Numéro 3 - Mars 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2019

IMPOTS ET TAXES

Com., 27 mars 2019, n° 18-10.933, (P)

Rejet

Enregistrement – Impôt de solidarité sur la fortune – Evaluation des biens – Indivision – Epoux copropriétaires indivis – Absence de mention de l'indivision dans leur déclaration – Possibilités de cession de l'immeuble – Prise en considération

La valeur vénale d'un immeuble correspond au prix qui pourrait en être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande sur un marché réel, compte tenu de la situation de fait et de droit dans laquelle l'immeuble se trouve lors du fait générateur de l'impôt.

Ayant constaté que des contribuables mariés sous le régime de la séparation de biens, redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune, avaient acquis conjointement le bien immobilier constituant leur résidence principale, dont ils étaient copropriétaires indivis et que, dans leurs déclarations, ils s'étaient abstenus de mentionner que ce bien était détenu en indivision, et ayant ajouté qu'il était peu probable que l'un ou l'autre des conjoints envisage de céder sa quote-part sur ce bien, une cour d'appel, qui a apprécié concrètement, comme elle le devait, les possibilités de cession de l'immeuble litigieux, a pu en déduire que l'état d'indivision du bien n'affectait pas sa valeur.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 novembre 2017), que M. et Mme Y... étaient propriétaires d'un hôtel particulier, constituant leur résidence principale ; qu'estimant que la valeur déclarée de ce bien devait être rehaussée, l'administration fiscale leur a notifié une proposition de rectification au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dû pour les années 2005 à 2008 ; qu'après rejet de leur réclamation et mise en recouvrement, M. et Mme Y... ont assigné le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris Sud-Ouest en annulation de la décision de rejet et dégrèvement des droits réclamés ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de dire que la procédure de rectification était régulière et bien fondée et de rejeter leurs demandes alors, selon le moyen, que pour apprécier la similitude intrinsèque entre l'immeuble taxé au titre de l'ISF et les immeubles retenus comme termes de comparaison par l'administration fiscale, le juge de l'impôt doit prendre en compte, non seulement la date de construction de l'immeuble et les matériaux de construction, mais également ses autres caractéristiques essentielles ; qu'en ne se fondant, pour apprécier le bien-fondé des termes de comparaison retenus par l'administration pour évaluer la valeur vénale de l'immeuble, que sur la date et la nature des matériaux de construction des immeubles retenus comme termes de comparaison, à l'exclusion des autres éléments relatifs à la structure de ces immeubles (état d'entretien de l'immeuble, qualité technique et architecturale, emplacement et état de la construction), la cour, qui n'a pas été en mesure d'apprécier la similitude intrinsèque entre l'immeuble de M. et Mme Y... et les immeubles retenus par l'administration dans la notification de redressement à titre de termes de comparaison, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales ;

Mais attendu que l'arrêt constate que la proposition de rectification décrivait le bien à évaluer en présentant sa localisation, son année de construction, sa structure et la distribution des pièces, sa surface développée pondérée hors oeuvre, dont le calcul était détaillé, la présence d'un jardin et son environnement immédiat, notamment l'accès à l'immeuble par une voie privée dont l'entrée est protégée ; qu'il relève que les termes de comparaison retenus par l'administration fiscale concernaient, pour chaque année fiscale, trois ventes d'immeubles intervenus dans le même arrondissement de Paris et pour lesquelles étaient précisés l'adresse, l'année, le matériau de construction, le nombre d'étages, la présence éventuelle d'une terrasse ou d'un jardin et la surface pondérée développée hors oeuvre ; qu'en cet état, la cour d'appel, qui a examiné de manière concrète les termes de comparaison proposés par l'administration, a pu déclarer la procédure régulière ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens, réunis :

