 et L. 4112-7 du code de la santé publique, dans leur rédaction applicable au litige ; article L. 162-5 du code de la sécurité sociale ; article 2 de la convention nationale du 26 juillet 2011 organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie, approuvée par arrêté du 22 septembre 2011 ; articles 56 et 57 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

2e Civ., 12 mars 2020, n° 19-13.341, (P)

Cassation partielle

Cotisations – Assiette – Prêts accordés à taux préférentiels – Nature – Secours – Exclusion

Les secours attribués en considération de situations individuelles particulièrement dignes d'intérêt sont exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 10 janvier 2019), à la suite d'un contrôle comptable d'assiette des cotisations dues, pour les années 2008 à 2010, par le service départemental d'incendie et de secours de la Gironde (SDIS), l'URSSAF de la Gironde, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Aquitaine (l'URSSAF), lui a notifié, le 17 novembre 2011, une lettre d'observations suivie, le 29 décembre 2011, d'une mise en demeure comportant plusieurs chefs de redressement.

2. Le SDIS a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le SDIS fait grief à l'arrêt de valider partiellement le chef de redressement lié à la mobilité professionnelle, alors :

« 1°/ que lorsqu'un décret institue une indemnité forfaitaire obligatoire à la charge de l'employeur sans qu'il puisse conditionner son versement à la remise préalable des factures correspondant aux frais réellement engagés, elle est réputée conforme à son objet et doit donner lieu, à hauteur de la somme fixée, à déduction des charges sociales ; qu'en confirmant le chef de redressement lié au paiement de l'indemnité forfaitaire de mobilité au motif que le SDI n'apportait pas la preuve pour l'ensemble des agents concernés, des frais réellement engagés dans le cadre de leur mobilité, quand les articles 9 et 10 du décret du 19 juillet 2001 imposaient l'indemnité de mobilité forfaitaire à tout employeur d'agent de la fonction publique territoriale, sans possibilité d'en subordonner le paiement à la présentation préalable des factures justifiant les frais réellement engagés par celui-ci, ce dont il résultait que l'indemnité en cause devait être réputée conforme à son objet, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale, 8, 3° de l'arrêté du 20 décembre 2002 (JORF n° 301 du 27 décembre 2002 page 21758), 9 et 10 du décret n° 2001-654 du 19 juillet 2001, 25 et 26 du décret n° 90-437 du 28 mai 1990 et de son arrêté d'application du 26 novembre 2001 ;

2°/ que l'employeur, tenu de verser une prime de mobilité forfaitaire instituée par décret, en faveur de tout agent faisant l'objet d'un arrêté de mutation, apporte suffisamment la preuve de l'utilisation de la prime conformément à son objet par la liste des agents bénéficiaires et de leur arrêté individuel de mutation ; qu'en jugeant l'inverse, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale, 8, 3° de l'arrêté du 20 décembre 2002 (JORF n° 301 du 27 décembre 2002 page 21758), 9 et 10 du décret n° 2001-654 du 19 juillet 2001, 25 et 26 du décret n° 90-437 du 28 mai 1990 et de son arrêté d'application du 26 novembre 2001. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte des articles 2 et 8, 3°, de l'arrêté interministériel du 20 décembre 2002 modifié relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale que l'employeur est autorisé à déduire de l'assiette des cotisations sociales les indemnités destinées à compenser les frais de déménagement exposés par le travailleur salarié ou assimilé, sous réserve qu'il justifie la réalité des dépenses engagées par le travailleur salarié ou assimilé. Il s'ensuit que pour être exonérées des cotisations sociales, ces indemnités ne peuvent être évaluées forfaitairement.

