Numéro 3 - Mars 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2019

ASTREINTE (loi du 9 juillet 1991)

2e Civ., 21 mars 2019, n° 17-22.241, (P)

Rejet

Liquidation – Action en liquidation d'astreinte – Prescription – Délai – Détermination

L'action en liquidation d'une astreinte n'est pas soumise au délai de prescription prévu à l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution des titres exécutoires, mais au délai de prescription des actions personnelles et mobilières prévu à l'article 2224 du code civil.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 31 mai 2017), que par un jugement du 14 février 1996, un tribunal de commerce a ordonné à la SAS Cora (la société Cora) d'avoir à fermer, dans les huit jours de la signification du jugement et sous astreinte d'une certaine somme par jour de retard, certaines entrées qu'elle avait ouvertes au centre commercial de Sainte Marguerite, de telle sorte que la totalité du flux de la clientèle de l'hypermarché et de la cafétéria passe, à l'aller comme au retour, par la nouvelle galerie marchande ; que par acte du 25 septembre 2013, la société Iung, la société Key West, la société Louis Serco et la société Distrifood ont saisi un tribunal de commerce en liquidation de l'astreinte ;

Attendu que les sociétés Key West, Distrifood et Louis Serco font grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il les a déclarées irrecevables, par l'effet de la prescription, en l'ensemble de leurs demandes formées contre la société Cora, alors selon le moyen :

1°/ que la demande en liquidation d'une astreinte se prescrit par dix ans à compter de la signification du titre exécutoire qui la prononce ; qu'en ayant jugé qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 (19 juin 2008), la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2224 du code civil était applicable, quand seule la nouvelle prescription décennale relative à l'exécution des titres exécutoires l'était, de sorte qu'elle n'aurait été écoulée que le 19 juin 2018, sans que l'addition des deux délais (prescription déjà courue à la date du 19 juin 2008 et nouveau délai décennal) n'épuise l'ancien délai trentenaire, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil par fausse application, ensemble les articles L. 111-3 et L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution ;

2°/ que la fraude corrompt tout et met obstacle à l'application de la prescription ; qu'en ayant écarté la fraude de la société Cora, au motif que les sociétés appelantes ne démontraient pas que l'ouverture d'une porte supplémentaire dans la galerie avait été précédée ou accompagnée de manoeuvres de la part de l'intimée, quand le dol de la société Cora avait été constaté par un arrêt de cassation du 8 juin 2005, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel « fraus omnia corrumpit », ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction alors applicable ;

Mais attendu, d'abord, que l'action en liquidation d'une astreinte n'est pas soumise au délai de prescription prévu à l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution applicable à l'exécution des titres exécutoires, mais au délai de prescription des actions personnelles et mobilières prévu à l'article 2224 du code civil ; que c'est par une exacte application de cette règle que la cour d'appel a décidé que l'action des sociétés en liquidation de l'astreinte assortissant l'obligation mise à la charge de la société Cora était soumise à la prescription quinquennale de droit commun ;

Et attendu, ensuite, que sous le couvert du grief non fondé de défaut de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond qui ont écarté la fraude invoquée à l'encontre de la société Cora ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Martinel - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché ; SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Article 2224 du code civil ; article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution.

2e Civ., 21 mars 2019, n° 18-10.019, (P)

Rejet

Liquidation – Juge en charge de la liquidation – Pouvoirs – Etendue – Détermination

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 octobre 2017), qu'à la suite d'inondations subies par M. et Mme G... sur leur propriété, M. M... a été condamné, par un jugement du 30 juillet 2013 confirmé par un arrêt du 11 septembre 2014, à supprimer, sous astreinte, un mur de clôture et un remblai édifiés en limite du fonds de M. et Mme G... ; que par un jugement d'un juge de l'exécution du 23 mai 2017, il a été fait droit à la demande de liquidation de l'astreinte qu'ils avaient présentée ; que M. M... en a interjeté appel ; que le 5 décembre 2016, il a assigné M. et Mme G... en référé à fin de voir ordonner une expertise pour faire constater que des travaux réalisés notamment par la commune avaient fait cesser les désordres ;

Attendu que M. M... fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé sur la demande d'expertise et de le condamner à payer à M. et Mme G... les sommes de 800 euros à titre de dommages-intérêts et 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens alors, selon le moyen :

1°/ que la saisine du juge de l'exécution ne constitue pas un obstacle à la mise en oeuvre d'une mesure d'instruction in futurum ; que sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, M. M... a sollicité une expertise en invoquant des faits nouveaux sérieux et étayés, constituant un motif légitime qui justifiait la demande d'expertise comme étant susceptibles de modifier l'appréhension des causes et des possibilités d'inondation sur la propriété de ses voisins tels qu'ils avaient été présentés au tribunal d'instance et à la cour d'appel, qui l'ont condamné à détruire son mur ; qu'en écartant la demande d'expertise au motif qu'une procédure au fond était en cours, alors qu'au jour où elle a statué, seule une procédure d'appel interjeté à l'encontre d'une ordonnance du juge de l'exécution était en cours, qui ne constitue pas une procédure au fond et portait uniquement sur liquidation de l'astreinte, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;

2°/ que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; que pour justifier sa demande d'expertise, M. M... a invoqué des faits postérieurs à l'arrêt l'ayant condamné à détruire son mur et son remblai, à savoir des travaux de voirie de grande ampleur réalisés par le département du Var et par la commune de [...], préconisés par le bureau d'études hydraulique qu'il avait consulté et qui critiquait les conclusions de l'expert judiciaire ; qu'en rejetant la demande d'expertise sans préciser en quoi ces éléments ne constituaient pas un motif légitime d'établir la preuve de faits pouvant démontrer que les aménagements de la voirie suffisaient à éviter l'inondation de la propriété de M. et Mme G..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;

3°/ que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs ont modifié la situation antérieurement reconnue en justice ; que M. M... a invoqué des circonstances nouvelles susceptibles de modifier l'appréciation des causes de l'inondation de la propriété de M. et Mme G..., et donc des travaux propres à y remédier ; qu'en refusant de prendre en compte ces circonstances nouvelles comme pouvant fonder une nouvelle procédure dont l'objet serait de déterminer si les travaux de voirie réalisés par la ville de département permettaient d'écarter la possibilité d'inondation de la propriété de M. et Mme G..., la cour d'appel a violé les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, qu'une instance en liquidation d'une astreinte pendante devant un juge de l'exécution fait obstacle à ce qu'une partie saisisse un juge des référés, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, pour solliciter une mesure d'instruction destinée à établir la preuve de faits dont pourrait dépendre l'issue du litige pendant devant le juge de l'exécution ;

Et attendu, ensuite, qu'ayant retenu que l'instance en liquidation de l'astreinte faisait obstacle à ce que l'expertise sollicitée soit ordonnée en référé, c'est sans priver sa décision de base légale ni violer les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en droit en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Boulloche ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Articles L. 131-3 et R. 131-2, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, du code des procédures civiles d'exécution ; article 145 du code de procédure civile.

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