Numéro 3 - Mars 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2020

REPRESENTATION DES SALARIES

Soc., 25 mars 2020, n° 18-22.509, (P)

Rejet

Comité d'entreprise – Attributions – Attributions consultatives – Organisation, gestion et marche générale de l'entreprise – Examen annuel des comptes – Communication de pièces – Obligation de l'employeur – Etendue – Détermination – Portée

Il résulte des dispositions des articles L. 2323-8 et R. 2323-1-5 du code du travail, alors applicables, que l'employeur remplit son obligation de communiquer les pièces utiles à la consultation annuelle sur les comptes, dès lors qu'il met à disposition du comité d'entreprise, et par suite de l'expert désigné par ce dernier, le détail des éléments de rémunération ou des éléments concernant les fournisseurs relatifs à l'année qui fait l'objet du contrôle et aux deux années précédentes.

Donne acte au comité social et économique d'établissement de Guyane de la société Electricité de France, de ce que, venant aux droits du comité d'établissement de Guyane de la société Electricité de France, il a repris l'instance par lui introduite ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 juin 2018), statuant en la forme des référés, que le 21 janvier 2015, le comité d'établissement de Guyane de la société EDF (la société) a voté le recours à une expertise comptable confiée à la société Secafi (l'expert) pour l'assister dans l'examen des comptes 2014 et des comptes prévisionnels 2015 de l'établissement ; que le comité d'établissement a saisi le président du tribunal de grande instance le 10 mai 2016 d'une demande de communication de documents complémentaires et que l'expert est intervenu volontairement à la procédure ;

Sur le premier moyen pris en ses trois dernières branches et le troisième moyen pris en sa dernière branche : Publication sans intérêt

Sur le premier moyen pris en ses deux premières branches et le deuxième moyen, réunis :

Attendu que le comité social et économique d'établissement de Guyane de la société Electricité de France, venant aux droits du comité d'établissement de Guyane de la société Electricité de France, fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à obtenir la communication des éléments relatifs à l'évolution des rémunérations des agents de l'établissement pour les années 2009 à 2011 et des éléments relatifs aux commandes passées par la société, en précisant l'activité concernée, le domaine d'achats et le segment achats, et ce pour les douze fournisseurs identifiés pour la période 2008 à 2011 alors, selon le moyen :

1°/ que le comité d'établissement peut se faire assister d'un expert-comptable pour l'examen annuel des comptes, de façon à connaître la situation économique, sociale et financière de l'établissement dans l'ensemble de l'entreprise et par rapport aux autres établissements avec lesquels il doit pouvoir se comparer ; que la mission de l'expert-comptable porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation économique de l'établissement dans l'entreprise ; qu'il n'appartient qu'au seul expert-comptable de déterminer les documents utiles à l'exercice de sa mission et que le juge est uniquement tenu de vérifier si les documents réclamés ont un lien avec la mission donnée à l'expert par le comité ; qu'en considérant que la communication des éléments relatifs à l'évolution des rémunération des agents de l'établissement pour les années 2009 à 2011, qui constituaient autant d'éléments de nature à éclairer la situation économique de l'établissement dans l'entreprise en 2014, excédait la mission de l'expert-comptable, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35, L. 2325-36, L. 2325-37 et L. 2327-15 du code du travail dans leur version alors applicable, ensemble l'article L. 823-13 du code de commerce ;

2°/ que le comité d'établissement peut se faire assister d'un expert-comptable pour l'examen annuel des comptes, de façon à connaître la situation économique, sociale et financière de l'établissement dans l'ensemble de l'entreprise et par rapport aux autres établissements avec lesquels il doit pouvoir se comparer ; que la mission de l'expert-comptable porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation économique de l'établissement dans l'entreprise ; qu'il n'appartient qu'au seul expert-comptable de déterminer les documents utiles à l'exercice de sa mission et que le juge est uniquement tenu de vérifier si les documents réclamés ont un lien avec la mission donnée à l'expert par le comité ; qu'il en résulte que le droit de communication ne saurait être limité aux informations contenues dans la base de données économiques et sociales mise à disposition par l'employeur portant sur l'année en cours et les deux années précédentes ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35, L. 2325-36, L. 2325-37 et L. 2327-15 du code du travail dans leur version applicable et l'article L. 823-13 du code de commerce, ensemble les articles L. 2323-8 et R. 2323-1-5 du code du travail dans leur version applicable ;

3°/ que la mission de l'expert-comptable désigné par le comité d'entreprise en application de l'article L. 2325-35 du code du travail porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation économique de l'entreprise ; qu'il n'appartient qu'au seul expert-comptable de déterminer les documents utiles à l'exercice de sa mission et le juge est uniquement tenu de vérifier si les documents réclamés ont un lien avec la mission donnée à l'expert par le comité ; qu'en considérant que la demande de communication des éléments relatifs aux fournisseurs pour les années 2008 à 2011, qui constituaient autant d'éléments de nature à éclairer la situation économique de l'entreprise en 2014, excédaient la mission de l'expert-comptable, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35, L. 2325-36, L. 2325-37 et L. 2327-15 du code du travail dans leur version applicable, ensemble l'article L. 823-13 du code de commerce ;

