Numéro 3 - Mars 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2019

ASSURANCE DE PERSONNES

2e Civ., 7 mars 2019, n° 18-13.347, (P)

Rejet

Accidents corporels – Garantie – Décès accidentel – Preuve – Charge incombant au demandeur

Il appartient à celui qui réclame le bénéfice de l'assurance d'établir que sont réunies les conditions requises par la police pour mettre en jeu cette garantie.

Par suite, c'est sans inverser la charge de la preuve, qu'une cour d'appel décide qu'il appartenait aux ayants droit d'un assuré d'établir que le décès de ce dernier revêtait un caractère accidentel, circonstance qui constituait une condition de la garantie.

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que J... A... a souscrit auprès de la société Pacifica (l'assureur) une police d'assurance, à effet au 10 septembre 2012, portant sur son véhicule professionnel, stipulant une protection corporelle du conducteur ; qu'il est décédé le [...] au volant de son véhicule, son décès ayant été constaté à la suite d'une collision frontale avec le mur d'un immeuble ; que l'assureur, considérant que le décès n'était pas d'origine accidentelle, a refusé d'accorder sa garantie ; que Mmes D... A..., Y... A..., R... C..., épouse A..., Z... A..., épouse C... et P... A..., épouse O..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, V... et U... O..., ainsi que MM. W... A..., T... A... et K... A... (les consorts A...), en leur qualité d'ayants droit de J... A..., ont assigné l'assureur en exécution de la garantie ;

Attendu que les consorts A... font grief à l'arrêt de les débouter de toutes leurs demandes, notamment de celles tendant à voir juger que l'assureur devait sa garantie et à le voir condamné à leur payer diverses sommes en réparation de leurs préjudices, alors, selon le moyen :

1°/ que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations des juges du fond que le décès de l'assuré, qui ne présentait aucun antécédent pathologique ou suicidaire, a été constaté immédiatement après la collision dont il a été victime au volant de son véhicule, qu'aucune constatation ne permet de retenir un décès antérieurement à l'accident ni même d'exclure que le décès ait été causé par cette collision de sorte que dès lors qu'il n'était pas contesté que J... A... avait été victime d'un accident de la voie publique à [...] le [...] et que son décès a été constaté à cette occasion à 17 h 30, la cour d'appel ne pouvait débouter les exposants de leurs demandes car en statuant comme elle l'a fait, elle n'a pas tiré les conséquences légales qui s'imposaient et a violé l'article L. 113-1 du code des assurances et l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause ;

2°/ que le décès est présumé accidentel et il appartient à l'assureur d'apporter la preuve contraire ; qu'en l'espèce, il est constant qu'aux termes des conditions générales de la police d'assurance, était garanti le conducteur « blessé ou décédé dans le cadre d'un accident » en définissant ce dernier comme « une atteinte corporelle non intentionnelle de la part de la victime provenant de l'action soudaine d'une cause extérieure et exclusivement liée à l'usage comme moyen de transport du véhicule assuré » ; qu'après avoir écarté l'hypothèse d'un acte délibéré destiné à attenter à sa vie, la cour d'appel a constaté que le décès de J... A..., qui ne souffrait d'aucune pathologie et ne prenait aucun traitement médicamenteux dans la période qui a précédé son décès, avait été constaté à la suite de l'échec de la tentative de réanimation cardio-vasculaire entreprise immédiatement après que son véhicule eût heurté frontalement le mur d'un immeuble ; qu'il résultait également des propres constatations de l'arrêt que rien ne permettait d'exclure que son décès ait été causé par cette collision, la cause de son décès étant indéterminée ; qu'en l'état de ces constatations, le décès de l'assuré devait être présumé accidentel et il appartenait à l'assureur d'apporter la preuve contraire ; qu'en déboutant les ayants droit de l'assuré de leur demande tendant à l'application de la garantie de l'assureur au motif qu'ils n'apportaient pas la preuve qui leur incombait du caractère accidentel du décès, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et ainsi violé les articles 1315 (devenu 1353) du code civil et L. 113-1 du code des assurances ;

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que, sans inverser la charge de la preuve, la cour d'appel a estimé que les consorts A... ne démontraient pas que le décès de J... A... était accidentel, circonstance qui, s'agissant d'un contrat d'assurance contre les accidents corporels, constituait une condition de la garantie qu'il appartenait aux ayants droit de l'assuré d'établir ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les trois dernières branches du moyen unique, annexé, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Isola - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Article L. 113-1 du code des assurances ; articles 1134 et 1315 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 3 février 1993, pourvoi n° 90-17.003, Bull. 1993, I, n° 47 (rejet), et l'arrêt cité.

