Numéro 3 - Mars 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2020

CONFLIT DE JURIDICTIONS

1re Civ., 4 mars 2020, n° 18-24.646, (P)

Cassation partiellement sans renvoi

Compétence internationale – Application des règles françaises à l'ordre international – Exceptions – Action en partage d'un bien immobilier indivis situé en France exercée par le créancier d'un des époux – Juridiction du lieu de situation du bien immobilier

Selon les principes qui régissent la compétence juridictionnelle internationale des tribunaux français, celle-ci se détermine par l'extension des règles de compétence interne, sous réserve d'adaptations justifiées par les nécessités particulières des relations internationales.

En matière d'action en partage d'un bien immobilier indivis situé en France, exercée par le créancier d'un époux sur le fondement de l'article 815-17, alinéa 3, du code civil, l'extension à l'ordre international des critères de compétence territoriale du juge aux affaires familiales résultant de l'article 1070 du code de procédure civile, fondés sur la résidence de la famille ou de l'un des parents ou époux, n'est pas adaptée aux nécessités particulières des relations internationales, ce qui justifie de retenir le critère du lieu de situation du bien immobilier.

Intervention volontaire

1. M. M... est reçu en son intervention volontaire en qualité d'administrateur judiciaire de la société Metelmann et Co.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 septembre 2018), en vue de parvenir à l'exécution d'une sentence arbitrale condamnant M. B... à lui payer une certaine somme, la société Metelmann et Co, société allemande ayant son siège social à Hambourg (la société), a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris, sur le fondement de l'article 815-17, alinéa 3, du code civil, afin de provoquer le partage judiciaire d'un bien immobilier situé à Issy-les-Moulineaux, propriété indivise de M. et Mme B..., mariés sous le régime de la séparation de biens.

La société a contesté la décision qui a constaté l'incompétence de ce juge et, plus généralement, des juridictions françaises au profit des juridictions algériennes.

3. Par arrêt du 7 octobre 2015, la cour d'appel de Paris a infirmé cette décision et, statuant à nouveau, dit le juge aux affaires familiales incompétent matériellement et déclaré compétent le tribunal de grande instance de Nanterre.

4. Un arrêt de la Cour de cassation (1re Civ., 1er juin 2017, pourvoi n° 15-28.344, Bull. 2017, I, n° 125) a cassé cet arrêt en toutes ses dispositions aux motifs que la compétence spéciale du juge aux affaires familiales pour connaître de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, résultant de l'article L. 213-3, 2°, du code de l'organisation judiciaire n'est pas subordonnée à la séparation des époux et que l'action par laquelle le créancier personnel d'un indivisaire provoque le partage d'une indivision, exercée au nom de ce dernier, doit être portée devant le juge compétent pour connaître de l'action de ce débiteur.

5. Statuant sur renvoi, la cour d'appel de Paris autrement composée, après avoir constaté que les époux B... résidaient en Algérie, a confirmé en toutes ses dispositions la décision du juge aux affaires familiales ayant constaté l'incompétence des juridictions françaises sur le fondement de l'article 1070 du code de procédure civile.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. La société fait grief à l'arrêt de constater l'incompétence du juge aux affaires familiales de Paris et, plus généralement, des juridictions françaises, au profit des juridictions algériennes, pour connaître de son action aux fins de provoquer le partage de l'indivision entre les époux B... portant sur un bien immobilier situé en France et d'inviter en conséquence le créancier à mieux se pourvoir auprès des juridictions territorialement compétentes, alors « que l'extension à l'ordre international des règles internes relatives à la compétence territoriale du juge aux affaires familiales résultant de l'article 1070 du code de procédure civile, fondées sur le critère de résidence de la famille ou de l'un des deux époux selon le cas envisagé, ne saurait avoir pour effet de méconnaître le respect de la compétence exclusive dont disposent les juridictions françaises pour statuer sur l'action en partage d'un bien immobilier situé en France ; qu'en écartant en l'espèce la compétence des juridictions françaises pour connaître de l'action de la société Metelmann et Co GmbH aux fins de provoquer, sur le fondement de l'article 815-17 du code civil, le partage de l'indivision entre les époux B... portant sur un bien immobilier situé en France, au motif inopérant que ces derniers résident en Algérie, la cour d'appel, qui a méconnu la compétence exclusive précitée, a violé les principes qui régissent la compétence internationale, ensemble l'article 1070 du code de procédure civile étendu à l'ordre international. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen, contestée par la défense

