Numéro 3 - Mars 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2019

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION

Soc., 27 mars 2019, n° 17-11.617, (P)

Cassation partielle

Code du travail de Nouvelle-Calédonie – Maladie du salarié – Accident du travail ou maladie professionnelle – Inaptitude au travail – Obligation de reclassement – Absence de reclassement ou de licenciement – Sanction – Exclusion – Reprise du paiement du salaire – Portée

Les dispositions du code du travail de Nouvelle-Calédonie n'instituent pas d'obligation pour l'employeur de verser au salarié déclaré inapte qui n'est ni reclassé ni licencié le salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Donne acte à la société B... Z... de sa reprise d'instance en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société A... plaque Pacifique import ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. M..., engagé à compter du 30 juin 2008 par la société A... plaque Pacifique import (la société) en tant que maçon, a été victime le 20 mai 2010 d'un accident que la Caisse de compensation des prestations familiales du travail et de la prévoyance de la Nouvelle-Calédonie (la CAFAT) a pris en charge au titre de la législation professionnelle ; que lors de la visite de reprise du 25 juillet 2013, le médecin du service médical interentreprises du travail l'a déclaré inapte à son poste ; qu'il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 31 janvier 2014 ; qu'il a saisi le tribunal du travail pour voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur et déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur le premier moyen : Publication sans intérêt

Mais sur le deuxième moyen : Publication sans intérêt

Et sur le troisième moyen :

Vu les articles Lp. 127-2, Lp. 127-6 et Lp. 127-7 du code du travail de Nouvelle-Calédonie ;

Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié des sommes au titre des salaires impayés et des congés payés afférents jusqu'au licenciement, l'arrêt retient qu'il incombe à l'employeur de respecter un délai raisonnable entre la notification qui lui est faite de la « consolidation » du salarié et sa décision soit de « ré-embaucher » le salarié, soit de le licencier pour inaptitude, qu'en effet, le salarié qui, dès lors qu'il est « consolidé », perd le bénéfice des indemnités journalières, ne peut rester pour un temps indéterminé sans salaire ni revenu de remplacement, en attendant que l'employeur prenne une décision qui ressortit exclusivement à son pouvoir de direction, qu'en l'absence de difficulté particulière ce délai est limité à un mois, que c'est donc à juste titre que le premier juge a fait intégralement droit aux demandes en rappel de salaires et congés payés présentées de ces chefs ;

Attendu, cependant, que les dispositions susvisées ne font pas obligation à l'employeur de verser au salarié déclaré inapte qui n'est pas reclassé ou qui n'est pas licencié le salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension de son contrat de travail ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe la créance de la CAFAT à l'égard de la société A... plaque Pacifique import à 7 560 449 francs Pacifique correspondant au capital de la majoration de rente récupérable en vingt-neuf trimestres et condamne la société A... plaque Pacifique import au paiement des sommes de 902 039 francs Pacifique au titre des salaires impayés et de 275 594 francs Pacifique au titre des congés payés, l'arrêt rendu le 6 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Duval - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Richard ; SCP Monod, Colin et Stoclet ; SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot -

Textes visés :

Articles Lp. 127-2, Lp. 127-6 et Lp. 127-7 du code du travail de Nouvelle-Calédonie.

Soc., 27 mars 2019, n° 17-23.988, (P)

Cassation partielle

Maternité – Congé de maternité – Durée – Augmentation – Cas – Demande d'un congé conventionnel supplémentaire après un congé pathologique – Portée

Sur le moyen unique :

Vu l'article 51.1 de la convention collective nationale de la banque du 10 janvier 2000, étendue, ensemble l'article L. 1225-21 du code du travail ;

Attendu, selon le premier de ces textes, qu'à l'issue de son congé maternité légal, la salariée a la faculté de prendre un congé supplémentaire rémunéré de quarante-cinq jours calendaires à plein salaire ou de quatre-vingt-dix jours calendaires à demi-salaire à la seule et unique condition que le congé maternité ait été indemnisé par l'employeur en application de l'article 51.2 ; que, selon le second, lorsqu'un état pathologique est attesté par un certificat médical comme résultant de la grossesse ou de l'accouchement, le congé de maternité est augmenté de la durée de cet état pathologique dans la limite de deux semaines avant la date présumée de l'accouchement et de quatre semaines après la date de celui-ci ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que Mme V..., engagée le 18 juillet 2005 par la société BNP Paribas Réunion (la société) en qualité de chargée d'affaires, a été en congé maternité jusqu'au 2 février 2013 puis en congé pathologique jusqu'au 3 mars 2013 ; que la société lui ayant refusé le bénéfice du congé supplémentaire rémunéré prévu à l'article 51.1 de la convention collective nationale de la banque du 10 janvier 2000, étendue, la salariée a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de rappel de salaire au titre de ce congé supplémentaire, l'arrêt retient que, sauf dans les hypothèses des exceptions légales (comme les naissances multiples ou l'hospitalisation de l'enfant sous certaines conditions), l'allongement du congé postnatal, fût-il pathologique, n'emporte aucun allongement du congé maternité, que, dès lors, la salariée ne pouvait demander le report du congé supplémentaire de l'article 51.1, lequel doit être pris à l'issue du congé maternité légal ;

