Numéro 3 - Mars 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2019

SAISIE IMMOBILIERE

Com., 20 mars 2019, n° 17-29.009, (P)

Rejet

Biens saisis – Immeuble grevé d'une hypothèque – Redressement judiciaire du débiteur – Cession des biens – Droit de suite – Conditions d'exercice – Titre exécutoire contre le seul débiteur

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 24 octobre 2017), que suivant acte notarié du 28 mai 2004, les sociétés Sade, Banque Rhône-Alpes et Banque populaire des Alpes ont chacune consenti à la société Patsy un prêt destiné à financer la construction d'un immeuble à usage d'hôtel sur un tènement appartenant à la société Scorinvest ; qu'en garantie de ces prêts, cette dernière s'est rendue caution en affectant hypothécairement le tènement et le bail à construction qu'elle a consenti à la société Patsy ; que, par un acte notarié du 19 septembre 2005, les sociétés Sade, Banque Rhône-Alpes et Banque populaire des Alpes ont chacune consenti à la société Patsy de nouveaux concours, garantis chacun par le cautionnement hypothécaire de la société Scorinvest sur le tènement et sur le bail à construction ; que, par un traité de fusion-absorption du 24 juillet 2014, la société Patsy a absorbé la société Scorinvest ; que le 18 août 2014, la société Patsy a été mise en liquidation judiciaire ; que le tribunal a arrêté un plan de cession globale de ses actifs au profit de MM. F... et K... prévoyant la reprise par le cessionnaire de la charge des sûretés grevant les actifs immobiliers dans les conditions de l'article L. 642-12, alinéa 4, du code de commerce ; que les actes de cession ont été passés le 8 avril 2015 ; que la société France Resort Immo (le cessionnaire), qui s'est substituée à MM. F... et K..., ayant été défaillante dans le paiement des échéances dues après le transfert de propriété, la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes, venant aux droits de la Banque populaire Rhône-Alpes, lui a délivré un commandement de payer valant saisie immobilière des immeubles grevés, puis l'a assignée en vente forcée et dénoncé la procédure à la société Banque Rhône-Alpes et à la société BNP Paribas, qui est venue aux droits de la société Sade ;

Attendu que le cessionnaire fait grief à l'arrêt d'ordonner la vente forcée alors, selon le moyen :

1°/ que le titre exécutoire qui constate une créance liquide et exigible permet au créancier d'en poursuivre l'exécution forcée auprès de son débiteur, dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution ; qu'en l'espèce, pour retenir la validité du commandement aux fins de saisie immobilière signifié par les créanciers poursuivants à le cessionnaire, la cour d'appel a retenu que celle-ci, après jugement arrêtant le plan de cession de la société Patsy et acte de cession des actifs immobiliers de la société Patsy, avait accepté le transfert de la charge des prêts consentis par les banques ; qu'en statuant ainsi sans constater que celles-ci justifiaient d'un titre constatant, outre l'engagement de payer de le cessionnaire, la condamnation de celle-ci au paiement de sa créance, liquide et exigible, à l'égard des créanciers la cour d'appel a violé les articles L. 111.2 et L. 111.6 du code des procédures civiles d'exécution ;

2°/ qu'en cas de cession de biens grevés de sûretés, le transfert, au cessionnaire, de la charge des sûretés immobilières garantissant le remboursement d'un crédit consenti à l'entreprise emporte l'obligation d'acquitter entre les mains du créancier les mensualités convenues avec lui et qui restent dues à compter du transfert de propriété ; que cette obligation personnelle du cessionnaire n'emportant pas novation par changement de débiteur, à défaut de décision condamnant le cessionnaire au paiement de la dette et liquidant sa créance, le créancier ne dispose pas à son égard d'un titre exécutoire ; qu'en retenant néanmoins que les créanciers poursuivants, qui n'étaient pas intervenus à la cession des actifs, justifiaient de titres exécutoires qu'auraient constitué les actes de prêt initiaux et l'acte de cession des actifs, et en déclarant valables les commandements fondés sur des titres qui, à l'égard du débiteur poursuivi, n'étaient pas exécutoires, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 642-12, alinéa 4, du code de commerce et par refus d'application l'article L. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

Mais attendu que si, en application de l'article L. 642-12, alinéa 4, du code de commerce, la cession des biens grevés d'une hypothèque garantissant le remboursement de prêts consentis au débiteur pour financer l'acquisition de ces biens transfère au cessionnaire la charge de l'hypothèque et l'oblige au paiement des échéances dues à compter du transfert de propriété convenues avec le créancier, elle n'emporte pas novation par substitution de débiteur de sorte que ce dernier restant débiteur des mensualités mises à la charge du cessionnaire, le créancier hypothécaire, qui a conservé le bénéfice de sa sûreté garantissant cette créance et le droit de suite en résultant, peut exercer ce droit contre le cessionnaire défaillant, dans la limite des échéances impayées postérieurement à la cession ; qu'ayant constaté que les prêts garantis par l'hypothèque grevant les biens cédés avaient été reçus par actes notariés, la cour d'appel en a exactement déduit que les créanciers poursuivants justifiaient d'un titre exécutoire les autorisant à exercer leur droit de suite en saisissant les biens grevés entre les mains du cessionnaire, défaillant dans le paiement des échéances mises à sa charge ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Schmidt - Avocat général : M. Richard de la Tour (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SARL Cabinet Briard ; SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Lévis -

Textes visés :

Article L. 642-12, alinéa 4, du code de commerce.

