Numéro 3 - Mars 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2019

AVOCAT

1re Civ., 13 mars 2019, n° 18-12.253, (P)

Rejet

Barreau – Inscription au tableau – Conditions particulières – Article 98, 3°, du décret du 27 novembre 1991 – Juriste d'entreprise – Définition – Applications diverses – Juriste d'un CRIDON (non)

Sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat les juristes d'entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein d'un service juridique d'une ou plusieurs entreprises, qui ont exercé leurs fonctions exclusivement dans un service spécialisé chargé dans l'entreprise des problèmes juridiques posés par l'activité de celle-ci.

Dès lors, c'est à bon droit qu'après avoir relevé qu'un juriste employé pendant plus de huit ans au sein d'un centre de recherches, d'information et de documentation notariales, constitué sous la forme d'une association, n'avait pas exercé ses fonctions en vue du traitement interne des questions juridiques posées par l'activité de ce centre, personne morale distincte des membres qui la composent, mais pour le traitement externe des questions juridiques posées par les dossiers des notaires adhérents, une cour d'appel a retenu qu'il ne pouvait bénéficier de la dispense prévue à l'article 98, 3°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 22 décembre 2017), que Mme J... a exercé pendant plus de huit ans une activité de juriste au sein du service urbanisme, construction, collectivités publiques et environnement du Centre de recherches, d'information et de documentation notariales Sud-Ouest (le CRIDON), constitué sous la forme d'une association ; qu'elle a sollicité son admission au barreau de Bordeaux, sous le bénéfice de la dispense de formation et de diplôme prévue à l'article 98, 3°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ; que, le conseil de l'ordre ayant rejeté sa demande d'inscription, elle a formé un recours contre cette décision ;

Attendu que Mme J... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'admission au barreau, alors, selon le moyen :

1°/ que constitue une activité économique, appelant la qualification d'entreprise de l'entité qui l'exerce, toute activité relevant de la sphère marchande, de nature lucrative, peu important le statut juridique, le mode de financement, le but lucratif ou non, ou encore la clientèle de l'entité qui l'exerce ; qu'en retenant, pour juger que le CRIDON n'était pas une entreprise, que son activité n'était pas de nature économique, aux motifs inopérants que le CRIDON avait un mode de financement particulier tiré des cotisations plutôt que de la facturation de ses prestations, qu'il poursuivait un but non lucratif, qu'il ne délivrait des consultations et des formations qu'aux notaires adhérents, à qui étaient essentiellement destinées ses publications, qui n'avaient aucun raison de solliciter une autre prestataire, quand il convenait de s'attacher au seul contenu de l'activité du CRIDON consistant en la délivrance de consultations juridiques, l'offre de formations juridiques et l'édition de publications juridiques, relevant du secteur marchand, de nature lucrative, pour lesquelles il existe un marché important réunissant de nombreux acteurs, la cour d'appel a violé l'article 98, 3°, du décret du 27 novembre 1991 ;

2°/ qu'est juriste d'entreprise celui qui exerce ses fonctions dans un service spécialisé chargé des problèmes juridiques posés par l'activité des membres de l'association qui l'emploie ; qu'en jugeant que Mme J... ne pouvait bénéficier de la dispense prévue au profit des juristes d'entreprise au motif qu'elle ne traitait pas des questions posées par l'activité du CRIDON, mais qu'elle traitait les problèmes juridiques posés par l'activité des membres du CRIDON, la cour d'appel a violé l'article 98, 3°, du décret du 27 novembre 1991 ;

Mais attendu que sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat les juristes d'entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein d'un service juridique d'une ou plusieurs entreprises, qui ont exercé leurs fonctions exclusivement dans un service spécialisé chargé dans l'entreprise des problèmes juridiques posés par l'activité de celle-ci ; que, dès lors, c'est à bon droit qu'après avoir relevé que Mme J... n'avait pas exercé ses fonctions en vue du traitement interne des questions juridiques posées par l'activité du CRIDON, personne morale distincte des membres qui la composent, mais pour le traitement externe des questions juridiques posées par les dossiers des notaires adhérents, la cour d'appel a retenu qu'elle ne pouvait bénéficier de la dispense prévue à l'article 98, 3°, du décret du 27 novembre 1991 ; que le moyen, inopérant en sa première branche qui critique des motifs erronés mais surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Canas - Avocat général : Mme Legoherel - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Le Bret-Desaché -

Textes visés :

Article 98, 3°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 1 juin 1999, pourvoi n° 96-17.142, Bull. 1999, I, n° 180 (rejet) ; 1re Civ., 17 mars 2016, pourvoi n° 15-13.442, Bull. 2016, I, n° 60 (cassation sans renvoi), et les arrêts cités.