Qu'en statuant ainsi alors que le congé maternité de la salariée avait été augmenté de la durée de l'état pathologique, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu que la cassation du chef de dispositif déboutant la salariée de sa demande de rappel de salaire au titre du congé maternité supplémentaire entraîne, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif la déboutant de ses demandes au titre du congé d'allaitement et d'une discrimination ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la remise de bulletins de paie, l'arrêt rendu le 30 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Duval - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Lévis -

Textes visés :

Article L. 1225-21 du code du travail ; article 51.1 de la convention collective nationale de la banque du 10 janvier 2000, étendue.

Soc., 27 mars 2019, n° 17-31.715, (P)

Rejet

Salaire – Heures supplémentaires – Accomplissement – Preuve – Eléments de preuve – Informations non conformes à la norme simplifiée 042 définie par la CNIL – Informations nominatives collectées par un système de traitement automatisé soumis à la procédure de déclaration simplifiée – Production – Possibilité (non)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 octobre 2017), que M. X... a été engagé, à compter du 8 novembre 1999, en qualité de régisseur son par la société Euro Disney ; que le 23 avril 2007, il a signé une convention individuelle de forfait annuel en jours ; qu'en dernier lieu, il exerçait la fonction de « concepteur son événementiel » statut cadre, coefficient 300 ; que licencié le 20 septembre 2013, il a saisi, le 24 décembre 2013, la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires et les congés payés afférents, une indemnité pour repos compensateur et diverses indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et travail dissimulé ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire la convention de forfait inopposable au salarié et de le condamner au paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires et de diverses indemnités alors, selon le moyen :

1°/ qu'il incombe au salarié qui allègue que ses fonctions réelles sont différentes de celles contractuellement prévues d'en rapporter la preuve ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu à l'appui de sa décision que sans que l'employeur n'apporte d'élément contraire probant et déterminant pour démentir le salarié, ce dernier exposait qu'en dépit de l'intitulé de poste figurant sur l'avenant de 2003 à son contrat de travail « concepteur son événementiel », les conceptions audio des événements étaient en fait traitées en amont par les commerciaux qui le cas échéant le contactaient pour vérifier avec lui la faisabilité d'une proposition ou recueillir son avis de technicien de sorte qu'il n'intervenait en réalité qu'en exécutant spécialisé sans la moindre autonomie artistique ou d'innovation technique et qu'il n'établissait ni ne préparait ou chiffrait les devis des événements, et qu'il précisait qu'il procédait à la mise en oeuvre technique des aspects audio ce qui impliquait une coopération constante avec les autres corps de métiers intervenant sur ces événements (régisseur décor, régisseur, son, régisseur lumière...) et qu'il avait un responsable sur place ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil ;

2°/ qu'aux termes de l'article 2 a) du chapitre 15 de l'avenant n° 6 à l'accord du 15 avril 1999 portant sur l'aménagement et la réduction du temps de travail, sont considérés comme autonomes et relèvent comme tels d'une convention de forfait annuelle en jours « les cadres dont la durée du travail ne peut être prédéterminée du fait des responsabilités exercées dans le cadre de leurs fonctions, de leur expérience professionnelle reconnue et du degré d'autonomie dont ils disposent dans l'organisation de leur emploi du temps et ceci en prenant en considération la nature particulière de l'activité de l'entreprise, ainsi que les modes organisationnels mis en place pour répondre à la couverture d'une activité continue dans le cadre d'une ouverture trois cent soixante-cinq jours par an et tous les jours de la semaine » ; que l'existence de certaines contraintes horaires résultant de la nécessité pour un cadre de coordonner son activité avec celle d'autres salariés ne suffit pas à prédéterminer sa durée de travail ni à le priver d'une autonomie réelle dans l'organisation de son emploi du temps ; qu'en se bornant, à relever que les fonctions du salarié s'appliquaient à des événements dont les modalités étaient connues au préalable puisqu'elles étaient vendues au client dans le cadre d'un devis comportant les jours, heures et précisions techniques, que des plannings précis comportant notamment les jours et tranches horaires dans lesquels devaient être effectuées chacune des opérations devaient être respectés afin que l'événement se déroule bien et laisse la place au suivant et qu'en dehors des conventions, il effectuait un suivi administratif et de maintenance du matériel impliquant des interlocuteurs soumis à des horaires de bureau qu'il devait lui-même respecter, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé, ensemble l'article L. 212-15-3 du code du travail, applicable à l'espèce ;

