Numéro 3 - Mars 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2020

COPROPRIETE

3e Civ., 26 mars 2020, n° 18-16.117, (P)

Cassation

Domaine d'application – Ensemble immobilier – Conditions – Détermination – Constatations nécessaires

Viole l'article 1er, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 la cour d'appel qui, pour dire que, sauf convention contraire entre les parties pour se doter d'une autre organisation, le statut de la copropriété est applicable à un ensemble immobilier constitué des immeubles édifiés sur deux fonds, dont la rampe d'accès chauffante et l'entrée du garage constituent une partie commune, retient que le statut de la copropriété est applicable même si les éléments et aménagements communs sont situés sur la propriété d'une seule des parties concernées par leur usage, que l'accès commun a été conçu et réalisé avec l'accord des deux sociétés et que l'expert affirme que son usage est identique pour les deux voisins, sans constater l'existence de terrains et de services communs aux deux ensembles immobiliers.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 19 mai 2016), la société Dragonne et la société Savana Investment sont propriétaires de fonds contigus sur lesquels sont construits deux groupes d'immeubles dont les garages souterrains respectifs sont desservis par une rampe d'accès commune.

2. La société Savana Investment ayant, après expertise ordonnée en référé, assigné la société Dragonne afin qu'il lui soit fait interdiction de traverser ses parcelles, celle-ci a reconventionnellement demandé qu'il soit dit que l'ensemble immobilier constitué des immeubles édifiés sur les deux fonds est soumis au statut de la copropriété et que la rampe litigieuse est une partie commune dont elle est en droit d'user.

Le liquidateur judiciaire de la société Savana Investment est intervenu volontairement en appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. M..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Savana Investment, fait grief à l'arrêt d'accueillir les demandes de la société Dragonne, alors « que le statut de la copropriété ne peut s'appliquer qu'aux ensembles immobiliers qui, outre des terrains, des aménagements et des services communs, comportent des parcelles, bâties ou non, faisant l'objet de droits de propriété privatifs ; qu'en appliquant le statut de la copropriété aux chalets respectifs de la société Dragonne et de la société Savana Investment en raison de la seule présence d'une rampe d'accès permettant l'accès aux sous-sols respectifs des deux sociétés sans avoir constaté l'existence de terrains et de services communs partagés par les deux ensembles immobiliers, la cour d'appel a violé l'article 1er, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1er, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 novembre 2018 :

4. Il résulte de ce texte qu'à défaut de convention contraire créant une organisation différente, la loi est applicable aux ensembles immobiliers qui, outre des terrains, des aménagements et des services communs, comportent des parcelles, bâties ou non, faisant l'objet de droits de propriété privatifs.

5. Pour accueillir les demandes de la société Dragonne, l'arrêt retient que, s'agissant d'un ensemble immobilier répondant à la description prévue par l'alinéa 2 de l'article 1er de la loi du 10 juillet 1965, le statut de la copropriété est applicable même si les éléments et aménagements communs sont situés sur la propriété d'une seule des parties concernées par leur usage, que l'accès commun a été conçu et réalisé avec l'accord des deux sociétés, que l‘expert affirme que son usage est identique pour les deux voisins et qu'il faut en conclure que, sauf convention contraire entre les parties pour se doter d'une autre organisation, le statut de la copropriété est applicable à l'ensemble immobilier, dont cette rampe d'accès chauffante et l'entrée du garage constituent une partie commune.

6. En statuant ainsi, sans constater l'existence de terrains et de services communs aux deux ensembles immobiliers, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le19 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Schmitt - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Article 1, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018.

Rapprochement(s) :

Sur l'application du statut de la copropriété à un ensemble immobilier en l'absence d'organisation différente, à rapprocher : 3e Civ., 19 septembre 2012, pourvoi n° 11-13.679, Bull. 2012, III, n° 126 (cassation), et l'arrêt cité.

