Numéro 3 - Mars 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2020

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

Soc., 25 mars 2020, n° 18-23.692, n° 18-23.693, n° 18-23.694, n° 18-23.695, n° 18-23.696, n° 18-23.697, n° 18-23.698, n° 18-23.700, n° 18-23.701, n° 18-23.702, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Licenciement économique – Licenciement collectif – Plan de sauvegarde de l'emploi – Contenu – Conformité aux stipulations d'un accord de méthode conclu antérieurement – Vérification – Juge compétent – Détermination

Licenciement économique – Licenciement collectif – Entreprise en difficulté – Redressement et liquidation judiciaires – Plan de sauvegarde de l'emploi – Absence ou annulation de la décision de validation ou d'homologation du plan – Effets – Demande en paiement d'une indemnité fondée sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement – Possibilité – Détermination – Portée

Il résulte de l'article L. 1233-58, II, du code du travail que, quel qu'en soit le motif, l'annulation de la décision administrative ayant procédé à la validation de l'accord collectif ou à l'homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, établi dans une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire, ne prive pas les licenciements économiques intervenus à la suite de cette décision de cause réelle et sérieuse. Dans un tel cas d'annulation de la décision d'homologation, une cour d'appel déboute par conséquent à bon droit des salariés de leur demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents fondée sur l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture de leur contrat de travail, intervenue à la suite de leur acceptation d'un contrat de sécurisation professionnelle.

Vu la connexité, joint les pourvois n° 18-23.692 à 18-23.698, et 18-23.700 à 18-23.702 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société Milonga a été placée en liquidation judiciaire sans poursuite d'activité par jugement du tribunal de commerce du 2 octobre 2013 ; que le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi établi par M. K..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Milonga, a été homologué le 10 octobre 2013 par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; que M. J... et dix autres salariés ont accepté le contrat de sécurisation professionnelle qui leur avait été proposé ; que la décision d'homologation a été annulée par un arrêt de la cour administrative d'appel du 1er juillet 2014 devenu définitif ; que M. J... et dix autres salariés ont saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le second moyen :

Attendu que les salariés font grief aux arrêts de les débouter de leur demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents alors, selon le moyen, que le licenciement prononcé dans le cadre d'une liquidation judiciaire en l'absence de plan de sauvegarde de l'emploi, ou en l'état d'un plan insuffisant, est sans cause réelle et sérieuse ; qu'il s'ensuit que le salarié licencié, qui n'a pas exécuté son préavis, a droit au paiement d'une indemnité compensatrice ; que, pour débouter les salariés de leurs demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, la cour d'appel a retenu que « l'article L. 1233-58, II, du code du travail ne prévoit pas, dans le cas notamment de l'annulation d'une décision d'homologation du document fixant le plan de sauvegarde de l'emploi, cas de l'espèce, que le licenciement doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse » et que « cet article limite les conséquences de l'annulation de l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi à l'indemnisation du salarié licencié, l'indemnité mise ainsi à la charge de l'employeur ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois et l'article L. 1235-16 du code du travail ne pouvant s'appliquer » ; qu'elle en a déduit que « le licenciement (...) n'est ni sans cause réelle et sérieuse, ni assimilable à un licenciement sans cause réelle et sérieuse au sens des dispositions précitées, et l'appelant ne saurait donc prétendre au versement du préavis et des congés payés afférents » ; qu'en statuant ainsi, quand l'annulation par les juridictions administratives du plan de sauvegarde de l'emploi en raison de son insuffisance avait pour effet de priver les licenciements, notifiés par le liquidateur judiciaire, de cause réelle et sérieuse, de sorte que les salariés licenciés avaient droit - outre à l'indemnité prévue par l'article L. 1233-58, II du code du travail - à une indemnité compensatrice de préavis, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-58, II, L. 1235-10 et L. 1234-5 du code du travail en leur rédaction applicable au litige ;

Mais attendu que, selon l'article L. 1233-58, II, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, en cas de licenciement intervenu dans une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire en l'absence de toute décision relative à la validation de l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 du même code ou à l'homologation du document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, ou en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que cette indemnité est due, quel que soit le motif d'annulation de la décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation ;

Et attendu qu'il en résulte que l'annulation de la décision administrative ayant procédé à la validation ou à l'homologation ne prive pas les licenciements économiques intervenus à la suite de cette décision de cause réelle et sérieuse ; que la cour d'appel a, à bon droit, débouté les salariés de leur demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents fondée sur l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture de leur contrat de travail, intervenue à la suite de leur acceptation d'un contrat de sécurisation professionnelle ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article L. 1235-7-1 du code du travail, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et l'article 76 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte de l'article L. 1233-57-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, que, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge administratif, de vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l'emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables ; que le respect du principe de la séparation des pouvoirs s'oppose à ce que le juge judiciaire se prononce sur le respect par l'employeur de stipulations conventionnelles dont il est soutenu qu'elles s'imposaient au stade de l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi, la vérification du contenu dudit plan relevant de l'administration sous le contrôle du juge administratif ;

