Numéro 3 - Mars 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2020

IMPOTS ET TAXES

Com., 4 mars 2020, n° 18-11.120, (P)

Rejet

Enregistrement – Droits de mutation – Mutation à titre gratuit – Donations – Don manuel – Révélation volontaire – Cas – Réponse des contribuables à une demande de l'administration

Vaut révélation de dons manuels, au sens des articles 635 A du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2011, et 757 du même code, la réponse des contribuables à une demande de l'administration fiscale par laquelle ils lui font connaître l'existence de tels dons.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 novembre 2017), que G... K..., décédée le 21 mars 2009, a offert, entre 2000 et 2004 à Mme L..., veuve V... (Mme V...), sa voisine, des dessins d'artistes dont la plupart ont été revendus ; que Mme V... et son époux ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les revenus des années 2008, 2009 et 2010 ; que dans un entretien avec le vérificateur et par courrier, ils ont justifié des flux financiers intervenus entre 2008 et 2010 sur leur compte bancaire par la vente de ces dessins d'artistes ; que le 10 mai 2012, pour répondre à une demande de l'administration fiscale, ils ont déposé une déclaration de dons manuels ; que l'administration fiscale leur a adressé une proposition de rectification en matière de droit d'enregistrement, qu'ils ont contestée ; qu'après mise en recouvrement des droits correspondants et rejet des contestations du couple, Mme V... a saisi le tribunal de grande instance aux fins d'annulation de l'avis de mise en recouvrement et de décharge de la totalité des droits d'enregistrement ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme V... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :

1°/ que la découverte d'un don manuel lors d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle, résulterait-elle de la réponse apportée par le contribuable à une question de l'administration formée à cette occasion, ne peut constituer une révélation par le donataire au sens de l'article 757 du code général des impôts ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que dans le cadre de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle sur leurs revenus de la période 2008 à 2010, les époux V... ont été interrogés sur certains flux financiers crédités sur leur compte bancaire et que par un courrier daté du 12 décembre 2011, consécutif au premier entretien avec le vérificateur, Mme V... a relaté au service de contrôle les conditions dans lesquelles G... K... lui avait remis des oeuvres de peintres ; qu'en se fondant sur ce dernier courrier pour juger qu'il y avait eu révélation de don manuel au sens de l'article 757 du code général des impôts quand Mme V... n'a rien révélé volontairement à l'administration et que le courrier du 12 décembre 2011 venait en réponse à une demande d'explication du vérificateur sur l'origine de certains flux financiers crédités sur son compte bancaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; que la cassation interviendra sans renvoi ;

2°/ que commet un détournement de procédure assimilable à un excès de pouvoir l'administration fiscale qui, à l'occasion de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en matière d'impôt sur le revenu sur une période donnée, procède à des investigations susceptibles d'aboutir à un redressement portant sur les droits d'enregistrement d'un don manuel dus pour une période postérieure à celle contrôlée ; qu'en l'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt qu'à l'occasion de l'examen contradictoire de la situation fiscale des époux V... sur leurs revenus des années 2008, 2009 et 2010, le vérificateur a découvert certains flux financiers sur leur compte bancaire, a sollicité des explications qui lui ont été fournies par Mme V... dans un courrier daté du 12 décembre 2011 aux termes duquel elle a expliqué que ces fonds provenaient de la vente d'oeuvres d'art données par G... K... et a procédé à des investigations auprès de l'autorité judiciaire qui ont abouti à un redressement portant sur les droits d'enregistrement d'un don manuel prétendument révélé le 12 décembre 2011 pour une période postérieure à celle concernée par le contrôle ; qu'en jugeant néanmoins que le détournement de procédure n'était pas constitué, la cour d'appel a violé les articles L. 12 et 80 CA du livre des procédures fiscales ;

