Numéro 3 - Mars 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2019

COPROPRIETE

3e Civ., 14 mars 2019, n° 18-10.379, (P)

Cassation partielle

Action en justice – Action individuelle des copropriétaires – Action en nullité d'une assemblée générale – Exercice – Copropriétaire ayant qualité pour agir – Copropriétaire ayant voté en faveur de certaines décisions

Est irrecevable la demande en annulation d'une assemblée générale présentée par un copropriétaire qui a voté en faveur de certaines de ses décisions.

Syndicat des copropriétaires – Assemblée générale – Annulation demandée – Convocation irrégulière ou absence de convocation – Prescription de l'action – Détermination

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 octobre 2017), que la société civile immobilière les Terres chaudes Bella Vista (la SCI), propriétaire de lots dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, a assigné le syndicat des copropriétaires en annulation de l'assemblée générale du 21 juin 2010, en invoquant le non-respect du délai de convocation prévu à l'article 9 du décret du 17 mars 1967 ; qu'en appel, elle a subsidiairement sollicité l'annulation de quinze résolutions ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande en annulation de l'assemblée générale, alors, selon le moyen, que le copropriétaire qui a été convoqué hors délai à une assemblée générale peut en demander l'annulation sans justifier d'un grief, peu important qu'il ait voté pour certaines résolutions ; qu'en estimant que le fait que la SCI Les Terres Chaudes Bella Vista ait voté pour plusieurs résolutions lors de l'assemblée générale attaquée lui interdisait de se prévaloir de la tardiveté de sa convocation pour demander l'annulation de l'assemblée, la cour d'appel a violé les articles 42 de la loi du 10 juillet 1965 et 9 du décret du 9 mars 1967 ;

Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit qu'un copropriétaire ne peut demander l'annulation d'une assemblée générale dès lors qu'il a voté en faveur de certaines des décisions prises et constaté que la SCI avait voté en faveur de plusieurs résolutions lors de l'assemblée générale du 21 juin 2010, sans que la mention en page trois du procès-verbal selon laquelle elle précisait que l'assemblée générale était entachée d'illégalité en raison du non-respect du délai de convocation lui ait conféré la qualité d'opposant ou de défaillant à l'ensemble des décisions prises, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande était irrecevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l'article 566 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande en annulation de diverses décisions adoptées au cours de l'assemblée générale, l'arrêt retient que la demande est nouvelle, comme n'ayant pas été présentée en première instance, et a été formée après l'expiration du délai de deux mois ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la demande subsidiaire en annulation de quinze décisions n'était pas virtuellement comprise dans la demande en annulation de l'assemblée générale et, dans l'affirmative, sans constater que cette demande initiale avait été formée hors délai, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de la société civile immobilière les Terres chaudes Bella Vista en annulation des décisions 5, 6, 7, 10, 11, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 29, 30, 31, 35 adoptées lors de l'assemblée générale du 21 juin 2010, l'arrêt rendu le 19 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Dagneaux - Avocat général : Mme Valdès-Boulouque (premier avocat général) - Avocat(s) : Me Occhipinti ; SCP Caston -

Textes visés :

Article 42 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ; article 9 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ; article 42 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, ensemble l'article 566 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur la recevabilité de l'action en nullité d'une assemblée générale, à rapprocher : 3e Civ., 7 septembre 2011, pourvoi n° 10-18.312, Bull. 2011, III, n° 139 (cassation partielle). Sur la notion de demande nouvelle en appel, à rapprocher : 3e Civ., 25 février 2016, pourvoi n° 14-29.760, Bull. 2016, III, n° 32 (cassation partielle).

Com., 20 mars 2019, n° 17-22.417, (P)

Rejet

Syndic – Action en justice – Syndic en liquidation judiciaire – Remise des pièces et fonds disponibles – Action du nouveau syndic – Arrêt des poursuites individuelles (non)

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mai 2017), que la société Compagnie parisienne de gestion immobilière (la société Copagim), syndic de la copropriété du [...], a été mise en liquidation judiciaire le 18 décembre 2013 ; que la société Q... N..., désignée liquidateur, a été mise en demeure par la société Cabinet Orbireal, nouveau syndic depuis le 5 mai 2014, de remettre des fonds et documents en application de l'article 18-2 de la loi du 10 juillet 1965, puis a été assignée, ès qualités, aux fins de les remettre sous astreinte ;

Attendu que la société Q... N..., ès qualités, fait grief à l'arrêt d'ordonner au liquidateur de la société Copagim la remise sous astreinte, à la société Cabinet Orbireal, de l'ensemble des pièces, archives et trésorerie de la copropriété alors, selon le moyen :

