Numéro 3 - Mars 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2019

CONVENTIONS INTERNATIONALES

1re Civ., 20 mars 2019, n° 18-11.490, (P)

Rejet

Accords et conventions divers – Convention franco-italienne du 3 juin 1930 – Article 1 – Reconnaissance des décisions sur le territoire de l'autre Etat – Conditions – Décision émanant d'une juridiction compétente – Règles de compétence – Détermination – Portée

L'article 1er, 1, de la Convention sur l'exécution des jugements en matière civile et commerciale, signée à Rome le 3 juin 1930 entre la France et l'Italie, dispose que les décisions rendues dans un Etat contractant sont reconnues sur le territoire de l'autre Etat, si elles émanent d'une juridiction compétente selon les règles du titre II de la Convention autant qu'elles sont applicables, ou à défaut, selon les règles admises en la matière par la législation du pays où la décision est invoquée.

Fait une exacte application de ce texte la cour d'appel qui, après avoir constaté que le critère de compétence de l'article 11 de la Convention, qui, en matière personnelle et mobilière, soumet les contestations entre Français et Italiens aux juridictions de celui des deux pays où le défendeur a son domicile, ou, à défaut de domicile dans l'un des deux pays, sa résidence habituelle, n'est pas rempli, vérifie si la décision italienne dont l'exequatur est demandé émane d'une juridiction compétente selon les règles de droit international privé françaises et retient que, le litige se rattachant de manière caractérisée à l'Italie, en raison de la nationalité italienne des demandeurs, la décision peut être reconnue en France.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 novembre 2017), que Mme Q... M..., née le [...] à Corbeil-Essonnes, et M. R... M..., né le [...] à Saint Maurice, (les consorts M...) tous deux de nationalité italienne, ont, afin de voir déclarer la paternité de K... T..., décédé le [...], assigné sa veuve, Mme C..., ainsi que les deux filles issues de son mariage avec celle-ci, Mmes B... et J... T... (les consorts T...), devant une juridiction italienne ; que, par jugement du 1er février 2010, leur demande a été accueillie ; que cette décision étant devenue irrévocable, les consorts M... ont saisi le juge français d'une demande d'exequatur ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les consorts T... font grief à l'arrêt de déclarer exécutoire la décision italienne alors, selon le moyen, que la convention franco-italienne du 3 juin 1930 prévoit, en son article 11 relatif à la compétence, qu'« en matière personnelle et mobilière, dans les contestations entre Français et Italiens sont compétentes les juridictions de celui des deux pays où le défendeur a son domicile, ou, à défaut de domicile dans l'un des deux pays, sa résidence habituelle » ; que l'article 1er auquel renvoie expressément l'article 10 relatif aux « règles de compétence du présent titre » indique que l'exequatur est subordonné à ce que « la décision émane d'une juridiction compétente selon les règles du titre II de la présente Convention autant qu'elles soient applicables ou, à défaut, selon les règles admises en la matière par la législation du pays où la décision est invoquée » ; que le second volet de l'alternative prévue par ce texte n'a vocation à s'appliquer que si, et seulement si, la règle de compétence prévue par l'article 11 n'est pas applicable ; qu'en l'espèce, les défenderesses ayant - pour deux d'entre elles - leur domicile en France, seule était donc compétente la juridiction française ; que l'article 11 pouvant ainsi recevoir application, il n'y avait pas lieu d'appliquer l'autre volet de l'alternative, prévu seulement « à défaut » ; qu'en décidant le contraire et, en recherchant la réunion des conditions prévues à l'article 1er du titre I, quand seul l'article 11, prévoyant la compétence de la juridiction du défendeur, avait vocation à s'appliquer, la cour d'appel a violé l'article 11 de la convention du 3 juin 1930, ensemble les articles 1er et 10 de cette même convention ;

Mais attendu que l'article 1er, 1, de la Convention sur l'exécution des jugements en matière civile et commerciale, signée à Rome le 3 juin 1930 entre la France et l'Italie, dispose que les décisions rendues dans un Etat contractant sont reconnues sur le territoire de l'autre Etat, si elles émanent d'une juridiction compétente selon les règles du titre II de la Convention autant qu'elles sont applicables, ou à défaut, selon les règles admises en la matière par la législation du pays où la décision est invoquée ;

Et attendu qu'après avoir constaté que le critère de compétence de l'article 11 de la Convention qui, en matière personnelle et mobilière, soumet les contestations entre Français et Italiens aux juridictions de celui des deux pays où le défendeur a son domicile, ou, à défaut de domicile dans l'un des deux pays, sa résidence habituelle, n'était pas rempli, les consorts T... étant domiciliés en France et en Suisse, la cour d'appel, qui devait ensuite vérifier si la décision italienne émanait d'une juridiction compétente selon les règles de droit international privé françaises, a retenu que le litige se rattachait de manière caractérisée avec l'Italie en raison de la nationalité des consorts M..., ce dont elle a exactement déduit qu'elle pouvait être reconnue en France ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Acquaviva - Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Articles 1er, 1, et 11 de la Convention franco-italienne sur l'exécution des jugements en matière civile et commerciale du 3 juin 1930.