2e Civ., 14 mars 2019, n° 18-12.380, (P)

Rejet

Assurance de groupe – Assurance de groupe souscrite par l'employeur au profit du salarié – Garantie collective – Garantie collective complémentaire de celles qui résultent de l'organisation de la sécurité sociale – Prévoyance – Contribution de l'employeur – Cotisations – Exonération – Exclusion – Cas – Défaut de remise à chaque intéressé d'un écrit constatant la décision unilatérale du chef d'entreprise

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 21 décembre 2017), qu'à la suite d'un contrôle portant sur les années 2010 à 2012, l'Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Picardie (l'URSSAF) a notifié, le 21 mai 2013, à la société Picard serrures (la société), une lettre d'observations suivie, le 9 août 2013, d'une mise en demeure concernant, notamment, la contribution de l'employeur au financement d'une couverture complémentaire de prévoyance ; que la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours et de valider le chef de redressement n° 9 résultant de la réintégration, dans l'assiette des cotisations, de la contribution patronale au régime de prévoyance mis en place par la société, alors, selon le moyen :

1°/ que la formalisation du taux de cotisation ne constitue pas une condition d'exonération prévue à l'article L. 242-1, alinéa 6, du code de la sécurité sociale ; qu'en décidant le contraire, en l'espèce, après avoir estimé que le redressement opéré par l'URSSAF de Picardie était justifié aux motifs que « la modification de la répartition du financement de ce régime santé entre employeur et salarié imposait qu'un formalisme conforme aux dispositions précitées soit respecté et que les salariés soient individuellement informés de ces modifications » quand, ainsi que le faisait expressément valoir la société, « la formalisation du montant des cotisations ne constitue pas une condition d'exonération du financement patronal d'un régime de protection sociale », la cour d'appel a violé l'article L. 242-1, alinéa 6, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses ;

2°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la société faisait valoir que, s'agissant de l'évolution des montants de cotisations évoquée par l'URSSAF, les modifications purement administratives opérées par le nouveau contrat d'assurance avaient entraîné pour les salariés une baisse de ces montants comme cela ressortait du compte-rendu de la réunion du comité d'entreprise du 5 février 2010 ; qu'elle ajoutait que « dans la mesure où le traitement social de faveur porte sur le montant de la contribution patronale, l'absence de mise à jour de l'acte de droit du travail n'est pas préjudiciable dès lors que la cotisation globale, et donc la cotisation patronale, n'augmente pas » ; qu'elle en déduisait que « l'évolution des cotisations globales et donc de la cotisation patronale s'est réalisée à la baisse. Ainsi, l'absence de formalisation n'est en aucun cas préjudiciable » ; qu'en jugeant que le redressement opéré par l'URSSAF était justifié aux motifs que « la modification de la répartition du financement de ce régime santé entre employeur et salarié imposait qu'un formalisme conforme aux dispositions précitées soit respecté et que les salariés soient individuellement informés de ces modifications », sans répondre à ce chef pertinent qui était pourtant de nature à justifier une interprétation différente de celle retenue par l'arrêt et à influer sur la solution du litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, selon l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale, que les garanties collectives en matière de retraite et de prévoyance dont bénéficient les salariés, anciens salariés et ayants droit en complément de celles qui résultent de l'organisation de la sécurité sociale sont déterminées, notamment, par une décision unilatérale du chef d'entreprise constatée dans un écrit remis par celui-ci à chacun des intéressés ; qu'il en résulte que la contribution de l'employeur au financement des garanties collectives entre dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales dans les conditions prévues par l'article L. 242-1, alinéa 6, du même code, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, s'il n'a pas été procédé à la remise, à chacun des intéressés, d'un écrit constatant la décision unilatérale de l'employeur ;

