Numéro 3 - Mars 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2019

BANQUE

Com., 6 mars 2019, n° 17-22.668, (P)

Cassation partielle

Responsabilité – Faute – Manquement à l'obligation d'information du client – Applications diverses – Contre-performance du contrat – Contrat d'assurance-vie nanti en garantie du remboursement d'un prêt in fine – Action du souscripteur contre la banque – Délai de prescription – Point de départ – Terme du prêt – Réalisation du risque

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 7 mai 1999, la Société générale (la banque) a consenti à la SCI Eloes (la SCI) un prêt remboursable in fine à l'issue d'une période de douze ans ; que le remboursement de ce prêt était garanti par le nantissement de deux contrats d'assurance-vie, souscrits par M. V... par l'intermédiaire de la banque, et par le cautionnement de celui-ci et de la société Crédit logement ; que la banque, faisant valoir que le rachat total des contrats d'assurance-vie le 9 mars 2012 n'avait permis qu'un remboursement partiel du prêt, a, le 31 mai 2012, mis en demeure la SCI et les cautions de lui payer les sommes restant dues ; qu'après avoir désintéressé la banque, la société Crédit logement a assigné la SCI en paiement ; que M. V... et la SCI ont assigné la banque en responsabilité le 18 mars 2013, en lui reprochant de n'avoir pas informé M. V..., lors de la souscription des contrats d'assurance-vie, du risque que le rachat de ces contrats ne permette pas de rembourser le prêt à son terme ; que les instances ont été jointes ;

Sur le moyen unique, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la SCI à payer une certaine somme à la société Crédit logement et de dire que M. V... sera tenu au paiement d'une partie de cette condamnation :

Attendu que les motifs critiqués n'étant pas le soutien de ces chefs du dispositif, le moyen est inopérant ;

Mais sur le moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire prescrite l'action en responsabilité engagée par la SCI et M. V... contre la Société générale :

Vu l'article L. 110-4 du code de commerce ;

Attendu que pour déclarer prescrite l'action en responsabilité engagée par M. V... et la SCI contre la banque, l'arrêt, après avoir énoncé que le dommage résultant du manquement du banquier à ses obligations de conseil et de mise en garde à l'occasion du montage mis en place pour financer une acquisition immobilière et associant souscription d'un prêt in fine et adhésion à des contrats d'assurance-vie consiste en la perte d'une chance de ne pas contracter, laquelle se manifeste dès l'octroi du prêt, retient que la prescription a donc commencé à courir à la date de conclusion du contrat de prêt, en l'occurrence le 7 mai 1999 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le dommage invoqué par M. V..., souscripteur des contrats d'assurance-vie nantis, consistait en la perte de la chance d'éviter la réalisation du risque que, du fait d'une contre-performance de ces contrats, leur rachat ne permette pas de rembourser le prêt, et que ce risque n'avait pu se réaliser qu'au terme de celui-ci, en 2011, de sorte que ce dommage, comme celui, par ricochet, invoqué par la SCI, n'avaient pu survenir qu'à cette date et que l'action exercée le 18 mars 2013 n'était donc pas prescrite, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il déclare prescrite l'action en responsabilité contractuelle engagée par la SCI Eloes et M. V... contre la Société générale et en ce qu'il condamne la SCI Eloes et M. V... à payer à la Société générale la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 11 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Met hors de cause, sur sa demande, la société Crédit logement dont la présence devant la cour de renvoi n'est plus nécessaire à la solution du litige.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Blanc - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article L. 110-4 du code de commerce.

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