Attendu que M. et Mme Y... font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que l'assiette de l'ISF est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes assujetties à cet impôt, d'où il ressort qu'en matière de biens immobiliers indivis, cette assiette est constituée, non par la valeur vénale de l'immeuble sur lesquels portaient ces droits, mais par la valeur vénale desdits droits ; qu'en appréciant, pour évaluer l'assiette de l'ISF, la valeur vénale de l'immeuble constituant la résidence principale de M. et Mme Y... et non les valeurs respectives des droits indivis qu'ils détenaient sur cet immeuble et en écartant comme inopérante la circonstance que cette résidence était détenue en indivision par les contribuables, la cour a violé l'article 885 E du code général des impôts ;

2°/ que pour juger que M. et Mme Y... n'étaient pas fondés à se prévaloir de l'état juridique d'indivision de leur immeuble pour obtenir l'application d'un abattement supplémentaire sur sa valeur vénale, la cour s'est fondée sur un motif hypothétique tiré de ce qu'il « était [...] peu probable que [M. et Mme Y...] envisage de céder sa quote-part indivise sur ce bien qui constitue leur résidence principale » ; qu'en fondant sa décision sur un motif hypothétique, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que pour déterminer l'assiette de l'ISF, doit être prise en compte la valeur vénale des immeubles qui composent le patrimoine imposable du contribuable ; qu'en refusant de prendre en considération la circonstance, pourtant déterminante en ce qu'elle réduit la valeur vénale de l'immeuble, que celui-ci est détenu de manière indivise par M. et Mme Y... et en refusant de lui faire application d'un abattement prenant en compte les conséquences de cette situation juridique, la cour n'a pas correctement apprécié cette valeur vénale et a donc méconnu les articles 761, 885 E et 885 S du code général des impôts ;

Mais attendu que la valeur vénale d'un immeuble correspond au prix qui pourrait en être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande sur un marché réel, compte tenu de la situation de fait et de droit dans laquelle l'immeuble se trouve lors du fait générateur de l'impôt ; que l'arrêt constate que M. et Mme Y..., mariés sous le régime de la séparation de biens, ont acquis conjointement le bien litigieux, qui constitue leur résidence principale et dont ils sont copropriétaires indivis ; qu'il relève que dans leurs déclarations, ils se sont abstenus de mentionner que le bien immobilier était détenu en indivision et ajoute qu'il est peu probable que l'un d'entre eux envisage de céder sa quote-part sur ce bien, qui constitue leur résidence principale ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui, comme le devait, a apprécié concrètement les possibilités de cession de l'immeuble litigieux, a pu déduire que l'état d'indivision du bien n'affectait pas sa valeur ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa première branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Gauthier - Avocat général : M. Debacq - Avocat(s) : SCP L. Poulet-Odent ; SCP Foussard et Froger -

Com., 13 mars 2019, n° 17-13.305, (P)

Cassation

Impôt de solidarité sur la fortune – Assiette – Déduction – Dette incertaine – Décision mettant fin à la contestation – Dette rétroactivement déductible

En application des dispositions de l'article 768 du code général des impôts et de l'article 885 E du même code, pour être déductible de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune, une dette doit être certaine au jour du fait générateur de l'impôt, soit au 1er janvier de l'année d'imposition, et une dette, incertaine du fait d'une contestation, est rétroactivement déductible pour le montant ultérieurement arrêté par la décision mettant fin à la contestation.

Sur le moyen unique :

