Numéro 3 - Mars 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2019

PRESCRIPTION CIVILE

Com., 6 mars 2019, n° 17-22.668, (P)

Cassation partielle

Délai – Point de départ – Applications diverses – Nantissement d'un contrat d'assurance-vie en garantie du remboursement d'un prêt in fine – Manquement à l'obligation d'information du client – Risque de ne pas pouvoir rembourser le prêt à son terme par le rachat en raison d'une contre-performance du contrat – Préjudice – Perte d'une chance d'éviter la réalisation de ce risque – Survenance du dommage – Terme du prêt

Lorsque le souscripteur d'un contrat d'assurance-vie, nanti en garantie du remboursement d'un prêt in fine, reproche à la banque prêteuse, par l'intermédiaire de laquelle ce contrat a été souscrit, de ne pas l'avoir informé du risque que, du fait d'une contre-performance de ce contrat, son rachat ne permette pas de rembourser le prêt à son terme, le dommage qu'il invoque consiste en la perte de la chance d'éviter la réalisation de ce risque.

Ce risque ne pouvant se réaliser qu'au terme du prêt, le dommage ainsi invoqué ne peut lui-même survenir qu'à cette date, laquelle constitue en conséquence le point de départ de l'action en responsabilité exercée contre la banque par le souscripteur.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 7 mai 1999, la Société générale (la banque) a consenti à la SCI Eloes (la SCI) un prêt remboursable in fine à l'issue d'une période de douze ans ; que le remboursement de ce prêt était garanti par le nantissement de deux contrats d'assurance-vie, souscrits par M. V... par l'intermédiaire de la banque, et par le cautionnement de celui-ci et de la société Crédit logement ; que la banque, faisant valoir que le rachat total des contrats d'assurance-vie le 9 mars 2012 n'avait permis qu'un remboursement partiel du prêt, a, le 31 mai 2012, mis en demeure la SCI et les cautions de lui payer les sommes restant dues ; qu'après avoir désintéressé la banque, la société Crédit logement a assigné la SCI en paiement ; que M. V... et la SCI ont assigné la banque en responsabilité le 18 mars 2013, en lui reprochant de n'avoir pas informé M. V..., lors de la souscription des contrats d'assurance-vie, du risque que le rachat de ces contrats ne permette pas de rembourser le prêt à son terme ; que les instances ont été jointes ;

Sur le moyen unique, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la SCI à payer une certaine somme à la société Crédit logement et de dire que M. V... sera tenu au paiement d'une partie de cette condamnation :

Attendu que les motifs critiqués n'étant pas le soutien de ces chefs du dispositif, le moyen est inopérant ;

Mais sur le moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire prescrite l'action en responsabilité engagée par la SCI et M. V... contre la Société générale :

Vu l'article L. 110-4 du code de commerce ;

Attendu que pour déclarer prescrite l'action en responsabilité engagée par M. V... et la SCI contre la banque, l'arrêt, après avoir énoncé que le dommage résultant du manquement du banquier à ses obligations de conseil et de mise en garde à l'occasion du montage mis en place pour financer une acquisition immobilière et associant souscription d'un prêt in fine et adhésion à des contrats d'assurance-vie consiste en la perte d'une chance de ne pas contracter, laquelle se manifeste dès l'octroi du prêt, retient que la prescription a donc commencé à courir à la date de conclusion du contrat de prêt, en l'occurrence le 7 mai 1999 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le dommage invoqué par M. V..., souscripteur des contrats d'assurance-vie nantis, consistait en la perte de la chance d'éviter la réalisation du risque que, du fait d'une contre-performance de ces contrats, leur rachat ne permette pas de rembourser le prêt, et que ce risque n'avait pu se réaliser qu'au terme de celui-ci, en 2011, de sorte que ce dommage, comme celui, par ricochet, invoqué par la SCI, n'avaient pu survenir qu'à cette date et que l'action exercée le 18 mars 2013 n'était donc pas prescrite, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il déclare prescrite l'action en responsabilité contractuelle engagée par la SCI Eloes et M. V... contre la Société générale et en ce qu'il condamne la SCI Eloes et M. V... à payer à la Société générale la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 11 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Met hors de cause, sur sa demande, la société Crédit logement dont la présence devant la cour de renvoi n'est plus nécessaire à la solution du litige.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Blanc - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article L. 110-4 du code de commerce.