4°/ que la mission de l'expert-comptable désigné par le comité d'entreprise en application de l'article L. 2325-35 du code du travail porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation économique de l'entreprise ; qu'il n'appartient qu'au seul expert-comptable de déterminer les documents utiles à l'exercice de sa mission et le juge est uniquement tenu de vérifier si les documents réclamés ont un lien avec la mission posée à l'expert par le comité ; que le droit de communication n'est pas limité aux informations contenues dans la base de données économiques et sociales mise à disposition par l'employeur et portant sur l'année en cours et les deux années précédentes ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35, L. 2325-36, L. 2325-37 et L. 2327-15 du code du travail dans leur version applicable et l'article L. 823-13 du code de commerce, ensemble les articles L. 2323-8 et R. 2323-1-5 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit qu'il résulte des dispositions des articles L. 2323-8 et R. 2323-1-5 du code du travail, alors applicables, que l'employeur remplit son obligation de communiquer les pièces utiles à la consultation annuelle sur les comptes, dès lors qu'il met à disposition du comité d'entreprise, et par suite de l'expert désigné par ce dernier, le détail des éléments de rémunération ou des éléments concernant les fournisseurs relatifs à l'année qui fait l'objet du contrôle et aux deux années précédentes ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux premières branches : Publication sans intérêt

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Joly - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Articles L. 2323-8 et R. 2323-1-5 du code du travail, alors applicables.

Soc., 25 mars 2020, n° 18-18.401, (P)

Rejet

Comité social et économique – Mise en place – Mise en place au niveau de l'entreprise – Détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts – Modalités – Accord collectif – Accord collectif conclu avant le premier tour des élections des membres du comité social et économique – Effets – Décision unilatérale de l'employeur – Possibilité

L'article 9, VII, de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 met fin à partir de la date du premier tour des élections des membres de la délégation du personnel du comité social et économique aux stipulations des accords collectifs relatives aux délégués du personnel et au comité d'entreprise, aux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, au regroupement par accord des institutions représentatives du personnel et aux réunions communes des institutions représentatives du personnel.

Il en résulte que si demeurent applicables les accords collectifs portant reconnaissance d'une unité économique et sociale, qui n'entrent pas dans les prévisions de cet article, en revanche les stipulations de ces accords qui ont procédé à la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts pour les élections des membres élus des comités d'établissements, des délégués du personnel ou des membres des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail au sein de l'unité économique et sociale cessent de produire effet à compter de la date du premier tour des élections des membres de la délégation du personnel du comité social et économique.

En application des dispositions de l'article L. 2313-8 du code du travail, en l'absence de contestation devant le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi dans le délai de quinze jours suivant notification de la décision unilatérale par laquelle l'un des employeurs mandaté a déterminé le nombre et le périmètre des établissements distincts au sein d'une unité économique et sociale, l'organisation syndicale est irrecevable à demander à ce titre l'annulation des élections professionnelles.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Soissons, 5 juin 2018), que par accord du 26 juillet 2005, qui a fait l'objet d'un avenant le 29 novembre suivant, l'existence d'une unité économique et sociale (UES) a été reconnue entre la société Champagne GH Martel et Cie (la société), la société Charles de Cazanove et la société du Mocquesouris ; que cet accord étant parvenu à échéance, l'UES a été renouvelée par un accord du 23 juillet 2010 reconductible pour cinq années supplémentaires et qu'il a été convenu que l'accord ne pourrait faire l'objet d'aucune dénonciation avant le terme de sa seconde échéance, soit le 23 juillet 2020 ; que, par une lettre du 2 janvier 2018, la société Champagne GH Martel et Cie a indiqué au syndicat CGT des salariés du Champagne (le syndicat) qu'en application des ordonnances du 22 septembre 2017 et de leurs décrets d'application, elle mettait en place à l'occasion du renouvellement des institutions représentatives du personnel au sein de l'UES un comité social et économique et qu'elle l'a invité à participer à la négociation du protocole préélectoral ; que le 10 janvier 2018, la société a, en sa qualité d'entreprise la plus importante de l'UES, informé le syndicat de sa décision de fixer le nombre et le périmètre des établissements mis en place au sein de cette dernière ; que le 17 janvier suivant, un protocole préélectoral a été conclu entre trois syndicats et les trois sociétés formant l'UES ; que le second tour des élections s'est déroulé le 19 février 2018 ; que le 1er mars 2018, le syndicat a demandé au tribunal d'instance l'annulation du protocole préélectoral et des élections et de dire que les élections devaient se tenir dans le cadre du périmètre des trois sociétés défini par l'accord du 23 juillet 2010 ;

