Numéro 3 - Mars 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2019

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX

2e Civ., 14 mars 2019, n° 18-12.620, (P)

Cassation

Contentieux général – Procédure – Procédure gracieuse préalable – Commission de recours amiable – Saisine – Exclusion – Cas – Décision de refus de conciliation opposée par la caisse consécutive à une demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par la victime

Donne acte à M. J... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé à l'encontre du ministre chargé de la sécurité sociale ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 452-4, alinéa 1, et R. 142-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu, selon le premier de ces textes, qu'à défaut d'accord amiable entre la caisse et la victime ou ses ayants droit d'une part, et l'employeur d'autre part, sur l'existence de la faute inexcusable reprochée à ce dernier, ainsi que sur le montant de la majoration et des indemnités mentionnées à l'article L. 452-3, il appartient à la juridiction de la sécurité sociale compétente, saisie par la victime ou ses ayants droit ou par la caisse primaire d'assurance maladie, d'en décider ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en cas de refus de la caisse de mettre en oeuvre la procédure de conciliation, la victime n'est pas tenue, préalablement à l'instance contentieuse, de saisir la commission de recours amiable de cet organisme dans les conditions prévues par le second ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que salarié de la société Atelier de Seine-et-Marne, M. J... a déclaré, le 27 avril 2004, un syndrome dépressif que la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne (la caisse) a pris en charge, le 13 juillet 2010, sur recours de l'intéressé, après avis favorable d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ; que la victime a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;

Attendu que pour déclarer cette demande irrecevable, l'arrêt retient qu'il résulte des dispositions des articles R. 142-18 et R. 142-1 du code de la sécurité sociale que le tribunal des affaires de sécurité sociale ne peut être saisi d'une réclamation contre un organisme de sécurité sociale qu'après que celle-ci a été soumise à une commission de recours amiable ; qu'en l'espèce, M. J... a accusé réception, le 18 juillet 2013, d'une décision de refus de conciliation opposée par la caisse, le 16 juillet 2013 ; que cette décision rappelait l'obligation, en cas de contestation, de saisir la commission de recours amiable dans le délai de deux mois à compter de la notification ; qu'à défaut d'avoir contesté cette décision devant la commission de recours amiable, la décision de refus de conciliation de la caisse est devenue définitive ; que l'action est donc forclose ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Le Fischer - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Articles L. 452-4, alinéa 1, et R. 142-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige.

2e Civ., 21 mars 2019, n° 17-27.805, (P)

Rejet

Contentieux général – Procédure – Procédure orale – Effets – Conclusions – Conclusions écrites d'une partie réitérées verbalement à l'audience – Nécessité

Il résulte de l'article R. 142-20-1 du code de la sécurité sociale, que la procédure applicable au contentieux général de la sécurité sociale étant orale, seules les conclusions écrites, réitérées verbalement à l'audience des débats, saisissent valablement le juge.

En conséquence, à défaut pour l'opposant à contrainte de comparaître, le tribunal des affaires de sécurité sociale n'est pas saisi des demandes contenues dans sa lettre d'opposition.

En outre, à défaut pour l'opposant à contrainte de saisir valablement le tribunal de demandes reconventionnelles, c'est à bon droit qu'une cour d'appel ne les prend pas en compte dans le calcul du taux de ressort.

Contentieux général – Procédure – Action – Opposition à contrainte – Demandeur à l'opposition – Comparution – Défaut – Effet

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 juin 2017), statuant sur renvoi après cassation (2e Civ., 9 janvier 2014, pourvoi n° 12-29.578) que la Réunion des assureurs maladie professions libérales d'Ile-de-France (la RAM) lui ayant décerné une contrainte pour le recouvrement des cotisations de l'année 2008 à hauteur de la somme de 997 euros, M. M..., exerçant à titre libéral l'activité de conseil, a formé opposition devant une juridiction de sécurité sociale, laquelle a validé la contrainte en litige ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. M... fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable, alors, selon le moyen :