1re Civ., 20 mars 2019, n° 18-50.005, (P)

Cassation partielle

Accords et conventions divers – Convention franco-marocaine du 5 octobre 1957 – Article 16 – Autorité de la chose jugée des décisions sur le territoire de l'autre Etat – Conditions de régularité internationale – Détermination

Accords et conventions divers – Convention franco-marocaine du 5 octobre 1957 – Article 19 – Exécution des décisions sur le territoire de l'autre Etat – Exequatur – Office du juge – Limite

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 18 janvier 2013, M. A..., né le [...] à Tarnante Berkane (Maroc), et Mme G..., son épouse, née le [...] à Mohammedia (Maroc), tous deux de nationalité française, ont sollicité la transcription de l'acte de naissance de l'enfant L... A..., née le [...] à Mohammedia, auprès du service central d'état civil ; que, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes s'y étant opposé, ils l'ont assigné afin d'obtenir, à titre principal, l'exequatur du jugement du tribunal de première instance de Mohammedia du 9 octobre 2012 ordonnant la transcription de la naissance de l'enfant L... A... comme étant née le [...] de M. M..., fils de T... A... et de Mme Q..., fille de O... G..., et, à titre subsidiaire, la transcription sur les registres de l'état civil français de l'acte de naissance de l'enfant ;

Sur les deux moyens du pourvoi principal, réunis, ci-après annexés :

Attendu que le procureur général fait grief à l'arrêt d'ordonner la transcription partielle, sur les registres de l'état civil français, de l'acte de naissance dressé par l'officier de l'état civil de Mohammedia, de L... A..., née le [...] à Mohammedia de M. A... ;

Attendu que, la cour d'appel étant saisie, à titre principal, d'une demande d'exequatur du jugement du tribunal de première instance de Mohammedia du 9 octobre 2012 ordonnant la transcription de l'acte de naissance de l'enfant L... A..., elle devait examiner la régularité internationale de ce jugement, au regard des conditions posées par la Convention d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition entre la France et le Maroc du 5 octobre 1957, avant tout examen de la demande de transcription de l'acte de naissance étranger sur les registres français de l'état civil ; que le moyen, en ce qu'il invoque la violation des articles 47 et 312 du code civil, est inopérant ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 16 et 19 de la Convention d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition entre la France et le Maroc du 5 octobre 1957 ;

Attendu qu'il résulte du premier de ces textes qu'en matière civile, la décision rendue par une juridiction siégeant au Maroc a de plein droit l'autorité de chose jugée en France si elle émane d'une juridiction compétente, si les parties ont été légalement citées, représentées ou déclarées défaillantes, si elle est, d'après la loi marocaine, passée en force de chose jugée et susceptible d'exécution, si elle ne contient rien de contraire à l'ordre public français et n'est pas contraire à une décision judiciaire française possédant à son égard l'autorité de la chose jugée ; que, selon le second, le juge saisi d'une demande de reconnaissance d'un jugement marocain, qui procède d'office à l'examen des conditions de sa régularité internationale, se borne à vérifier si ces conditions sont réunies ;

Attendu que, pour rejeter la demande d'exequatur du jugement marocain du 9 octobre 2012, l'arrêt retient qu'il existe des doutes sérieux sur la grossesse de Mme G..., épouse A..., de sorte que la décision est contraire à l'ordre public français ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le jugement du tribunal de Mohammedia du 9 octobre 2012 constatait, après enquête, que L... était née de Mme Q... G..., sa mère, la cour d'appel, qui a procédé à la révision au fond du jugement, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen unique du pourvoi incident :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de transcription de l'acte de naissance de l'enfant L... A..., née le [...] à Mohammedia (Maroc), s'agissant de la désignation de Mme G..., épouse A... comme mère de l'enfant, et rejette toute autre demande, l'arrêt rendu le 18 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Cotty - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer -

Textes visés :

Articles 16 et 19 de la Convention d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition entre la France et le Maroc du 5 octobre 1957.

Rapprochement(s) :

Sur l'absence d'effet de la dispense d'exequatur prévue à l'article 14 de la convention franco-marocaine du 10 août 1981 lorsqu'est demandée l'exécution en France de la décision étrangère, à rapprocher : 1re Civ., 12 septembre 2012, pourvoi n° 11-17.023, Bull. 2012, I, n° 174 (cassation). Sur la nécessité pour le juge de vérifier d'office le respect des conditions de régularité internationale posées par la convention franco-marocaine du 5 octobre 1957, à rapprocher : 1re Civ., 17 février 2004, pourvoi n° 02-15.766, Bull. 2004, I, n° 49 (cassation). Sur les conditions de régularité internationale d'un jugement étranger en l'absence de convention internationale, à rapprocher : 1re Civ., 29 janvier 2014, pourvoi n° 12-28.953, Bull. 2014, I, n° 14 (cassation), et l'arrêt cité. Sur l'interdiction faite au juge de procéder à la révision au fond du jugement étranger, à rapprocher : 1re Civ., 7 janvier 1964, Bull. 1964, I, n° 15 (2) (rejet) ; 1re Civ., 22 juin 2016, pourvoi n° 15-18.742, Bull. 2016, I, n° 141 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

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