Vu l'article 768 du code général des impôts et l'article 885 E du même code, alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que A... P... et Q... Y... étaient associés dans différentes sociétés et qu'un litige est survenu entre eux concernant la répartition de la quote-part des bénéfices sociaux pour les années 1988 à 1994 ; qu'une procédure judiciaire ayant été engagée, un arrêt du 15 septembre 2003 a fait droit, en leur principe, aux demandes formées par Q... Y..., le montant de la dette restant à être évalué par expertise ; que le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté le 16 mai 2006 ; que A... P... a déclaré au titre de son patrimoine imposable à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), pour les années 2007 à 2011, son estimation du montant de la dette pouvant être mise à sa charge ; qu'il est décédé en [...] et son épouse, Mme R... (Mme P...) a poursuivi l'instance ; que par un jugement du 18 octobre 2012, un tribunal de grande instance a fixé le montant des sommes dues par Mme P... aux ayants droit de Q... Y... ; que, par deux réclamations contentieuses, Mme P... a demandé à l'administration fiscale la prise en compte de ces sommes au titre du patrimoine imposable à l'ISF pour les années 1989 à 2011 ; que l'administration fiscale a accepté cette demande pour les années 2007 à 2011 mais les a rejetées pour les années antérieures ; que Mme P... a assigné l'administration fiscale en contestation de ces décisions d'admission partielle ;

Attendu que pour rejeter la demande de Mme P..., l'arrêt constate que la dette invoquée par celle-ci n'a été arrêtée définitivement en son principe que le 16 mai 2006, date du rejet du pourvoi, et n'a été fixée en son montant par un tribunal que le 18 décembre (lire octobre) 2012 ; qu'il retient que le fait que ce tribunal ait évalué le montant de la dette à partir de l'année 1988 ne saurait pour autant rendre celle-ci certaine à compter de cette même année, son existence n'étant pas acquise, et que seul le rejet du pourvoi a permis de tenir la dette alléguée pour certaine, à compter de 2006 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, pour être déductible de l'assiette de l'ISF, une dette doit être certaine au jour du fait générateur de l'impôt, soit au 1er janvier de l'année d'imposition, et qu'une dette, incertaine du fait d'une contestation, est rétroactivement déductible pour le montant ultérieurement arrêté par la décision mettant fin à la contestation, la cour d'appel, qui a relevé que le principe de la dette due par le contribuable pour les années 1988 à 1994 était certain depuis le rejet du pourvoi en 2006, ce dont il résultait que cette dette était devenue certaine pour les années antérieures à cette décision, selon les montants fixés par le jugement du 18 octobre 2012, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Gauthier - Avocat général : M. Debacq - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles 768 et 885 E du code général des impôts.

Rapprochement(s) :

Com., 14 novembre 2006, pourvoi n° 04-16.419, Bull. 2006, IV, n° 224 (cassation).

Com., 28 mars 2019, n° 17-23.671, (P)

Rejet

Impôt de solidarité sur la fortune – Calcul – Plafonnement – Revenus – Revenus nets – Revenus réalisés – Applications diverses – Plus-value immobilière réalisée par une société civile immobilière – Bénéfices non distribués – Prise en compte

Les revenus nets du contribuable entrant dans le calcul du plafonnement de l'ISF doivent s'entendre des revenus réalisés et non nécessairement perçus par le contribuable. Ayant rappelé que l'article 885 V bis du code général des impôts prévoit un mécanisme de plafonnement de l'ISF qui repose sur la détermination du total des revenus nets réalisés par le contribuable au cours de l'année précédant celle de l'imposition et qu'en application de l'article 8 du code général des impôts, le résultat bénéficiaire d'une société de personnes, non soumise à l'impôt sur les sociétés, est directement imposé entre les mains de ses associés à proportion de leur part dans le capital social, indépendamment de la distribution d'un dividende à ces derniers, une cour d'appel retient exactement qu'il est indifférent que les bénéfices réalisés par la société n'aient pas été distribués, de sorte que la plus-value immobilière réalisée par une SCI doit être prise en compte dans la détermination du plafonnement de l'ISF, tout comme l'imposition correspondante à raison des parts sociales détenues par le contribuable.

