Numéro 3 - Mars 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2019

VENTE

3e Civ., 7 mars 2019, n° 18-10.973, (P)

Cassation partielle

Immeuble – Accessoires – Action en paiement des indemnités d'assurance contre l'assureur du vendeur – Exercice – Dommages nés antérieurement à la vente (oui)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 26 octobre 2017), que, par acte du 12 juin 2012, la société civile immobilière Activités courriers industriels et la société La Poste ont vendu un bâtiment industriel à M. Q..., à qui s'est substituée la société Axiatis, la réitération de la vente par acte authentique devant intervenir le 31 juillet 2013 ; qu'en juillet 2013, le bâtiment a subi des dégradations ; que, refusant de réitérer la vente, les vendeurs ont assigné l'acquéreur en caducité de la promesse de vente ; que celui-ci les a assignés en perfection de la vente et en paiement de la clause pénale et d'une somme destinée à la remise en état des lieux ; que l'assureur de l'immeuble, la société Allianz IARD, a été appelée à l'instance ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que la société Axiatis fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant au paiement de la remise en état des lieux ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la remise du bien en l'état où il se trouvait au jour de la promesse de vente était impossible dès lors qu'il devait donner lieu à une réhabilitation lourde pour pouvoir connaître une utilisation quelconque et souverainement retenu, répondant aux conclusions prétendument délaissées, que la mesure du préjudice subi par l'acquéreur était le surcoût de la reconstruction, dont ni la réalité ni l'ampleur n'étaient démontrés, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et qui n'a pas tenu compte de la vétusté de l'immeuble pour refuser d'indemniser l'acquéreur, en a déduit à bon droit que la demande devait être rejetée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 121-10 du code des assurances ;

Attendu que, pour écarter la subrogation de la société Axiatis dans les droits des venderesses à l'égard de leur assureur, l'arrêt retient que c'est au jour du sinistre que doit être appréciée la qualité de propriétaire des biens assurés donnant seule vocation au bénéfice de l'assurance ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le sinistre était survenu après la conclusion de la promesse de vente et que, sauf clause contraire, l'acquéreur du bien assuré se voit transmettre l'ensemble des droits nés du contrat d'assurance souscrit par le cédant et peut en conséquence réclamer le versement entre ses mains de l'indemnité due au titre du sinistre, alors même que celui-ci serait antérieur au transfert de propriété, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de subrogation de la société Axiatis dans les droits de la société civile immobilière Activités courriers industriels et la société La Poste, l'arrêt rendu le 26 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Greff-Bohnert - Avocat(s) : SCP Boulloche ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Caston -

Textes visés :

Article L. 121-10 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

Sur la continuation de plein droit de l'assurance au profit de l'acquéreur, à rapprocher : 1re Civ., 20 novembre 1990, pourvoi n° 89-12.534, Bull. 1990, I, n° 251 (cassation) ; 1re Civ., 21 mars 1995, pourvoi n° 92-18.576, Bull. 1995, I, n° 132 (rejet) ; 1re Civ., 18 juillet 2000, pourvoi n° 98-12.272, Bull. 2000, I, n° 212 (rejet) ; 2e Civ., 13 juillet 2005, pourvoi n° 03-12.533, Bull. 2005, II, n° 195 (cassation). Sur l'action en paiement des indemnités d'assurance contre l'assureur du vendeur, à rapprocher : 3e Civ., 15 septembre 2016, pourvoi n° 15-21.630, Bull. 2016, III, n° 113 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

3e Civ., 21 mars 2019, n° 18-10.772, (P)

Cassation partielle

Promesse de vente – Immeuble – Acquéreur – Faculté de rétractation – Conditions d'information – Notification de l'acte – Modalités – Détermination

La notification de la promesse de vente par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, prévue par l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation, n'est régulière que si la lettre est remise à son destinataire ou à un représentant muni d'un pouvoir à cet effet.

Intermédiaire – Intermédiaire professionnel – Responsabilité – Obligation de vérifier – Concours à la rédaction de l'acte – Mandataire de l'une des parties – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 octobre 2017), que, le 22 décembre 2012, M. et Mme G... ont consenti à M. et Mme Y..., par l'intermédiaire de l'agence immobilière En Appart'Et, une promesse de vente d'un immeuble qui a été notifiée le même jour, en application de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation ; que, le 31 juillet 2013, le notaire chargé de la rédaction de l'acte authentique de vente a dressé un procès-verbal de difficultés constatant le défaut de consentement à la vente des acquéreurs qui avaient exercé leur droit de rétractation ; que M. et Mme G... les ont assignés, ainsi que l'agent immobilier, en paiement de la clause pénale stipulée à la promesse et en indemnisation de leurs préjudices ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. et Mme G... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes contre les acquéreurs, alors, selon le moyen :