2e Civ., 21 mars 2019, n° 17-31.170, (P)

Rejet et cassation partielle sans renvoi

Commandement – Péremption – Constatation – Juge de l'exécution – Relevé d'office – Possibilité

Le juge de l'exécution statuant en matière de saisie immobilière peut relever d'office la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière.

Attendu, selon les arrêts attaqués, rendus sur renvoi après cassation (Com., 5 avril 2016, pourvoi n° 14-20.467), que la Banque populaire Côte d'Azur, aux droits de laquelle vient la Banque populaire Méditerranée (la banque), a fait délivrer à M. et Mme G... un commandement de payer valant saisie immobilière d'un bien leur appartenant, constitué par un lot d'un ensemble immobilier, propriété de la société Kaprim, en liquidation judiciaire, et les a fait assigner à comparaître à l'audience d'orientation d'un juge de l'exécution ; qu'un arrêt de la Cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt confirmatif de la cour d'appel, qui avait annulé la procédure de saisie immobilière ; que sur renvoi, la cour d'appel a, par un premier arrêt, invité les parties à présenter leurs observations sur la péremption du commandement et, dans un second arrêt, a constaté la péremption de celui-ci, a déclaré la procédure de saisie nulle et de nul effet et la banque irrecevable en ses demandes ;

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et cinquième branches :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt avant dire droit du 18 mai 2017 d'ordonner la réouverture des débats et d'inviter les parties à donner leurs observations sur la péremption du commandement et les effets de celle-ci et à l'arrêt du 26 octobre 2017 d'infirmer le jugement d'orientation, de statuer sur le moyen tiré de la péremption invoqué pour la première fois devant elle, de constater la péremption du commandement de payer valant saisie du 8 avril 2011, de déclarer nulle et de nul effet la procédure de saisie immobilière et de la déclarer irrecevable en ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il est interdit au juge de modifier l'objet du litige déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dans leurs conclusions du 16 février 2017, les débiteurs saisis demandaient à la cour d'appel de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge de l'exécution sur le moyen tiré de la péremption du commandement, sans la saisir d'une demande tendant à voir constater la péremption du commandement, ainsi que la cour d'appel l'avait elle-même relevé ; que dans ses conclusions du 17 février 2017, la banque demandait à la cour d'appel de constater qu'elle n'était pas saisie d'une demande tendant à voir constater la péremption du commandement et de déclarer irrecevable et, subsidiairement, mal fondée la demande de sursis à statuer formée par les débiteurs saisis ; qu'ainsi, en ordonnant la réouverture des débats par son arrêt du 18 mai 2017 afin de permettre aux parties de présenter devant elle leurs observations sur la péremption du commandement et les effets de cette péremption, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et, partant, violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°/ que le principe de l'égalité des armes implique qu'une partie ne soit pas placée dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; qu'en ordonnant la réouverture des débats par son arrêt du 18 mai 2017 afin de permettre aux débiteurs saisis de former devant elle une demande tendant à voir constater la péremption du commandement au détriment de la banque, la cour d'appel a placé cette dernière dans une situation de net désavantage par rapport aux débiteurs saisis et a ainsi violé le principe susvisé et, partant, l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que la péremption du commandement n'intervient pas de plein droit et ne peut être relevée d'office par le juge ; que la constatation de la péremption du commandement doit être demandée au juge et ce, au plus tard à la date de l'audience d'orientation si la péremption est acquise avant cette date ; qu'ainsi, en l'espèce, dès lors que les débiteurs saisis étaient irrecevables à demander la constatation de la péremption du commandement après la date de l'audience d'orientation compte tenu de l'acquisition de la péremption avant cette date, la cour d'appel ne pouvait ordonner la réouverture des débats, inviter les parties à présenter leurs observations sur la péremption du commandement et les effets de cette péremption puis constater la péremption du commandement au motif erroné que le constat de la péremption s'imposait à elle, sans violer les articles R. 311-5, R. 321-20 et R. 321-21 du code des procédures civiles d'exécution ;

Mais attendu que le juge qui constate que le commandement de payer valant saisie immobilière est périmé peut le relever d'office ;

Et attendu qu'ayant constaté que M. et Mme G... soutenaient que le commandement de payer valant saisie immobilière avait cessé de produire ses effets le 30 mai 2013 et sollicitaient un sursis à statuer jusqu'à la décision qui serait prise par le juge de l'exécution qu'ils avaient saisi d'une demande en ce sens, c'est sans modifier l'objet du litige ni violer le principe d'égalité des armes que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique, pris en sa septième branche, tel que reproduit en annexe :

Attendu que la banque fait le même grief à l'arrêt ;

Mais attendu que c'est sans excéder ses pouvoirs que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique annexé, pris en sa troisième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa sixième branche :

Vu les articles R. 321-20 et R. 321-21 du code des procédures civiles d'exécution ;

Attendu qu'après avoir constaté la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière signifié à M. et Mme G... le 8 avril 2011, la cour d'appel a déclaré nulle et de nul effet la procédure de saisie immobilière ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le commandement valant saisie immobilière cesse de plein droit de produire effet en cas de constat de la péremption, mettant ainsi fin à la procédure de saisie immobilière, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen pris en sa quatrième branche :

Rejette le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 18 mai 2017 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré la procédure de saisie immobilière nulle et de nul effet, l'arrêt rendu le 26 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Constate que la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière a mis fin à la procédure de saisie immobilière engagée par la Banque populaire Méditerranée.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Leroy-Gissinger - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Articles R. 321-20 et R. 321-21 du code des procédures civiles d'exécution.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 18 octobre 2018, pourvoi n° 17-21.293, Bull. 2018, II (cassation partielle sans renvoi).

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