7. M. et Mme B... soulèvent l'irrecevabilité du moyen, en ce qu'il reprocherait à la juridiction de renvoi d'avoir statué conformément à l'arrêt de cassation qui la saisissait (Ass. plén., 21 décembre 2006, pourvoi n° 05-17.690, Bull. 2006, Ass. plén, n° 14).

8. Cependant, l'arrêt de la Cour de cassation du 1er juin 2017 n'a pas statué sur la question de la compétence internationale des juridictions françaises, qui n'était pas soulevée par le moyen. Il ne s'est prononcé que sur la juridiction française compétente matériellement pour connaître de l'action oblique d'un créancier en partage d'un bien immobilier indivis entre époux séparés de biens, en application de l'article 815-17, alinéa 3, du code civil.

9. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les principes qui régissent la compétence internationale, ensemble l'article 1070 du code de procédure civile :

10. Selon les principes qui régissent la compétence juridictionnelle internationale des tribunaux français, celle-ci se détermine par l'extension des règles de compétence interne, sous réserve d'adaptations justifiées par les nécessités particulières des relations internationales.

11. Aux termes de l'article 1070 du code de procédure civile, le juge aux affaires familiales territorialement compétent est le juge du lieu où se trouve la résidence de la famille ; si les parents vivent séparément, le juge du lieu de résidence du parent avec lequel résident habituellement les enfants mineurs en cas d'exercice en commun de l'autorité parentale, ou du lieu de résidence du parent qui exerce seul cette autorité ; dans les autres cas, le juge du lieu où réside celui qui n'a pas pris l'initiative de la procédure ; en cas de demande conjointe, le juge compétent est, selon le choix des parties, celui du lieu où réside l'une ou l'autre. Toutefois, lorsque le litige porte seulement sur la pension alimentaire, la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant, la contribution aux charges du mariage ou la prestation compensatoire, le juge compétent peut être celui du lieu où réside l'époux créancier ou le parent qui assume à titre principal la charge des enfants, même majeurs.

La compétence territoriale est déterminée par la résidence au jour de la demande ou, en matière de divorce, au jour où la requête initiale est présentée.

12. Pour déclarer les juridictions françaises incompétentes, l'arrêt retient que, par application de ce texte, M. et Mme B... étant domiciliés en Algérie, les juridictions françaises sont incompétentes internationalement.

13. En statuant ainsi, alors que, s'agissant d'une action en partage d'un bien immobilier situé en France, exercée sur le fondement de l'article 815-17, alinéa 3, du code civil, l'extension à l'ordre international des critères de compétence territoriale du juge aux affaires familiales, fondés sur la résidence de la famille ou de l'un des parents ou époux, n'était pas adaptée aux nécessités particulières des relations internationales, qui justifiaient, tant pour des considérations pratiques de proximité qu'en vertu du principe d'effectivité, de retenir que le critère de compétence territoriale devait être celui du lieu de situation de ce bien, la cour d'appel a violé les texte et principes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

14. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

15. Il y a lieu de dire le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nanterre internationalement compétent au regard du lieu de situation de l'immeuble litigieux.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi du chef de la compétence ;

Dit le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nanterre, internationalement compétent pour connaître des demandes de la société Metelmann et Co ;

Renvoie la cause et les parties devant le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nanterre pour qu'il statue sur le fond du litige.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Cotty - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SCP Capron -

Textes visés :

Principes qui régissent la compétence internationale ; article 1070 du code de procédure civile.