1°/ que les actes du mandataire apparent engagent le mandant, comme s'ils émanaient directement de celui-ci, de sorte que la signature apposée par un tel mandataire sur l'accusé de réception de la notification d'une promesse de vente prévue à l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation suffit à établir que la promesse a été personnellement notifiée à l'acquéreur ; que dès lors, en affirmant, pour juger que la signature par M. Y... de l'accusé de réception de la notification de la promesse destinée à son épouse était privée d'effet et refuser de rechercher si ce dernier n'était pas titulaire d'un mandat apparent l'autorisant à recevoir une telle notification au nom de son épouse, qu'à supposer même que M. Y... ait pu être considéré par La Poste comme investi d'un tel mandat, il ne pouvait être tenu pour certain que l'acte sous seing privé avait été notifié à Mme Y..., la cour d'appel a violé les articles 1984 et 1998 du code civil, ensemble l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation ;

2°/ que la croyance légitime dans le pouvoir de représentation de celui qui paraît agir au nom et pour le compte d'un tiers permet d'engager ce tiers sur le fondement du mandat apparent ; qu'en se contentant d'énoncer, pour juger que M. Y... n'avait pas signé l'avis de réception de la notification de la promesse litigieuse destinée à son épouse en qualité de mandataire, que l'avis de réception de la poste prévoyait qu'en cas de signature par un mandataire, le nom et le prénom de celui-ci étaient indiqués et que l'avis de réception litigieux ne précisait pas le nom et le prénom du signataire, sans rechercher si le fait que la poste se soit déchargée de la lettre recommandée destinée à Mme Y..., en acceptant que M. Y... appose sa signature sur l'avis de réception, n'avait pas donné à la société En Appart'Et et aux époux G... la croyance légitime que M. Y... avait reçu le pouvoir de son épouse de se faire délivrer la lettre en son nom, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1984 et 1998 du code civil ;

3°/ que le délai de rétractation de sept jours prévu à l'article L. 271-1 code de la construction et de l'habitation commence à courir à compter du lendemain de la première présentation de la lettre recommandée avec avis de réception ayant notifié à l'acquéreur la promesse de vente ; qu'en retenant, pour juger que le délai de rétractation n'avait pas commencé à courir à l'égard des époux Y... et qu'en conséquence, la promesse de vente litigieuse devait être annulée par l'effet de leur rétractation, que M. Y... avait signé le 26 décembre 2012 les avis de réception de la notification de la promesse de vente destinés tant à lui-même qu'à son épouse et qu'il n'était pas certain que cette dernière en ait reçu notification, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que le délai de rétractation avait commencé à courir, à tout le moins, à l'égard de M. Y... le 26 décembre 2012 (au plus tard), et a violé l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation ;

4°/ que dans leurs conclusions d'appel, les époux G... soutenaient que les époux Y... avaient commis une faute en taisant pendant plusieurs mois les difficultés qu'ils rencontraient pour financer l'acquisition du bien litigieux et leur décision de ne plus acquérir celui-ci, en les laissant ainsi notamment engager des frais inutiles et irréversibles pour leur nouveau logement ; qu'en se contenant de retenir, pour écarter toute faute des époux Y..., que le délai de rétractation prévu par l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation n'avait pas commencé à courir à leur égard, sans répondre au moyen opérant dont elle était saisie tiré de la faute des époux Y... à avoir maintenu pendant plusieurs mois les époux G... dans l'ignorance de leur situation et de leur décision de ne plus acquérir le bien, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la notification de la promesse de vente par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, prévue par l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation, n'est régulière que si la lettre est remise à son destinataire ou à un représentant muni d'un pouvoir à cet effet ; qu'ayant retenu que, l'avis de réception de la lettre de notification adressée à Mme Y... le 22 décembre 2012 étant revêtu de la signature de M. Y..., sans précision du nom et prénom du signataire, celui-ci n'avait pas signé en qualité de mandataire de son épouse et qu'il n'était pas certain que la promesse avait été notifiée à Mme Y..., la cour d'appel en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à des recherches sur l'existence d'un mandat apparent que ses constatations rendaient inopérantes, que le délai de rétractation n'avait pas couru à l'égard de Mme Y... avant l'exercice, par celle-ci, de ce droit et a légalement justifié sa décision annulant le contrat ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que, pour rejeter la demande de M. et Mme G... contre l'agent immobilier, l'arrêt retient que la société En Appart'Et, en sa qualité de mandataire des vendeurs et de rédacteur de l'avant-contrat, a notifié à chacun des époux acquéreurs, séparément et dans les formes prévues par l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation, l'avant-contrat du 22 décembre 2012 et que, ce faisant, l'agent immobilier a rempli sa mission, laquelle n'incluait pas la vérification des signatures apposées sur les avis de réception ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombait à l'agent immobilier de vérifier la sincérité, au moins apparente, de la signature figurant sur l'avis de réception de la lettre recommandée adressée aux acquéreurs, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. et Mme G... contre la société En Appart'Et, l'arrêt rendu le 27 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Farrenq-Nési - Avocat général : M. Kapella - Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation.

