Numéro 3 - Mars 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2020

PROTECTION DES CONSOMMATEURS

Com., 11 mars 2020, n° 18-25.390, (P)

Cassation

Cautionnement – Principe de proportionnalité – Critère d'appréciation – Capacité de la caution à faire face au moment de son propre engagement

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que un par acte du 28 octobre 2011, la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie (la banque) a consenti à l'EURL Phil-Galette (la société) deux prêts professionnels, garantis par le cautionnement solidaire de M. M..., donné par deux actes séparés, l'un du 28 octobre 2011 et l'autre du 28 octobre sans précision de l'année ; que la société ayant été mise en sauvegarde, puis en liquidation judiciaire, la banque a assigné la caution en paiement ; que la caution a invoqué la disproportion manifeste de ses engagements ;

Sur les premier, troisième et quatrième moyens : Publication sans intérêt

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche : Publication sans intérêt

Et sur ce moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;

Attendu que pour dire que les cautionnements litigieux n'étaient pas disproportionnés et condamner, en conséquence, M. M... à paiement, l'arrêt retient encore que la somme des charges mensuelles correspondant aux cinq prêts cautionnés antérieurement, à supposer que les différentes sociétés débitrices principales ne respectent pas l'ensemble de leurs mensualités, ce qui n'a jamais été le cas en l'espèce, s'élève à 3 150 euros ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la disproportion manifeste du cautionnement s'apprécie au regard de la capacité de la caution à faire face, avec ses biens et revenus, non à l'obligation garantie, selon les modalités de paiement propres à celle-ci, c'est-à-dire, en l'espèce, aux mensualités des prêts, mais au montant de son propre engagement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Graff-Daudret - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016.

1re Civ., 11 mars 2020, n° 19-10.875, (P)

Cassation

Intérêts – Taux – Calcul – Stipulation d'une base différente de celle de l'année civile – Sanction – Déchéance du droit aux intérêts – Condition – Inexactitude supérieure à une décimale

La mention, dans l'offre de prêt, d'un taux conventionnel calculé sur la base d'une année autre que l'année civile, est sanctionnée exclusivement par la déchéance du droit aux intérêts, lorsque l'inexactitude du taux entraîne, au regard du taux stipulé, un écart supérieur à une décimale.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 13 septembre 2018), suivant offre acceptée le 6 février 2014, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie (la banque) a consenti à M. C... et Mme O... (les emprunteurs) trois prêts immobiliers.

2. Reprochant à la banque d'avoir calculé les intérêts des prêts sur la base d'une année de trois-cent-soixante jours, ceux-ci l'ont assignée en annulation des stipulations de l'intérêt conventionnel et substitution de l'intérêt légal.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en ses troisième, quatrième et sixième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur la cinquième branche du moyen

Enoncé du moyen

4. La banque fait grief à l'arrêt d'annuler les stipulations de l'intérêt conventionnel et d'ordonner la substitution de l'intérêt légal, alors « que la déchéance du droit aux intérêts, dans la proportion fixée discrétionnairement par les juges du fond, est la seule sanction encourue dans le cas où la clause se référant à l'année de trois cent soixante jours figure dans l'offre de prêt telle qu'acceptée par l'emprunteur, ce qui est le cas en l'espèce pour les trois crédits litigieux ; que, pour prononcer pourtant la nullité des stipulations d'intérêt et la substitution du taux légal aux taux conventionnels, la cour d'appel a retenu que la déchéance du droit aux intérêts concernait seulement l'erreur affectant le TEG ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation dans leur rédaction applicable aux faits de l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, le premier de ces textes dans sa rédaction issue de la loi 2010-737 du 1er juillet 2010, le second dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 et l'article R. 313-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

5. Il résulte de ces textes que la mention, dans l'offre de prêt, d'un taux conventionnel calculé sur la base d'une année autre que l'année civile, est sanctionnée exclusivement par la déchéance du droit aux intérêts dans les termes de l'article L. 312-33 du même code, lorsque l'inexactitude du taux entraîne, au regard du taux stipulé, un écart supérieur à une décimale.

6. Après avoir relevé que l'offre de prêt méconnaissait la règle imposant de calculer le taux d'intérêt conventionnel sur la base de l'année civile, l'arrêt annule la clause stipulant l'intérêt conventionnel et ordonne la substitution de l'intérêt légal.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Serrier - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SARL Corlay -

Textes visés :

Article L. 312-8 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 ; article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 ; article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 27 novembre 2019, pourvoi n° 18-19.097, Bull. 2019, (cassation), et l'arrêt cité.

1re Civ., 25 mars 2020, n° 18-22.451, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Paiement – Action – Prescription – Délai biennal prévu en matière de biens et services fournis aux consommateurs – Domaine d'application – Contrat de prestations funéraires

L'opérateur de pompes funèbres qui conclut un contrat de prestations funéraires avec un consommateur lui fournit un service, ce dont il résulte que l'action en paiement qui procède de ce contrat est soumise à la prescription biennale prévue à l'article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation, peu important que la créance relève des frais funéraires.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Limoges, 20 juillet 2018), rendu en dernier ressort, Mme E..., héritière de sa tante décédée, a formé opposition à une ordonnance d'injonction de payer une certaine somme au titre d'un contrat de prestations funéraires conclu avec M. U..., opérateur de pompes funèbres.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. Mme E... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande en paiement de M. U..., après avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale, alors « que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; qu'en retenant, pour écarter cette prescription, que la créance de M. U... n'était pas née de la relation entre un professionnel et un consommateur ou d'un contrat classique de droit de la consommation, tandis qu'il constatait qu'elle était née d'un contrat conclu entre un consommateur, Mme E... et M. U..., professionnel des pompes funèbres, chargeant ce dernier de prestations pour l'inhumation de Mme B..., le tribunal d'instance, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé par refus d'application l'article L. 218-2 du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation :

3. Aux termes de ce texte, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

4. L'opérateur de pompes funèbres qui conclut un contrat de prestations funéraires avec un consommateur lui fournit un service, ce dont il résulte que l'action en paiement qui procède de ce contrat est soumise à la prescription biennale.