6. Ayant constaté qu'il n'était justifié de la réalité des dépenses engagées dans le cadre de la mobilité professionnelle que pour huit agents seulement, la cour d'appel en a exactement déduit que les indemnités versées aux autres agents devaient être réintégrées dans les bases des cotisations dues par le SDIS, peu important que ces indemnités aient été attribuées au personnel concerné dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles 9 et 10 du décret n° 2001-654 du 19 juillet 2001.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. Le SDIS fait grief à l'arrêt de confirmer l'observation pour l'avenir concernant les prêts accordés aux salariés à des taux d'intérêts préférentiels, alors « que les avantages accordés par l'employeur au salarié et qui ont la nature de secours sont exclus de l'assiette des cotisations ; qu'en maintenant l'observation afférente à l'intégration dans l'assiette des cotisations, pour l'avenir, des avantages consentis au titre des prêts accordés aux salariés à des taux d'intérêts préférentiels quand elle avait constaté que ces prêts avaient la nature de secours, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations desquelles il résultait que l'économie réalisée par le salarié bénéficiaire ne pouvait être soumise à cotisations sociales, a violé les articles L. 242-1, L. 136-1, L. 136-2 du code de la sécurité sociale, l'arrêté du 10 décembre 2002 et l'article 14 de l'ordonnance du 24 janvier 1996. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige :

9. Les secours attribués en considération de situations individuelles particulièrement dignes d'intérêt sont exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale.

10. Pour valider l'observation pour l'avenir concernant les prêts accordés aux salariés à taux préférentiels, l'arrêt relève qu'il a été constaté par les inspecteurs de l'URSSAF que le service d'action sociale alloue au personnel des prêts pour le logement, des prêts pour les soins médicaux et prêts sociaux, sans taux d'intérêt. Il ajoute que la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 interdit aux entreprises n'ayant pas le statut d'établissement de crédit d'effectuer des opérations de banque, mais que par dérogation, il est permis aux employeurs de consentir à leurs salariés des prêts à intérêts, à condition qu'il s'agisse d'opérations exceptionnelles décidées pour des motifs d'ordre social. Il souligne que les inspecteurs ont considéré qu'il s'agissait de prêts octroyés à taux préférentiel dont le montant de l'économie faite par le salarié caractérisait un avantage devant être réintégré dans l'assiette des cotisations, par application des dispositions des articles L. 242-1, L. 136-1 et L. 136-2 du code de la sécurité sociale, de l'arrêté du 10 décembre 2002 outre de l'article 14 de l'ordonnance du 24 janvier 1996.

La décision énonce que les premiers juges ont considéré que ces avantages avaient la nature de secours et qu'ils devaient donc être exclus de l'assiette des cotisations. Elle retient que dès lors que c'est l'employeur qui a octroyé ces prêts dont le caractère préférentiel n'est pas discuté, pas plus que la légalité du principe, la nature de secours du prêt accordé n'est pas de nature à entraîner l'exclusion de l'économie faite par le salarié de l'assiette des cotisations, comme il a été précisé dans le cadre du financement des actions sociales, l'employeur ne pouvant être assimilé au comité d'entreprise, et que c'est donc à tort que les premiers juges ont annulé cette observation pour l'avenir.

9. En statuant ainsi, par des motifs impropres à justifier du bien-fondé des observations pour l'avenir litigieuses, et alors que l'exonération des sommes versées à titre de secours procède de la seule caractérisation de la situation individuelle à laquelle leur attribution répond, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il valide l'observation pour l'avenir concernant les prêts accordés aux salariés à taux préférentiels, l'arrêt rendu le 10 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Le Fischer - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 9 février 2006, pourvoi n° 04-30.549, Bull. 2006, II, n° 47 (rejet).

2e Civ., 12 mars 2020, n° 18-20.729, (P)

Rejet

Cotisations – Assiette – Rémunérations – Définition – Portée

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort (tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre, 15 mai 2018), la société Axiome (la société) a fait l'objet d'un contrôle portant sur l'assiette des cotisations de sécurité sociale, des contributions d'assurance chômage et des cotisations à l'assurance de garantie des salaires (AGS) s'agissant des années 2012 et 2013 par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Ile-de-France (l'URSSAF), sur plusieurs de ses établissements. S'agissant de l'établissement sis à Montigny-le-Bretonneux, ce contrôle a donné lieu à une lettre d'observations du 27 novembre 2014. Après avoir répondu aux observations de la société, l'URSSAF lui a délivré le 13 mars 2015 une mise en demeure.

