Numéro 3 - Mars 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2019

ETRANGER

1re Civ., 6 mars 2019, n° 18-13.908, (P)

Rejet

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Demandeur d'asile – Demande d'asile formulée au cours de la rétention – Maintien en rétention – Contestation portant sur l'existence, la date ou le contenu de l'arrêté de maintien en rétention – Juge compétent – Détermination

En application des articles L. 556-1 et R. 552-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, toute contestation portant sur l'existence, la date ou le contenu de l'arrêté de maintien en rétention faisant suite à une demande d'asile formalisée en cours de rétention échappe au contrôle du juge judiciaire pour relever de la compétence du juge administratif.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 19 janvier 2018), et les pièces de la procédure, que M. U..., de nationalité géorgienne, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative par arrêté du préfet du 9 janvier 2018 ; qu'après une prolongation de cette mesure par le juge des libertés et de la détention, l'intéressé a présenté une demande d'asile le 13 janvier ; que, le 16 janvier, il a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de mainlevée de la rétention ;

Attendu que M. U... fait grief à l'ordonnance de prononcer le maintien de cette mesure, alors, selon le moyen :

1°/ que l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, peut interrompre à tout moment la prolongation du maintien en rétention, de sa propre initiative ou à la demande de l'étranger ; qu'en retenant, pour écarter le moyen tiré d'une privation illégale de liberté faute d'arrêté de maintien en rétention, que toute contestation afférente audit arrêté de maintien en rétention faisant suite à une demande d'asile formalisée en cours de rétention échappe au contrôle du juge judiciaire pour relever de la compétence du juge administratif, le délégué du premier président de la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa compétence, en violation de l'article R. 552-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par refus d'application, ensemble l'article 66 de la Constitution ;

2°/ qu'à défaut de notification d'une décision de maintien en rétention dans les plus brefs délais à l'étranger ayant formé une demande d'asile en rétention, il est immédiatement mis fin à la rétention ; qu'en se fondant sur l'arrêté préfectoral de maintien en rétention en date du 17 janvier 2018, notifié le 18 janvier à M. U..., ainsi que sur le fait qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit de délai quant à la prise de cet arrêté, et ce afin de refuser de faire droit à la demande de mainlevée de la rétention présentée par M. U..., quand la demande d'asile avait pourtant été déposée le 13 janvier et que le juge des libertés et de la détention avait statué le 17 janvier sur la requête de remise en liberté, le délégué du premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par fausse interprétation, ensemble l'article 5, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;

3°/ qu'en l'absence d'une décision de maintien en rétention dans les plus brefs délais postérieurement au dépôt d'une demande d'asile, le maintien en rétention porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir de l'étranger, ainsi qu'à son droit d'asile ; qu'en retenant le contraire, le délégué du premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par refus d'application, ensemble l'article 5, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu que l'ordonnance retient exactement que toute contestation portant sur l'existence, la date ou le contenu de l'arrêté de maintien en rétention faisant suite à une demande d'asile formalisée en cours de rétention échappe au contrôle du juge judiciaire pour relever de la compétence du juge administratif ; qu'abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Articles L. 556-1 et R. 552-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Rapprochement(s) :

CE, 13 juin 2017, n° 410812, mentionné aux tables du Recueil Lebon.

1re Civ., 6 mars 2019, n° 18-14.085, (P)

Cassation sans renvoi

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Placement en rétention – Décision de placement – Régularité – Contestation – Saisine du juge des libertés et de la détention par l'étranger – Garanties effectives de représentation de l'étranger – Examen par le préfet – Contrôle du juge – Motifs impropres à caractériser l'insuffisance de l'examen – Applications diverses

Les constats de l'existence d'une instance d'appel portant sur la légalité de la décision administrative d'éloignement et du droit à comparaître de l'intéressé sont des motifs impropres à caractériser l'insuffisance de l'examen, par le préfet, des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque que l'étranger se soustraie à son obligation de quitter le territoire national.

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 512-1 et L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que M. A..., de nationalité algérienne, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative par arrêté du préfet du 5 février 2018 ; que le juge des libertés et de la détention a été saisi, par l'étranger, d'une requête en contestation de cette décision et, par le préfet, d'une demande de prolongation de la mesure ;

Attendu que, pour prononcer la mainlevée de cette mesure, l'ordonnance retient que le renvoi de l'intéressé dans son pays avant l'audience de la cour administrative d'appel statuant sur la décision administrative d'éloignement est de nature à vider de sens ce recours, dès lors que la comparution est un droit pour l'intéressé, de sorte qu'en omettant de prendre en compte cet élément, le préfet n'a pas procédé à un examen suffisamment approfondi du risque de fuite ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'insuffisance de l'examen, par le préfet, des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque que l'étranger se soustraie à son obligation de quitter le territoire national, le premier président a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 9 février 2018, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Rennes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles L. 512-1 et L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

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