Numéro 3 - Mars 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2019

APPEL CIVIL

Com., 27 mars 2019, n° 17-26.646, (P)

Rejet et cassation partielle

Acte d'appel – Appel concomitant d'un jugement sur le fond et d'un jugement avant dire droit – Délai d'appel – Point de départ – Détermination

Selon l'article 545 du code de procédure civile, les jugements avant dire droit ne peuvent être frappés d'appel indépendamment des jugements sur le fond.

Il en résulte que le délai pour interjeter appel des premiers ne court qu'à compter du point de départ du délai pour former appel contre les seconds.

Délai – Jugement d'avant dire droit – Délai d'appel – Point de départ – Détermination

Statuant tant sur les pourvois principal, dirigé contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 août 2017, et additionnel, dirigé contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 24 mai 2016, formés par la société Détroyat associés (la société Détroyat), que sur le pourvoi incident relevé par M. R... F... (M. R...) et la société ATP, et dirigé contre l'arrêt du 10 août 2017 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, qu'entre 2005 et 2007, la société ATP, détenue par M. R..., a cédé à la société Adel, détenue par MM. W... et V..., les parts qu'elle détenait dans le capital de la société anonyme Détroyat ; que le 15 octobre 2007, jour de la cession du solde des actions de la société Détroyat, M. R... a démissionné de ses fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général de cette société ; que, reprochant à M. R... des fautes de gestion, la société Détroyat l'a assigné, ainsi que la société ATP, en responsabilité ; que par jugement du 28 juin 2012, le tribunal de grande instance a rejeté les fins de non-recevoir tirées de la prescription d'une partie des demandes, a dit les demandes de la société Détroyat recevables et a ordonné avant dire droit une mesure d'expertise ; que par jugement du 19 février 2015, ce tribunal a condamné M. R... à payer à la société Détroyat diverses sommes à titre de dommages-intérêts ; que le 3 mars 2015, la société Détroyat a fait signifier à M. R... et à la société ATP le premier jugement ; que M. R..., par déclaration unique du 6 août 2015, et la société ATP, par déclaration unique du 7 août 2015, ont relevé appel des deux jugements ; que, par le premier arrêt, la cour d'appel a déclaré recevables les appels formés à l'encontre du jugement du 28 juin 2012 ; que, par le second, elle a notamment condamné M. R... à payer à la société Détroyat des dommages-intérêts en réparation de différents préjudices ;

Sur le moyen unique du pourvoi additionnel, dont l'examen est préalable :

Attendu que la société Détroyat fait grief à l'arrêt du 24 mai 2016 de déclarer recevables les appels relevés par M. R... et par la société ATP du jugement du 28 juin 2012 alors, selon le moyen, qu'aucune voie de recours ne peut être exercée contre un jugement avant dire droit avant le prononcé du jugement au fond ; que l'appel formé contre un jugement avant dire droit suit le droit commun des voies de recours dès lors qu'il est valablement signifié à l'adversaire après le prononcé du jugement au fond, indépendamment du délai d'appel de ce dernier ; qu'au cas présent, la société Détroyat a signifié à M. R... et à la société ATP le jugement avant dire droit rendu le 28 juin 2012 par un acte d'huissier en date du 3 mars 2015, et cela postérieurement au prononcé du jugement sur le fond du 19 février 2015, de sorte que le délai d'appel d'un mois contre le jugement avant dire droit courait à compter de sa signification ; qu'en considérant cependant que nonobstant la signification du jugement avant dire droit, le délai d'appel contre cette décision n'avait pas commencé à courir, la cour d'appel a violé les articles 528, 538 et 545 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, selon l'article 545 du code de procédure civile, les jugements avant dire droit ne peuvent être frappés d'appel indépendamment des jugements sur le fond ; qu'il en résulte que le délai pour interjeter appel des premiers ne court qu'à compter du point de départ du délai pour former appel contre les seconds ; qu'ayant relevé que le jugement sur le fond n'avait pas été notifié, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le délai d'appel de cette décision n'avait pas commencé à courir, de sorte que l'appel du jugement du 28 juin 2012, qui ne pouvait être relevé indépendamment du jugement sur le fond et qui l'avait été en l'espèce par une même déclaration visant les deux décisions, était recevable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur les premier, deuxième et quatrième moyens du pourvoi principal et les trois moyens du pourvoi incident :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu que pour condamner M. R... à payer à la société Détroyat la somme de 80 000 euros, outre les intérêts, au titre de la location d'oeuvres d'art par cette société, l'arrêt du 10 août 2017 retient que le montant de l'indemnisation tient compte des déductions des factures sur le résultat fiscal dont a pu bénéficier la société ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions fiscales frappant les revenus sont sans incidence sur les obligations des personnes responsables du dommage et le calcul de l'indemnisation des victimes, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi additionnel et le pourvoi incident ;

Mais sur le pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. R... F... à payer à la société Détroyat associés, outre les intérêts, la somme de 80 000 euros à titre de dommages-intérêts pour la location des oeuvres d'art, l'arrêt rendu le 10 août 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme de Cabarrus - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article 545 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 5 avril 2001, pourvoi n° 99-17.613, Bull. 2001, II, n° 70 (rejet).