2. La société a saisi la commission de recours amiable pour contester la réintégration dans l'assiette des contributions d'assurance chômage et des cotisations à l'AGS d'une indemnité de rupture conventionnelle versée à des salariés correspondant aux chefs de redressement n° 1 et n° 2 de la lettre d'observations. Son recours ayant été rejeté, elle a saisi une juridiction de sécurité sociale.

Enoncé du moyen

3. La société fait grief au jugement attaqué de rejeter sa demande d'annulation du redressement, alors :

« 1°/ que selon l'article L. 5422-20 du code du travail, les mesures d'application relatives à l'assurance chômage font l'objet d'accords conclus entre les organisations représentatives d'employeurs et de salariés ; que ces conventions d'assurance chômage ne peuvent cependant déroger à la loi ; qu'en vertu de l'article L. 5422-9 du même code les contributions d'assurance chômage sont « assises sur les rémunérations brutes dans la limite d'un plafond » ; que la loi limite donc l'assiette des contributions d'assurance chômage aux seules « rémunérations », sans étendre cette assiette aux sommes de nature indemnitaire, et notamment aux indemnités de rupture conventionnelle du contrat de travail ; que l'article 43 du règlement annexé à la Convention d'assurance chômage agréée du 6 mai 2011 viole donc la loi, et ne peut en cela être opposé aux cotisants, en ce qu'il prévoit que « les contributions des employeurs et des salariés sont assises (...) sur l'ensemble des rémunérations entrant dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale prévues aux articles L. 242-1 et suivants du code de la sécurité sociale », intégrant à ce titre certaines indemnités de rupture du contrat de travail dans l'assiette des contributions d'assurance chômage ; qu'en retenant le contraire pour valider le redressement de la société, le tribunal des affaires de sécurité sociale a violé les articles L. 5422-9, L. 5422-11 et L. 5422-20 du code du travail en leur rédaction applicable au litige ;

2°/ qu'il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale que les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail autres que les indemnités mentionnées au dixième alinéa sont comprises dans l'assiette de cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, à moins que l'employeur ne rapporte la preuve qu'elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice ; que dès lors en retenant en toute hypothèse, pour valider le redressement, que l'indemnité de rupture conventionnelle peut être assujettie à contributions d'allocation chômage lorsqu'elle « compense également un préjudice financier et une perte de salaire et revêt alors une nature salariale », sans précisément vérifier si l'indemnité de rupture conventionnelle versée au salarié concerné ne visait pas exclusivement à indemniser un préjudice sans présenter de nature salariale, le tribunal des affaires de sécurité sociale a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 5422-9 et L. 5422-20 du code du travail et L. 242-1 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige, ensemble l'article 3 de la Convention d'assurance chômage du 6 mai 2011 et l'article 43 du règlement annexé à cette convention. »

Réponse de la Cour

4. Mais selon l'article L. 5422-9, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des sommes litigieuses, l'allocation d'assurance est financée par des contributions des employeurs et des salariés assises sur les rémunérations brutes dans la limite d'un plafond, lesquelles doivent s'entendre de l'ensemble des gains et rémunérations au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.

5. Par ce seul motif de pur droit, substitué d'office à ceux critiqués, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, la décision, abstraction faite des motifs critiqués par la seconde branche du moyen, qui sous couvert d'un grief de manque de base légale, ne tend qu'à remettre en cause devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de faits débattus devant eux, se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Brinet - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 5422-9, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018.

