Numéro 3 - Mars 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2019

Partie I - Arrêts des chambres et ordonnances du Premier Président

ACCIDENT DE LA CIRCULATION

2e Civ., 28 mars 2019, n° 18-15.168, (P)

Rejet

Indemnisation – Exclusion – Victime autre que le conducteur – Faute inexcusable – Caractérisation

Ayant relevé que la victime, qui se tenait debout à côté de sa voiture, stationnée en bon état de marche, sur un refuge où elle se trouvait en sécurité, s'était, sans raison valable connue, soudainement engagée à pied sur la chaussée de l'autoroute, à la sortie d'une courbe masquant la visibilité pour les véhicules arrivant sur les voies, devant un ensemble routier circulant sur la voie de droite à la vitesse autorisée, la cour d'appel a pu en déduire qu'était caractérisée la faute inexcusable de la victime, cause exclusive de son dommage, au sens de l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

Victime – Victime autre que le conducteur – Piéton – Indemnisation – Exclusion – Faute inexcusable – Présence sur la chaussée – Autoroute – Piéton s'étant soudainement engagé sur les voies de circulation

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 13 février 2018) et les productions, que le 9 janvier 2012, vers 14 h 00, C... J... a été mortellement blessé par un ensemble routier immatriculé en Espagne et assuré par la société Allianz Espagne (l'assureur), alors qu'il était piéton ; que sa veuve, Mme P..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de leurs trois enfants mineurs, Z..., U... et O... J..., a assigné en indemnisation le Bureau central français, représentant l'assureur, en présence de l'Agent judiciaire de l'Etat, organisme social du défunt ;

Attendu que Mme P..., agissant en son nom personnel et ès qualités, fait grief à l'arrêt infirmatif de dire que la faute inexcusable de la victime exclut le droit à indemnisation de ses ayants droit et de débouter ainsi ces derniers de leurs demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que seule est inexcusable au sens de ce texte la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ; qu'en se déterminant par de tels motifs qui ne caractérisent pas l'existence d'une faute inexcusable à la charge de la victime, sans s'expliquer notamment sur les conditions climatiques et de visibilité du lieu de l'accident et sans rechercher, comme elle y était invitée par les écritures d'appel des exposants, si M. J... n'avait pas été troublé par le fait qu'il avait vu au dernier moment le poids lourd, par la vitesse de celui-ci et par la réaction de son chauffeur qui s'est déporté sur la gauche alors qu'il atteignait lui-même la voie de gauche et n'avait pas en réalité commis une erreur d'appréciation, exclusive du caractère inexcusable de sa faute, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3, alinéa 1, de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

2°/ qu'en toute hypothèse, la faute inexcusable de la victime n'exclut son indemnisation que lorsqu'elle est la cause exclusive de l'accident ; que la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que tel était le cas sans rechercher si la réaction du chauffeur du poids lourd qui s'est déporté sur la gauche alors qu'il atteignait lui-même la voie de gauche, n'avait pas contribué à l'accident, indépendamment de toute faute de sa part ; qu'en cet état, elle a de plus fort, privé sa décision de base légale au regard de l'article 3, alinéa 1, de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

Mais attendu qu'ayant relevé que C... J..., qui se tenait debout à côté de sa voiture, stationnée en bon état de marche, sur un refuge où il se trouvait en sécurité, s'est, sans raison valable connue, soudainement engagé à pied sur la chaussée de l'autoroute, à la sortie d'une courbe masquant la visibilité pour les véhicules arrivant sur les voies, devant un ensemble routier circulant sur la voie de droite à la vitesse autorisée, qui n'a pas disposé d'une distance suffisante pour l'éviter, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ni de procéder à la recherche visée par la seconde branche, qui ne lui était pas demandée, a pu en déduire qu'était caractérisée la faute inexcusable de la victime et que cette faute était la cause exclusive de son dommage ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Boiffin - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 27 mai 1999, pourvoi n° 97-21.309, Bull. 1999, II, n° 99 (rejet), et l'arrêt cité.

2e Civ., 28 mars 2019, n° 18-14.125, n° 18-15.855, (P)

Cassation

Indemnisation – Exclusion – Victime autre que le conducteur – Faute inexcusable – Définition

Seule est inexcusable au sens de l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience.

Ne caractérise pas une telle faute l'arrêt qui retient que deux cyclistes ont volontairement emprunté, de nuit, la route départementale au lieu de la piste cyclable pour rentrer plus vite, alors qu'ils connaissaient les lieux, qu'ils avaient conscience du danger et qu'ils circulaient sur des vélos dépourvus de tout éclairage ou d'équipement lumineux ou réfléchissant.

Victime – Victime autre que le conducteur – Cycliste – Indemnisation – Faute inexcusable non caractérisée

Joint les pourvois n° 18-14.125 et 18-15.855 ;

Sur le moyen unique de chaque pourvoi, pris en leur première branche, qui sont similaires :

Vu l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

Attendu que seule est inexcusable au sens de ce texte la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 14 octobre 2012, vers minuit trente, T... S... et M. D... A..., mineurs, circulaient à bicyclettes sur une route départementale, quand ils ont été heurtés par le véhicule conduit par M. F..., qui arrivait en sens inverse et effectuait une manoeuvre de dépassement ; que T... S... est décédé lors de l'accident et M. D... A... a été blessé ; que la société Areas dommages, assureur de M. F..., a assigné M. Z... S... et Mme Y... S..., parents de T... S..., M. D... A..., ainsi que ses parents, M. U... A... et Mme L... A... pour voir juger que les fautes inexcusables des victimes les privaient de tout droit à indemnisation ; que M. J... S..., Mme B..., M. Q... S..., et Mme G... respectivement frère et grands parents de T... S..., sont intervenus volontairement à l'instance ;

Attendu que pour dire que T... S... et M. D... A... avaient commis une faute inexcusable cause exclusive de l'accident et exclure du droit à indemnisation les conséquences dommageables de celui-ci, l'arrêt retient qu'ils ont volontairement de nuit décidé d'emprunter la route départementale au lieu de la piste cyclable pour rentrer plus vite alors qu'ils circulaient sur des bicyclettes dépourvues de tout éclairage et sans aucun équipement lumineux ou réfléchissant et que par ailleurs ils connaissaient les lieux et que compte tenu de leur âge au moment de l'accident, 17 ans et 16 ans, ils avaient conscience du danger comme cela ressort de l'audition de M. D... A... qui avait répondu à son ami que c'était dangereux d'emprunter la route départementale ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les éléments relevés ne caractérisaient pas l'existence d'une faute inexcusable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches des pourvois :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : Me Balat ; SCP Waquet, Farge et Hazan ; Me Le Prado -

Textes visés :

Article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 28 mars 1994, pourvoi n° 92-15.863, Bull. 1994, II, n° 110 (cassation), et les arrêts cités.

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