Mais attendu, d'une part, que l'article 635 A du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2011, applicable à l'espèce, dispose que la déclaration des dons manuels supérieurs à 15 000 euros visés à l'article 757 du même code doit être réalisée dans le délai d'un mois qui suit la date à laquelle ce don a été révélé lorsque cette révélation est la conséquence d'une réponse du donataire à une demande de l'administration ou d'une procédure de contrôle fiscal ; qu'ayant retenu que la lettre de Mme V... et son époux du 12 décembre 2011, qui révélait l'existence de dons manuels à l'administration fiscale, était une réponse à une demande formulée par celle-ci à l'occasion d'une vérification de la situation personnelle du couple, la cour d'appel en a exactement déduit que la réponse des contribuables valait révélation au sens des articles 635 A et 757 du code général des impôts ;

Et attendu, d'autre part, que l'arrêt énonce que l'administration fiscale peut notifier des rappels de droits d'enregistrement en se fondant sur des renseignements recueillis au cours d'un examen contradictoire d'une situation fiscale personnelle, y compris dans le cas où la date du fait générateur ne concerne pas la période vérifiée ; qu'il relève que c'est au cours de l'examen de la situation fiscale personnelle de Mme V... et de son époux que l'administration fiscale a recueilli des éléments pouvant justifier des redressements en matière de droits d'enregistrement ; que la cour d'appel a pu en déduire que l'administration fiscale n'avait pas commis de détournement de procédure ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que Mme V... fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que l'erreur sur l'année d'imposition est une erreur substantielle qui entraîne la décharge de l'imposition ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que la proposition de rectification adressée le 11 avril 2013 à Mme V... mentionne que les dons manuels ont été révélés le 12 décembre 2011 mais indique de façon erronée que les droits d'enregistrement sont dus pour la période d'imposition de janvier à décembre 2012 ; qu'en déboutant néanmoins Mme V... de sa demande tendant à être déchargée de l'ensemble des droits d'enregistrement réclamés par l'administration fiscale, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 57 et L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;

2°/ que pour être régulière, la proposition de rectification doit indiquer clairement et sans ambiguïté la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations ; que pour juger régulière la proposition de rectification notifiée à Mme V..., l'arrêt relève que si la période d'imposition mentionnée au titre des conséquences financières du contrôle, de janvier à décembre 2012, était erronée, l'ensemble de la motivation de la proposition de rectification faisait apparaître que la période concernée était l'année 2011 de sorte que cette mention erronée était une erreur matérielle qui n'entraînait aucune ambiguïté ; qu'en statuant ainsi par des motifs impropres à écarter le caractère ambigu des mentions contradictoires de la proposition de rectification sur la période d'imposition au titre de laquelle les droits d'enregistrement étaient dus, la cour d'appel a violé les articles L. 57 et L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;

Mais attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales que la proposition de rectification adressée au contribuable doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ; que l'arrêt retient que la proposition de rectification présente les motifs de droit et les conditions de la révélation de l'existence de dons manuels ayant conduit à la notification du rappel de droits d'enregistrement ; qu'il retient encore que l'ensemble de la motivation de la proposition de rectification fait référence à l'année 2011 et que la mention erronée de l'année 2012, en page 22, de la proposition relève d'une erreur matérielle ; que la cour d'appel a pu en déduire que la notification de rectification avait donné connaissance à Mme V... des motifs de fait et de droit et des conséquences fiscales de la révélation des dons manuels ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que Mme V... fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que le caractère excessif de la libéralité par rapport au service rendu ne lui fait pas perdre son caractère rémunératoire ; que pour décider que les oeuvres remises à Mme V... par G... K... ne pouvaient être qualifiés de dons rémunératoires, la cour d'appel s'est fondée sur « la disproportion manifeste » et l'absence d'équivalence entre d'une part les services rendus par les époux V... et d'autre part la valeur des objets remis ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 893 et 894 du code civil ;

2°/ que dans ses conclusions d'appel, Mme V... a qualifié d'exceptionnelle la qualité des services qu'elle et son mari ont rendus pendant de nombreuses années à G... K... – courses, travaux de jardin, suivi médical, toilettes, soutien psychologique, conduite chez le médecin, au cimetière – et dont ont également témoigné les enfants de G... K... dans le cadre de l'instruction pénale ; qu'en retenant que Mme V... avait qualifié d'exceptionnels les services rendus aux termes de ses écritures d'appel, la cour d'appel a dénaturé ces écritures en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