2e Civ., 21 mars 2019, n° 17-10.663, (P)

Rejet

Acte d'appel – Prescription – Interruption par une déclaration d'appel devant une cour incompétente – Exclusion – Cas – Appel non fondé ou irrecevable

Si en application de l'article 2241 du code civil, une déclaration d'appel, serait-elle formée devant une cour d'appel incompétente, interrompt le délai d'appel, cette interruption est, en application 2243 du même code, non avenue lorsque l'appel est définitivement rejeté par un moyen de fond ou par une fin de non-recevoir.

Il s'ensuit qu'ayant constaté que l'appel avait été déclaré irrecevable, une cour d'appel retient à bon droit que l'interruption du délai d'appel est non avenue.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 16 novembre 2016), que la société Montpellier rugby club a interjeté appel le 17 août 2015 devant la cour d'appel de Paris d'un jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 28 juillet 2015 dans un litige l'opposant à M. E..., et qui lui a été notifié le 6 août 2015 ; que le 8 avril 2016, la société Montpellier rugby club a interjeté appel du même jugement devant la cour d'appel de Montpellier ; que par arrêt du 30 juin 2016, la cour d'appel de Paris a déclaré l'appel du 17 août 2015 irrecevable, comme formé devant une juridiction territorialement incompétente ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Montpellier rugby club fait grief à l'arrêt de rejeter la note en délibéré et l'exception de communication de pièces et de déclarer irrecevable l'appel interjeté le 8 avril 2016, alors, selon le moyen, que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense ; que le juge doit, en toutes circonstances et même lorsque la procédure est orale, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, qui constitue le fondement du droit à un procès équitable ; que dans le dossier qu'il a remis à la cour d'appel le jour de l'audience, M. E... a communiqué à la juridiction des spécimens d'accusés de réception de courriers et notifications adressés à la société Montpellier rugby club dont celle-ci, par hypothèse, ne disposait pas et qu'elle n'avait pu consulter ; qu'en refusant néanmoins d'écarter des débats ces pièces qui n'avaient pas été communiquées en temps utile pour permettre à la société Montpellier rugby club d'organiser sa défense, la cour d'appel a violé les articles 15 et 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant exactement relevé que les avis de réception de convocation devant le bureau de conciliation et à l'audience de départage du conseil de prud'hommes étaient des pièces de la procédure, c'est sans violer le principe de la contradiction et sans méconnaître l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'elle a refusé de les écarter des débats ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Montpellier rugby club fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'appel interjeté le 8 avril 2016, alors, selon le moyen :

1°/ que la notification d'un jugement, effectuée en application de l'article 665-1 du code de procédure civile, est réputée faite à personne lorsque l'avis de réception est signé par son destinataire, et réputée faite à domicile ou à résidence lorsque l'avis de réception est signé par une personne munie d'un pouvoir à cet effet ; qu'en l'absence d'avis de réception signé par un représentant de la personne morale destinataire ou d'une personne munie d'un pouvoir, le greffe doit inviter la partie à procéder par voie de signification ; que la société Montpellier rugby club faisait valoir que l'avis de réception de la notification du jugement du conseil de prud'hommes du 28 juillet 2015 n'avait pas été signé par son représentant légal, ni par une personne disposant d'une délégation de pouvoir ; que pour juger néanmoins la notification régulière, la cour d'appel, qui a constaté que l'avis de réception n'avait été signé ni par le président de la société ni par les personnes ayant reçu délégation de pouvoir à cette fin, a considéré que cet avis avait été nécessairement signé par un préposé de la société et que la signature était identique ou similaire à celle portée sur d'autres notifications ; qu'en statuant ainsi, sans constater l'identité du signataire de la notification ni l'existence d'une délégation de pouvoir reçue par ce signataire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 665-1, 670 et 675 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que la demande en justice portée devant une juridiction incompétente interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ; que la déclaration d'appel portée devant une cour d'appel territorialement incompétente interrompt le délai d'appel ; que la décision constatant l'irrecevabilité de l'appel résultant de l'incompétence de la cour d'appel saisie ne rend pas non avenue l'interruption du délai d'appel ; que la société Montpellier rugby club a interjeté appel du jugement du conseil de prud'hommes de Montpellier du 28 juillet 2015 devant la cour d'appel de Paris le 17 août 2015 ; que la déclaration d'appel, portée devant une cour d'appel incompétente, a interrompu le délai d'appel ; que pour déclarer irrecevable l'appel interjeté par la société Montpellier rugby club devant la cour d'appel de Montpellier le 8 avril 2016, cette dernière a considéré que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 30 juin 2016 déclarant irrecevable l'appel formé devant cette cour, en application de l'article R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire relatif à la compétence territoriale de la cour d'appel, avait rendu non avenue l'interruption du délai d'appel ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 2241 et 2243 du code civil, ensemble les articles R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu que la société Montpellier rugby club avait pu interjeter appel dans le délai requis, la cour d'appel n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inutile ;