2e Civ., 21 mars 2019, n° 17-10.663, (P)

Rejet

Interruption – Acte interruptif – Action en justice – Déclaration d'appel devant une cour incompétente – Appel non fondé ou irrecevable – Effet

Interruption – Interruption non avenue – Domaine d'application

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 16 novembre 2016), que la société Montpellier rugby club a interjeté appel le 17 août 2015 devant la cour d'appel de Paris d'un jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 28 juillet 2015 dans un litige l'opposant à M. E..., et qui lui a été notifié le 6 août 2015 ; que le 8 avril 2016, la société Montpellier rugby club a interjeté appel du même jugement devant la cour d'appel de Montpellier ; que par arrêt du 30 juin 2016, la cour d'appel de Paris a déclaré l'appel du 17 août 2015 irrecevable, comme formé devant une juridiction territorialement incompétente ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Montpellier rugby club fait grief à l'arrêt de rejeter la note en délibéré et l'exception de communication de pièces et de déclarer irrecevable l'appel interjeté le 8 avril 2016, alors, selon le moyen, que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense ; que le juge doit, en toutes circonstances et même lorsque la procédure est orale, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, qui constitue le fondement du droit à un procès équitable ; que dans le dossier qu'il a remis à la cour d'appel le jour de l'audience, M. E... a communiqué à la juridiction des spécimens d'accusés de réception de courriers et notifications adressés à la société Montpellier rugby club dont celle-ci, par hypothèse, ne disposait pas et qu'elle n'avait pu consulter ; qu'en refusant néanmoins d'écarter des débats ces pièces qui n'avaient pas été communiquées en temps utile pour permettre à la société Montpellier rugby club d'organiser sa défense, la cour d'appel a violé les articles 15 et 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant exactement relevé que les avis de réception de convocation devant le bureau de conciliation et à l'audience de départage du conseil de prud'hommes étaient des pièces de la procédure, c'est sans violer le principe de la contradiction et sans méconnaître l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'elle a refusé de les écarter des débats ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Montpellier rugby club fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'appel interjeté le 8 avril 2016, alors, selon le moyen :

1°/ que la notification d'un jugement, effectuée en application de l'article 665-1 du code de procédure civile, est réputée faite à personne lorsque l'avis de réception est signé par son destinataire, et réputée faite à domicile ou à résidence lorsque l'avis de réception est signé par une personne munie d'un pouvoir à cet effet ; qu'en l'absence d'avis de réception signé par un représentant de la personne morale destinataire ou d'une personne munie d'un pouvoir, le greffe doit inviter la partie à procéder par voie de signification ; que la société Montpellier rugby club faisait valoir que l'avis de réception de la notification du jugement du conseil de prud'hommes du 28 juillet 2015 n'avait pas été signé par son représentant légal, ni par une personne disposant d'une délégation de pouvoir ; que pour juger néanmoins la notification régulière, la cour d'appel, qui a constaté que l'avis de réception n'avait été signé ni par le président de la société ni par les personnes ayant reçu délégation de pouvoir à cette fin, a considéré que cet avis avait été nécessairement signé par un préposé de la société et que la signature était identique ou similaire à celle portée sur d'autres notifications ; qu'en statuant ainsi, sans constater l'identité du signataire de la notification ni l'existence d'une délégation de pouvoir reçue par ce signataire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 665-1, 670 et 675 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que la demande en justice portée devant une juridiction incompétente interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ; que la déclaration d'appel portée devant une cour d'appel territorialement incompétente interrompt le délai d'appel ; que la décision constatant l'irrecevabilité de l'appel résultant de l'incompétence de la cour d'appel saisie ne rend pas non avenue l'interruption du délai d'appel ; que la société Montpellier rugby club a interjeté appel du jugement du conseil de prud'hommes de Montpellier du 28 juillet 2015 devant la cour d'appel de Paris le 17 août 2015 ; que la déclaration d'appel, portée devant une cour d'appel incompétente, a interrompu le délai d'appel ; que pour déclarer irrecevable l'appel interjeté par la société Montpellier rugby club devant la cour d'appel de Montpellier le 8 avril 2016, cette dernière a considéré que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 30 juin 2016 déclarant irrecevable l'appel formé devant cette cour, en application de l'article R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire relatif à la compétence territoriale de la cour d'appel, avait rendu non avenue l'interruption du délai d'appel ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 2241 et 2243 du code civil, ensemble les articles R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu que la société Montpellier rugby club avait pu interjeter appel dans le délai requis, la cour d'appel n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inutile ;

Et attendu, d'autre part, que si, en application de l'article 2241 du code civil, une déclaration d'appel, serait-elle formée devant une cour d'appel incompétente, interrompt le délai d'appel, cette interruption est, en application de l'article 2243 du même code, non avenue lorsque l'appel est définitivement rejeté par un moyen de fond ou par une fin de non-recevoir ; qu'ayant constaté que l'appel avait été déclaré irrecevable, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a retenu que l'interruption du délai d'appel était non avenue ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, est mal fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : Me Haas ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Articles 2241 et 2243 du code civil.

Rapprochement(s) :

Com., 26 janvier 2016, pourvoi n° 14-17.952, Bull. 2016, IV, n° 17 (cassation partielle sans renvoi).