1re Civ., 13 mars 2019, n° 17-50.053, (P)

Irrecevabilité de la requête

Responsabilité – Action en responsabilité – Prescription – Prescription contractuelle de droit commun – Suspension – Impossibilité d'agir – Exclusion – Cas – Empêchement ayant pris fin avant l'expiration du délai de prescription – Applications diverses

Vu l'article 13, alinéa 2, de l'ordonnance du 10 septembre 1817 modifiée ;

Vu l'avis du conseil de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation du 19 novembre 2015, estimant prescrite la demande formée par M. G... à l'encontre de la société civile professionnelle T..., K..., devenue T...-K...-V... (la SCP) ;

Vu la requête déposée le 7 septembre 2017 par M. G... ;

Attendu que M. G... a été engagé par la société de travail temporaire Afitech intérim pour effectuer des missions d'intérim en qualité de manutentionnaire au sein de la société Options, en exécution de six contrats conclus les 4, 7, 8, 15, 18 et 21 octobre 2002 ; que, soutenant que les contrats n'avaient pas donné lieu à des écrits par lui signés, M. G... a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir leur requalification en contrat de travail à durée indéterminée et le paiement de diverses indemnités, notamment en conséquence de la requalification, pour non-respect de la procédure de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que, par arrêt confirmatif du 13 janvier 2005, la cour d'appel de Versailles a rejeté toutes ses demandes ; que M. G... a donné mandat à la SCP de former un pourvoi ; que, par décision du 16 janvier 2007 (Soc., pourvoi n° 05-44.764), la Cour de cassation a déclaré le pourvoi non admis ;

Attendu que, reprochant à la SCP de lui avoir fait perdre une chance sérieuse d'obtenir la censure de l'arrêt du 13 janvier 2005, à défaut d'avoir invoqué un moyen fondé sur la violation de l'article 1352 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, au motif que la cour d'appel avait jugé qu'il avait reçu les contrats de travail temporaire en temps utile conformément aux exigences de l'article L. 124-4 du code du travail, alors qu'elle n'avait relevé ni aveu ni serment judiciaire, seuls moyens de preuve admissibles, M. G... demande de retenir la responsabilité de la SCP et de la condamner à lui payer la somme de 7 211 euros au titre de son préjudice ;

Que la SCP conclut au rejet de la requête ;

Attendu qu'en application de l'article 2225 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, l'action en responsabilité dont disposait M. G... contre la SCP, qui avait achevé sa mission antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi précitée, se prescrivait par cinq ans à compter du 19 juin 2008 et se trouvait donc prescrite le 19 juin 2013 ;

Attendu que M. G... soutient que les deux périodes successives d'hospitalisation par lui subies en 2002, du 23 mai au 24 juillet inclus et du 8 au 18 août inclus, ont eu pour effet de reporter la date de prescription au 31 août 2013, de telle sorte que sa requête, présentée le 18 août 2013 au conseil de l'ordre, est recevable ;

Mais attendu que la règle selon laquelle la prescription ne court pas contre celui qui est empêché d'agir ne s'applique pas lorsque le titulaire de l'action disposait encore, à la cessation de l'empêchement, du temps nécessaire pour agir avant l'expiration du délai de prescription ; que, l'hospitalisation de M. G... ayant cessé en août 2012, soit plusieurs mois avant l'expiration du délai de prescription, la requête est irrecevable comme prescrite ;

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARE IRRECEVABLE la requête.

- Président : M. Avel - Rapporteur : Mme Teiller - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Le Bret-Desaché -

Textes visés :

Article 2225 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 10 janvier 2018, pourvoi n° 17-10.560, Bull. 2018, I, n° 4 (rejet), et l'arrêt cité.

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