Numéro 3 - Mars 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2020

AVOCAT

2e Civ., 19 mars 2020, n° 19-11.450, (P)

Cassation

Exercice de la profession – Avocat salarié – Contrat de travail – Litiges nés à l'occasion du contrat de travail – Décision du bâtonnier – Appel – Procédure sans représentation obligatoire – Communication des actes de procédure – Transmission électronique – Possibilité

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 22 janvier 2019), M. Y..., avocat salarié, a saisi un bâtonnier du différend l'opposant à la société Fidal suite à son licenciement par cette dernière.

2. M. Y... ayant été débouté de l'intégralité de ses demandes par une ordonnance du 22 mai 2018, il a relevé appel de cette décision par une première déclaration faite au greffe de la cour d'appel le 11 juin 2018, puis par la voie du réseau privé virtuel des avocats (le RPVA) le 12 juin 2018.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. Y... fait grief à l'arrêt de dire que les deux déclarations d'appel qu'il avait formées étaient irrecevables alors « que l'envoi ou la remise au greffe de la cour d'appel, en application des articles 152 et 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, de la déclaration d'appel formée contre la décision du bâtonnier rendue dans le cadre d'un litige né à l'occasion du contrat de travail d'un avocat salarié, peut être effectué conformément aux dispositions du titre vingt et unième du livre premier du code de procédure civile relatives à la communication par voie électronique et au sens de l'arrêté du garde des sceaux du 5 mai 2010 relatif à la communication électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel ; que pour la formalisation, dans le cadre de la mise en œuvre de la communication électronique, de l'appel prévu par les articles 152 et 16 du décret du 27 novembre 1991, le destinataire de la déclaration d'appel est le greffe de la cour d'appel ; que dès lors, en jugeant que les règles prévues par l'article 16 du décret du 27 novembre 1991 avaient seules vocation à s'appliquer en l'espèce, à l'exclusion des dispositions de l'article 748-1 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé les articles 16, 142 et 152 du décret du 27 novembre 1991, ensemble les articles 748-1, 748-3 et 748-6 du code de procédure civile et l'article 1er de l'arrêté du garde des sceaux du 5 mai 2010. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 16 et 152 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, ensemble les articles 748-1, 748-3 et 748-6 du code de procédure civile et 1er de l'arrêté du 5 mai 2010 relatif à la communication électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel :

4. Il résulte de la combinaison des quatre derniers de ces textes que, pour les litiges nés à l'occasion d'un contrat de collaboration ou d'un contrat de travail d'un avocat, relevant de la compétence du bâtonnier et portés devant la cour d'appel, la déclaration d'appel, les actes de constitution et les pièces qui leur sont associées peuvent être valablement adressées au greffe de la cour d'appel par la voie électronique par le biais du RPVA.

5. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt, après avoir relevé que la seconde déclaration d'appel de M. Y... avait été reçue par le RPVA, retient que la procédure particulière d'appel prévue pour les recours exercés à l'encontre des décisions du bâtonnier par l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 a seule vocation à s'appliquer, s'agissant d'une instance ordinale et non prud'homale.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Lemoine - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Marc Lévis -

Textes visés :

Articles 16 et 152 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ; articles 748-1, 748-3 et 748-6 du code de procédure civile ; article 1 de l'arrêté du 5 mai 2010 relatif à la communication électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel.

Rapprochement(s) :

Com., 13 mars 2019, pourvoi n° 17-10.861, Bull. 2019, (cassation).

2e Civ., 5 mars 2020, n° 19-10.751, (P)

Rejet

Honoraires – Contestation – Procédure – Saisine du bâtonnier – Décision du bâtonnier rendue hors délai – Recours – Recevabilité – Conditions – Détermination – Portée

Le recours exercé contre la décision du bâtonnier statuant au-delà du délai éventuellement prorogé, prévu à l'article 175 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, à l'issue duquel il se trouve dessaisi, est recevable même s'il a été formé plus d'un mois après la date de dessaisissement, sous réserve d'être introduit dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision du bâtonnier statuant hors délai.

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Bordeaux, 20 novembre 2018), que M. J..., contestant le montant des honoraires réclamés par la société E... L... (l'avocat), à qui il avait confié la défense de ses intérêts dans plusieurs procédures pénales, a saisi le bâtonnier de l'ordre le 8 septembre 2017 ; que par une décision du 25 janvier 2018, celui-ci a statué sur la réclamation de M. J... ; que ce dernier a formé le 23 février 2018 un recours devant le premier président ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique du pourvoi principal, annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que l'avocat fait grief à l'ordonnance de déclarer l'appel recevable en la forme, alors, selon le moyen :

Qu'à l'expiration des délais prévus par l'article 175 du décret du 27 novembre 1991, le bâtonnier est dessaisi de la réclamation formée devant lui ; que le premier président doit alors être saisi, dans le délai d'un mois ayant suivi l'expiration de ces délais comme l'exige l'alinéa 2 de l'article 176 de ce décret, pour statuer en premier et dernier ressort sur la réclamation ; qu'en retenant, pour juger recevable le recours régularisé par M. J... le 23 février 2018, que le délai pour contester la décision du bâtonnier du 25 janvier 2018 était d'un mois à compter de la notification de cette décision, après avoir constaté que la décision litigieuse aurait dû intervenir au plus tard le 8 janvier 2018, de sorte qu'il aurait dû être saisi au plus tard le 8 février suivant pour statuer en premier et dernier ressort sur la réclamation de M. J..., le premier président a violé les articles 175 et 176, alinéa 2, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

Mais attendu que le recours exercé contre la décision du bâtonnier statuant au delà du délai, éventuellement prorogé, prévu à l'article 175 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, à l'issue duquel il se trouve dessaisi, est recevable même s'il a été formé plus d'un mois après la date du dessaisissement, sous réserve d'être introduit dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision du bâtonnier statuant hors délai ; qu'ayant retenu que M. J... l'avait saisi dans le délai d'un mois après la notification de la décision du bâtonnier rendue tardivement, le premier président en a exactement déduit que ce recours était recevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : Me Haas ; SCP Le Bret-Desaché -

Textes visés :

Article 175 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 14 juin 2018, pourvoi n° 17-20.247, Bull. 2018, II (rejet) ; 2e Civ., 21 mai 2015, pourvoi n° 14-10.518, Bull. 2015, II, n° 118 (cassation).