Sur le moyen unique, pris en ses première et quatrième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 mai 2017), que Mme F... était associée, avec ses enfants mineurs, de la SCI Montescot, laquelle, n'ayant pas opté pour le régime de l'impôt sur les sociétés, a réalisé une plus-value immobilière, en 2007, dont les associés ont décidé la mise en réserve ; que M. et Mme F... ont déposé une déclaration au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour l'année 2008, en faisant application des dispositions de l'article 885 V bis du code général des impôts, qui prévoit un plafonnement du montant de cet impôt ; qu'estimant que la fraction de la plus-value immobilière correspondant à la quote-part des droits sociaux détenus par Mme F... et ses enfants dans la SCI devait être prise en compte pour le calcul du plafonnement, ce qui en entraînait la suppression, l'administration fiscale a notifié à M. et Mme F... une proposition de rectification portant rappel d'un surplus d'ISF et paiement de pénalités ; qu'après mise en recouvrement et rejet de leur réclamation, M. et Mme F... ont assigné l'administration fiscale en décharge du surplus d'imposition réclamé ;

Attendu que M. et Mme F... font grief à l'arrêt de confirmer la décision de rejet et de maintenir le rehaussement d'ISF alors, selon le moyen :

1°/ que quel que soit le régime fiscal auquel est soumise une société, les dividendes n'ont pas d'existence juridique avant que l'organe social compétent n'ait constaté l'existence de sommes distribuables et déterminé la part attribuée à chaque associé ; qu'ainsi en l'espèce, la plus-value immobilière réalisée en 2007 par la SCI Montescot, dont le résultat avait été mis en réserve par décision de l'assemblée générale des associés du 30 juin 2008, n'était qu'un revenu latent non-perçu par M. et Mme F... qui ne pouvait être intégré dans les revenus pris en compte pour le calcul du plafonnement de l'ISF dont ils étaient redevables au titre de l'année 2008 ; qu'en jugeant le contraire, au motif inopérant que la SCI Montescot n'ayant pas opté pour l'imposition à l'impôt sur les sociétés, son résultat bénéficiaire était directement imposé à l'impôt sur le revenu entre les mains de ses associés à proportion de leur part dans le capital social indépendamment de la distribution d'un dividende à ces derniers, la cour d'appel a violé l'article 885 V bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble les articles 1842 et 1852 du code civil ;

2°/ que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; que si l'imposition fiscale est une ingérence autorisée dans le droit au respect des biens, les Etats doivent néanmoins respecter une base raisonnable dans l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques fiscales ; qu'ainsi, toute ingérence doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général (pour assurer le paiement de l'impôt) et l'impératif de protection du droit de propriété, de sorte qu'il doit y avoir un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi ; que, partant, la cour d'appel ne pouvait confirmer la décision de l'administration fiscale de prendre en compte dans le calcul du plafonnement de l'ISF M. et Mme F... un revenu seulement latent qu'ils n'avaient pas perçu et qu'ils n'avaient pas la certitude de percevoir dans le futur, ce qui aboutissait à les priver du bénéfice du plafonnement, sans porter une atteinte disproportionnée à leur droit de propriété et violer l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant rappelé que l'article 885 V bis du code général des impôts prévoit un mécanisme de plafonnement de l'ISF qui repose sur la détermination du total des revenus nets réalisés par le contribuable au cours de l'année précédant celle de l'imposition et que, en application de l'article 8 du code général des impôts, le résultat bénéficiaire d'une société de personnes, non soumise à l'impôt sur les sociétés, est directement imposé entre les mains de ses associés à proportion de leur part dans le capital social, indépendamment de la distribution d'un dividende à ces derniers, l'arrêt retient exactement que, les revenus nets du contribuable entrant dans le calcul du plafonnement de l'ISF devant s'entendre des revenus réalisés et non nécessairement perçus par le contribuable, il est indifférent que les bénéfices réalisés par la société n'aient pas été distribués, de sorte que la plus-value immobilière réalisée par la SCI Montescot doit être prise en compte dans la détermination du plafonnement de l'ISF au titre de l'année 2008, tout comme l'imposition correspondante à raison des parts sociales détenues par Mme F... et ses enfants ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que le mécanisme de plafonnement de l'ISF en fonction d'un rapport entre le total des impôts et les revenus nets des redevables participe à l'exigence de proportionnalité, en ce qu'il vise à tenir compte des capacités contributives du redevable, et ayant rappelé que l'imposition de la plus-value immobilière correspondante a parallèlement été prise en compte dans le calcul du rapport utilisé pour la détermination du plafonnement de l'ISF, c'est à bon droit que la cour d'appel a écarté le moyen tiré d'une atteinte disproportionnée au droit de propriété de M. et Mme F..., tel que garanti par l'article 1 du Protocole n° 1 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, qui n'est pas manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Gauthier - Avocat général : M. Debacq - Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles 8 et 885 V bis du code général des impôts.