Rapprochement(s) :

Sur la notification de la promesse de vente aux époux acquéreurs, à rapprocher : 3e Civ., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-15.361, Bull. 2010, III, n° 114 (cassation) ; 3e Civ., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-14.503, Bull. 2010, III, n° 120 (rejet). Sur la nécessité, pour l'intermédiaire professionnel, de s'assurer de la réunion de toutes les conditions nécessaires à l'efficacité juridique de la convention, à rapprocher : 1re Civ., 14 janvier 2016, pourvoi n° 14-26.474, Bull. 2016, I, n° 10 (cassation), et les arrêts cités ; 1re Civ., 14 février 2018, pourvoi n° 17-10.514, Bull. 2018, III, n° 28 (cassation).

1re Civ., 27 mars 2019, n° 17-24.242, (P)

Rejet

Vente aux enchères publiques – Vente volontaire de meubles aux enchères publiques – Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques – Procédure disciplinaire – Recours devant la cour d'appel de Paris – Assistance à l'audience du commissaire du gouvernement auprès du Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et du ministère public – Article 6, § 1, de la convention européenne des droits de l'homme – Compatibiité

Ne méconnaît pas le principe de l'égalité des armes, tel qu'il résulte de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'assistance du commissaire du gouvernement auprès du Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et du ministère public à l'audience de la cour d'appel, au cours de laquelle ils sont entendus.

Vente aux enchères publiques – Vente volontaire de meubles aux enchères publiques – Société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques – Responsabilité – Faute – Applications diverses – Oblitgation d'informer le vendeur du lieu de la vente

Sous peine de sanction disciplinaire, l'opérateur de ventes volontaires est tenu d'informer le vendeur du lieu où doit se tenir la vente de ses biens aux fins de lui permettre d'apprécier le montant des frais de transport de ceux-ci.

Vente aux enchères publiques – Vente volontaire de meubles aux enchères publiques – Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques – Procédure disciplinaire – Sanction – Contrôle de proportionnalité – Etendue – Détermination

Dès lors qu'elle procède au contrôle de proportionnalité de la sanction de l'interdiction définitive d'exercer l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques qu'elle prononce à l'encontre d'un opérateur de ventes volontaires, une cour d'appel justifie légalement sa décision, sans être tenue de constater le caractère insuffisant de toute autre sanction disciplinaire.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 juin 2017), que, par décision du 13 janvier 2017, le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (le CVV) a prononcé contre la société D... G..., opérateur de ventes volontaires (l'OVV), une interdiction définitive d'exercer l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, et contre M. D... G..., commissaire-priseur de ventes volontaires (le commissaire-priseur), une interdiction d'exercer cette activité pour une durée de douze mois, et ordonné la publication de la décision sur le site du CVV ainsi que dans deux organes de presse régionale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'OVV et le commissaire-priseur font grief à l'arrêt de confirmer la décision du CVV, alors, selon le moyen, que l'exigence d'un procès équitable implique qu'en matière disciplinaire, la personne poursuivie ou son avocat soit entendu à l'audience et puisse avoir la parole en dernier, et que mention en soit faite dans la décision ; qu'en l'espèce, faute de toute mention de l'arrêt indiquant que le conseil du commissaire-priseur et de l'OVV, non comparants, aurait été invité à prendre la parole en dernier, la cour d'appel, qui statuait en matière disciplinaire, a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 459 du code de procédure civile, l'omission ou l'inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s'il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d'audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées ;

