Numéro 3 - Mars 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2019

CONSTRUCTION IMMOBILIERE

3e Civ., 7 mars 2019, n° 18-16.182, (P)

Rejet

Immeuble à construire – Vendeur – Obligations – Garantie des vices apparents – Mise en oeuvre – Réparation – Offre – Caractérisation – Proposition de reprise du constructeur – Appréciation souveraine

Les juges du fond apprécie souverainement si la proposition de reprise du constructeur constitue une offre consistant en l'obligation de réparer au sens de l'article 1642-1 du code civil.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 mars 2018), que la société Les Bordes, aux droits de laquelle se trouve la société Pierres et territoires Eure-et-Loir (la société Pierres et territoires), a vendu à M. T... une maison en l'état futur d'achèvement ; qu'il a été établi une liste de réserves dénonçant des vices de construction et des défauts de conformité au nombre desquels la position, à une hauteur excessive, des fenêtres des chambres ne permettant ni une vision aisée vers l'extérieur ni la manoeuvre des poignées par une personne à mobilité réduite ; que M. T... a assigné la société Pierres et territoires pour réclamer l'exécution de travaux et une diminution du prix ;

Attendu que la société Pierres et territoires fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. T... la somme de 30 000 euros au titre de la diminution du prix de vente de l'immeuble alors, selon le moyen, que si le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents, il n'y a pas lieu à résolution du contrat ou à diminution du prix si le vendeur s'oblige à réparer ; qu'en condamnant la société Pierres et territoires à payer à M. T... la somme de 30 000 euros à titre de diminution du prix de vente de l'immeuble en écartant l'engagement qui avait été pris de réparer les vices, et ce à raison du caractère « particulièrement manifeste » des vices et de ce que M. T... « pouvait raisonnablement douter de la fiabilité » de l'engagement de réparer, la cour d'appel a violé l'article 1642-1 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, qu'il n'était pas démontré que le pavillon mitoyen proposé à M. T... en échange présentait les mêmes caractéristiques que la maison litigieuse et que, compte tenu du caractère particulièrement manifeste du vice affectant les fenêtres résultant du choix architectural de privilégier l'esthétisme des façades plutôt que le confort de vie intérieur, il pouvait raisonnablement être douté de la fiabilité de la proposition de reprise du constructeur qui n'était ni pertinente ni opportune, la cour d'appel en a souverainement déduit que cette proposition ne constituait pas une offre consistant en l'obligation de réparer permettant au vendeur de s'opposer à l'action en diminution du prix ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Bureau - Avocat(s) : SCP Caston ; SCP Bénabent -

Textes visés :

Article 1642-1 du code civil.

3e Civ., 21 mars 2019, n° 18-11.707, (P)

Rejet

Immeuble à construire – Vente en l'état futur d'achèvement – Vente d'un logement ou assimilé – Contrat préliminaire – Nullité – Acte authentique de vente – Validité – Portée

Le contrat préliminaire de réservation en vue d'une vente en l'état futur d'achèvement étant facultatif, sa nullité est sans incidence sur la validité de l'acte authentique de vente.

Une cour d'appel ayant relevé qu'après avoir signé un contrat de réservation, un particulier avait signé l'acte authentique de vente, il en résulte que la demande en annulation des actes de vente et de prêt doit être rejetée.

Immeuble à construire – Vente en l'état futur d'achèvement – Vente d'un logement – Contrat préliminaire – Caractère facultatif – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 décembre 2017), que, par acte sous seing privé, intitulé « contrat de réservation », suivi d'un acte authentique de vente en l'état futur d'achèvement, la société civile de construction vente Amandine (la société Amandine), a vendu à Mme Y..., préalablement démarchée par la société Jade conseil, un appartement et un emplacement de stationnement dans un immeuble en copropriété, destinés à la location et bénéficiant d'un dispositif de défiscalisation ; que Mme Y... a souscrit un emprunt auprès de la société BNP Parisbas ; que, se plaignant de l'irrégularité de l'opération et d'une rentabilité de l'investissement inférieure à celle promise, Mme Y... a assigné les sociétés Amandine, Jade conseil et BNP Paribas en annulation de l'ensemble des contrats souscrits et en paiement de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions du code de la consommation relatives au démarchage et au prêt, dol et manquements au devoir d'information et de conseil ;

Sur le premier moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation des contrats de vente et de prêt alors, selon le moyen :