1°/ que seules les créances visées à l'article L. 622-17 du code de commerce, à savoir celles nées régulièrement après le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, échappent à l'interdiction des actions en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; que, pour faire droit à la demande du syndic Orbireal, la cour d'appel a relevé que l'obligation de la société Copagim de remettre au nouveau syndic la situation de trésorerie, la totalité des fonds disponibles et l'ensemble des documents et archives du syndicat était née postérieurement au jugement ayant ouvert une liquidation judiciaire à son encontre ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la créance litigieuse était née pour les besoins de la période d'observation ou de la procédure, ou en contrepartie d'une prestation fournie à la société Copagim, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-21, I, du code de commerce, et des articles L. 622-17 I et L. 641-3, alinéa 1, du même code, dans leur version applicable au litige ;

2°/ que la dette pesant sur un syndic en liquidation judiciaire, légalement tenu de remettre à son successeur la situation de trésorerie, la totalité des fonds disponibles et l'ensemble des documents et archives du syndicat, ne naît ni pour les besoins de la période d'observation ou de la procédure, ni en contrepartie d'une prestation fournie au syndic ; qu'en accueillant la demande du cabinet Orbireal tendant à ce que la société Copagim, en liquidation judiciaire lui remette les documents afférents à la copropriété dont elle avait été le syndic, la cour d'appel a violé l'article L. 622-21, I, du code de commerce, et les articles L. 622-17 I et L. 641-3, alinéa 1, du même code, dans leur version applicable au litige ;

Mais attendu que lorsque le nouveau syndic demande à l'ancien syndic en liquidation judiciaire la remise des fonds, documents et archives du syndicat ainsi que l'état des comptes de ce dernier et de celui des copropriétaires, l'action qu'il exerce à cette fin en application de l'article 18-2 de la loi du 10 juillet 1965, échappe à l'interdiction des poursuites de l'article L. 622-21, I, du code de commerce, dès lors qu'elle tend au respect d'une obligation légale, inhérente à la profession de syndic, et non au paiement d'une somme d'argent ; que par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués, la décision se trouve justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey - Avocat général : M. Richard de la Tour (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article L. 622-21, I, du code de commerce ; article 18-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

3e Civ., 14 mars 2019, n° 17-26.190, (P)

Rejet

Syndicat de copropriété – Assemblée générale – Décision – Décision d'approbation des comptes de l'exercice écoulé – Portée

L'approbation des comptes emporte seulement constatation de la régularité comptable et financière des comptes du syndicat. Ayant relevé qu'une assemblée générale des copropriétaires n'avait fait qu'approuver les comptes de l'exercice précédent comprenant une dépense inhérente à des travaux, une cour d'appel a pu en déduire que cette décision n'était entachée d'aucune irrégularité susceptible d'entraîner sa nullité.

Syndicat de copropriété – Assemblée générale – Décision – Décision d'approbation des comptes de l'exercice écoulé comprenant une dépense inhérente à des travaux – Nullité – Exclusion

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 27 juin 2017), que M. R..., copropriétaire, a assigné le syndicat des copropriétaires de la résidence « [...] » à [...] (le syndicat) en annulation de l'assemblée générale du 25 août 2012 qui avait approuvé les comptes de l'exercice 2011/2012 comprenant une dépense de travaux de soutènement du chalet n° 4, situé au sein de cette résidence ;

Attendu que M. R... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ que seuls les travaux et les devis soumis au vote de l'assemblée générale des copropriétaires, ayant fait l'objet d'une résolution, constituent des charges devant être acquittées par les copropriétaires ; qu'en l'espèce, la cour a constaté, d'une part, que selon un procès-verbal du 26 août 2006, l'assemblée des copropriétaires de la résidence la grande vallée avait voté le financement des travaux de soutènement du chalet n° 4 de M. et Mme M... en homologuant les projet et devis de l'entreprise Oriach, d'autre part, que les travaux avaient ensuite été réalisés par une autre entreprise, la société Blanco, sur la base d'un devis distinct non soumis au vote de l'assemblée ; qu'en retenant, pour débouter M. R... de sa demande d'annulation du procès-verbal de délibération du 25 août 2012, que le coût des travaux réalisés par cette seconde entreprise n'avait entraîné aucun dépassement de budget, la cour, qui a statué par une motivation inopérante à justifier l'imputation à la charge des copropriétaires de travaux réalisés à partir de devis et d'un entrepreneur non homologués en assemblée, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 10 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;