2e Civ., 21 mars 2019, n° 17-31.502, (P)

Rejet

Interruption – Acte interruptif – Demande en justice – Exclusion – Cas – Déclaration d'appel caduque

Ayant exactement retenu que la demande en justice dont la caducité a été constatée ne peut interrompre le cours de la prescription, une cour d'appel en déduit à bon droit que le délai d'appel d'un mois, qui court à compter de la signification du jugement et qui n'a pas été interrompu par une première déclaration d'appel frappée de caducité, était expiré lorsque le second appel a été formé devant elle, et que cet appel était irrecevable.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 octobre 2017), que, dans un litige l'opposant au syndicat des copropriétaires du [...], la société Sabrina a interjeté appel le 3 août 2016, devant la cour d'appel de Paris, d'un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre qui lui avait été signifié le 18 juillet 2016 ; que le 29 septembre 2016, elle a interjeté appel du jugement devant la cour d'appel de Versailles ; que, dans l'instance pendante devant la cour d'appel de Paris, le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 4 janvier 2017, constaté la caducité de la déclaration d'appel faute pour l'appelante d'avoir conclu dans le délai requis ;

Attendu que la société Sabrina fait grief à l'arrêt de déclarer l'appel du 29 septembre 2016 irrecevable, alors, selon le moyen :

1°/ que la demande en justice interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ; qu'il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ; que tout en concédant, à la différence du premier juge, que la cour d'appel de Paris, qui avait été initialement saisie le 3 août 2016, soit dans le délai d'appel, était incompétente pour connaître de l'appel interjeté contre le jugement entrepris, prononcé par le tribunal de grande instance de Nanterre, la cour d'appel a dénié tout effet interruptif à l'acte de saisine de la juridiction parisienne pour en déduire l'irrecevabilité, motif pris de sa tardiveté, de l'appel qui avait été ensuite formé le 29 septembre 2016 devant la cour d'appel de Versailles, seule juridiction compétente pour en connaître ; qu'en refusant ainsi de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, la cour d'appel a violé l'article 2241, alinéa 2, du code civil ;

2°/ que l'interruption du délai de forclusion résultant de la demande en justice ou de l'exercice du recours n'est non avenue que si le demandeur se désiste de sa demande, s'il laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée ; qu'il s'ensuit que la décision constatant la caducité de la déclaration d'appel, faute pour l'appelant d'avoir conclu dans le délai de trois mois, ne prive pas cette déclaration de l'effet interruptif de forclusion qui lui est normalement attaché ; qu'en décidant au contraire que l'appel frappé de caducité était dépourvu de tout effet interruptif, la cour d'appel a violé l'article 2243 du code civil ;

3°/ subsidiairement, qu'à supposer même que l'effet interruptif de forclusion s'attachant à un acte d'appel puisse être regardé, en règle générale, comme non avenu si l'acte d'appel est ensuite frappé de caducité faute pour l'appelant d'avoir conclu dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile, cette règle doit recevoir exception lorsque c'est uniquement en raison de l'incompétence de la cour d'appel initialement saisie que l'appelant s'est abstenu de conclure dans le délai requis tout en saisissant parallèlement la cour d'appel territorialement compétente ; qu'en considérant que l'ordonnance de caducité prononcée par le conseiller de la mise en état près la cour d'appel de Paris le 4 janvier 2007 avait privé l'appel interjeté devant cette cour de son effet interruptif, sans prendre en considération, comme elle y était invitée, le fait que si la société Sabrina s'était abstenue de conclure devant la cour d'appel de Paris, c'était uniquement parce que celle-ci était incompétente pour connaître de son appel, comme cela était d'ailleurs attesté par les motifs mêmes de l'ordonnance de caducité, la cour d'appel a, en tout état de cause, privé sa décision de base légale au regard des articles 2241 et 2243 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu que la demande en justice dont la caducité a été constatée ne peut interrompre le cours de la prescription, la cour d'appel en a déduit à bon droit que le délai d'appel d'un mois, qui courait à compter de la signification du jugement et n'avait pas été interrompu par la première déclaration d'appel frappée de caducité, était expiré lorsque la société Sabrina avait interjeté appel devant elle, et que cet appel était irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Leduc et Vigand ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article 2241, alinéa 2, du code civil.

