Numéro 3 - Mars 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2019

AIDE JURIDICTIONNELLE

2e Civ., 21 mars 2019, n° 18-10.408, (P)

Cassation partielle

Procédure d'admission – Demande d'aide juridictionnelle – Effets – Interruption du délai de contestation d'une saisie-attribution

L'assignation à comparaître devant un juge de l'exécution, en vue de contester une saisie-attribution, qui engage une action en justice à cette fin, entre dans le champ d'application de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, selon lequel lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant une juridiction du premier degré, l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : a) de la notification de la décision d'admission provisoire ; b) de la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; c) de la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ; d) ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que se prévalant d'un jugement, assorti de l'exécution provisoire et ultérieurement partiellement confirmé, ayant condamné Mme G... à lui payer diverses sommes, la société CA Consumer finance a fait procéder, les 4 février et 3 avril 2015, à la saisie-attribution de comptes bancaires ouverts au nom de Mme G... auprès de la Caisse d'épargne de Picardie ; que par actes des 16 mars et 20 avril 2015, Mme G... a fait assigner la société CA Consumer finance à comparaître devant un juge de l'exécution, en vue de contester ces saisies-attributions, qui lui avaient été respectivement dénoncées les 5 février et 9 avril 2015 ;

Sur le second moyen :

Attendu que Mme G... fait grief à l'arrêt de la débouter de toutes ses autres demandes ayant trait à la procédure de saisie-attribution diligentée par procès-verbal en date du 3 avril 2015, de la débouter de sa demande de report des sommes dues et d'imputation des paiements sur le capital et de la débouter de toutes ses demandes, alors, selon le moyen, que lorsque le créancier fait pratiquer une saisie sur un compte ouvert au nom de deux cotitulaires dont seulement l'un est son débiteur, il lui appartient d'identifier les fonds personnels de son débiteur ; qu'en retenant qu'il appartenait au cotitulaire non débiteur de démontrer que les fonds au crédit du compte sur lequel avait été pratiquée la saisie-attribution lui appartenaient en propre, quand il incombait à la société CA Consumer finance de démontrer que les fonds déposés sur le compte ouvert au nom de Mme G... et de M. H... étaient personnels à Mme G..., sa débitrice, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu que l'acte de saisie-attribution pratiqué entre les mains d'un établissement habilité à tenir des comptes de dépôt porte sur l'ensemble des comptes du débiteur qui représentent des créances de sommes d'argent de ce dernier contre cet établissement ; que dans le cas d'un compte joint, cet établissement étant débiteur de la totalité du solde de ce compte à l'égard de chacun de ses cotitulaires, l'effet attributif de la saisie s'étend, sous réserve des règles propres aux régimes matrimoniaux entre époux, à la totalité du solde créditeur, sauf pour le débiteur saisi ou le cotitulaire du compte, avisé de la saisie dans les conditions prévues par l'article R. 211-22 du code des procédures civiles d'exécution, à établir que ce solde est constitué de fonds provenant de ce dernier, en vue de les exclure de l'assiette de la saisie ;

Qu'ayant constaté qu'il n'était pas établi que les fonds se trouvant sur le compte joint dont M. H..., concubin de Mme G..., était le cotitulaire, lui appartenaient en propre, c'est à bon droit que la cour d'appel a débouté Mme G... de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution du 3 avril 2015 ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu, selon ce texte, que lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant une juridiction du premier degré l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : a) de la notification de la décision d'admission provisoire ; b) de la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; c) de la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ; d) ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ;

Attendu que pour déclarer Mme G... irrecevable en son recours à l'encontre de la saisie-attribution diligentée par la société CA Consumer finance le 4 février 2015, l'arrêt retient que les contestations relatives à la saisie-attribution sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de celle-ci au débiteur, que Mme G... reconnaît que le délai qui lui était imparti pour contester la saisie-attribution régularisée le 4 février 2015 expirait le 9 mars 2015, alors qu'elle n'a été contestée que le 16 mars 2015 et qu'aucune disposition de la loi du 10 juillet 1991 ne prévoit que le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle a pour effet de suspendre le délai d'un mois pour contester une saisie-attribution ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'assignation à comparaître devant un juge de l'exécution, en vue de contester une saisie-attribution, engage une action en justice à cette fin, de sorte que l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 susvisé est applicable au délai dans lequel cette contestation doit être formée, la cour d'appel, devant laquelle il était allégué la présentation, le 3 mars 2015, d'une demande d'aide juridictionnelle en vue de saisir le juge de l'exécution, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré Mme G... irrecevable en son recours entrepris à l'encontre de la saisie-attribution diligentée par la SA Consumer finance le 4 février 2015, l'arrêt rendu le 9 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, dans sa rédaction applicable au litige.

Rapprochement(s) :

Sur le champ d'application de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991, à rapprocher : Soc., 8 février 2005, pourvoi n° 02-46.044, Bull. 2005, V, n° 49 (cassation), et l'arrêt cité ; 2e Civ., 22 février 2007, pourvoi n° 06-10.559, Bull. 2007, II, n° 44 (rejet) ; 3e Civ., 7 novembre 2012, pourvoi n° 11-22.947, Bull. 2012, III, n° 164 (cassation) ; 2e Civ., 18 février 2016, pourvoi n° 14-25.790, Bull. 2016, II, n° 52 (rejet) ; 2e Civ., 7 juin 2018, pourvoi n° 17-19.449, Bull. 2018, II (rejet), et l'arrêt cité.

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