2e Civ., 12 mars 2020, n° 18-26.182, (P)

Cassation

Cotisations – Paiement indu – Indu résultant d'une décision administrative ou juridictionnelle – Action en répétition – Prescription – Délai – Point de départ – Détermination – Portée

Il résulte de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, que, lorsque l'indu de cotisations sociales résulte d'une décision administrative ou juridictionnelle, le délai de prescription de l'action en restitution des cotisations en cause ne peut commencer à courir avant la naissance de l'obligation de remboursement découlant de cette décision.

Viole ce texte et l'article 1355 du code civil, la cour d'appel qui retient que le délai de prescription de l'action en restitution des cotisations sociales acquittées en exécution d'un arrêt devenu irrévocable, sur des indemnités de départ à la retraite, a commencé à courir à compter de la décision du juge de l'impôt excluant ces indemnités des bases de l'impôt sur le revenu alors que cette décision n'avait fait naître aucune obligation de remboursement.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 18 octobre 2018), la société Elex pays Basque Gascogne, venant aux droits de la société Gibil (la société), a sollicité, le 18 mars 2015, auprès de l'URSSAF d'Aquitaine, venant aux droits de l'URSSAF de Pau (l'URSSAF), le remboursement des cotisations de sécurité sociale réglées le 14 mars 2008, sur les indemnités de départ à la retraite des époux W..., respectivement président directeur général et directeur général, en exécution d'un arrêt de la cour d'appel de Pau du 7 février 2008.

2. L'URSSAF ayant rejeté sa demande, la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par elle et de déclarer recevable l'action engagée par la société en répétition de l'indu, alors « que la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées, ou à compter de la date à laquelle une décision juridictionnelle fait naître l'obligation de remboursement des cotisations ; qu'en l'espèce, il est constant que la société Gibil, aux droits de laquelle vient la société Elex pays Basque Gascogne, a payé le 14 mars 2008 les cotisations de sécurité sociale sur les indemnités de départ à la retraite des consorts W..., en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 7 février 2008 et que ce n'est que le 18 mars 2015 qu'elle en a demandé le remboursement ; qu'en jugeant son action recevable au prétexte que la prescription n'avait commencé à courir qu'à compter de l'arrêt du Conseil d'Etat du 22 octobre 2012 lorsque cet arrêt, estimant que le départ en retraite des consorts W... résultait d'une initiative de l'employeur et excluant leurs indemnités de départ en retraite des bases de l'impôt sur le revenu, n'avait fait naître aucune obligation de remboursement desdites cotisations puisqu'il ne pouvait remettre en cause l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt irrévocable du 7 février 2008 de la cour d'appel de Pau ayant souverainement estimé que leurs départs en retraite étaient volontaires de sorte que leur indemnité de départ en retraite était soumise à cotisations sociales, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1 et L. 243-6 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1355 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 243-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, et 1355 du code civil ;

4. Il résulte du premier de ces textes que, lorsque l'indu de cotisations sociales résulte d'une décision administrative ou juridictionnelle, le délai de prescription de l'action en restitution des cotisations en cause ne peut commencer à courir avant la naissance de l'obligation de remboursement découlant de cette décision.

5. Pour accueillir le recours formé par la société, l'arrêt retient que la prescription triennale n'a commencé à courir qu'à compter du 22 octobre 2012, date de la décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, jugeant que les bases de l'impôt sur le revenu des époux W..., au titre des années 2001 et 2002, devaient être réduites des montants des indemnités de départ à la retraite.

6. En statuant ainsi, alors que la décision du juge de l'impôt n'avait fait naître aucune obligation de remboursement des cotisations sociales acquittées par la société en exécution de l'arrêt du 7 février 2008, devenu irrévocable, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

7. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt rejetant la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par l'URSSAF et déclarant recevable l'action engagée par la société en répétition de l'indu, entraîne, par voie de conséquence, la cassation de la disposition condamnant l'URSSAF en paiement au titre de la répétition de l'indu, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Taillandier-Thomas - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Articles L. 243-6 du code de la sécurité sociale et 1355 du code civil.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 12 février 2015, pourvoi n° 13-25.985, Bull. 2015, II, n° 28 (cassation sans renvoi).