3e Civ., 21 mars 2019, n° 17-28.021, (P)

Cassation partielle

Prescription biennale – Assurance – Action dérivant du contrat d'assurance – Clause ne comportant pas le rappel des dispositions légales – Sanction – Inopposabilité à l'assuré

Donne acte à la société Les souscripteurs du Lloyd's de Londres, à la société Acré et à la société civile professionnelle BTSG, prise en sa qualité de liquidateur de la société ICS, du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les héritiers de P... G... et la société Taillez, représentée par son mandataire judiciaire ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 21 septembre 2017), qu'en 1988, le syndicat des copropriétaires de la Résidence Le Président (le syndicat des copropriétaires) a entrepris des travaux de réhabilitation des façades de l'immeuble, sous la maîtrise d'œuvre de P... G... et de la société Cabinet G..., assurée auprès de la société Gan assurances IARD (le Gan) ; que la société Bureau Veritas, assurée auprès de la société Mutuelles du Mans (les MMA), a été chargée du contrôle technique ; que les travaux ont été confiés à la société STT-EPS Groupe Dumez, devenue SNC EPS Dumez, aux droits de laquelle se trouve la société Sogea Caroni, assurée auprès de la société Axa France IARD (Axa), laquelle a sous-traité le lot « étanchéité des terrasses et carrelage » à la société D... F..., assurée auprès de la société AGF IART, aux droits de laquelle vient la société Allianz IARD (Allianz), et le lot « pierres de façade » à la société Tailliez, aujourd'hui en liquidation judiciaire, assurée auprès du Gan ; que la société Sogepierre a fourni les pierres utilisées pour la rénovation des façades ; que le syndicat des copropriétaires a souscrit une assurance dommages-ouvrages auprès du pool Sprinks, géré par la société Acré, pour le compte de la société ICS, représentée par son liquidateur judiciaire, et dont les droits ont été cédés à la société Crawford, des Souscripteurs du Lloyd's de Londres et de la société Schweiz ; qu'après réception des travaux intervenue le 17 mars 1993, le syndicat des copropriétaires a constaté divers désordres affectant les parties communes ; que, le 14 mars 2003, il a assigné les assureurs dommages-ouvrage et la société Acré en désignation d'expert ; que, le 20 mars 2003, les assureurs dommages-ouvrage et la société Acré ont assigné en expertise commune les intervenants et leurs assureurs ; qu'un expert a été désigné par ordonnance de référé du 10 avril 2003 ; que, les 24, 25 et 30 novembre, 5 et 8 décembre 2005, le syndicat des copropriétaires a assigné en indemnisation les sociétés STT-EPS Groupe Dumez, Bureau Veritas, Cabinet G..., Acré, Crawford,

Les souscripteurs du Lloyd's de Londres, ICS, représentée par son liquidateur, D... F..., Sogepierre, Gan, MMA, Axa et AGF ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal :

Attendu que les sociétés Les souscripteurs du Lloyd's de Londres, Acré et BTSG, ès qualités, font grief à l'arrêt de rejeter les fins de non-recevoir tirées de la prescription et du défaut de qualité à agir du syndicat des copropriétaires en ce qui concerne les défauts d'étanchéité des seuils des portes-fenêtres alors, selon le moyen, que la régularisation de l'habilitation à agir en justice du syndic ne peut intervenir en dehors du délai de prescription, et que si la méconnaissance des dispositions de l'article R. 112-1 du code des assurances prescrivant le rappel des dispositions légales concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance est sanctionnée par l'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par l'article L. 114-1 du même code, l'assureur est néanmoins en droit d'invoquer la prescription de droit commun pour soutenir que la régularisation de l'habilitation à agir du syndic est intervenue tardivement ; qu'en l'espèce, les sociétés Acré, les souscripteurs du Lloyd's de Londres et la SCP BTSG ès qualités de liquidateur de la société ICS assurances avaient fait valoir que l'habilitation initiale du syndic était irrégulière et que, bien qu'ils ne puissent se prévaloir de la prescription édictée par l'article L. 114-1 du code des assurances, la régularisation intervenue par résolution adoptée lors de l'assemblée générale du 14 décembre 2013 devait être considérée comme tardive car postérieure à l'expiration du délai de prescription de droit commun intervenue le 19 juin 2013 de sorte qu'en retenant que la résolution prise lors de l'assemblée générale du 14 décembre 2013 avait pu régulariser la procédure diligentée par le syndicat des copropriétaires de la résidence « Le Président », dès lors que les dispositions des articles L. 112-2, L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances étaient d'ordre public et que les assureurs dommages ouvrage ne pouvaient opposer la prescription de droit commun, la cour d'appel a violé les articles 121 du code de procédure civile, ensemble les articles 2224 du code civil, L. 114-1 et R. 112-1 du code des assurances ;

Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit que l'assureur qui, n'ayant pas respecté les dispositions de l'article R. 112-1 du code des assurances, ne peut pas opposer la prescription biennale à son assuré, ne peut pas prétendre à l'application de la prescription de droit commun et relevé que, par délibération du 14 décembre 2013, le syndicat des copropriétaires avait habilité son syndic à agir au titre des désordres affectant les seuils des portes-fenêtres, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande formée de ce chef contre les assureurs dommages-ouvrage était recevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les troisième et quatrième moyens du pourvoi principal, les premier et second moyens du pourvoi incident des MMA et de la société Bureau Veritas, réunis, ci-après annexés :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 1984 du code civil ;