Attendu que les arrêts déboutent les salariés de leurs demandes en paiement de sommes au titre de l'indemnité de congé de reclassement et de la majoration de la prime de licenciement prévues par un protocole d'accord de méthode du 30 mai 2013 ainsi que de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la privation du dispositif de reclassement interne et externe prévu par ledit accord, après avoir constaté que le document unilatéral élaboré par le liquidateur judiciaire fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et homologué le 10 octobre 2013 ne reprend pas les dispositions de l'accord de méthode ni dans son contenu, ni par référence expresse ou implicite ;

Qu'en statuant ainsi, alors que sous le couvert de demandes tendant à obtenir l'exécution des engagement énoncés dans le cadre de cet accord, les salariés contestaient le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi dont le contrôle relève de la seule compétence de la juridiction administrative, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les deux premiers des textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties par application des dispositions de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils rejettent les demandes de MM. J..., R..., A..., B..., H..., E..., N..., O..., C... F... et L... en rapport avec l'application des dispositions prévues par le protocole d'accord de méthode du 30 mai 2013, les arrêts rendus le 15 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour connaître de ces demandes ;

Renvoie les parties à mieux se pourvoir.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Marguerite - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Coutard et Munier-Apaire ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article L. 1235-7-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 ; loi des 16-24 août 1790 ; article 76 du code de procédure civile ; article L. 1233-58, II, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013.

Soc., 18 mars 2020, n° 16-27.825, (P)

Cassation partielle

Licenciement – Indemnités – Montant – Calcul – Modalités – Cas – Salarié engagé à durée indéterminée et à temps plein – Salarié licencié au moment où il bénéficie d'un congé parental à temps partiel – Portée

Licenciement économique – Mesures d'accompagnement – Congé de reclassement – Indemnité – Montant – Calcul – Modalités – Cas – Salarié engagé à durée indéterminée et à temps plein – Salarié licencié au moment où il bénéficie d'un congé parental à temps partiel

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 14 octobre 2016), Mme J... a été engagée le 22 novembre 1999 par la société Material Research, devenue Praxair MRC, en qualité d'assistante commerciale à temps complet.

En dernier lieu, elle exerçait en qualité de responsable CSD (« customer service department ") et avait réduit son temps de travail dans le cadre d'un congé parental d'éducation devant se terminer le 29 janvier 2011.

2. Elle a été licenciée pour motif économique le 6 décembre 2010 dans le cadre d'un licenciement collectif et a accepté un congé de reclassement de neuf mois. Elle a renoncé à compter du 1er janvier 2011 à la réduction de sa durée du travail et a quitté définitivement l'entreprise le 7 septembre 2011.

3. Contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

4. Par arrêt du 11 juillet 2018, la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

Examen des moyens

Sur le premier moyen ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande accessoire de remboursement de ses allocations chômages, alors :

« 1°/ que l'article 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987 prévoit que l'entreprise, qui envisage un licenciement collectif d'ordre économique, doit rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise, en particulier dans le cadre des industries de métaux, en faisant appel à la commission territoriale de l'emploi ; qu'en se bornant, pour juger que la société Praxair avait respecté son obligation conventionnelle de reclassement externe, à énoncer qu'elle justifiait avoir le 9 février 2010, lendemain de la première réunion du comité d'entreprise sur le plan de sauvegarde de l'emploi, saisi ladite commission en joignant à sa saisine un exemplaire du document fourni au comité d'entreprise et que, par lettre du 12 février suivant, l'UIMM Midi-Pyrénées l'avait informée des outils d'accompagnement dont elle disposait, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si eu égard à ce dernier courrier, la société Praxair avait loyalement recherché les possibilités de reclassement externe en informant la salariée de la possibilité de consulter les postes disponibles sur les deux sites internet national de la métallurgie et d'y déposer son curriculum vitae, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987 ;

2°/ que les mesures d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi conformément aux dispositions de l'article L. 1233-62 du code du travail, sont indépendantes de l'obligation conventionnelle de reclassement externe qui pèse sur l'employeur en application de l'article 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987 ; qu'en déduisant le respect par la société Praxair de son obligation conventionnelle de reclassement externe, des seules dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi prévoyant des mesures d'accompagnement, comme la mise en place d'un point relais emploi permanent, un congé de reclassement de 9 mois et une prime au retour à l'emploi rapide, la cour d'appel a violé l'article 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel, ayant constaté que la société avait saisi dès le 9 février 2010 la commission paritaire territoriale de l'emploi, conformément aux dispositions des articles 2 et 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987 étendu, dans sa rédaction alors applicable, pour l'informer de son projet de plan de réorganisation et que l'Union des industries et métiers de la métallurgie avait indiqué le 12 février 2010 qu'elle apporterait son concours pour faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement serait finalement envisagé, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

Mais sur le moyen soulevé d'office

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), l'article L. 3123-13 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article R. 1233-32 du même code :

9. Il résulte du premier de ces textes un principe d'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et féminins et la prohibition des discriminations directes ou indirectes fondées sur le sexe.