2e Civ., 12 mars 2020, n° 19-13.045, (P)

Cassation

Cotisations – Recouvrement – Contrainte – Validité – Signataire – Qualité – Détermination – Portée

Il résulte de l'article R.133-4 du code de la sécurité sociale, alors applicable, que la contrainte doit être signée par le directeur de l'organisme de recouvrement ou son délégataire.

Viole ce texte la cour d'appel qui valide une contrainte sans constater que le signataire de la contrainte était titulaire d'une délégation du directeur de l'organisme de recouvrement.

Désistement

1. Donne acte à M. U... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 janvier 2019), la caisse locale déléguée de la sécurité sociale des travailleurs indépendants d'Ile-de-France (la caisse), a signifié à M. U... le 29 septembre 2014 une contrainte aux fins de recouvrement de cotisations et majorations de retard au titre des années 2010 à 2014.

3. M. U... a formé opposition devant une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. U... fait grief à l'arrêt de valider la contrainte alors « que pour être régulière, la contrainte doit être signée par le directeur de l'organisme émetteur ou son délégataire ; qu'est nulle la contrainte dont le signataire ne justifie pas d'une délégation spéciale du directeur de l'organisme antérieure à leur établissement ; qu'en affirmant que « le défaut de pouvoir éventuel d'un agent d'une caisse ne constitue qu'une cause de nullité relative qui ne peut donc être soulevée que par la personne lésée et engagée par l'acte, à savoir la caisse et ne saurait, en aucun cas, rendre cette décision nulle à l'encontre de l'assuré », la cour d'appel qui a refusé de vérifier l'étendue des pouvoirs du signataire de la contrainte qui a agi à la place du directeur de l'organisme de recouvrement, a violé l'article R 131-4 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 133-4 du code de la sécurité sociale, alors applicable :

5. Il résulte de ce texte que la contrainte doit être signée par le directeur de l'organisme de recouvrement ou son délégataire.

6. Pour rejeter le recours de la société, l'arrêt retient que s'agissant de la régularité des délégations de pouvoir, de l'authenticité de la signature ou du nom et de la qualité de la personne signataire, le défaut de pouvoir éventuel d'un agent d'une caisse ne constitue qu'une cause de nullité relative, qui ne peut donc être soulevée que par la personne lésée et engagée par l'acte, à savoir la caisse, et ne saurait en aucun cas rendre cette décision nulle à l'encontre de l'assuré.

7. En statuant ainsi, sans constater que le signataire de la contrainte était titulaire d'une délégation du directeur de l'organisme de recouvrement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Gauthier - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Boullez -

Textes visés :

Article R. 133-4 du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 12 mars 2020, n° 18-21.648, (P)

Cassation partielle

Cotisations – Recouvrement – Prescription – Procès-verbal constatant le délit de travail dissimulé – Prescription quinquennale – Jugement de relaxe – Absence d'influence

Aux termes de l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, la prescription quinquennale se substituant à la prescription triennale est seulement soumise à la constatation d'une infraction de travail illégal par procès-verbal établi par l'inspecteur du recouvrement.

Le jugement de relaxe étant sans incidence, la cour d'appel qui a constaté l'établissement d'un procès-verbal pour travail dissimulé en a exactement déduit que la prescription quinquennale s'appliquait à la mise en demeure.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Le Pactole du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 juin 2018), à la suite d'un contrôle inopiné l'ayant conduit à constater l'emploi de deux travailleurs non déclarés au sein de la société Le Pactole (la société), l'URSSAF de Paris et de la région parisienne, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Ile-de-France (l'URSSAF), a procédé au redressement des cotisations de la société pour la période du 1er janvier 2008 au 30 juin 2012 et lui a notifié une mise en demeure, puis décerné une contrainte.