Attendu que, pour déclarer recevable l'action du syndicat des copropriétaires contre la société Acré et la condamner à lui payer diverses sommes, l'arrêt retient qu'il ressort d'une lettre, adressée le 12 février 2003 par elle au syndic, qu'elle se présente comme une société de gestion des sinistres et des recours pour le compte des sociétés d'assurance de l'ancien pool Sprinks et, la visant comme mandataire chargé du paiement des indemnisations afférentes aux sinistres garantis par les assureurs dommages-ouvrage, le syndicat des copropriétaires est fondé à rechercher sa condamnation, aux côtés de ces assureurs, aux fins d'obtenir réparation des différents préjudices subis du fait des désordres litigieux ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'exécution des obligations contractuelles nées des actes passés par un mandataire pour le compte et au nom de son mandant incombe à ce dernier seul, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Axa :

Vu l'article 2270, dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble l'article 55 du décret du 17 mars 1967 ;

Attendu que, pour déclarer recevable l'action du syndicat des copropriétaires au titre du désordre affectant les seuils des portes-fenêtres contre la société Axa et la condamner à lui payer diverses sommes, l'arrêt retient que l'habilitation initiale, donnée au syndic le 13 avril 2002, ne faisait pas état de ce désordre, mais que la résolution votée lors de l'assemblée générale du 14 décembre 2013, réitérant la première habilitation et la complétant, avait permis de régulariser postérieurement la procédure diligentée par le syndicat des copropriétaires ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la régularisation de l'habilitation du syndic était intervenue avant l'expiration du délai décennal pour agir sur le fondement de l'article 1792 du code civil, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident du Gan et le premier moyen du pourvoi incident de la société Allianz, réunis :

Vu les articles 2244 et 2270 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause ;

Attendu que, pour déclarer recevable l'action du syndicat des copropriétaires au titre du désordre affectant les seuils des portes-fenêtres contre le Gan et la société Allianz et les condamner à lui payer diverses sommes, l'arrêt retient que l'effet interruptif de l'assignation en référé délivrée par le syndicat des copropriétaires aux assureurs dommages-ouvrage et de l'assignation en extension des mesures d'instruction délivrée par ceux-ci aux intervenants à la construction et à leurs assureurs, lesquelles tendent aux mêmes fins et au même but, doit s'étendre à toutes les parties assignées en extension des opérations d'expertise ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, pour être interruptive de prescription, l'assignation doit être adressée à celui que l'on veut empêcher de prescrire et que celle délivrée par l'assureur dommages-ouvrage aux intervenants à la construction et à leurs assureurs n'est pas interruptive de prescription au profit du maître de l'ouvrage qui n'a assigné en référé expertise que l'assureur dommages-ouvrage, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen du pourvoi incident de la société Allianz :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour condamner la société Allianz, in solidum avec d'autres intervenants, à garantir les assureurs dommages-ouvrage des condamnations prononcées contre eux, à l'exception du doublement des intérêts moratoires, l'arrêt retient que l'effet interruptif de l'action initiale, ayant abouti à la désignation d'un expert et jointe à la seconde en extension des mesures d'expertise, lesquelles tendent aux mêmes fins et au même but, doit s'étendre à toutes les parties assignées en extension de ces mêmes opérations d'expertise ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Allianz qui soutenait que les assureurs n'avaient pas qualité pour agir à la date de leur assignation en référé délivrée le 17 mars 2003, dès lors qu'ils n'étaient pas, à cette date, subrogés dans les droits du syndicat des copropriétaires au titre des désordres d'étanchéité des seuils de portes-fenêtres, pas plus qu'ils ne l'étaient lorsque le juge du fond a statué, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare le syndicat des copropriétaires recevable en ses demandes formées à l'encontre de la société Acré, rejette les fins de non-recevoir tirées de la prescription décennale et du défaut de qualité à agir du syndicat des copropriétaires en ce qui concerne les défauts d'étanchéité des seuils des portes fenêtres à l'encontre, à l'égard de la société Axa, et des assureurs dommages-ouvrage : la société Acré, ICS assurances représentée par ses liquidateurs, les souscripteurs du Lloyd's de Londres, et la société Crawford, condamne in solidum les sociétés Axa, Allianz avec la société Sogea Caroni, venue aux droits et obligations de la société EPS Dumez, les sociétés Bureau Veritas, MMA, Gan, D... F... à payer au syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic Sergic, la somme de 66 000 euros toutes taxes comprises, au titre de la réparation des désordres d'étanchéité, des seuils des portes fenêtres, condamne la société Allianz, dans les limites de son contrat, en plafond et franchise in solidum avec la société Sogea Caroni venant aux droits et obligations de la société EPS Dumez, les sociétés Bureau Veritas, Cabinet G..., D... F..., Axa MMA, Gan, à garantir les assureurs dommages-ouvrage, de leurs condamnations, à l'exception du doublement des intérêts moratoires, l'arrêt rendu le 21 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Nivôse - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Delvolvé et Trichet ; SCP Didier et Pinet ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Article R 112-1 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 16 novembre 2011, pourvoi n° 10-25.246, Bull. 2011, III, n° 195 (cassation), et les arrêts cités ; 1re Civ., 29 juin 2016, pourvoi n° 15-19.751, Bull. 2016, I, n° 150 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