Et attendu que l'arrêt relève que la société a souscrit, en 2006, un contrat de prévoyance santé par une décision unilatérale qui a été portée à la connaissance de chaque salarié par remise d'un écrit contre signature ; que ce contrat fixait à 48 euros la part patronale de la cotisation, d'un montant de 67 euros pour un salarié isolé, de 77 euros pour un adulte et un enfant, de 88 euros pour une famille et de 60 euros pour une personne invalide ; que le 29 janvier 2010, l'employeur a souscrit auprès du même organisme mutualiste un autre contrat qui modifie les dispositions relatives aux frais de santé et maintient les autres dispositions à l'identique ; que le compte-rendu de la réunion du comité d'entreprise du 5 février 2010 mentionne que le montant des cotisations au régime de prévoyance obligatoire a diminué et que les salariés seront informés par voie d'affichage ; que la part patronale est réduite à 45 euros ; que la part salariale est réduite respectivement à 9,82 euros et à 25,68 euros pour le salarié isolé et l'adulte avec un enfant ; qu'en cas de bénéficiaires multiples, la part salariale est augmentée et portée à 41,55 euros ;

Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes, a exactement déduit que la modification de la répartition du financement entre l'employeur et le salarié du régime complémentaire des frais de santé n'ayant pas été portée à la connaissance de chacun des salariés selon les modalités prévues par l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale, la société ne pouvait pas prétendre à la déduction de sa contribution au financement de ce régime de l'assiette des cotisations ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen annexé ainsi que sur le second moyen, pris en ses première et quatrième branches, annexé, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Le Fischer - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Articles L. 242-1, alinéa 6, et L. 911-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses.

Com., 6 mars 2019, n° 17-22.668, (P)

Cassation partielle

Assurance-vie – Nantissement en garantie du remboursement d'un prêt in fine – Action du souscripteur contre la banque – Prescription – Délai – Point de départ

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 7 mai 1999, la Société générale (la banque) a consenti à la SCI Eloes (la SCI) un prêt remboursable in fine à l'issue d'une période de douze ans ; que le remboursement de ce prêt était garanti par le nantissement de deux contrats d'assurance-vie, souscrits par M. V... par l'intermédiaire de la banque, et par le cautionnement de celui-ci et de la société Crédit logement ; que la banque, faisant valoir que le rachat total des contrats d'assurance-vie le 9 mars 2012 n'avait permis qu'un remboursement partiel du prêt, a, le 31 mai 2012, mis en demeure la SCI et les cautions de lui payer les sommes restant dues ; qu'après avoir désintéressé la banque, la société Crédit logement a assigné la SCI en paiement ; que M. V... et la SCI ont assigné la banque en responsabilité le 18 mars 2013, en lui reprochant de n'avoir pas informé M. V..., lors de la souscription des contrats d'assurance-vie, du risque que le rachat de ces contrats ne permette pas de rembourser le prêt à son terme ; que les instances ont été jointes ;

Sur le moyen unique, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la SCI à payer une certaine somme à la société Crédit logement et de dire que M. V... sera tenu au paiement d'une partie de cette condamnation :

Attendu que les motifs critiqués n'étant pas le soutien de ces chefs du dispositif, le moyen est inopérant ;

Mais sur le moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire prescrite l'action en responsabilité engagée par la SCI et M. V... contre la Société générale :

Vu l'article L. 110-4 du code de commerce ;

Attendu que pour déclarer prescrite l'action en responsabilité engagée par M. V... et la SCI contre la banque, l'arrêt, après avoir énoncé que le dommage résultant du manquement du banquier à ses obligations de conseil et de mise en garde à l'occasion du montage mis en place pour financer une acquisition immobilière et associant souscription d'un prêt in fine et adhésion à des contrats d'assurance-vie consiste en la perte d'une chance de ne pas contracter, laquelle se manifeste dès l'octroi du prêt, retient que la prescription a donc commencé à courir à la date de conclusion du contrat de prêt, en l'occurrence le 7 mai 1999 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le dommage invoqué par M. V..., souscripteur des contrats d'assurance-vie nantis, consistait en la perte de la chance d'éviter la réalisation du risque que, du fait d'une contre-performance de ces contrats, leur rachat ne permette pas de rembourser le prêt, et que ce risque n'avait pu se réaliser qu'au terme de celui-ci, en 2011, de sorte que ce dommage, comme celui, par ricochet, invoqué par la SCI, n'avaient pu survenir qu'à cette date et que l'action exercée le 18 mars 2013 n'était donc pas prescrite, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il déclare prescrite l'action en responsabilité contractuelle engagée par la SCI Eloes et M. V... contre la Société générale et en ce qu'il condamne la SCI Eloes et M. V... à payer à la Société générale la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 11 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Met hors de cause, sur sa demande, la société Crédit logement dont la présence devant la cour de renvoi n'est plus nécessaire à la solution du litige.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Blanc - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article L. 110-4 du code de commerce.