1°/ que les jugements statuant sur des demandes dont le montant est indéterminé sont susceptibles d'appel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que M. M... formulait en première instance une demande de dommages-intérêts dont le montant n'était pas précisé ; qu'en décidant néanmoins que le jugement du 22 novembre 2010 n'était pas susceptible d'appel, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article R. 142-25 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que les juges sont tenus de ne pas dénaturer les actes de la procédure ; qu'en l'espèce, il résulte de l'acte introductif d'instance du 15 avril 2010 que M. M... sollicitait en première instance, non seulement l'annulation de la contrainte de 997 euros et l'allocation de dommages-intérêts, mais également le remboursement des cotisations versées à la FMP CAMPI ; qu'en retenant que M. M... se bornait, dans cette lettre introductive d'instance, à former opposition à une contrainte d'un montant inférieur au taux de ressort et à solliciter des dommages-intérêts sans en préciser le montant, la cour d'appel a dénaturé l'acte introductif d'instance du 15 avril 2010, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ que le tribunal des affaires de sécurité sociale statue en dernier ressort jusqu'à la valeur de 4 000 euros ; qu'en l'espèce, M. M... rappelait qu'il sollicitait en première instance, non seulement l'annulation de la contrainte de 997 euros, mais également le remboursement des cotisations versées à la FMP CAMPI ainsi que l'indemnisation de son préjudice ; qu'en se bornant à relever que M. M..., dans son acte introductif d'instance, formait opposition à une contrainte d'un montant inférieur au taux de ressort, sans s'expliquer sur les autres chefs de demande formulés dans cette lettre du 15 avril 2010, la cour d'appel a de toute façon privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 142-25 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article R. 142-20-1 du code de la sécurité sociale que la procédure applicable au contentieux général de la sécurité sociale étant orale, seules les conclusions écrites, réitérées verbalement à l'audience des débats, saisissent valablement le juge ;

Et attendu que M. M... n'ayant pas comparu à l'audience, le tribunal des affaires de sécurité sociale n'était pas saisi de ses demandes reconventionnelles contenues dans sa lettre d'opposition à contrainte ;

D'où il suit que le moyen est inopérant ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. M... fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que pour déterminer le taux du ressort et identifier la voie de recours dont le jugement peut faire l'objet, il faut s'attacher aux demandes formulées dans le cadre de conclusions écrites, dès lors qu'elles sont déposées au greffe, peu important que leur auteur n'ait pas comparu à l'audience sans en être dispensé ; qu'en effet, il est nécessaire d'identifier la voie de droit adéquate, pour déterminer si la procédure de première instance a été régulière, en l'état des demandes qui ont pu être formulées en première instance, quelle que soit la solution qu'on puisse in fine retenir quant à leur recevabilité ; qu'en refusant de prendre en compte les conclusions de M. M... en date du 23 septembre 2010, déposées au greffe, les juges du fond ont violé l'article R. 142-25 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article R. 142-20-1 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu qu'à défaut pour M. M... d'avoir valablement saisi le tribunal de demandes reconventionnelles, c'est à bon droit que la cour d'appel ne les a pas prises en compte dans le calcul du taux de ressort ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Lemoine - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article R. 142-20-1 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

Sur la nécessité de soutenir oralement les demandes formulées dans des conclusions écrites en matière de contentieux général de la sécurité sociale, à rapprocher : Soc., 16 janvier 1992, pourvoi n° 89-21.716, Bull. 1992, V, n° 11 (cassation), et l'arrêt cité ; 2e Civ., 15 mai 2014, pourvoi n° 12-27.035, Bull. 2014, II, n° 111 (rejet), et les arrêts cités.

2e Civ., 14 mars 2019, n° 18-10.409, (P)

Cassation

Preuve – Procès-verbaux des contrôleurs de la sécurité sociale – Opérations de contrôle – Méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation – Mise en oeuvre – Régularité – Conditions – Détermination

Il résulte de l'article R. 243-59-2, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007, que lorsqu'il propose à l'employeur d'utiliser les méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, l'inspecteur du recouvrement remet à l'intéressé, quinze jours avant le début de cette vérification, un document lui indiquant les différentes phases de la mise en oeuvre des méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation et les formules statistiques utilisées pour leur application, ainsi qu'une copie de l'arrêté susmentionné.

