Numéro 3 - Mars 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2019

STATUTS PROFESSIONNELS PARTICULIERS

Soc., 27 mars 2019, n° 18-10.903, (P)

Cassation

Emplois domestiques – Employé de maison – Durée du travail – Contrat de travail à durée déterminée – Réglementation – Dispositions d'ordre public du code du travail – Domaine d'application – Chèque emploi-service universel – Détermination – Portée

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1242-2 et L. 1242-8 du code du travail, dans leur rédaction applicable, ensemble l'article 7 de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999 et l'article L. 1271-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que si l'utilisation du chèque emploi-service universel pour les emplois n'excédant pas huit heures hebdomadaires dispense l'employeur d'établir un contrat de travail écrit, elle ne lui permet pas de déroger aux dispositions d'ordre public du code du travail régissant les cas de recours au contrat à durée déterminée et ses conditions de renouvellement ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. T... a été engagé par Mme R... le 1er mai 1999 en qualité de jardinier rémunéré, à raison de huit heures de travail hebdomadaires, d'abord par chèques emploi-service, puis par chèques emploi-service universels ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

Attendu que pour dire que les parties étaient liées par une succession de contrats à durée déterminée mensuels et débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que l'acceptation du salarié pour bénéficier du chèque emploi-service universel régi par la convention collective des particuliers employeurs à raison de huit heures de travail hebdomadaires dispensait les parties de la rédaction d'un contrat de travail écrit en application de l'article 5 de l'annexe 3 de l'accord paritaire du 13 octobre 1995 devenu l'article L. 1271-5 du code du travail aux termes duquel pour les emplois dont la durée de travail n'excède pas huit heures par semaine ou ne dépasse pas quatre semaines consécutives dans l'année, l'employeur et le salarié qui utilisent le chèque emploi service universel sont réputés satisfaire aux obligations mises à la charge de l'un ou de l'autre par les articles L. 1242-12 et L. 1242-13 du code du travail pour un contrat de travail à durée déterminée et L. 3123-14 du code du travail pour un contrat de travail à temps partiel, que c'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que la relation de travail entre les parties ne pouvait s'analyser en un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel et qu'il s'agit en l'espèce d'un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel renouvelable chaque mois dès lors que l'absence de contrat écrit autorisé par la loi en l'occurrence ne permet pas la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée quand bien même cette relation se serait poursuivie sans interruption depuis le 1er mai 1999 sauf à ajouter au texte une condition qu'il ne prévoit pas ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le contrat de travail n'avait pas été conclu pour l'exécution d'une tâche temporaire, de sorte qu'il ne pouvait être à durée déterminée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Schamber - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; Me Carbonnier -

Textes visés :

Articles L. 1242-2, L. 1242-8 et L. 1271-5 du code du travail, dans leur rédaction applicable ; article 7 de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999.

Soc., 27 mars 2019, n° 17-21.014, n° 17-21.028, (P)

Cassation partielle

Voyageur représentant placier – Rémunération – Commissions – Commissions de retour sur échantillonnage – Nature – Détermination – Effets – Inclusion dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés

Les commissions de retour sur échantillonnages qui sont fonction des résultats produits par le travail personnel du salarié entrent dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés.

Voyageur représentant placier – Rémunération – Indemnité de congés payés – Calcul – Assiette – Rémunération totale – Eléments pris en compte – Commissions de retour sur échantillonnage – Portée

Vu la connexité, joint les pourvois n° 17-21.014 et 17-21.028 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme E... a été engagée par la société Bausch & Lomb le 11 août 1998 en qualité d'attachée commerciale ; qu'à compter du 27 juin 1999, le contrat de travail a été transféré à la société Luxottica France ; que le 28 janvier 2002, les parties ont signé un contrat de travail de voyageur, représentant, placier exclusif ; que, licenciée le 18 octobre 2012, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur les premier, deuxième et quatrième moyens du pourvoi de l'employeur et le quatrième moyen du pourvoi de la salariée : Publication sans intérêt

Sur le troisième moyen du pourvoi de l'employeur :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser une certaine somme au titre d'indemnité pour utilisation du domicile personnel pour raisons professionnelles alors, selon le moyen :