2e Civ., 28 mars 2019, n° 18-15.612, (P)

Cassation

Assurance-vie – Souscripteur – Renonciation prorogée – Faculté – Caractère discrétionnaire – Limite – Abus de droit – Appréciation – Moment

La faculté prorogée de renonciation prévue par l'article L. 132-5-1 du code des assurances en l'absence de respect, par l'assureur, du formalisme informatif qu'il édicte revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d'assurance, dont l'exercice peut dégénérer en abus, lequel s'apprécie au moment où le preneur d'assurance exerce cette faculté.

Dès lors, prive sa décision de base légale la cour d'appel qui ne recherche pas, à la date d'exercice par des assurés de leur faculté de renonciation, quelle était, au regard de leur situation concrète et de leur qualité d'assuré averti ou profane et des informations dont ils disposaient réellement, la finalité de cet exercice et s'il n'en résultait pas l'existence d'un abus de droit.

Assurance-vie – Souscripteur – Renonciation prorogée – Faculté – Exercice – Conditions – Détermination – Portée

Assurance-vie – Souscripteur – Renonciation prorogée – Faculté – Exercice – Finalité – Appréciation – Nécessité

Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 24 mars 2016, n° 15-16.693), que M. et Mme J... ont adhéré chacun au cours de l'année 1999 à un contrat collectif d'assurance sur la vie dénommé « Hévéa », auprès de la société Sogecap (l'assureur) ; que, se prévalant du manquement de ce dernier à son obligation précontractuelle d'information, ils ont exercé le 5 janvier 2011 la faculté prorogée de renonciation que leur ouvrait l'article L. 132-5-1 du code des assurances ; que l'assureur ne leur ayant pas restitué les sommes qu'ils avaient versées, ils l'ont assigné en paiement desdites sommes ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen pris en ses première et troisième branches :

Vu l'article L. 132-5-1 du code des assurances dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu que si la faculté prorogée de renonciation prévue par ce texte en l'absence de respect, par l'assureur, du formalisme informatif qu'il édicte, revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d'assurance, son exercice peut dégénérer en abus ; que l'abus s'apprécie au moment où le preneur d'assurance exerce cette faculté ;

Attendu que, pour condamner l'assureur à payer respectivement à Mme J... et à M. J... les sommes de 5 515,97 euros et de 23 694,62 euros avec intérêts au taux légal majoré, au titre de leurs contrats « Hévéa », et le débouter de ses demandes contraires, l'arrêt retient que, pour rapporter la preuve de la mauvaise foi de l'assuré et de l'abus de droit dans l'exercice de la faculté de renonciation prorogée, l'assureur doit établir que l'assuré était au moment de la souscription du contrat mieux informé que lui-même du manquement par ce dernier à son obligation d'information et qu'il n'aurait souscrit le contrat qu'en considération de la possibilité d'y renoncer ultérieurement ; qu'il retient encore que l'assureur ne prouve pas l'intention de lui nuire des époux J..., et que leur renonciation trouve son fondement dans le non-respect par l'assureur de son obligation pré-contractuelle d'information telle que prévue par les articles L. 132-5-1 et A. 132-4 du code des assurances, de sorte qu'ils n'ont donc pas détourné le droit de sa finalité ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, à la date d'exercice de la faculté de renonciation, au regard de la situation concrète de M. et Mme J..., de leur qualité d'assuré averti ou profane et des informations dont ils disposaient réellement, quelle était la finalité de l'exercice de leur droit de renonciation et s'il n'en résultait pas l'existence d'un abus de droit, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Besson - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Article L. 132-5-1 du code des assurances, dans sa rédaction applicable au litige.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 7 février 2019, pourvoi n° 17-27.223, Bull. 2019, II, (2) (cassation), et les arrêts cités.

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