2°/ que, en tout état de cause, si, en cas d'urgence, le syndic fait procéder de sa propre initiative à l'exécution de travaux nécessaires à la sauvegarde de l'immeuble, il en informe les copropriétaires et convoque immédiatement une assemblée générale ; qu'en retenant, pour débouter M. R... de sa demande d'annulation du procès-verbal de délibération du 25 août 2012, que la réalisation des travaux s'avérait urgente, sans relever que la société Agence Q... avait fait procéder à la convocation immédiate d'un assemblée générale de copropriétaires, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis et 37 du décret n° 67-233 du 17 mars 1967 ;

3°/ que, tout jugement devant être motivé, le juge est tenu d'indiquer la nature et l'origine des éléments de preuve sur lesquels il se fonde pour affirmer l'existence d'un fait ; qu'en relevant, pour débouter M. R... de ses demandes, que la réalisation des travaux en litige s'avérait urgente en raison de l'aggravation du désordre au cours des dernières années, des conditions climatiques attachées à un village de montagne qui ne pouvaient que l'aggraver davantage et d'un danger potentiel qui en résultait pour les biens et les personnes, sans dire sur quelles pièces elle fondait cette affirmation, la cour, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que, en cas d'urgence, le syndic est chargé de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci ; qu'en se bornant à relever, pour faire échec aux demandes de M. R..., que la réalisation des travaux s'avérait urgente en raison de l'aggravation du désordre au cours des dernières années, des conditions climatiques attachées à un village de montagne qui ne pouvaient que l'aggraver davantage et d'un danger potentiel qui en résultait pour les biens et les personnes, quand elle avait relevé que le premier procès-verbal faisant état des problèmes de consolidation du chalet de M. et Mme M... datait de 1984, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'urgence, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;

Mais attendu que l'approbation des comptes emporte seulement constatation de la régularité comptable et financière des comptes du syndicat ; qu'ayant relevé, par motifs adoptés, que l'assemblée générale du 25 août 2012 n'avait fait qu'approuver les comptes de l'exercice précédent comprenant la dépense inhérente aux travaux litigieux, la cour d'appel a pu en déduire que cette décision n'était entachée d'aucune irrégularité susceptible d'entraîner sa nullité et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Schmitt - Avocat général : Mme Valdès-Boulouque (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie ; SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot -

Textes visés :

Article 10 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

Rapprochement(s) :

Sur les dépenses et charges devant figurer aux comptes de l'exercice écoulé soumis à la décision d'approbation de l'assemblée générale, à rapprocher : 3e Civ., 5 février 2014, pourvoi n° 12-19.047, Bull. 2014, III, n° 17 (cassation partielle) ; 3e Civ., 15 avril 2015, pourvoi n° 14-13.255, Bull. 2015, III, n° 39 (1) (cassation partielle).

3e Civ., 14 mars 2019, n° 18-10.214, (P)

Cassation

Syndicat des copropriétaires – Syndicat secondaire – Constitution – Conditions – Détermination

La circonstance que le règlement d'une copropriété prévoie des parties communes spéciales et que soient appelées des charges spéciales sur lesquelles seuls les copropriétaires concernés sont appelés à délibérer ne suffit pas à caractériser la création d'un syndicat secondaire des copropriétaires.

Syndicat des copropriétaires – Syndicat secondaire – Constitution – Conditions – Exclusion – Cas – clause du règlement de copropriété instaurant des parties communes spéciales – Appel de charges spéciales

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 27 octobre 2017), que M. et Mme J..., propriétaires d'un lot dans un ensemble immobilier composé de deux immeubles désignés [...] A et [...] B et soumis au statut de la copropriété, ont assigné le syndicat des copropriétaires de la résidence [...] en annulation de l'assemblée générale du 20 décembre 2012, réunissant les copropriétaires de l'immeuble B, et, subsidiairement, de la résolution n° 31 ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu les articles 3, 4 et 27 de la loi du 10 juillet 1965 ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande de M. et Mme J..., l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l'ensemble immobilier comprend deux immeubles collectifs et que l'article 5 du règlement de copropriété indique que les charges communes de chaque immeuble collectif comprendront toutes les dépenses nécessitées par la jouissance commune de cet immeuble, qu'il en résulte que ce règlement a prévu une gestion autonome du bâtiment B avec spécialisation des charges, laquelle a abouti à l'existence d'un syndicat secondaire, peu important que le terme n'ait pas été employé dans le règlement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la circonstance que le règlement de copropriété prévoie des parties communes spéciales et que soient appelées des charges spéciales sur lesquelles seuls les copropriétaires concernés sont appelés à délibérer ne suffit pas à caractériser la création d'un syndicat secondaire des copropriétaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Dagneaux - Avocat général : Mme Valdès-Boulouque (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Krivine et Viaud ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Articles 3, 4 et 27 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.