Attendu que le syndicat fait grief au jugement de déclarer irrecevables ses prétentions à l'encontre de la société Champagne GH Martel et Cie, de la société Charles de Cazanove et de la société du Mocquesouris alors, selon le moyen :

1°/ qu'en matière d'élections professionnelles, la contestation est portée devant le tribunal d'instance dans les quinze jours suivant l'élection ; qu'en considérant, pour déclarer irrecevables les demandes du syndicat CGT des salariés du Champagne tendant à l'annulation du protocole d'accord préélectoral du 17 janvier 2018 et des élections au comité social et économique d'établissement de la société du Mocquesouris du 19 février 2018, que ce syndicat n'avait pas, en temps utile, saisi l'autorité administrative d'un recours contre la décision de l'employeur ayant fixé le nombre et le périmètre des établissements distincts au sein de l'unité économique et sociale à laquelle la société du Mocquesouris appartient, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2313-8 et R. 2313-4 du code du travail, ensemble l'article R. 2314-24 du même code ;

2°/ que c'est seulement en l'absence d'accord d'entreprise ou d'accord conclu avec le comité social et économique que l'employeur dispose, sous le contrôle de l'autorité administrative en cas de litige, du pouvoir de fixer le nombre et le périmètre des établissements distincts au sein de l'unité économique et sociale ; que les accords d'entreprise définissant le nombre et le périmètre des établissements distincts au sein d'une unité économique et sociale ne sont pas devenus caducs par l'effet de l'institution du comité social et économique et de l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 ; qu'en considérant que l'accord collectif du 23 juillet 2010 par lequel avaient été fixés le nombre et le périmètre des établissements distincts au sein de l'unité économique et sociale était devenu caduc à la suite du remplacement des anciennes institutions représentatives du personnel par le comité social et économique pour en déduire que l'employeur avait pu fixer, irrévocablement en l'absence de recours porté devant l'autorité administrative, le nombre et le périmètre de ces établissements, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2313-8 et R. 2313-4 du code du travail ;

Mais attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article 9, VII, de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, les stipulations des accords d'entreprise, des accords de branche et des accords couvrant un champ territorial ou professionnel plus large prises en application dispositions des titres Ier et II du livre III de la deuxième partie du code du travail relatives aux délégués du personnel et au comité d'entreprise, les dispositions du titre VIII du livre III de la même partie du code du travail sur le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les dispositions du titre IX du livre III de la même partie du code du travail sur le regroupement par accord des institutions représentatives du personnel, les dispositions du titre X du livre III de la même partie du code du travail sur les réunions communes des institutions représentatives du personnel ainsi que les dispositions du titre Ier du livre VI de la quatrième partie, relatives au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, cessent de produire effet à compter de la date du premier tour des élections des membres de la délégation du personnel du comité social et économique ; qu'il en résulte que, si les accords collectifs portant reconnaissance d'une unité économique et sociale, qui n'entrent pas à cet égard dans les prévisions de ce texte, demeurent applicables, les stipulations de ces accords qui ont procédé à la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts pour les élections des membres élus des comités d'établissements, des délégués du personnel ou des membres des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail au sein de l'unité économique et sociale cessent de produire effet à compter de la date du premier tour des élections des membres de la délégation du personnel du comité social et économique ; que c'est dès lors à bon droit que le tribunal d'instance a jugé qu'en l'absence d'accord, l'employeur avait pu fixer unilatéralement le nombre et le périmètre des établissements distincts ;

Attendu, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 2313-4 du code du travail, premier et troisième alinéas, lorsque l'un des employeurs mandaté par les autres prend une décision sur la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts en application de l'article L. 2313-8, il la porte à la connaissance de chaque organisation syndicale représentative dans l'unité économique et sociale et de chaque organisation syndicale ayant constitué une section syndicale dans l'unité économique et sociale, par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information ; que les organisations syndicales représentatives dans l'unité économique et sociale et les organisations syndicales ayant constitué une section syndicale dans l'unité économique et sociale ou, lorsque les négociations se sont déroulées conformément au quatrième alinéa de l'article L. 2313-8, le comité social et économique, peuvent, dans le délai de quinze jours à compter de la date à laquelle ils en ont été informés, contester la décision de l'employeur devant le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; que le tribunal d'instance a retenu exactement qu'en l'absence de contestation dans le délai précité suivant notification de la décision unilatérale par laquelle l'un des employeurs mandaté a déterminé le nombre et le périmètre des établissements distincts au sein de l'unité économique et sociale, l'organisation syndicale est irrecevable à demander à ce titre l'annulation des élections professionnelles ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Joly - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : Me Haas ; SCP Le Bret-Desaché -

Textes visés :

Article 9, VII, de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ; articles L. 2313-8 et R. 2313-4 du code du travail.

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