Numéro 3 - Mars 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2019

JEUX DE HASARD

1re Civ., 13 mars 2019, n° 18-13.856, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Exception de jeu – Dérogation – Jeux autorisés par la loi – Pari mutuel urbain – Limites – Méconnaissance des dispositions relatives à l'enregistrement des paris et au règlement des enjeux

Aux termes de l'article 1965 du code civil, la loi n'accorde aucune action pour une dette du jeu ou pour le payement d'un pari.

Si cette fin de non-recevoir ne peut être opposée aux actions en recouvrement exercées par les établissements du pari mutuel urbain, dont l'activité est spécialement autorisée par la loi et réglementée par les pouvoirs publics, il en va autrement en cas de méconnaissance, par ces établissements, des dispositions relatives à l'enregistrement des paris et au règlement des enjeux.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'une ordonnance du 2 mai 2012 a fait injonction à D... O... de payer à la société Le Saint Alban, propriétaire d'un fonds de commerce de bar PMU, la somme de 40 000 euros, correspondant au montant d'un chèque sans provision tiré sur le compte joint dont D... O... et son épouse, Q... O..., étaient titulaires ; que ce chèque avait été émis par leur fils, M. M... O..., bénéficiaire d'une procuration sur leur compte, en règlement ou garantie de paris ; que D... O... a formé opposition ; que sont intervenus volontairement à l'instance la société MJ Synergie, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Le Saint Alban (le liquidateur judiciaire), et M. M... O..., tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritier de D... et Q... O..., décédés en cause d'appel ;

Sur la recevabilité du moyen, contestée par la défense :

Attendu que le liquidateur judiciaire soutient que M. M... O... n'a pas invoqué, devant la cour d'appel, les dispositions de l'article 1965 du code civil et que le moyen tiré de la violation de ce texte est nouveau, partant, irrecevable ;

Mais attendu que ce texte a été mis dans le débat par l'arrêt, qui en écarte l'application ; que, dès lors, le moyen n'est pas nouveau ;

Et sur ce moyen :

Vu l'article 1965 du code civil, ensemble la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux et l'arrêté du 13 septembre 1985 portant règlement du pari mutuel urbain et sur les hippodromes ;

Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, la loi n'accorde aucune action pour une dette du jeu ou pour le payement d'un pari ; que cette fin de non-recevoir ne peut être opposée aux actions en recouvrement exercées par les établissements du pari mutuel urbain (PMU), dont l'activité est spécialement autorisée par la loi et réglementée par les pouvoirs publics ; qu'il en va, cependant, autrement en cas de méconnaissance, par ces établissements, des dispositions relatives à l'enregistrement des paris et au règlement des enjeux ;

Attendu que, pour condamner M. M... O..., en sa qualité d'héritier de D... O..., à payer au liquidateur judiciaire la somme de 40 000 euros, l'arrêt retient que l'action vise au paiement du montant d'un chèque émis à l'ordre de la société Le Saint Alban, en tant que mandataire du PMU, ce qui est exclusif de l'application de l'article 1965 du code civil ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, la société Le Saint Alban avait contrevenu aux dispositions de l'article 15 de l'arrêté du 13 septembre 1985 portant règlement du pari mutuel urbain, en enregistrant les paris de M. M... O... sans encaisser préalablement les enjeux correspondants, lesquels ne pouvaient être réglés qu'en espèces et au comptant ou par débit d'un compte ouvert auprès du PMU, ce dont il résultait que la fin de non-recevoir tirée de l'exception de jeu était applicable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. M... O..., en sa qualité d'héritier de D... O..., à payer à la société MJ Synergie, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Le Saint Alban, la somme de 40 000 euros, avec intérêt au taux légal à compter de la décision, l'arrêt rendu le 25 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevable l'action exercée par la société MJ Synergie, ès qualités, à l'encontre de M. M... O..., en sa qualité d'héritier de D... O...

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Canas - Avocat général : M. Sudre - Avocat(s) : SCP de Nervo et Poupet ; SCP Monod, Colin et Stoclet -

Textes visés :

Article 1965 du code civil ; loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux ; arrêté du 13 septembre 1985 portant règlement du pari mutuel.

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