10. Aux termes du deuxième de ces textes, l'indemnité de licenciement et l'indemnité de départ à la retraite du salarié ayant été occupé à temps complet et à temps partiel dans la même entreprise sont calculées proportionnellement aux périodes d'emploi accomplies selon l'une et l'autre de ces deux modalités depuis leur entrée dans l'entreprise.

11. Selon le dernier, pendant la période du congé de reclassement excédant la durée du préavis, le salarié bénéficie d'une rémunération mensuelle à la charge de l'employeur, dont le montant est au moins égal à 65 % de sa rémunération mensuelle brute moyenne soumis aux contributions mentionnées à l'article L. 5422-9 au titre des douze derniers mois précédant la notification du licenciement.

12. Par arrêt du 8 mai 2019 (CJUE, Praxair MRC,C-486/18), la Cour de justice de l'Union européenne, saisie par la Cour de cassation d'une question préjudicielle (Soc., 11 juillet 2018, n° 16-27.825), a d'abord relevé que des prestations telles que l'indemnité de licenciement et l'allocation de congé reclassement devaient être qualifiées de « rémunérations » au sens de l'article 157 TFUE. Elle a ensuite dit pour droit que cet article devait être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation telle que celle au principal qui prévoit que, lorsqu'un travailleur engagé à durée indéterminée et à temps plein est licencié au moment où il bénéficie d'un congé parental à temps partiel, ce travailleur reçoit une indemnité de licenciement et une allocation de congé de reclassement déterminées au moins en partie sur la base de la rémunération réduite qu'il perçoit quand le licenciement intervient, dans la situation où un nombre considérablement plus élevé de femmes que d'hommes choisissent de bénéficier d'un congé parental à temps partiel et lorsque la différence de traitement qui en résulte ne peut pas s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe.

13. Pour rejeter les demandes de la salariée en paiement de compléments d'indemnité de licenciement et d'allocation de congé reclassement calculés entièrement sur la base d'un travail à temps complet, la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, que l'article L. 3123-13 du code du travail prévoit que l'indemnité de licenciement du salarié ayant été occupé à temps complet et à temps partiel dans la même entreprise est calculée proportionnellement aux périodes d'emploi accomplies selon l'une et l'autre de ces deux modalités depuis son entrée dans l'entreprise. Elle a ajouté qu'il n'existe pas de texte ou de jurisprudence autorisant le calcul de l'allocation de congé de reclassement due à la salariée sur la base de la rémunération afférente à un travail à temps complet.

14. Cependant, les articles L. 3123-13 et R. 1233-32 du code du travail prévoient une indemnité de licenciement et une allocation de congé de reclassement déterminées au moins en partie sur la base de la rémunération réduite perçue par le salarié, qui engagé par un contrat à durée indéterminée à temps complet, bénéficie d'un congé parental à temps partiel lorsque le licenciement intervient. Ces dispositions établissent une différence de traitement avec les salariés se trouvant en activité à temps complet au moment où ils sont licenciés. Dans la mesure où un nombre considérablement plus élevé de femmes que d'hommes choisissent de bénéficier d'un congé parental à temps partiel, ces articles instaurent indirectement une différence de traitement entre les salariés féminins et masculins pour le calcul de ces droits à prestation résultant du licenciement qui n'est pas justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe.

15. Il en résulte que l'application de ces articles, contraires à l'article 157 du traité précité en ce qu'ils instaurent une discrimination indirecte fondée sur le sexe, doit être dans cette mesure écartée.

16. En application d'une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (CJCE, arrêt du 8 avril 1976, Defrenne, C-43/75, points 10 à 15 ; arrêt du 28 septembre 1994, Avdel Système, C-408/92, points 15 à 17 ; CJUE, arrêt du 7 octobre 2019, Safeway, C-171/18, point 40), dès lors qu'une norme interne refusant l'octroi d'une prestation ou d'un avantage à un groupe de personnes est contraire au principe de l'égalité de traitement, le juge national doit immédiatement, de sa propre autorité, accorder cette prestation ou cet avantage au groupe ainsi défavorisé, sans attendre l'élimination de la contrariété par la voie législative.

17. En statuant comme elle l'a fait, sans calculer le montant de l'indemnité de licenciement et de l'allocation de congé de reclassement de la salariée entièrement sur la base de sa rémunération à temps complet, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme J... de sa demande de rappels d'indemnité de licenciement et d'allocation de congé de reclassement, l'arrêt rendu le 14 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Depelley - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; articles L. 3123-13 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et R. 1233-32 du même code.

Rapprochement(s) :

Sur la caractérisation d'une discrimination indirecte fondée sur le sexe, à rapprocher : 2e Civ., 19 décembre 2019, pourvoi n° 18-16.974, Bull. 2019, (rejet). Sur la caractérisation d'une discrimination indirecte fondée sur le sexe, cf : CJUE, arrêt du 17 juillet 2014, époux Leone, C-173/13. Sur l'application des articles L. 3123-13, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et R. 1233-32 du code du travail au regard de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, cf. : CJUE, arrêt du 8 mai 2019, Praxair MRC, C-486/18.

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