Com., 27 mars 2019, n° 17-18.696, (P)

Rejet

Impôt de solidarité sur la fortune – Fonctionnaires territorialement compétents – Fonctionnaires du service dans le ressort territorial duquel la déclaration a été déposée ou aurait dû être déposée – Proposition de rectifications – Compétence exclusive

L'article 350 terdecies, I et II, de l'annexe III du code général des impôts prévoit que les fonctionnaires de la direction générale des impôts compétents pour fixer les bases d'imposition, liquider l'impôt de solidarité sur la fortune et proposer des rectifications peuvent exercer ces attributions à l'égard des personnes physiques qui ont déposé ou auraient dû déposer une déclaration dans le ressort territorial de leur service, et, si le IV de cet article dispose que les fonctionnaires susvisés sont compétents pour contrôler et liquider l'impôt de solidarité sur la fortune lorsque le bien servant à la base des impositions est situé dans le ressort territorial de leur service d'affectation, cette disposition ne permet pas à ces mêmes fonctionnaires de proposer les rectifications envisagées, de sorte qu'une telle notification relève exclusivement des fonctionnaires du service dans le ressort territorial duquel la déclaration a été déposée ou aurait dû être déposée.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 février 2017), que Mme K..., veuve F... (Mme F...), demeurant dans le Val-de-Marne et propriétaire de plusieurs biens immobiliers situés dans ce département ainsi que dans l'Essonne, la Haute-Garonne, la Savoie et à Paris, a déposé une déclaration au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dû pour l'année 2009 auprès du service des impôts des entreprises (SIE) de Boissy-Saint-Léger, dépendant de la direction départementale des finances publiques du Val-de-Marne ; que l'administration fiscale a entendu remettre en cause la valeur de ces biens immobiliers et la direction départementale des finances publiques du Val-de-Marne a adressé à Mme F... une proposition de rectification le 5 décembre 2012 et celle de Paris, une autre proposition, le 10 décembre 2012, concernant exclusivement un bien immobilier situé à Paris ; qu'au titre de cette seconde rectification, un avis de mise en recouvrement (AMR) a été émis pour le paiement d'un surplus d'ISF ; qu'après rejet de sa réclamation contentieuse, Mme F... a assigné le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris en annulation de l'AMR ;

Sur le premier et le second moyens, réunis :