3°/ que l'employeur justifiait que le salarié relevait de l'établissement 15 Business solutions et non de l'établissement 12 Spectacles et que c'était donc en vain qu'il se prévalait des stipulations excluant du forfait jours les salariés participant à un spectacle, ces derniers étant soumis à des dispositions conventionnelles spécifiques ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que l'avenant n° 6 à l'accord du 15 avril 1999 exclut la conclusion des forfaits jours pour les cadres soumis à des contraintes horaires du fait de l'organisation et de la participation à un spectacle, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard de l'article l'avenant n° 6 à l'accord du 15 avril 1999 portant sur l'aménagement et la réduction du temps de travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que le salarié exposait que, pendant toute la durée de sa carrière professionnelle, il avait été affecté à la gestion audio des « conventions » qui sont des événements institutionnels pour les professionnels, qu'en dépit de l'intitulé de poste figurant sur l'avenant de 2003 à son contrat de travail « concepteur son événementiel », les conceptions audio des événements étaient en fait traitées en amont par les commerciaux qui le cas échéant le contactaient pour vérifier avec lui la faisabilité d'une proposition ou recueillir son avis de technicien, qu'il procédait à la mise en oeuvre technique des aspects audio ce qui impliquait une coopération constante avec les autres corps de métiers intervenant sur ces événements et qu'il avait un responsable sur place et relevé que le salarié faisait encore valoir et justifiait que la durée de son travail était prédéterminée, ses fonctions s'appliquant à des événements dont les modalités étaient connues au préalable et que des plannings précis comportant notamment les jours et tranches horaires dans lesquels devait être effectuée chacune des opérations devaient être respectés afin que l'événement se déroulât bien et laissât la place au suivant, la cour d'appel, qui a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve et abstraction faite d'un motif surabondant critiqué à la troisième branche, que le salarié ne disposait pas d'une autonomie réelle dans l'organisation de son travail qui était en fait totalement organisé et imposé par l'employeur, en a exactement déduit qu'il ne remplissait pas les conditions pour être soumis à une convention de forfait en jours ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'écarter des débats la pièce 47 et de le condamner à payer un rappel de salaire pour heures supplémentaires et diverses indemnités alors, selon le moyen, que si la délibération de la CNIL n° 02-001 du 08 janvier 2002 concernant les traitements automatisés d'informations nominatives relatifs mis en oeuvre sur les lieux de travail pour la gestion des contrôles d'accès aux locaux, des horaires et de la restauration prévoit qu'en cas de gestion de la restauration, les informations relatives au type de consommation ne peuvent être collectées que sous la forme : « hors d'oeuvres », « plat », « dessert », « boisson », la mention sur des tickets de cantine d'indications plus détaillées, dans le cadre d'un système non pourvu d'un contrôle individuel de l'activité des salariés et qui n'est dès lors pas susceptible de porter atteinte à la vie privée ou aux libertés au sens de l'article 24 de la loi « informatique et libertés », ne rend pas illicite la production en justice de ces tickets aux seules fins d'établir les horaires de pause déjeuner du salarié, données dont le salarié ne peut ignorer qu'elles sont enregistrées et conservées ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 22 et 24 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée par la loi du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel, et l'article 3 de la délibération susvisée ;

Mais attendu qu'ayant constaté que l'examen des tickets de cantine invoqués par l'employeur faisait apparaître qu'ils comportaient des indications détaillées concernant les habitudes alimentaires du salarié alors que la norme NS 042 de la Commission nationale de l'informatique et des libertés du 8 janvier 2002 encadrant le traitement automatisé des informations nominatives sur le lieu de travail en matière de restauration indiquait qu'elles devaient être sous la forme exclusive « hors d'oeuvres, plat, dessert, boisson », la cour d'appel en a exactement déduit qu'ils devaient être écartés des débats ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, et le troisième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Monge - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Délibération n° 02-001 du 8 janvier 2002 concernant les traitements automatisés d'informations nominatives relatifs mis en oeuvre sur les lieux de travail pour la gestion des contrôles d'accès aux locaux, des horaires et de la restauration.

Rapprochement(s) :

Sur le rejet des débats d'un élément de preuve illicite, dans le même sens que : Soc., 8 octobre 2014, pourvoi n° 13-14.991, Bull. 2014, V, n° 230 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

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