Et attendu que, si l'arrêt ne mentionne pas que l'avocat des personnes poursuivies, non comparantes, a eu la parole en dernier, il ressort cependant de l'extrait du registre d'audience signé du greffier et du président, certifié conforme par le greffier en chef, que tel a été le cas ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que l'OVV et le commissaire-priseur font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que l'exigence d'un procès équitable s'oppose à ce que le commissaire du gouvernement du CVV soit entendu, en plus du ministère public, devant la cour d'appel statuant sur le recours formé contre une décision disciplinaire du CVV ; qu'en l'espèce, en donnant la parole au commissaire du gouvernement du CVV, la cour d'appel a méconnu le principe de l'égalité des armes et violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, 24 avril 2003, Yvon c. France, n° 44962/98, § 31), le principe de l'égalité des armes est l'un des éléments de la notion plus large de procès équitable, au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il exige un juste équilibre entre les parties, chacune d'elles devant se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son ou ses adversaires ;

Attendu qu'il résulte des articles L. 321-21, R. 321-40 et R. 321-45 du code de commerce que le commissaire du gouvernement auprès du CVV est un magistrat du parquet, nommé par le garde des sceaux, qui a compétence pour saisir ce conseil statuant en matière disciplinaire et ainsi engager des poursuites à l'encontre de l'opérateur de ventes volontaires aux enchères publiques et de la personne habilitée à diriger les ventes ; que, selon l'article R. 321-48 du même code, le commissaire du gouvernement, comme la personne poursuivie et son avocat, est entendu par le CVV, avant que celui-ci ne statue en matière disciplinaire, et n'assiste pas au délibéré ; qu'en application des articles R. 321-40, alinéa 4, et R. 321-49, il peut former, à l'encontre des décisions du CVV, qui lui sont notifiées, le recours prévu à l'article L. 321-23 ; qu'il résulte de ce qui précède que le commissaire du gouvernement auprès du CVV a la qualité de partie à l'instance devant celui-ci statuant en matière disciplinaire ainsi que devant la cour d'appel de Paris statuant sur ledit recours ;

Attendu qu'aux termes de l'article R. 321-53 du code de commerce, le recours est instruit et jugé selon les règles applicables à la procédure sans représentation obligatoire, le ministère public entendu ; qu'il en résulte que le ministère public est partie jointe devant la cour d'appel de Paris statuant sur le recours prévu à l'article L. 321-23 du même code ;

Attendu que, lors de l'examen du recours formé contre les décisions du CVV statuant en matière disciplinaire, le commissaire du gouvernement et le ministère public n'exercent pas les mêmes fonctions ; que le premier engage les poursuites disciplinaires et expose les faits propres à les fonder, tandis que le second fait connaître son avis sur l'application à la personne poursuivie des lois, règlements ou obligations professionnelles applicables aux opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques mentionnés à l'article L. 321-4 et aux personnes habilitées à diriger les ventes en vertu du premier alinéa de l'article L. 321-9 ; que, dès lors que l'avis du ministère public ne rejoint pas nécessairement les prétentions du commissaire du gouvernement tendant à voir prononcer des sanctions disciplinaires à l'encontre de la personne poursuivie, l'assistance de l'un et l'autre à l'audience, au cours de laquelle ils sont entendus, ne place pas celle-ci dans une situation de net désavantage par rapport à eux et ne viole donc pas le principe de l'égalité des armes tel qu'il résulte de l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que l'OVV et le commissaire-priseur font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que tout manquement à l'obligation de l'opérateur de vente de fournir au vendeur une information loyale et complète sur le lieu où doit se tenir la vente aux enchères des biens confiés, est exclu lorsque les documents remis au vendeur portent l'indication claire d'un tel lieu ; qu'en l'espèce, en retenant que la mention, sur les réquisitions de vente, de l'adresse d'Issoudun aux côtés de l'indication « Harmonie patrimoine hôtel de vente du Centre », et la mention de cette adresse sur un reçu délivré par le commissaire-priseur, étaient insuffisantes à caractériser une information loyale et complète du vendeur quant au lieu où devait se tenir la vente aux enchères des biens confiés, la cour d'appel a violé les articles 1.1.2 et 1.4.2 du recueil des obligations déontologiques des opérateurs de ventes volontaires, ensemble l'article L. 321-22 du code de commerce ;

2°/ que la peine d'interdiction définitive d'exercice de l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ne peut, au regard de sa gravité, être prononcée que si le juge disciplinaire constate le caractère insuffisant de toute autre sanction disciplinaire ; qu'en l'espèce, en prononçant une telle sanction à l'encontre de l'OVV, sans constater que toute autre sanction disciplinaire aurait présenté un caractère insuffisant, la cour d'appel a violé l'article L. 321-22 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1.1.2., premier alinéa, du recueil des obligations déontologiques des opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, tel qu'approuvé par arrêté du 21 février 2012, l'opérateur de ventes volontaires est soumis à un devoir d'information à l'égard de ses clients, vendeurs et acheteurs, et, plus généralement, du public ; que, selon le troisième alinéa du même texte, il informe les clients et le public des conditions générales de la vente, notamment pour ce qui concerne les frais qu'il perçoit auprès de l'acheteur, les modalités de règlement et d'enlèvement des biens achetés et, plus généralement, le déroulement de la vente ;