3e Civ., 26 mars 2020, n° 18-22.441, (P)

Rejet

Règlement – Clause restreignant les droits des copropriétaires – Restriction justifiée par la destination de l'immeuble – Validité – Conditions – Détermination

Ayant retenu que la clause du règlement de copropriété, selon laquelle « il ne pourra être placé sur la façade des immeubles aucune enseigne, réclame, lanterne ou écriteau quelconque », correspondait à la destination d'un immeuble qui était situé dans le périmètre de protection des remparts d'une commune, une cour d'appel a pu en déduire que celle-ci ne pouvait être considérée comme illicite au motif qu'elle porterait atteinte aux droits des propriétaires des locaux commerciaux.

Règlement – Clause restreignant les droits des copropriétaires – Restriction justifiée par la destination de l'immeuble – Applications diverses – Immeuble situé dans le périmètre de protection des remparts d'une commune

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 5 juillet 2018), M. et Mme X..., propriétaires de lots à usage commercial loués à la société 2B Communication dans l'immeuble... soumis au statut de la copropriété, ont formé tierce-opposition à un arrêt du 5 juin 2012, condamnant, à la demande du syndicat des copropriétaires de cet immeuble (le syndicat), le locataire commercial à procéder à la dépose des panneaux publicitaires et enseignes apposés sur la façade.

Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

3. M. et Mme X... font grief à l'arrêt de dire que l'article 9 g) du règlement de copropriété n'est pas une clause illicite en l'état de la destination de l'immeuble et qu'il n'y a pas lieu à rétractation de l'arrêt rendu le 5 juin 2012, alors :

« 1°/ que, lorsque le règlement de copropriété stipule que les boutiques situées au rez-de-chaussée de l'immeuble pourront être utilisées à des fins commerciales, pour n'importe quel commerce ou industrie, la clause selon laquelle « il ne pourra être placé sur la façade des immeubles aucune enseigne, réclame, lanterne ou écriteau quelconque » est contraire à la destination de l'immeuble et doit être réputée non écrite ; qu'en jugeant que cette clause ne pouvait être considérée comme illicite en raison de l'atteinte qu'elle porterait atteinte aux droits des propriétaires des locaux commerciaux, au motif inopérant qu'elle correspond parfaitement à la destination de l'immeuble qui est situé dans le périmètre de protection des remparts de la ville d'Avignon, quand il était constant que l'immeuble pouvait être utilisé à des fins commerciales pour n'importe quel commerce, ce qui impliquait l'installation d'enseignes permettant aux commerçants de se faire remarquer par une clientèle éventuelle, de sorte que la clause du règlement de copropriété prohibant la pose d'enseignes en façade de l'immeuble était contraire à sa destination et devait être réputée non écrite, la cour d'appel a violé les articles 8 et 43 de la loi du 10 juillet 1965 ;

2°/ que le juge ne doit pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en jugeant, pour refuser de dire non écrite la clause figurant à l'article 9 g) du règlement de copropriété selon laquelle « il ne pourra être placé sur la façade des immeubles aucune enseigne, réclame, lanterne ou écriteau quelconque », qu'elle ne prohibe pas la pose d'enseignes « bandeaux » placées en imposte au-dessus des vitrines puisqu'il s'agit de surfaces privatives et que seules les enseignes situées sur une partie commune sont soumises à une interdiction, quand cette clause ne comporte aucune distinction selon que les enseignes sont apposées sur une partie privative ou une partie commune et prohibe toute pose d'enseignes en façade, la cour d'appel a violé le principe susvisé. »

Réponse de la Cour

4. Ayant retenu que la clause figurant à l'article 9 g) du règlement de copropriété, selon laquelle « il ne pourra être placé sur la façade des immeubles aucune enseigne, réclame, lanterne ou écriteau quelconque », correspondait à la destination de l'immeuble qui était situé dans le périmètre de protection des remparts de la commune d‘Avignon, la cour d'appel a pu, par ces seuls motifs, en déduire que celle-ci ne pouvait être considérée comme illicite au motif qu'elle porterait atteinte aux droits des propriétaires des locaux commerciaux et qu'il n'y avait pas lieu de rétracter l'arrêt rendu le 5 juin 2012.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Schmitt - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Articles 8 et 43 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 24 octobre 1990, pourvoi n° 88-18.193, Bull. 1990, III, n° 200 (cassation) ; 3e Civ., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-14.206, Bull. 2010, III, n° 116 (cassation).

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