3°/ que l'intention libérale suppose la volonté claire et non équivoque du donateur de gratifier le donataire sans contrepartie ; qu'une telle intention doit être caractérisée à l'égard du donateur et non du donataire ; qu'en l'espèce pour dire établie la volonté consciente et claire de G... K... de gratifier de manière désintéressée et irrévocablement Mme V..., la cour d'appel s'est fondée sur une attestation datée du 6 avril 2000 aux termes de laquelle G... K... a indiqué offrir à son amie X... V... certains dessins d'artiste, tableaux et oeuvres de différents artistes pour son dévouement et sa totale loyauté constante à son égard ainsi que sur les déclarations effectuées par Mme V... au cours de la procédure pénale aux termes desquelles elle a fait état de dons et de donations et a indiqué qu'il n'y avait jamais eu entre elle et G... K... des questions d'argent, que les cadeaux étaient une marque d'affection et que les services rendus n'étaient pas un emploi pour elle ; qu'en statuant ainsi par des motifs totalement impropres à caractériser l'intention libérale de G... K..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 893 et 894 du code civil ;

4°/ qu'en se fondant sur une attestation de G... K... datée du 6 avril 2000 impropre à établir qu'elle a été animée d'une intention libérale pour la totalité des oeuvres remises entre 1994 et 2004, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 893 et 894 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l'argumentation de Mme V... quant à l'absence de preuve de l'intention libérale de G... K... est peu compatible avec le fait qu'elle soutienne que les oeuvres lui ont été remises à titre de « don d'usage », ce qui suppose une conscience et une volonté de s'appauvrir au bénéfice d'autrui, et suffirait ainsi à caractériser l'existence de cette volonté libérale ; qu'il relève également que, par une attestation du 6 avril 2000, G... K... a déclaré avoir « offert » à son amie X... V... des oeuvres « pour son dévouement et sa totale loyauté » puis, par une attestation du 7 février 2008, avoir « fait don à son amie le 6 avril 2000 » de plusieurs oeuvres ; qu'il retient qu'il résulte des déclarations de Mme V... et de P... V... devant un magistrat instructeur que les oeuvres ne leur ont pas été remises en contrepartie de services rendus, les plus importants d'entre eux l'ayant été à compter de 2008, époque à laquelle la remise d'oeuvres avait cessé ; qu'il retient encore que Mme V... ne rapporte pas la preuve que la valeur des oeuvres données étaient en relation avec la valeur des services rendus et qu'il y a une disproportion manifeste entre ces services, même s'ils sont qualifiés d'exceptionnels par Mme V..., et la valeur des objets remis ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu, sans dénaturation, déduire que Mme V... avait bénéficié de dons manuels ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Daubigney - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles 757 et 635 A du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2011.

Rapprochement(s) :

En sens contraire : Com., 6 décembre 2016, pourvoi n° 15-19.966, Bull. 2016, IV, n° 151 (cassation).

Com., 18 mars 2020, n° 17-20.596, (P)

Cassation

Redressement et vérifications (règles communes) – Contributions indirectes – Principe du respect des droits de la défense – Avis de mise en recouvrement – Procès-verbal d'infraction – Communication préalable des pièces – Nécessité

Viole le principe du respect des droits de la défense et l'article L. 80 M du livre des procédures fiscales la cour d'appel qui, déclare la procédure régulière, alors qu'elle avait constaté que l'administration n'avait communiqué les pièces de la procédure demandées par le contribuable qu'après avoir dressé le procès-verbal d'infractions et émis un avis de mise en recouvrement, ce dont il résultait que, faute d'avoir eu connaissance des documents sur lesquels l'administration entendait fonder sa décision, le contribuable n'avait pas pu faire valoir utilement ses observations avant que celle-ci n'établisse le procès-verbal d'infractions.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 avril 2017), la société Care distribution (la société Care), entrepositaire agréé, a, en 2011 et 2012, procédé à l'expédition de boissons alcoolisées en suspension de droits d'accise, après émission de documents administratifs électroniques, à destination d'entreprises situées, notamment, dans des Etats membres de l'Union européenne, les destinataires émettant un document d'apurement à la réception des marchandises.