Attendu que le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement ayant infirmé la décision de rejet et d'annuler en conséquence l'AMR litigieux alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résulte des dispositions du I. de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts que « sous réserve des dispositions des articles 409 et 410 de l'annexe II au code général des impôts, seuls les fonctionnaires de la direction générale des finances publiques appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que proposer les rectifications » ; que le IV de ce même article précise que « sans préjudice des dispositions des II et III, les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I sont compétents pour contrôler et liquider les droits d'enregistrement, la taxe de publicité foncière, l'ISF, les droits de timbre et taxes assimilées, lorsque est situé dans le ressort territorial de leur service d'affectation soit le lieu de dépôt des actes ou déclarations, soit le lieu de situation ou d'immatriculation du bien servant à la base des impositions, taxes et redevances ou, s'agissant de titres, le lieu de souscription de la déclaration de résultats par la société émettrice ou le lieu de situation des biens servant à la détermination de la valeur de ces titres » ; qu'il ressort de ce texte que lorsque le lieu de situation ou d'immatriculation des biens est différent de celui du lieu de dépôt de l'acte ou de la déclaration, le service territorialement compétent pour procéder au contrôle et à la liquidation des impositions en découlant est simultanément celui du lieu d'imposition du redevable et celui du lieu de situation de l'immeuble ; qu'en l'espèce, en décidant que « c'est donc à bon droit que le tribunal a estimé que dès lors que la déclaration de l'ISF souscrite par Mme F... au titre de l'année 2009 avait été régulièrement déposée auprès du SIE de Boissy-Saint-Léger, les fonctionnaires de la 18e brigade de contrôle de fiscalité immobilière sud de Paris n'avaient pas compétence pour proposer les rectifications envisagées du fait de la modification du montant déclaré concernant l'immeuble situé [...], bien que cet immeuble soit situé dans le ressort territorial de ce service, de sorte que la procédure à compter de la proposition de rectification du 10 décembre 2012 était irrégulière », la cour d'appel a violé l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts ;

2°/ qu'il résulte des dispositions de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales qu'« un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité » ; qu'aux termes de l'article R* 256-1 du livre des procédures fiscales, « l'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis » ; que l'article R* 256-8 du livre des procédures fiscales précise, dans son alinéa 2, que « le comptable public compétent pour établir l'avis de mise en recouvrement est soit celui du lieu de déclaration ou d'imposition du redevable, soit, dans le cas où ce lieu a été ou aurait dû être modifié, celui compétent à l'issue de ce changement, même si les sommes dues se rapportent à la période antérieure à ce changement » ; que l'administration est, dès lors, en droit d'émettre un AMR pour percevoir toute créance résultant d'une imposition supplémentaire résultant du contrôle d'une déclaration d'ISF ; qu'en l'espèce, en jugeant qu'« en outre, il convient de rappeler que l'ISF est un impôt annuel dont l'assiette est déterminée en totalisant l'ensemble des éléments d'actif composant le patrimoine du contribuable déduction faite du passif grevant l'actif.

En application de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales qui dispose que l'avis de mise en recouvrement visé à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis et vise donc le montant global de l'impôt, il ne peut être émis un avis de mise en recouvrement pour un seul bien alors qu'un différend oppose la contribuable aux services fiscaux du Val de Marne relativement à la valorisation des autres biens constituant l'assiette de l'ISF », la cour d'appel a violé ensemble les article L. 256 et R* 256-1 du livre des procédures fiscales ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient exactement que l'article 350 terdecies, I et II, de l'annexe III du code général des impôts prévoit que les fonctionnaires de la direction générale des impôts compétents pour fixer les bases d'imposition, liquider l'ISF et proposer des rectifications peuvent exercer ces attributions à l'égard des personnes physiques qui ont déposé ou auraient dû déposer une déclaration dans le ressort territorial de leur service, et que, si le IV de cet article dispose que les fonctionnaires susvisés sont compétents pour contrôler et liquider l'ISF lorsque le bien servant à la base des impositions est situé dans le ressort territorial de leur service d'affectation, cette disposition ne permet pas à ces mêmes fonctionnaires de proposer les rectifications envisagées, de sorte qu'une telle notification relève exclusivement des fonctionnaires du service dans le ressort territorial duquel la déclaration a été déposée ou aurait dû être déposée ; que le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé ;

Et attendu que le rejet du premier moyen rend inopérant le second moyen, qui concerne la régularité de l'AMR, pris à la suite d'une procédure de contrôle déclarée irrégulière ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Gauthier - Avocat général : M. Debacq - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article 350 terdecies, I, II et IV de l'annexe III, du code général des impôts.

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