Qu'il résulte de ce texte que, sous peine de sanction disciplinaire, l'opérateur de ventes volontaires est tenu d'informer le vendeur du lieu où doit se tenir la vente de ses biens aux fins de lui permettre d'apprécier le montant des frais de transport de ceux-ci ;

Attendu que l'arrêt relève que c'est en considération de l'activité de vente aux enchères faussement localisée à Nevers que M. S... a pris contact, au mois de mars 2014, avec le commissaire-priseur, et que ce dernier a reconnu, lors de son audition, ne pas avoir précisé à son client que la vente se déroulerait à Issoudun et non à Nevers, où celui-ci n'exerçait pas son activité ; qu'il retient que l'indication, sur les réquisitions, de la mention : « Harmonie patrimoine hôtel des ventes du centre », accompagnée d'une adresse à Issoudun, est insuffisante à caractériser une information loyale et complète, par la société de vente à son client, de ce que les objets confiés à cette fin et situés à vingt kilomètres de Nevers, où les réquisitions mentionnaient que l'OVV disposait d'un bureau de représentation, allaient être vendus à Issoudun, qui se trouve à cent vingt kilomètres du lieu de réquisition des meubles ; qu'il ajoute que la circonstance que le commissaire-priseur ait délivré, lors de son passage au domicile de la mère du client et de l'enlèvement d'un premier lot, un reçu à M. S... mentionnant son adresse de commissaire-priseur à Issoudun ne constitue pas l'information requise quant au lieu de la vente ; que, de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel a pu déduire que l'OVV avait manqué à son devoir d'information ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt constate, par motifs propres et adoptés, la réitération par l'OVV du manquement à son obligation de loyauté, qui avait déjà été sanctionné par un blâme pour des faits similaires tenant à l'inscription d'activités locales fictives en 2011, constituant une manoeuvre déloyale à l'encontre des autres opérateurs, ainsi que la multiplicité, la répétition et la durée des autres manquements aux obligations déontologiques qui doivent garantir la confiance des vendeurs envers l'opérateur, notamment l'absence de mandat écrit du vendeur et de description précise des objets confiés en vue de la vente, ainsi que le maintien des adresses fictives en cours de procédure ; qu'il relève que l'ensemble de ces manquements constituent un obstacle dirimant à l'exercice de l'activité d'opérateur de ventes volontaires ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a procédé au contrôle de proportionnalité de la sanction, sans être tenue de constater le caractère insuffisant de toute autre sanction disciplinaire que celle qu'elle estimait devoir appliquer, a légalement justifié sa décision de prononcer l'interdiction définitive d'exercer l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques à l'encontre de l'OVV ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Truchot - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : Me Le Prado ; SCP Hémery, Thomas-Raquin et Le Guerer -

Textes visés :

Article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 459 du code de procédure civile ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article L. 321-22 du code de commerce ; articles 1.1.2 et 1.4.2 du recueil des obligations déontologiques des opérateurs de ventes volontaires ; article L. 321-22 du code de commerce ; articles 1.1.2 et 1.4.2 du recueil des obligations déontologiques des opérateurs de ventes volontaires.

Rapprochement(s) :

Sur la portée des mentions sur le registre d'audience, à rapprocher : 1re Civ., 14 juin 1988, pourvoi n° 86-19.184, Bull. 1988, I, n° 187 (rejet). Sur la nécessité de donner la parole en dernier à l'avocat de la défense en matière disciplinaire, à rapprocher : 1re Civ., 3 juillet 2013, pourvoi n° 12-23.553, Bull. 2013, I, n° 143 (1) (cassation), et l'arrêt cité ; 1re Civ., 1er juin 2016, pourvoi n° 15-11.243, Bull. 2016, I, n° 125 (2) (cassation). Sur le rôle du commissaire du gouvernement et le respect du principe d'égalité des armes, cf. : CEDH, arrêt du 24 avril 2003, Yvon c. France, n° 44962/98. Sur la responsabilité des opérateurs de ventes volontaires, à rapprocher : 1re Civ., 15 juin 2016, pourvoi n° 15-19.365, Bull. 2016, I, n° 135 (1) (rejet).

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