3. Poursuivis devant la juridiction correctionnelle du chef de travail dissimulé, les deux co-gérants de la société ont été relaxés pour l'un des deux salariés concernés et déclarés coupables pour l'autre.

4. La société a formé opposition devant une juridiction de sécurité sociale à la contrainte décernée à son encontre par l'URSSAF.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de déclarer bien fondé le redressement opéré par l'URSSAF au titre du travail dissimulé de deux salariés sur la période du 1er janvier 2008 au 30 juin 2012, de valider la contrainte délivrée le 4 janvier 2013 et signifiée le 16 janvier 2013, sauf à en ramener le montant à 16 942 euros pour les cotisations et à 3 257 euros pour les majorations de retard provisoires, pour la période du 1er janvier 2008 au 3 juin 2012 et de débouter la société de l'ensemble de ses demandes, alors, « que le délai de prescription en cas de redressement de l'URSSAF est de trois années civiles à compter de l'envoi de la mise en demeure ou, par exception, de cinq années civiles en cas d'infraction de travail illégal ; que cette prescription doit être ramenée à trois ans en cas de relaxe par le juge pénal ; qu'en retenant en l'espèce que le redressement pouvait porter sur la période contrôlée allant du 1er janvier 2008 au 30 juin 2012 dès lors qu'un procès-verbal avait été adressé au procureur de la République le 2 août 2012 bien qu'elle eût constaté que l'employeur avait été relaxé du chef d'exécution de travail dissimulé pour M. J..., d'où il s'évinçait que, pour celui-ci, le délai de prescription devait être ramené à trois ans, la cour d'appel a violé le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, ensemble, par fausse application, les dispositions de l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, la prescription quinquennale se substituant à la prescription triennale est seulement soumise à la constatation d'une infraction de travail illégal par procès-verbal établi par l'inspecteur du recouvrement.

7. Le jugement de relaxe étant sans incidence à cet égard, la cour d'appel qui a constaté l'établissement d'un procès-verbal pour travail dissimulé en date du 2 août 2012, adressé au procureur de la République, en a exactement déduit que la mise en demeure pouvait porter sur la période du 1er janvier 2008 au 30 juin 2012.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le même moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. La société fait le même grief alors « qu'en déclarant bien fondé le redressement opéré par l'URSSAF au titre du travail dissimulé de M. J... sur la période du 1er janvier 2008 au 30 juin 2012 cependant qu'elle constatait que Messieurs A... et C... P... avaient été relaxés du chef d'exécution de travail dissimulé pour M. J... le 6 juin 2012, tous deux en qualité d'employeurs, par jugement du tribunal correctionnel de Paris du 29 janvier 2014 statuant sur le fond de l'action publique, la cour d'appel a violé le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil. »

Réponse de la Cour

Vu le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ;

10. Pour valider la contrainte, l'arrêt, après avoir relevé que par jugement correctionnel du 29 janvier 2014, MM. A... et C... P..., co-gérants de la société, avaient été relaxés des fins de la poursuite pour travail dissimulé s'agissant de M. J..., et déclarés coupables du même chef s'agissant de M. O..., retient que la motivation stéréotypée de cette décision ne permet pas de déterminer les motifs précis ayant conduit au prononcé de la relaxe et qu'en conséquence, seule doit être considérée définitivement établie leur culpabilité pour le travail de M. O....

11. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que les dirigeants de la société avaient été relaxés du chef de travail dissimulé pour l'un des deux salariés par une décision définitive d'une juridiction de jugement statuant sur le fond de l'action publique, la cour d'appel a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare bien fondé le redressement opéré au titre du travail dissimulé de M. O... sur la période du 1er janvier 2008 au 30 juin 2012, l'arrêt rendu le 22 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Taillandier-Thomas - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Ohl et Vexliard -

Textes visés :

Article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 ; principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 31 mai 2018, pourvoi n° 17-18.142, Bull. 2018, II, n° 108 (cassation).

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