2e Civ., 21 mars 2019, n° 17-22.241, (P)

Rejet

Prescription de droit commun – Applications diverses – Action en liquidation d'astreinte

Prescription décennale – Article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Action en liquidation d'astreinte

Prescription quinquennale – Article 2224 du code civil – Domaine d'application – Action en liquidation d'astreinte

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 31 mai 2017), que par un jugement du 14 février 1996, un tribunal de commerce a ordonné à la SAS Cora (la société Cora) d'avoir à fermer, dans les huit jours de la signification du jugement et sous astreinte d'une certaine somme par jour de retard, certaines entrées qu'elle avait ouvertes au centre commercial de Sainte Marguerite, de telle sorte que la totalité du flux de la clientèle de l'hypermarché et de la cafétéria passe, à l'aller comme au retour, par la nouvelle galerie marchande ; que par acte du 25 septembre 2013, la société Iung, la société Key West, la société Louis Serco et la société Distrifood ont saisi un tribunal de commerce en liquidation de l'astreinte ;

Attendu que les sociétés Key West, Distrifood et Louis Serco font grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il les a déclarées irrecevables, par l'effet de la prescription, en l'ensemble de leurs demandes formées contre la société Cora, alors selon le moyen :

1°/ que la demande en liquidation d'une astreinte se prescrit par dix ans à compter de la signification du titre exécutoire qui la prononce ; qu'en ayant jugé qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 (19 juin 2008), la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2224 du code civil était applicable, quand seule la nouvelle prescription décennale relative à l'exécution des titres exécutoires l'était, de sorte qu'elle n'aurait été écoulée que le 19 juin 2018, sans que l'addition des deux délais (prescription déjà courue à la date du 19 juin 2008 et nouveau délai décennal) n'épuise l'ancien délai trentenaire, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil par fausse application, ensemble les articles L. 111-3 et L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution ;

2°/ que la fraude corrompt tout et met obstacle à l'application de la prescription ; qu'en ayant écarté la fraude de la société Cora, au motif que les sociétés appelantes ne démontraient pas que l'ouverture d'une porte supplémentaire dans la galerie avait été précédée ou accompagnée de manoeuvres de la part de l'intimée, quand le dol de la société Cora avait été constaté par un arrêt de cassation du 8 juin 2005, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel « fraus omnia corrumpit », ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction alors applicable ;

Mais attendu, d'abord, que l'action en liquidation d'une astreinte n'est pas soumise au délai de prescription prévu à l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution applicable à l'exécution des titres exécutoires, mais au délai de prescription des actions personnelles et mobilières prévu à l'article 2224 du code civil ; que c'est par une exacte application de cette règle que la cour d'appel a décidé que l'action des sociétés en liquidation de l'astreinte assortissant l'obligation mise à la charge de la société Cora était soumise à la prescription quinquennale de droit commun ;

Et attendu, ensuite, que sous le couvert du grief non fondé de défaut de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond qui ont écarté la fraude invoquée à l'encontre de la société Cora ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Martinel - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché ; SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Article 2224 du code civil ; article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution.

Com., 20 mars 2019, n° 17-18.924, (P)

Rejet

Prescription quinquennale – Article 1859 du code civil – Société civile immobilière – Liquidation judiciaire – Action en paiement d'un créancier – Action exercée contre un associé – Autorité de la chose jugée attachée à la décision d'admission de la créance au passif de la procédure – Absence d'influence

L'autorité de la chose jugée attachée à la décision d'admission de la créance au passif de la procédure collective d'une société ne prive pas l'associé, poursuivi en exécution de son obligation subsidiaire au paiement des dettes sociales, d'opposer au créancier la prescription de l'article 1859 du code civil, distincte de celle résultant de la créance détenue contre la société, et propre à l'action du créancier contre l'associé.

