Numéro 3 - Mars 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2020

MARIAGE

1re Civ., 18 mars 2020, n° 19-11.573, (P)

Rejet

Validité – Conditions – Conditions de fond – Consentement – Appréciation – Cas – Consentement par procuration autorisé par le droit marocain

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 4 décembre 2018), M. I..., de nationalité française, et Mme H..., de nationalité marocaine, se sont mariés le [...] à Fès (Maroc). Leur mariage a été transcrit sur les registres de l'état civil consulaire par le consul de France à Fès le 23 mars 2004. De leur union sont nés trois enfants. Mme H... a obtenu la nationalité française en juillet 2014. Après avoir déposé une requête en divorce le 27 janvier 2015, elle a assigné son époux en divorce pour faute le 4 février 2016.

Le 30 juin suivant, celui-ci a saisi le tribunal de grande instance d'une demande d'annulation du mariage.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. M. I... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation du mariage célébré le [...] à Fès (Maroc) alors « que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables en recherchant, au besoin d'office, la teneur du droit étranger applicable dans la limite de sa conformité à l'ordre public international français ; que le consentement des époux constitue une règle de fond du mariage ; que la loi étrangère qui prévoit que le mariage peut être célébré en l'absence de l'épouse, sur le fondement d'une simple procuration donnée par celle-ci, est manifestement incompatible avec l'ordre public international français ; qu'en jugeant le contraire, au motif qu'aucune disposition de la loi marocaine ne prévoit la présence obligatoire de la future épouse au mariage, la cour d'appel a violé les articles 3 du code civil et 12 du code de procédure civile, outre les articles 146 et 180 du code civil. »

Réponse de la Cour

3. Aux termes de l'article 5 de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire, les conditions de fond du mariage tels que l'âge matrimonial et le consentement de même que les empêchements, notamment ceux résultant des liens de parenté ou d'alliance, sont régies pour chacun des futurs époux par la loi de celui des deux Etats dont il a la nationalité.

4. Selon l'article 4 de cette Convention, la loi de l'un des deux Etats désignés par elle ne peut être écartée par les juridictions de l'autre Etat que si elle est manifestement incompatible avec l'ordre public.

5. Aux termes de l'article 202-1 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2014, les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle. Quelle que soit la loi personnelle applicable, le mariage requiert le consentement des époux, au sens de l'article 146 et du premier alinéa de l'article 180.

6. Aux termes de l'article 146 du code civil, il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de consentement.

7. Aux termes de l'article 146-1 du même code, le mariage d'un Français, même contracté à l'étranger, requiert sa présence.

8. Cette disposition, qui pose une condition de fond du mariage régie par la loi personnelle des époux (1re Civ., 15 juillet 1999, pourvoi n° 99-10.269, Bull. 1999, I, n° 244), requiert la présence des seuls français lors de leur mariage contracté à l'étranger.

9. Il résulte de la combinaison de ces textes que la présence de l'épouse marocaine à son mariage, en tant qu'elle constitue une condition de fond du mariage, est régie par la loi marocaine.

En l'absence de contestation touchant à l'intégrité du consentement, la disposition du droit marocain qui autorise le recueil du consentement d'une épouse par une procuration n'est pas manifestement incompatible avec l'ordre public, au sens de l'article 4 précité, dès lors que le droit français n'impose la présence de l'époux à son mariage qu'à l'égard de ses seuls ressortissants.

10. L'arrêt relève que Mme H... était de nationalité marocaine au jour du mariage, de sorte que les conditions de fond du mariage étaient régies, pour elle, par la loi marocaine. Il ajoute que cette loi, dans sa rédaction applicable à la date du mariage, prévoit que la future épouse mandate son wali pour la conclusion de l'acte de mariage, sans imposer sa présence. Il constate que l'acte de mariage litigieux mentionne que Mme H..., qui n'était pas présente, a donné son autorisation, son consentement et la procuration à cette fin à son père. Il relève encore qu'elle a vécu plus de treize années avec son époux avant de déposer une demande en divorce et a créé une famille en ayant eu trois enfants.

11. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui a constaté la réalité du consentement à mariage, a exactement déduit, sans violer l'ordre public international, que le mariage était régulier.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Cotty - Avocat général : M. Poirret (premier avocat général) - Avocat(s) : Me Balat ; SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia -

Textes visés :

Article 4 de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire.

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