1°/ que, lorsqu'un démarcheur financier, dans le cadre d'une opération d'investissement immobilier défiscalisant « de Robien », concourt activement à la signature du contrat de réservation, à l'obtention du prêt et à l'organisation d'une procuration confiant au notaire chargé de l'opération immobilière le soin de signer l'acte authentique de vente et de prêt pour le compte de l'investisseur, la nullité du contrat de réservation entraîne celle des autres contrats, qui lui sont indissociables ; qu'il n'était pas contesté que, comme l'avait relevé le tribunal, la société Jade conseil, seule interlocutrice de Mme Y..., avait organisé intégralement l'opération d'achat, en obtenant le prêt et en faisant signer à Mme Y... une procuration confiant à l'étude de Me R..., notaire chargé de la vente des lots de la résidence, le soin de signer l'acte authentique de vente et de prêt ; qu'en considérant, pour rejeter la demande d'annulation du contrat de vente et du contrat de prêt, que les nullités que pouvait encourir le contrat de réservation n'avaient pas d'effet sur l'acte authentique de vente du 20 mai 2008, la cour d'appel a violé l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ;

2°/ que la confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l'affectant et l'intention de le réparer ; qu'en considérant, pour rejeter la demande en annulation, que la signature, par Mme Y..., de l'acte authentique de vente valait renonciation à se prévaloir des irrégularités formelles invoquées à l'encontre du contrat de réservation, sans constater que Mme Y... avait connaissance du vice affectant ce contrat et l'intention de le réparer, la cour d'appel a violé l'article 1338 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause ;

3°/ que la nullité de la promesse unilatérale de vente pour défaut d'enregistrement entraîne celle de la vente ; qu'en considérant, pour rejeter la demande d'annulation du contrat de vente, que la nullité, pour défaut d'enregistrement, de l'acte du 20 septembre 2007, s'il était qualifié de promesse unilatérale de vente, n'aurait aucun effet sur la validité de l'acte authentique de vente du 20 mai 2008, la cour d'appel a violé l'article 1589-2 du code civil ;

Mais attendu que, le contrat de réservation étant facultatif, sa nullité est sans incidence sur la validité de l'acte de vente ; que la cour d'appel a relevé que Mme Y... avait signé l'acte authentique de vente le 20 mai 2008 ; qu'il en résulte que la demande d'annulation des actes de vente et de prêt devait être rejetée ; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision se trouve légalement justifiée ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation du contrat de prêt ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la banque versait aux débats l'accusé de réception et l'acceptation de l'offre de prêt portant la mention manuscrite de Mme Y... selon laquelle elle déclarait l'avoir reçue le 20 décembre 2007 et l'accepter le 5 janvier 2008, que, dans la procuration donnée devant notaire le 7 janvier 2008, elle confirmait que l'offre de prêt lui avait été délivrée et que, dans l'acte notarié de prêt reçu le 20 mai 2008 en exécution de cette procuration, elle avait déclaré que « les conditions du crédit correspondaient à l'offre reçue du prêteur par la voie postale et acceptée également par voie postale après avoir respecté le délai de réflexion de dix jours », la cour d'appel, qui n'était pas tenue de se fonder exclusivement sur les enveloppes d'expédition de l'offre et de l'acceptation portant le cachet de La Poste et qui a retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que la formalité d'envoi de l'offre par voie postale et le délai de réflexion de dix jours prévus par les articles L. 312-7 et L. 312-10 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable à la cause, avaient été respectés, en a exactement déduit que la nullité du contrat de prêt n'était pas encourue ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen, ci-après annexé :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes d'indemnisation ;

Mais attendu qu'ayant retenu, d'une part, que la clause d'intérêts à taux variable n'était ni ambigüe, ni incompréhensible, que Mme Y..., qui habitait en France depuis 1999, y exerçait la profession d'analyste financière, et avait acquis la nationalité française, était en mesure d'en comprendre le sens et la portée et, d'autre part, qu'il résultait des éléments fournis à la banque que le crédit accordé n'était pas disproportionné par rapport aux facultés de remboursement de l'emprunteuse qui n'était pas exposée à un risque d'endettement, la cour d'appel, qui a pu en déduire, sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, qu'aucun manquement de la banque, qui n'avait pas à s'immiscer dans le choix de l'investissement, n'était établi, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le deuxième moyen et sur le quatrième moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, septième et huitième branches, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Farrenq-Nési - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Monod, Colin et Stoclet ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Delvolvé et Trichet ; SCP Richard ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ; articles 1338 et 1589-2 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur l'incidence de la nullité du contrat préliminaire de réservation en vue d'une vente en l'état futur d'achèvement, à rapprocher : 3e Civ., 27 avril 2017, pourvoi n° 16-15.519, Bull. 2017, III, n° 54 (rejet) ; 3e Civ., 12 avril 2018, pourvoi n° 17-13.118, Bull. 2018, III, n° 43 (rejet).

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