En cas de liquidation judiciaire d'une société civile de droit commun, la déclaration de créance au passif de cette procédure dispense le créancier d'établir l'insuffisance du patrimoine social. Il en résulte que le créancier, serait-il privilégié, qui a procédé à la déclaration de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société, n'est pas dans l'impossibilité d'agir contre l'associé.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 23 février 2017), que la société civile immobilière Goncelin ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 30 avril 2007 et 29 avril 2008, la Caisse régionale de crédit agricole des Savoie (la Caisse), qui lui avait consenti un crédit destiné à financer l'acquisition d'un immeuble, a déclaré sa créance, laquelle a été admise à titre privilégié ; que n'ayant été payée que partiellement par le liquidateur sur le prix de vente de l'immeuble, elle a assigné, par un acte du 12 février 2015, M. R..., en qualité d'associé, en paiement du solde au prorata des droits de ce dernier dans le capital social ; que M. R... lui a opposé la fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale prévue à l'article 1859 du code civil ;

Attendu que la Caisse fait grief à l'arrêt de déclarer son action prescrite alors, selon le moyen :

1°/ que la décision d'admission d'une créance déclarée dans le cadre de la liquidation judiciaire d'une société civile est opposable aux associés à l'égard desquels elle a autorité de chose jugée sans que ceux-ci, tenus à l'égard des tiers indéfiniment des dettes sociales à proportion de leurs parts dans le capital social, puissent se prévaloir de la prescription éventuelle de la créance ; que la Caisse faisait valoir que sa créance avait été définitivement admise en 2010 et qu'elle ne pouvait agir à l'encontre des associés avant le 24 juin 2014, date à laquelle le liquidateur en lui transmettant un dernier dividende, l'informait que le solde de sa créance était définitivement irrecouvrable ; qu'en retenant que la SCI Goncelin a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 29 avril 2008, que la Caisse a déclaré sa créance, qu'elle n'a pas été dans l'impossibilité d'agir contre les associés alors qu'au surplus les opérations de réalisation de l'actif lancées par le liquidateur judiciaire et le certificat d'irrécouvrabilité qu'il a ensuite délivré confirment sans équivoque et concrètement que le Crédit agricole ne pouvait attendre des opérations de répartition de l'actif de liquidation judiciaire une quelconque efficacité pour couvrir la totalité de sa créance, que le délai de cinq années ayant couru au moins à compter de la date de cette connaissance de la liquidation judiciaire, la prescription était acquise lors de la délivrance de l'assignation, la cour d'appel, qui n'a pas pris en considération l'admission définitive de la créance de la Caisse en 2010, laquelle avait autorité de chose jugée à l'égard de l'associé qui ne pouvait lui opposer la prescription de sa créance en vertu de l'autorité de chose jugée attachée à la décision d'admission, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1858 et suivants du code civil, et 1351 dudit code dans leur rédaction applicable à l'espèce ;

2°/ que la Caisse faisait valoir que du fait de la liquidation judiciaire de la société civile immobilière, elle était légalement dans l'impossibilité d'agir à l'encontre des associés et ce d'autant qu'elle avait reçu plusieurs dividendes, que lorsque sa créance a été admise en 2010 elle était dans l'attente d'un désintéressement de sa créance, qu'elle a d'ailleurs perçu 98,86 % de sa créance déclarée sauf intérêts, que ce n'est qu'après réception du dernier dividende le 24 juin 2014 que le liquidateur l'a informé que « le solde de votre créance est définitivement irrecouvrable » ; qu'en retenant que la SCI Goncelin a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 29 avril 2008, que la Caisse a déclaré sa créance, qu'elle n'a pas été dans l'impossibilité d'agir contre les associés alors qu'au surplus les opérations de réalisation de l'actif lancées par le liquidateur judiciaire et le certificat d'irrécouvrabilité qu'il a ensuite délivré confirment sans équivoque et concrètement que le Crédit agricole ne pouvait attendre des opérations de répartition de l'actif de liquidation judiciaire une quelconque efficacité pour couvrir la totalité de sa créance, que le délai de cinq années ayant couru au moins à compter de la date de cette connaissance de la liquidation judiciaire, la prescription était acquise lors de la délivrance de l'assignation, quand seul le certificat d'irrecouvrabilité de la créance du 24 juin 2014 établissait que la Caisse pouvait désormais agir à l'encontre de l'associé de la société civile en liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 1859 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, que l'autorité de la chose jugée attachée à la décision d'admission de la créance au passif de la procédure collective d'une société ne prive pas l'associé, poursuivi en exécution de son obligation subsidiaire au paiement des dettes sociales, d'opposer au créancier la prescription de l'article 1859 du civil, distincte de celle résultant de la créance détenue contre la société, et propre à l'action du créancier contre l'associé ;

Et attendu, d'autre part, qu'en cas de liquidation judiciaire d'une société civile de droit commun, la déclaration de créance au passif de cette procédure dispense le créancier d'établir l'insuffisance du patrimoine social ; qu'il en résulte que le créancier, serait-il privilégié, qui a procédé à la déclaration de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société, n'est pas dans l'impossibilité d'agir contre l'associé ; qu'ayant relevé que, s'il n'était pas établi que le jugement de conversion ait été publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, la Caisse avait déclaré sa créance le 5 juin 2008, ce qui manifestait sa connaissance du prononcé de la liquidation judiciaire, la cour d'appel en a exactement déduit que la Caisse n'était pas dans l'impossibilité d'agir contre M. R..., de sorte que l'action exercée contre ce dernier le 12 février 2015 était prescrite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Schmidt - Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna ; SCP Boulloche -

Textes visés :

Article 1859 du code civil.