Viole ces dispositions la cour d'appel qui, ayant constaté que l'inspecteur du recouvrement avait, en sollicitant de l'employeur les éléments et pièces nécessaires la constitution d'une base de sondage, engagé la vérification par échantillonnage et extrapolation avant l'expiration du délai de quinze jours imparti à celui-ci pour s'y opposer, rejette le recours de la société.

Preuve – Procès-verbaux des contrôleurs de la sécurité sociale – Opérations de contrôle – Méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation – Mise en oeuvre – Remise de documents informatifs par l'inspecteur du recouvrement – Remise dans le délai de quinze jours avant le début de la vérification – Nécessité

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article R. 243-59-2, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007, applicable au contrôle litigieux ;

Attendu, selon ce texte, que lorsqu'il propose à l'employeur d'utiliser les méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, l'inspecteur du recouvrement remet à l'intéressé, quinze jours avant le début de cette vérification, un document lui indiquant les différentes phases de la mise en oeuvre des méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation et les formules statistiques utilisées pour leur application, ainsi qu'une copie de l'arrêté susmentionné ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un contrôle portant sur les années 2007 et 2008, l'URSSAF d'Ile-de-France (l'URSSAF) a notifié à la société Hacor interim (la société), un redressement ; que la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que, pour rejeter ce dernier, l'arrêt retient qu'après avoir été destinataire d'un avis de contrôle de l'URSSAF du 2 novembre 2009, la société a été destinataire, le 1er décembre 2009, de la charte du cotisant contrôlé et de documents comprenant le descriptif général décrivant les méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation, les formules statistiques utilisées par ces techniques, une copie de l'arrêté du 11 avril 2007 explicitant la méthode de vérification par échantillonnage et extrapolation ; qu'il relève que, le 2 décembre 2009, l'URSSAF a écrit à la société qu'elle lui envoyait l'échantillon pour investigation des frais professionnels, et que la société devait lui fournir pour chaque dossier les bulletins de salaire de l'année, les contrats de mission, les relevés d'heures, les justificatifs des frais engagés, les justificatifs de domicile pour la période concernée par la vérification, les barèmes de remboursement ou accords éventuels des entreprises utilisatrices sur la période concernée par la vérification ; que ce n'est que le 2 février 2010, que les inspecteurs ont adressé à la société en lettre recommandée avec accusé de réception le descriptif ; que ce courrier, revenu sans avoir été réclamé par la société, lui a été remis en mains propres le 19 février 2010 ; que c'est, dès lors, à juste titre que les premiers juges, au visa des dispositions de l'article R. 243-59-2, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, prévoyant que les documents destinés à informer l'employeur sur la méthode de l'échantillonnage et de l'extrapolation devaient être remis à celui-ci non pas quinze jours avant le début du contrôle mais quinze jours avant de début de la vérification, ont retenu que la société avait été avisée conformément aux conditions légales de l'intention de l'URSSAF d'avoir recours à cette méthode et, que sans manifestation d'opposition de la part de la société, il devait être considéré que le principe du recours à cette méthode avait été accepté par la société ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'inspecteur du recouvrement avait, en sollicitant de l'employeur les éléments et pièces nécessaires à la constitution d'une base de sondage, engagé la vérification par échantillonnage et extrapolation avant l'expiration du délai de quinze jours imparti à l'employeur pour s'y opposer, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Vigneras - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article R. 243-59-2, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007.

Rapprochement(s) :

Sur la mise en oeuvre de la procédure de vérification par échantillonnage et extrapolation, à rapprocher : 2e Civ., 15 mars 2018, pourvoi n° 17-11.891, Bull. 2018, II, n° 58 (cassation), et les arrêts cités.

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