1°/ que la prescription quinquennale instituée par l'article L. 143-14 devenu L. 3245-1 du code du travail s'appliquait à toute action engagée à raison de sommes afférentes aux salaires et notamment à l'indemnité destinée à compenser la sujétion résultant de l'occupation d'une partie du domicile du salarié à des fins professionnelles ; que la salariée ayant saisi le conseil de prud'hommes le 29 novembre 2012, sa demande en paiement d'une indemnité à ce titre était prescrite pour la période antérieure au 29 novembre 2007 ; qu'en énonçant, pour écarter la fin de non-recevoir soulevée par l'employeur, que la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 avait réduit le délai de prescription de trente à cinq ans pour cette action, et qu'étant entrée en vigueur le 19 juin 2008, le nouveau délai court à compter de cette date de sorte que la salariée pouvait présenter sa demande jusqu'au 18 juin 2013 pour toute sa période d'emploi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2°/ que les VRP, qui travaillent nécessairement en dehors de tout établissement et qui sont remboursés de leurs frais professionnels, n'ont pas à être indemnisés spécifiquement pour la sujétion particulière que représenterait l'utilisation d'une partie de leur domicile à des fins professionnelles ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a constaté que Mme E..., VRP, était remboursée pour l'ensemble des frais qu'elle exposait au titre de son activité par l'allocation d'une somme forfaitaire égale à 30 % de ses commissions, a cependant considéré qu'elle devait en outre être spécifiquement indemnisée pour l'utilisation de son domicile à des fins professionnelles au prétexte inopérant qu'elle ne disposait pas de bureau fourni par l'employeur, que la salariée ne pouvait que très ponctuellement utiliser son outil informatique sur le terrain et entre deux rendez-vous pour assumer ses tâches administratives et ne pouvait laisser dans son véhicule les échantillons des collections qu'elle présentait, et que la clause contractuelle relative à la prise en charge à hauteur de 30 % des commissions des frais professionnels exposés ne comportait aucune mention de nature à établir que ce montant couvrait la sujétion découlant de l'obligation pour la salariée d'utiliser une partie de son domicile personnel à des fins professionnelles ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1135 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et les articles L. 1121-1 et L. 1221-1 du code du travail ;

Mais attendu d'abord, que le salarié peut prétendre à une indemnité au titre de l'occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu'un local professionnel n'est pas mis effectivement à sa disposition ; que l'occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée du salarié et n'entre pas dans l'économie générale du contrat ; qu'il en résulte que la demande en paiement d'une indemnité d'occupation du domicile à des fins professionnelles ne constitue pas une action engagée à raison de sommes afférentes aux salaires ;

Attendu ensuite que la cour d'appel qui a relevé que l'action en paiement de l'indemnité d'occupation, qui était soumise auparavant à la prescription trentenaire n'était pas prescrite au jour de l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ayant réduit à cinq ans le délai de prescription applicable aux actions personnelles et mobilières de sorte que l'action introduite le 29 novembre 2012 avait été engagée dans le délai de prescription désormais applicable courant à compter de l'entrée en vigueur de la loi précitée, en a exactement déduit que les créances antérieures au 29 novembre 2007 n'étaient pas prescrites ;

Et attendu, enfin, qu'ayant constaté que l'employeur ne mettait pas à la disposition de la salariée un espace pour y réaliser ses tâches administratives et y stocker son matériel, et que par ailleurs la clause contractuelle de prise en charge à hauteur de 30 % des commissions des frais professionnels exposés ne comportait aucune mention de nature à établir que ce montant couvrait également la sujétion découlant de l'obligation pour la salariée d'utiliser une partie de son domicile personnel à des fins professionnelles, la cour d'appel a exactement retenu que la demande d'indemnisation de cette dernière devait être accueillie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi de la salariée : Publication sans intérêt

Mais sur le premier moyen du pourvoi de la salariée : Publication sans intérêt

Et sur le troisième moyen du pourvoi de la salariée ;

Vu l'article L. 3141-22 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige et l'article L. 7313-11 du code du travail ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de congés payés afférents aux commissions de retour sur échantillonnages, l'arrêt retient que ces commissions n'entrent pas dans l'assiette de calcul des congés payés ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les commissions de retour sur échantillonnages, qui sont fonction des résultats produits par le travail personnel du salarié entrent dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme E... de ses demandes de congés payés afférents aux commissions de retour sur échantillonnages, d'indemnité spéciale de rupture et dit que les sommes allouées par le bureau de conciliation viendront en déduction des condamnations, l'arrêt rendu le 5 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Ala - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Articles L. 1121-1 du code du travail ; articles L. 3141-22, dans sa rédaction applicable au litige, et L. 7313-11 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'indemnisation de la sujétion que constitue l'occupation à titre professionnel du domicile, à rapprocher : Soc., 8 novembre 2017, pourvoi n° 16-18.499, Bull. 2017, V, n° 192 (rejet), et l'arrêt cité.

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