Rapprochement(s) :

Ch. mixte, 18 mai 2007, pourvoi n° 05-10.413, Bull. 2007, Ch. mixte, n° 4 (rejet).

1re Civ., 13 mars 2019, n° 17-50.053, (P)

Irrecevabilité de la requête

Suspension – Impossibilité d'agir – Exclusion – Cas – Empêchement ayant pris fin avant l'expiration du délai de prescription

La règle selon laquelle la prescription ne court pas contre celui qui est empêché d'agir ne s'applique pas lorsque le titulaire de l'action disposait encore, à la cessation de l'empêchement, du temps nécessaire pour agir avant l'expiration du délai de prescription. Ne peut donc se prévaloir de la suspension de la prescription, l'auteur d'une requête en reconnaissance de responsabilité civile professionnelle d'une société d'avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, dès lors que celui-ci disposait encore, à la cessation de l'empêchement invoqué, de plusieurs mois pour agir avant l'expiration du délai quinquennal de prescription.

Vu l'article 13, alinéa 2, de l'ordonnance du 10 septembre 1817 modifiée ;

Vu l'avis du conseil de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation du 19 novembre 2015, estimant prescrite la demande formée par M. G... à l'encontre de la société civile professionnelle T..., K..., devenue T...-K...-V... (la SCP) ;

Vu la requête déposée le 7 septembre 2017 par M. G... ;

Attendu que M. G... a été engagé par la société de travail temporaire Afitech intérim pour effectuer des missions d'intérim en qualité de manutentionnaire au sein de la société Options, en exécution de six contrats conclus les 4, 7, 8, 15, 18 et 21 octobre 2002 ; que, soutenant que les contrats n'avaient pas donné lieu à des écrits par lui signés, M. G... a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir leur requalification en contrat de travail à durée indéterminée et le paiement de diverses indemnités, notamment en conséquence de la requalification, pour non-respect de la procédure de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que, par arrêt confirmatif du 13 janvier 2005, la cour d'appel de Versailles a rejeté toutes ses demandes ; que M. G... a donné mandat à la SCP de former un pourvoi ; que, par décision du 16 janvier 2007 (Soc., pourvoi n° 05-44.764), la Cour de cassation a déclaré le pourvoi non admis ;

Attendu que, reprochant à la SCP de lui avoir fait perdre une chance sérieuse d'obtenir la censure de l'arrêt du 13 janvier 2005, à défaut d'avoir invoqué un moyen fondé sur la violation de l'article 1352 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, au motif que la cour d'appel avait jugé qu'il avait reçu les contrats de travail temporaire en temps utile conformément aux exigences de l'article L. 124-4 du code du travail, alors qu'elle n'avait relevé ni aveu ni serment judiciaire, seuls moyens de preuve admissibles, M. G... demande de retenir la responsabilité de la SCP et de la condamner à lui payer la somme de 7 211 euros au titre de son préjudice ;

Que la SCP conclut au rejet de la requête ;

Attendu qu'en application de l'article 2225 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, l'action en responsabilité dont disposait M. G... contre la SCP, qui avait achevé sa mission antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi précitée, se prescrivait par cinq ans à compter du 19 juin 2008 et se trouvait donc prescrite le 19 juin 2013 ;

Attendu que M. G... soutient que les deux périodes successives d'hospitalisation par lui subies en 2002, du 23 mai au 24 juillet inclus et du 8 au 18 août inclus, ont eu pour effet de reporter la date de prescription au 31 août 2013, de telle sorte que sa requête, présentée le 18 août 2013 au conseil de l'ordre, est recevable ;

Mais attendu que la règle selon laquelle la prescription ne court pas contre celui qui est empêché d'agir ne s'applique pas lorsque le titulaire de l'action disposait encore, à la cessation de l'empêchement, du temps nécessaire pour agir avant l'expiration du délai de prescription ; que, l'hospitalisation de M. G... ayant cessé en août 2012, soit plusieurs mois avant l'expiration du délai de prescription, la requête est irrecevable comme prescrite ;

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARE IRRECEVABLE la requête.

- Président : M. Avel - Rapporteur : Mme Teiller - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Le Bret-Desaché -

Textes visés :

Article 2225 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 10 janvier 2018, pourvoi n° 17-10.560, Bull. 2018, I, n° 4 (rejet), et l'arrêt cité.

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