5. Il importe peu que la créance relève des frais funéraires, dès lors que, les dettes successorales ne faisant l'objet d'aucun régime de prescription dérogatoire, le seul fait qu'une dette puisse être mise à la charge d'une succession ne la soumet pas à un régime différent de celui qui s'applique en raison de sa nature.

6. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale, le jugement retient que la créance litigieuse n'est pas née d'un contrat de consommation et que, dépendant du passif de la succession, les frais funéraires obéissent à la prescription quinquennale de droit commun.

7. En statuant ainsi, alors qu'il relevait que le contrat litigieux avait été conclu entre un professionnel et un consommateur aux fins de prestations funéraires, le tribunal, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

10. La facture litigieuse a été établie le 12 novembre 2013.

Le délai de prescription biennale de l'action en recouvrement de cette facture était donc expiré lorsqu'a été signifiée, le 4 septembre 2017, l'ordonnance d'injonction d'en payer le montant. Il en résulte que l'action en paiement de M. U... est prescrite.

11. Mme E... se borne à soutenir que l'action en paiement de M. U... est abusive, sans caractériser un tel abus, de sorte que sa demande de dommages-intérêts sera rejetée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il reçoit l'opposition formée par Mme E... et déclare non avenue l'ordonnance d'injonction de payer du 2 août 2017, le jugement rendu le 20 juillet 2018, entre les parties, par le tribunal d'instance de Limoges ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare prescrite l'action en paiement de M. U... ;

Rejette la demande de dommages-intérêts de Mme E...

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Vitse - Avocat général : Mme Ab-Der-Halden - Avocat(s) : Me Le Prado ; Me Brouchot -

Textes visés :

Article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation.

2e Civ., 19 mars 2020, n° 19-10.733, (P)

Cassation

Surendettement – Procédure – Demande d'ouverture – Recevabilité – Conditions – Débiteur déchu dans une précédente procédure – Eléments nouveaux

Il résulte des articles L. 761-1, 1°, du code de la consommation et 1355 du code civil que la déchéance d'un débiteur du bénéfice des dispositions du traitement de sa situation de surendettement en fait pas obstacle à une nouvelle demande s'il existe des éléments nouveaux.

Dès lors, encourt la cassation, le jugement qui déclare irrecevable la demande de traitement de la situation financière d'un débiteur au motif qu'il a été déchu de la procédure de surendettement des particuliers par une précédente décision, sans rechercher si des éléments nouveaux n'étaient pas de nature à rendre sa demande recevable.

Surendettement – Déchéance – Effets – Irrecevabilité d'une nouvelle demande d'ouverture – Limites – Eléments nouveaux

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (juge du tribunal d'instance de Limoges, 24 avril 2018), rendu en dernier ressort, un jugement du 7 février 2017 a ordonné la déchéance de Mme Y... de la procédure de surendettement dont elle bénéficiait.

2. Cette dernière a déposé une nouvelle demande de traitement de sa situation financière qui a été déclarée irrecevable par une commission de surendettement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Mme Y... fait grief au jugement de rejeter le recours qu'elle a formé contre la décision de la commission de surendettement des particuliers de la Haute-Vienne du 25 juillet 2017 et de confirmer cette décision d'irrecevabilité, alors « que la déchéance du droit au bénéfice d'une procédure de surendettement ne fait pas obstacle à une nouvelle demande si le requérant démontre l'existence d'éléments nouveaux de nature à conduire à une analyse différente de sa situation ; qu'en déclarant sans incidence l'éventuelle survenance d'événements nouveaux, postérieurs au jugement du 7 février 2017, pour rejeter la demande de Mme Y... qui était précisément fondée sur la survenance de tels éléments postérieurs, le tribunal d'instance a violé l'article L. 761-1, 1°, du code de la consommation, ensemble l'article 1355 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 761-1, 1°, du code de la consommation, ensemble l'article 1355 du code civil :

4. Il résulte de ces textes que la déchéance d'un débiteur du bénéfice des dispositions de traitement de sa situation de surendettement ne fait pas obstacle à une nouvelle demande s'il existe des éléments nouveaux.

5. Pour déclarer irrecevable la demande de Mme Y..., le jugement retient qu'une précédente décision du 7 février 2017, dont elle n'a pas fait appel et qui est désormais définitive, l'a déchue de la procédure de surendettement des particuliers, ce qui lui interdit de déposer à nouveau un dossier de surendettement sans qu'il ne soit nécessaire de s'interroger sur un éventuel changement dans sa situation.

6. En statuant ainsi, sans rechercher si les faits allégués par Mme Y... ne constituaient pas des éléments nouveaux dans la situation de celle-ci, rendant recevable sa demande, le juge du tribunal d'instance a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 24 avril 2018, entre les parties, par le juge du tribunal d'instance de Limoges ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Limoges.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Lemoine - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Delvolvé et Trichet -

Textes visés :

Articles L. 761-1, 1°, d code de la consommation et 1355 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 15 décembre 1998, pourvoi n° 97-04.071, Bull. 1998, I, n° 367 (cassation) ; 1re Civ., 23 novembre 1999, pourvoi n° 98-04.093, Bull. 1999, I, n° 209 (cassation).

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