2. Après enquête, l'administration des douanes a retenu que plusieurs des sociétés destinataires des livraisons étaient fictives ou n'avaient jamais reçu les marchandises. Après notification d'un avis préalable de taxation, l'administration des douanes a notifié à la société Care un procès-verbal d'infractions puis un avis de mise en recouvrement (AMR), que cette dernière a contesté.

3. L'administration des douanes a rejeté la contestation de la société Care, qui l'a assignée aux fins d'obtenir l'annulation du procès-verbal d'infractions, de l'AMR et de la décision de rejet de sa contestation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société Care fait grief à l'arrêt de refuser d'annuler le procès-verbal de notification d'infractions du 31 juillet 2013 et l'AMR du 4 septembre 2013, alors « qu'en vertu du principe des droits de la défense et de l'article L. 80 M du livre des procédures fiscales, l'administration doit avoir transmis au redevable l'ensemble des éléments sur lesquels se fonde le procès-verbal de notification d'infraction ou l'avis de mise en recouvrement qu'elle envisage d'établir, et ce dans un délai suffisant pour permettre à ce dernier de faire valoir ses observations préalables ; qu'en refusant d'annuler le procès-verbal de notification d'infraction et l'AMR litigieux, après avoir constaté que l'intégralité des éléments sur lesquels se fondait l'avis préalable de taxation n'avait été transmise au redevable qu'après l'établissement du procès-verbal et de l'avis de mise en recouvrement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le principe et le texte susvisés. »

Réponse de la Cour

Vu le principe du respect des droits de la défense et l'article L. 80 M du livre des procédures fiscales :

5. Selon le texte susvisé, en matière de contributions indirectes et de réglementations assimilées, toute constatation susceptible de conduire à une taxation donne lieu à un échange contradictoire entre le contribuable et l'administration.

Le contribuable est informé des motifs et du montant de la taxation encourue par tout agent de l'administration. Il est invité à faire connaître ses observations. Lorsque la communication se fait par écrit, l'administration lui adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception une proposition de taxation qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.

Le contribuable dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition de taxation pour formuler ses observations ou faire connaître son acceptation. A la suite des observations du contribuable ou, en cas de silence de ce dernier, à l'issue de ce délai, l'administration prend sa décision.

6. Il résulte en outre du principe du respect des droits de la défense, qui trouve à s'appliquer dès lors que l'administration se propose de prendre à l'encontre d'une personne un acte qui lui fait grief, que les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l'administration entend fonder sa décision.

7. Pour déclarer la procédure régulière, l'arrêt, après avoir constaté que la société Care avait demandé communication des pièces de la procédure le 11 juin 2013 et que l'administration ne les lui a communiquées que le 23 octobre 2013, soit après avoir dressé le procès-verbal d'infractions et émis un AMR, retient que, toutefois, il n'a pas été porté atteinte aux droits de la défense de la société Care car la précision du procès-verbal d'infractions lui a permis de faire valoir utilement ses observations.

8. En statuant ainsi, alors que, faute d'avoir eu connaissance des documents sur lesquels l'administration entendait fonder sa décision, la société Care n'avait pas pu faire valoir utilement ses observations avant que celle-ci n'établisse le procès-verbal d'infractions, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le principe et le texte susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 avril 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Daubigney - Avocat général : Mme Pénichon - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 80 M du livre des procédures fiscales.

Rapprochement(s) :

Com., 10 février 2015, pourvoi n° 13-21.537, Bull. 2015, IV, n° 22 (rejet).