Com., 25 mars 2020, n° 16-20.520, (P)

Cassation sans renvoi

Compétence internationale – Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 – Article 3, § 1 – Procédure d'insolvabilité – Vérification de la compétence – Office du juge – Etendue – Détermination

Reprise d'instance

1.Il est donné acte à la société Crédit immobilier de France développement de ce qu'elle reprend l'instance en lieu et place de la société Banque patrimoine immobilier.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 mai 2016) et les productions, le 7 août 2008, la société de droit allemand Wirecard a obtenu d'un juge anglais une mesure de gel des avoirs de M. N...Q, ressortissant néerlandais. Ce dernier était alors propriétaire sur le territoire français d'un appartement et d'un ensemble immobilier.

Le 22 août 2008, M. N...Q et sa soeur, Mme N...Q épouse N... X... (Mme N...Q), ont signé devant un notaire français un acte de reconnaissance de dette par lequel M. N...Q reconnaissait devoir à Mme N...Q la somme de 500 000 euros pour divers prêts, s'engageait à rembourser cette somme au plus tard le 22 août 2017 et hypothéquait au profit de Mme N...Q en second rang les biens ci-avant.

Le même jour, ils ont inscrit sur lesdits biens les deux hypothèques conventionnelles.

Les 18 et 24 mars 2010, M. N...Q a vendu à la SCI Tiger, constituée le 25 février précédent avec sa soeur, cette dernière en détenant 90 %, l'appartement et l'ensemble immobilier moyennant respectivement les prix de 395 000 euros et 790 000 euros.

3. Le 10 mai 2011, M. N...Q a été déclaré en faillite à sa demande par la County Court de Croydon au Royaume-Uni en application du Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité et de la section 271 de la loi britannique sur les faillites de 1986 (Insolvency Act de1986) et le 1er juillet 2011, M. H..., de la société Grand Thornton, a été désigné syndic de la faillite de M. N...Q avec effet au 6 juillet 2011. A la demande de M. H..., ès qualités, la County Court de Croydon a, le 26 octobre 2011, autorisé l'initiative de procédures judiciaires pour, d'une part, entreprendre une action devant les juridictions françaises pour faire enregistrer l'ordonnance de faillite, d'autre part, obtenir une décision qui dise pour droit que l'hypothèque inscrite au profit de Mme N...Q le 22 août 2008 et les transferts des propriétés à la SCI Tiger des 18 et 24 mars 2010 étaient constitutifs de transactions sans contrepartie réelle ou significative conformément aux dispositions de la section 339 de la loi sur les faillites de 1986 et, par conséquent, obtenir une décision permettant la réintégration de ces propriétés dans le patrimoine du débiteur puis leur réalisation.

4. Le 12 décembre 2011, M. H..., ès qualités, a assigné M. N...Q, Mme N...Q et la SCI Tiger devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir déclarer inopposables à la masse de la faillite les hypothèques conventionnelles inscrites le 22 août 2008 et la vente des biens immobiliers situés en France.

La société Banque patrimoine immobilier (la BPI), qui avait financé l'acquisition de ces biens, est intervenue à l'instance.

Par un jugement du 19 novembre 2013, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré recevable l'action de M. H..., ès qualités, et jugé que les hypothèques et les ventes étaient inopposables à celui-ci, dans la limite des sommes restant dues aux créanciers.

La cour d'appel de Paris a confirmé le jugement, sauf sur la limitation de l'inopposabilité aux sommes restant dues aux créanciers et, statuant à nouveau de ce chef, a dit que l'inopposabilité des deux hypothèques et des deux ventes à M. H..., ès qualités, n'était pas limitée de la sorte.