2e Civ., 5 mars 2020, n° 18-24.430, (P)

Cassation sans renvoi

Honoraires – Contestation – Procédure – Saisine du bâtonnier – Décision – Recours – Tierce opposition – Irrecevabilité

Il résulte des articles 174 et 175 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, qui réservent l'action en contestation d'honoraires d'avocats à ces derniers et à leurs clients, et de l'article 66-5, alinéa 1, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, qui prévoit que les relations entre l'avocat et son client sont couvertes par le secret professionnel, que, conformément aux prévisions des articles 582 et 583 du code de procédure civile, la voie de la tierce opposition, qui tend non seulement à faire rétracter le jugement attaqué, mais également à le réformer, n'est pas ouverte contre la décision du bâtonnier saisi d'une contestation d'honoraires.

Reçoit MM. A..., Y..., X..., ainsi que les SCP T... Y... et X... et associés, notaires, en leur intervention en défense au pourvoi ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches :

Vu l'article 66-5, alinéa 1er, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, les articles 174 et 175 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 et les articles 582 et 583 du code de procédure civile ;

Attendu que les dispositions du décret susvisées réservent l'action en contestation en matière d'honoraires d'avocats à ces derniers et à leurs clients ; que, selon le premier texte, les relations entre l'avocat et son client sont couvertes par le secret professionnel ; qu'il s'ensuit qu'en cette matière, la voie de la tierce opposition, qui tend non seulement à faire rétracter le jugement attaqué, mais également à le réformer, n'est pas ouverte contre la décision du bâtonnier saisi de la contestation ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, que la société Crédit du Nord et la société Caisse d'épargne Ile-de-France ont consenti à diverses sociétés de promotion immobilière des prêts destinés à financer l'achat de biens immobiliers ; qu'à la suite de l'annulation des contrats de vente, les notaires instrumentaires ont, par arrêt du 16 novembre 2017, été condamnés à indemniser les sociétés de promotion immobilière, lesquelles ont été condamnées à reverser aux banques les sommes que les notaires étaient tenus de leur régler, à concurrence du capital prêté restant dû ; que la société Conti et Sceg, avocat des sociétés de promotion immobilière (l'avocat), a fait pratiquer diverses saisies-attributions entre les mains des notaires, débiteurs de dommages-intérêts envers ses clientes, pour paiement des honoraires que lui devaient celles-ci, notamment en vertu de reconnaissances de dette notariées du 18 janvier 2010 ; que par jugement du 13 juin 2014, confirmé par arrêt du 11 mars 2016, un tribunal de grande instance, statuant sur l'action paulienne, notamment de la société Crédit du Nord, lui a déclaré inopposables les reconnaissances de dettes émises par les sociétés de promotion immobilière au profit de l'avocat ; qu'entre-temps, le bâtonnier de l'ordre, saisi par l'avocat, avait, par décision du 2 juillet 2012, entre autres dispositions, fixé à la somme de 1 731 310,20 euros HT le montant total des honoraires dus à l'avocat par les sociétés de promotion immobilière ; que le 29 octobre 2012, la société Crédit du Nord, la société Caisse d'épargne Ile-de-France et les notaires ont formé tierce opposition à la décision du bâtonnier du 2 juillet 2012 ; que, par décision du 23 mai 2016, ce dernier a déclaré irrecevables ces tierces oppositions ; que la société Crédit du Nord et les notaires ont formé un recours contre cette décision ;

Attendu que pour déclarer recevable la tierce opposition formée par la société Crédit du Nord, l'ordonnance retient que le décret du 27 novembre 1991 ne prévoit pas que la décision du bâtonnier est susceptible de tierce opposition ; qu'elle ne l'interdit pas non plus ; qu'en particulier, le fait que l'article 176 du décret ne prévoit qu'un recours devant le premier président de la cour d'appel ne saurait suffire à démontrer que la tierce opposition est exclue, dès lors que l'article 277 dispose qu'il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n'est pas réglé par le présent décret ; que le bâtonnier tranche un litige entre l'avocat et son client en faisant application de règles de droit, après que chacun d'eux a pu faire valoir ses arguments dans le cadre d'une procédure organisée et contradictoire, et ce en rendant une décision susceptible d'un recours devant un magistrat de l'ordre judiciaire ; que certes, il n'a pas le pouvoir d'ordonner l'exécution provisoire de sa décision ; que néanmoins la loi prévoit qu'elle peut être rendue exécutoire par le président du tribunal de grande instance si elle n'est pas frappée de recours ; qu'il se déduit de ces divers éléments que le bâtonnier rend un jugement au sens de l'article 585 du code de procédure civile ; que les termes de « juridiction », « juge » ou « magistrat » utilisés par les textes relatifs à la tierce opposition ne démontrent pas que la tierce opposition est impossible en la matière ;

Qu'en statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 13 septembre 2018, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE IRRECEVABLE la tierce opposition formée par la société Crédit du Nord contre la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris du 2 juillet 2012.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Besson - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SARL Cabinet Briard ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 articles 174 et 175 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 articles 582 et 583 du code de procédure civile.

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