Com., 4 mars 2020, n° 18-20.244, (P)

Rejet

Redressement et vérifications (règles communes) – Visites domiciliaires (article L. 16 B) – Autorisation judiciaire – Conditions – Habilitation des agents de l'administration fiscale – Vérification – Ordonnance autorisant la visite – Mention de la présentation des habilitations – Défaut – Absence d'influence

Les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales n'exigent pas que le juge des libertés et de la détention, qui doit s'assurer que les agents sont habilités, mentionne dans son ordonnance que leurs habilitations lui ont été présentées.

Visites domiciliaires – Ordonnance autorisant la visite – Contenu – Agents de l'Administration – Habilitation – Vérification – Ordonnance autorisant la visite – Mention de la présentation des habilitations – Défaut – Absence d'influence

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Douai, 13 juillet 2018), un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents de l'administration des impôts à procéder à une visite et des saisies dans des locaux et dépendances situés [...] ou [...] susceptibles d'être occupés par la SCI OVH, les sociétés OVH, [...] ([...]), Groupe conseil et gestion (la société Conseil et gestion), [...] (la société [...]), CP Reifen Trading GmbH (la société Reifen), OVH Groupe, Centrale Eolienne de Ortoncourt (la société Centrale Eolienne), Mediabc, Bleu source, Innolys, Yellow Source, Digital Scale ou Depp Code et par M. C..., afin de rechercher la preuve de fraudes commises par ces sociétés à l'impôt sur les bénéfices.

2. Les sociétés Reifen, [...], Conseil et gestion, [...], M. C... et Mme M... ont relevé appel de l'ordonnance d'autorisation et exercé un recours contre le déroulement des opérations de visite, effectuées le 20 juillet 2017.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches, sur le deuxième moyen et sur le troisième moyen, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses quatrième à septième branches

Enoncé du moyen

4. Les sociétés Reifen, [...], Conseil et gestion, G... E..., M. C... et Mme M... font grief à l'ordonnance de confirmer l'ordonnance ayant autorisé les visites et saisies alors :

« 1°/ que l'ordonnance devant faire par elle-même la preuve de sa régularité, elle doit mentionner que le juge des libertés s'est vu présenter les habilitations nominatives des agents désignés dans l'ordonnance afin de procéder aux opérations ; qu'en jugeant le contraire, le premier président a violé l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;

2°/ que dans ses écritures d'appel, les requérants faisaient valoir que les habilitations nominatives n'avaient pas été présentées au juge des libertés et de la détention ; qu'en omettant de répondre à ce moyen, le premier président a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que dans leurs écritures d'appel, les requérantes faisaient également valoir que l'ordonnance ne pouvait être justifiée par la production ultérieure des pièces qui devaient être présentées au juge des libertés ; qu'en omettant de répondre à ce moyen, le premier président a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en tout état de cause, les productions ultérieures ne peuvent être prises en considération pour établir la régularité de l'ordonnance autorisant les visites et les saisies, le premier président ne pouvait prendre en compte les habilitations produites ultérieurement aux débats pour la première fois en cause d'appel par l'administration ; qu'il a ainsi violé l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. »

Réponse de la Cour

5. Les dispositions de l'article L. 16B du livre des procédures fiscales n'exigent pas que le juge des libertés et de la détention, qui doit s'assurer que les agents sont habilités, mentionne dans son ordonnance que leurs habilitations lui ont été présentées.

6. Après avoir relevé que le juge des libertés et de la détention avait, dans l'ordonnance d'autorisation, mentionné que les agents de l'administration fiscale étaient habilités, sans préciser que leurs habilitations lui avaient été présentées, le premier président a constaté que les habilitations qui lui ont été présentées étaient antérieures aux opérations de visite et de saisies.

7. Ayant ainsi procédé à la vérification de la régularité des habilitations des agents de l'administration fiscale, le premier président a pu déclarer régulière l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Daubigney - Avocat général : Mme Beaudonnet - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 16 B du Livre des procédures fiscales.

Rapprochement(s) :

Revirement : Com., 21 février 2012, pourvoi n° 11-11.397, Bull. 2012, IV, n° 47 (rejet).

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