Par un arrêt du 24 mai 2018, la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l'Union européenne (la CJUE) d'un renvoi préjudiciel portant sur l'interprétation de l'article 3, § 1, du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi provoqué, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé du moyen

5. M. N...Q, Mme N...Q et la SCI Tiger font grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de M. H..., ès qualités, de juger que les hypothèques consenties par M. N...Q sur les biens situés à Paris et à [...], et les ventes de ces biens à la SCI Tiger, intervenues respectivement les 18 mars et 24 mars 2010, sont inopposables à M. H..., ès qualités, de dire que l'inopposabilité des deux hypothèques et des deux ventes à M. H..., ès qualités, n'est pas limitée aux sommes dues aux créanciers et de rejeter les demandes de M. N...Q, alors « qu'aux termes de l'article 3 § 1 du Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure principale d'insolvabilité ; que la CJUE a dit pour droit que l'article 3 § 1 doit être interprété en ce sens que les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel s'est ouverte la procédure d'insolvabilité sont compétentes pour connaître d'une action révocatoire fondée sur l'insolvabilité dirigée contre un défendeur ayant son domicile sur le territoire d'un autre Etat (CJUE, 16 janvier 2014, Schmid, aff. C-328/12 ; CJCE, 12 février 2009, Seagon, aff. C-339/07) ; qu'au cas d'espèce, dès lors qu'il était constant que la procédure principale d'insolvabilité avait été ouverte au Royaume-Uni, seules les juridictions du Royaume-Uni étaient compétentes pour statuer sur l'action en « inopposabilité » des prises d'hypothèques et des ventes immobilières dirigée par le mandataire des créanciers M. H... à l'encontre de M. N...Q, peu important que ce dernier fût domicilié en France ou que les biens concernés y fussent situés ; qu'en s'abstenant de relever d'office son incompétence, la cour d'appel a violé l'article 3 § 1 du Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000, ensemble l'article 92 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article 74 du code de procédure civile, les exceptions de procédure doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public. Il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions de M. N...Q, de Mme N...Q et de la SCI Tiger devant les juges du fond que ceux-là aient contesté la compétence des juridictions françaises pour connaître du litige.

7. Le moyen, présenté pour la première fois devant la Cour de Cassation, est donc irrecevable.

Mais sur le moyen relevé d'office, suggéré par les demandeurs

Vu l'article 3, § 1, du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité :

8. Il résulte de ce texte que les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d'insolvabilité et que les juridictions de l'Etat membre compétent pour ouvrir la procédure d'insolvabilité ont une compétence exclusive pour connaître des actions qui dérivent directement de cette procédure et qui s'y insèrent étroitement (CJUE, 14 novembre 2018, Wiemer & Trachte, C-296/17, point 36).

9. Par un arrêt du 4 décembre 2019 (C-493/18, Tiger e.a.), la CJUE a dit pour droit que l'article susvisé doit être interprété en ce sens que l'action du syndic, désigné par une juridiction de l'Etat membre sur le territoire duquel la procédure d'insolvabilité a été ouverte, ayant pour objet de faire déclarer inopposables à la masse des créanciers la vente d'un bien immeuble situé dans un autre Etat membre ainsi que l'hypothèque consentie sur celui-ci, relève de la compétence exclusive des juridictions du premier Etat membre.

Par le même arrêt, la CJUE a dit pour droit que l'article 25, § 1, du règlement n° 1346/2000 doit être interprété en ce sens qu'une décision par laquelle une juridiction de l'Etat membre d'ouverture autorise le syndic à engager une action dans un autre Etat membre, quand bien même celle-ci relèverait de la compétence exclusive de cette juridiction, ne saurait avoir pour effet de conférer une compétence internationale aux juridictions de cet autre Etat membre.