Et attendu, d'autre part, que si, en application de l'article 2241 du code civil, une déclaration d'appel, serait-elle formée devant une cour d'appel incompétente, interrompt le délai d'appel, cette interruption est, en application de l'article 2243 du même code, non avenue lorsque l'appel est définitivement rejeté par un moyen de fond ou par une fin de non-recevoir ; qu'ayant constaté que l'appel avait été déclaré irrecevable, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a retenu que l'interruption du délai d'appel était non avenue ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, est mal fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : Me Haas ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Articles 2241 et 2243 du code civil.

Rapprochement(s) :

Com., 26 janvier 2016, pourvoi n° 14-17.952, Bull. 2016, IV, n° 17 (cassation partielle sans renvoi).

3e Civ., 14 mars 2019, n° 18-10.379, (P)

Cassation partielle

Demande nouvelle – Prétention virtuellement comprise dans la demande originaire – Vérification nécessaire

Ne donne pas de base légale à sa décision au regard de l'article 42 de la loi n° 65-557du 10 juillet 1965, ensemble l'article 566 du code de procédure civile, une cour d'appel qui déclare irrecevable la demande en annulation de diverses décisions adoptées au cours d'une assemblée générale, sans rechercher si cette demande subsidiaire n'était pas virtuellement comprise dans celle en annulation de l'assemblée générale et, dans l'affirmative, sans constater que cette demande initiale avait été formée hors délai.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 octobre 2017), que la société civile immobilière les Terres chaudes Bella Vista (la SCI), propriétaire de lots dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, a assigné le syndicat des copropriétaires en annulation de l'assemblée générale du 21 juin 2010, en invoquant le non-respect du délai de convocation prévu à l'article 9 du décret du 17 mars 1967 ; qu'en appel, elle a subsidiairement sollicité l'annulation de quinze résolutions ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande en annulation de l'assemblée générale, alors, selon le moyen, que le copropriétaire qui a été convoqué hors délai à une assemblée générale peut en demander l'annulation sans justifier d'un grief, peu important qu'il ait voté pour certaines résolutions ; qu'en estimant que le fait que la SCI Les Terres Chaudes Bella Vista ait voté pour plusieurs résolutions lors de l'assemblée générale attaquée lui interdisait de se prévaloir de la tardiveté de sa convocation pour demander l'annulation de l'assemblée, la cour d'appel a violé les articles 42 de la loi du 10 juillet 1965 et 9 du décret du 9 mars 1967 ;

Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit qu'un copropriétaire ne peut demander l'annulation d'une assemblée générale dès lors qu'il a voté en faveur de certaines des décisions prises et constaté que la SCI avait voté en faveur de plusieurs résolutions lors de l'assemblée générale du 21 juin 2010, sans que la mention en page trois du procès-verbal selon laquelle elle précisait que l'assemblée générale était entachée d'illégalité en raison du non-respect du délai de convocation lui ait conféré la qualité d'opposant ou de défaillant à l'ensemble des décisions prises, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande était irrecevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l'article 566 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande en annulation de diverses décisions adoptées au cours de l'assemblée générale, l'arrêt retient que la demande est nouvelle, comme n'ayant pas été présentée en première instance, et a été formée après l'expiration du délai de deux mois ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la demande subsidiaire en annulation de quinze décisions n'était pas virtuellement comprise dans la demande en annulation de l'assemblée générale et, dans l'affirmative, sans constater que cette demande initiale avait été formée hors délai, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de la société civile immobilière les Terres chaudes Bella Vista en annulation des décisions 5, 6, 7, 10, 11, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 29, 30, 31, 35 adoptées lors de l'assemblée générale du 21 juin 2010, l'arrêt rendu le 19 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Dagneaux - Avocat général : Mme Valdès-Boulouque (premier avocat général) - Avocat(s) : Me Occhipinti ; SCP Caston -

