Numéro 3 - Mars 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2019

SANTE PUBLIQUE

1re Civ., 20 mars 2019, n° 18-14.751, n° 18-50.007, (P)

Sursis à statuer

Assistance médicale à la procréation – Assistance médicale à la procréation pratiquée à l'étranger – Transcription d'un acte d'état civil étranger – Désignation d'une femme comme mère et d'une autre comme « parent » – Pourvoi posant la question – Sursis à statuer – Cas – Demande d'avis consultatif à la Cour européenne des droits de l'homme sur la maternité d'intention

Vu leur connexité, joint les pourvois n° 18-14.751 et 18-50.007 ;

Sur les moyens des pourvois n° 18-14.751 et 18-50.007, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 décembre 2017), qu'aux termes de leurs actes de naissance dressés par le bureau de l'état civil du district de Lambeth (Londres, Royaume-Uni), B... N... G... est née le [...] à Londres, ayant pour mère Mme N... et pour parent Mme G..., toutes deux de nationalité française, et A... N... G... est né le [...] à Londres, ayant pour mère Mme G... et pour parent Mme N... ; que, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes s'étant opposé à leur demande de transcription des actes de naissance sur les registres de l'état civil consulaire, au motif qu'ils n'étaient pas conformes à l'article 47 du code civil, en l'absence de certificat d'accouchement permettant d'identifier la mère, Mmes N... et G... l'ont assigné à cette fin ;

Attendu que l'assemblée plénière de la Cour de cassation (arrêt du 5 octobre 2018, pourvoi n° 10-19.053, publié) a adressé à la Cour européenne des droits de l'homme une demande d'avis consultatif sur les questions suivantes :

1°/ En refusant de transcrire sur les registres de l'état civil l'acte de naissance d'un enfant né à l'étranger à l'issue d'une gestation pour autrui en ce qu'il désigne comme étant sa « mère légale » la « mère d'intention », alors que la transcription de l'acte a été admise en tant qu'il désigne le « père d'intention », père biologique de l'enfant, un Etat-partie excède-t-il la marge d'appréciation dont il dispose au regard de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ? A cet égard, y a-t-il lieu de distinguer selon que l'enfant est conçu ou non avec les gamètes de la « mère d'intention » ?

2°/ Dans l'hypothèse d'une réponse positive à l'une des deux questions précédentes, la possibilité pour la mère d'intention d'adopter l'enfant de son conjoint, père biologique, ce qui constitue un mode d'établissement de la filiation à son égard, permet-elle de respecter les exigences de l'article 8 de la Convention ?

Attendu que cet arrêt relève que, si la question de la transcription de la paternité biologique est aujourd'hui résolue, il n'en est pas de même de celle de la « maternité d'intention », pour laquelle la Cour de cassation s'interroge sur l'étendue de la marge d'appréciation dont disposent les Etats signataires de la Convention ; qu'à cet égard, la question se pose de savoir si, en refusant de transcrire l'acte de naissance sur les registres de l'état civil français s'agissant de la « mère d'intention », alors que la transcription a été admise pour le père biologique de l'enfant, un Etat-partie méconnaît l'article 8 de la Convention à l'égard tant de la « mère d'intention » que des enfants nés d'une gestation pour autrui à l'étranger ;

Attendu que, si la question posée par les présents pourvois n'est pas identique dès lors qu'est sollicitée la transcription, sur les registres de l'état civil, des actes de naissance étrangers d'enfants conçus par assistance médicale à la procréation et non à l'issue d'une convention de gestation pour autrui, elle présente cependant un lien suffisamment étroit avec la question de la « maternité d'intention » soumise à la Cour européenne des droits de l'homme pour justifier qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de son avis et de l'arrêt de l'assemblée plénière à intervenir sur le pourvoi n° 10-19.053 ;

PAR CES MOTIFS :

SURSOIT À STATUER jusqu'à l'arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation à intervenir sur le pourvoi n° 10-19.053 ;

Renvoie la cause et les parties à l'audience de formation de section du 17 décembre 2019.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Cotty - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Articles 310-3, 311-25, 47 et 34, a), du code civil ; articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 3, § 1, de la Convention de New York relative aux droits de l'enfant.

Rapprochement(s) :

Sur la demande d'avis consultatif adressé à la Cour européenne des droits de l'homme sur la question de la transcription d'un acte d'état civil étranger mentionnant la parenté d'intention, à rapprocher : Ass. plén., 5 octobre 2018, pourvoi n° 10-19.053, Bull. 2018, Ass. plén., (sursis à statuer) ; 1re Civ., 20 mars 2019, pourvoi n° 18-11.815, Bull. 2019, I, (rejet et sursis à statuer).

1re Civ., 6 mars 2019, n° 17-31.265, (P)

Cassation sans renvoi

Lutte contre les maladies et les dépendances – Lutte contre les maladies mentales – Décision d'admission du patient en hospitalisation complète – Saisine du juge des libertés et de la détention – Saisine tardive – Détermination – Exclusion – Cas – Saisine intervenue dans le délai légal de huit jours à compter de la décision d'admission

Une saisine du juge des libertés et de la détention intervenue dans le délai de huit jours à compter de la décision d'admission en soins psychiatriques prévu à l'article L. 3211-12-1, I, du code de la santé publique, ne peut être considérée comme tardive.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 3211-12-1, I, du code de la santé publique ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que le juge des libertés et de la détention, tenu de se prononcer avant l'expiration d'un délai de douze jours, à compter de la décision d'admission, sur la poursuite de soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, est saisi dans un délai de huit jours à compter de cette décision ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que, le 27 septembre 2017, le maire de La Roche-sur-Foron a arrêté, sur le fondement de l'article L. 3213-2 du code de la santé publique, une mesure provisoire d'hospitalisation de M. W... dans l'établissement public de santé mentale de la ville ; que le lendemain, le préfet a pris une décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement sur le fondement des articles L. 3213-1 et L. 3213-2 du même code, puis, le 3 octobre, a saisi le juge des libertés et de la détention afin qu'il statue sur la poursuite de cette mesure ;

Attendu que, pour déclarer cette saisine tardive, l'ordonnance énonce que, malgré les diligences accomplies la veille par le greffe, celle-ci est parvenue à 11 heures 08 au tribunal de grande instance alors que l'audience qui se tenait dans les locaux du centre hospitalier se terminait à 11 heures 10, de sorte qu'un débat contradictoire n'était plus possible ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le délai de huit jours à compter de la décision d'admission du préfet n'était pas expiré, le premier président a violé le texte susvisé ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 18 octobre 2017, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Chambéry ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article L. 3211-12-1, I, du code de la santé publique.

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