10. Par conséquent, l'action engagée par M. H..., ès qualités, désigné syndic de la faillite de M. N...Q par la County Court de Croydon, ayant pour objet de faire déclarer inopposables à la masse des créanciers de la procédure d'insolvabilité les hypothèques consenties au profit de Mme N...Q sur les biens situés en France ainsi que la vente de ces biens par M. N...Q à la SCI Tiger, relève de la compétence exclusive des juridictions anglaises, peu important que le syndic ait été autorisé par la County Court de Croydon à entreprendre une action devant les juridictions françaises pour obtenir une décision qui permette la réintégration de ces propriétés dans le patrimoine du débiteur puis leur réalisation. Il en résulte que les juridictions françaises devaient se déclarer d'office incompétentes et qu'en ne le faisant pas, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que les juridictions françaises sont incompétentes pour connaître de l'action ;

Invite les parties à mieux se pourvoir.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Ghestin ; SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Articles 3, § 1, et 25, § 1, du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000.

Rapprochement(s) :

Sur l'office du juge en matière de procédure collective internationale, cf. : CJUE, arrêt du 4 décembre 2019, UB/VA e.a., C-493/18.

Com., 11 mars 2020, n° 19-10.657, (P)

Cassation

Compétence internationale – Règlement (UE) 2015/848 du 20 mai 2015 – Office du juge – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 décembre 2018), la société Vertu Operations Limited, dont le siège est au Royaume-Uni, dispose d'un établissement en France situé à Paris.

2. Saisi par le ministère public, le tribunal de commerce de Paris, par un jugement du 24 mai 2018, a ouvert la liquidation judiciaire de la « SARL membre de la CE Vertu Operations Limited dont le principal établissement en France est au [...] », la société BTSG, prise en la personne de M. O..., étant désignée liquidateur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société Vertu Operations Limited et M. M... T..., en qualité de représentant de la société en France, font grief à l'arrêt d'ouvrir la liquidation judiciaire de la « SARL membre de la CE Vertu Operations Limited » alors « que la juridiction saisie d'une demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité examine d'office si elle est compétente en vertu de l'article 3 du Règlement (UE) 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures d'insolvabilité, indique dans sa décision d'ouverture les fondements de sa compétence et précise notamment si elle repose sur le paragraphe 1 ou 2 de l'article 3 du règlement ; qu'en vertu du paragraphe 1, les juridictions de l'Etat membre où est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir une procédure d'insolvabilité principale, tandis qu'en vertu du paragraphe 2, les juridictions des autres Etats membres que celui où est situé le centre des intérêts principaux du débiteur ne sont compétentes que si le débiteur possède également un établissement sur leur territoire, les effets de la procédure étant limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce territoire ; qu'en plaçant en liquidation judiciaire la « SARL membre de la CE Vertu Operations Limited » sans examiner d'office si elle était compétente en vertu de l'article 3, sans indiquer les fondements de sa compétence et sans préciser si sa compétence était fondée sur le paragraphe 1 ou 2 de l'article 3, la cour d'appel a violé l'article 4 du règlement précité. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du Règlement (UE) 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 ;

4. Selon le texte susvisé, la juridiction saisie d'une demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité entrant dans le champ d'application du Règlement (UE) 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 examine d'office si elle est compétente en vertu de l'article 3, indique, dans sa décision d'ouverture de la procédure d'insolvabilité, les fondements de sa compétence et précise notamment si sa compétence est fondée sur le § 1 ou le § 2 de l'article 3.

5. Pour ouvrir la liquidation judiciaire de la « SARL membre de la CE Vertu Operations Limited dont le principal établissement en France est au [...] », l'arrêt se prononce seulement sur l'état de cessation des paiements et l'impossibilité manifeste du redressement de l'entreprise.

6. En statuant ainsi, sans examiner d'office si elle était internationalement compétente pour ouvrir une procédure d'insolvabilité à l'égard de la société Vertu Operations Limited, ni indiquer les fondements de sa compétence, ni préciser si sa compétence était fondée sur le § 1 ou le § 2 de l'article 3 du Règlement (UE) 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015, rendant ainsi impossible la détermination du périmètre et des effets de la liquidation judiciaire qu'elle prononçait, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles 3 et 4 du Règlement (UE) 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015.

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