Textes visés :

Article 42 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ; article 9 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ; article 42 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, ensemble l'article 566 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur la recevabilité de l'action en nullité d'une assemblée générale, à rapprocher : 3e Civ., 7 septembre 2011, pourvoi n° 10-18.312, Bull. 2011, III, n° 139 (cassation partielle). Sur la notion de demande nouvelle en appel, à rapprocher : 3e Civ., 25 février 2016, pourvoi n° 14-29.760, Bull. 2016, III, n° 32 (cassation partielle).

2e Civ., 21 mars 2019, n° 17-31.502, (P)

Rejet

Recevabilité – Exclusion – Cas – Délai d'appel expiré après une première déclaration d'appel caduque

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 octobre 2017), que, dans un litige l'opposant au syndicat des copropriétaires du [...], la société Sabrina a interjeté appel le 3 août 2016, devant la cour d'appel de Paris, d'un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre qui lui avait été signifié le 18 juillet 2016 ; que le 29 septembre 2016, elle a interjeté appel du jugement devant la cour d'appel de Versailles ; que, dans l'instance pendante devant la cour d'appel de Paris, le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 4 janvier 2017, constaté la caducité de la déclaration d'appel faute pour l'appelante d'avoir conclu dans le délai requis ;

Attendu que la société Sabrina fait grief à l'arrêt de déclarer l'appel du 29 septembre 2016 irrecevable, alors, selon le moyen :

1°/ que la demande en justice interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ; qu'il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ; que tout en concédant, à la différence du premier juge, que la cour d'appel de Paris, qui avait été initialement saisie le 3 août 2016, soit dans le délai d'appel, était incompétente pour connaître de l'appel interjeté contre le jugement entrepris, prononcé par le tribunal de grande instance de Nanterre, la cour d'appel a dénié tout effet interruptif à l'acte de saisine de la juridiction parisienne pour en déduire l'irrecevabilité, motif pris de sa tardiveté, de l'appel qui avait été ensuite formé le 29 septembre 2016 devant la cour d'appel de Versailles, seule juridiction compétente pour en connaître ; qu'en refusant ainsi de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, la cour d'appel a violé l'article 2241, alinéa 2, du code civil ;

2°/ que l'interruption du délai de forclusion résultant de la demande en justice ou de l'exercice du recours n'est non avenue que si le demandeur se désiste de sa demande, s'il laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée ; qu'il s'ensuit que la décision constatant la caducité de la déclaration d'appel, faute pour l'appelant d'avoir conclu dans le délai de trois mois, ne prive pas cette déclaration de l'effet interruptif de forclusion qui lui est normalement attaché ; qu'en décidant au contraire que l'appel frappé de caducité était dépourvu de tout effet interruptif, la cour d'appel a violé l'article 2243 du code civil ;

3°/ subsidiairement, qu'à supposer même que l'effet interruptif de forclusion s'attachant à un acte d'appel puisse être regardé, en règle générale, comme non avenu si l'acte d'appel est ensuite frappé de caducité faute pour l'appelant d'avoir conclu dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile, cette règle doit recevoir exception lorsque c'est uniquement en raison de l'incompétence de la cour d'appel initialement saisie que l'appelant s'est abstenu de conclure dans le délai requis tout en saisissant parallèlement la cour d'appel territorialement compétente ; qu'en considérant que l'ordonnance de caducité prononcée par le conseiller de la mise en état près la cour d'appel de Paris le 4 janvier 2007 avait privé l'appel interjeté devant cette cour de son effet interruptif, sans prendre en considération, comme elle y était invitée, le fait que si la société Sabrina s'était abstenue de conclure devant la cour d'appel de Paris, c'était uniquement parce que celle-ci était incompétente pour connaître de son appel, comme cela était d'ailleurs attesté par les motifs mêmes de l'ordonnance de caducité, la cour d'appel a, en tout état de cause, privé sa décision de base légale au regard des articles 2241 et 2243 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu que la demande en justice dont la caducité a été constatée ne peut interrompre le cours de la prescription, la cour d'appel en a déduit à bon droit que le délai d'appel d'un mois, qui courait à compter de la signification du jugement et n'avait pas été interrompu par la première déclaration d'appel frappée de caducité, était expiré lorsque la société Sabrina avait interjeté appel devant elle, et que cet appel était irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Leduc et Vigand ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article 2241, alinéa 2, du code civil.

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