Numéro 2 - Février 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2024

TRAVAIL TEMPORAIRE

Soc., 7 février 2024, n° 22-20.258, n° 22-20.321, (B), FS

Rejet

Contrat de mission – Succession de contrats de mission – Requalification en contrat de travail à durée indéterminée – Effets – Indifférence de la signature d'un contrat à durée indéterminée intérimaire – Condition – Défaut d'identité d'objets des deux contrats – Portée

Il résulte de l'article 56 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi et des articles L. 1251-5, L. 1251-6 et L. 1251-40 du code du travail que, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en violation des dispositions visées par l'article L. 1251-40, le salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa première mission irrégulière, y compris lorsqu'il a conclu avec l'entreprise de travail temporaire un contrat à durée indéterminée intérimaire.

Il en résulte en outre que, nonobstant l'existence d'un contrat à durée indéterminée intérimaire, la rupture des relations contractuelles à l'expiration d'une mission à l'initiative de l'entreprise utilisatrice s'analyse, si le contrat est requalifié à son égard en contrat à durée indéterminée, en un licenciement qui ouvre droit, le cas échéant, à des indemnités de rupture.

Doit dès lors être approuvée la cour d'appel qui a énoncé que, nonobstant la signature d'un contrat à durée indéterminée intérimaire par le salarié, ce dernier pouvait solliciter, d'une part, la requalification des missions qui lui étaient confiées en contrat à durée indéterminée de droit commun à l'égard de l'entreprise utilisatrice, au motif qu'elles avaient eu pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de celle-ci, d'autre part, à l'égard de l'entreprise utilisatrice, par suite de cette requalification, comme de l'entreprise de travail temporaire en raison de son licenciement dans le cadre du contrat à durée indéterminée intérimaire, diverses sommes au titre des deux ruptures injustifiées, dès lors que l'objet des contrats n'est pas le même, y compris lorsque les ruptures interviennent à des périodes concomitantes après la fin d'une mission auprès de l'entreprise utilisatrice.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 22-20.258 et 22-20.321 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 16 juin 2022), la société Adecco France (l'entreprise de travail temporaire) a mis Mme [C] à la disposition de la société Petzl distribution, en qualité d'opératrice d'assemblage, suivant contrats de mission temporaire entre les 8 avril et 23 décembre 2015.

3. Le 13 janvier 2016, l'entreprise de travail temporaire et la salariée ont conclu un contrat à durée indéterminée intérimaire.

4. En exécution de ce contrat, l'entreprise de travail temporaire a mis la salariée à la disposition des sociétés :

 - Petzl distribution (l'entreprise utilisatrice), entre le 13 janvier 2016 et le 31 mai 2019, en qualité d'opératrice,

 - Hager Security, entre les 5 juin et 12 juillet 2019, en qualité d'agent de production,

 - Araymond France, entre les 29 juillet et 30 août 2019, en qualité de manutentionnaire.

5. La salariée a saisi la juridiction prud'homale le 26 septembre 2019 à l'effet d'obtenir la requalification de ses missions d'intérim en contrat à durée indéterminée auprès de la société Petzl distribution et de contester la rupture de la relation de travail avec cette dernière.

6. Le 26 novembre 2019, elle a été licenciée par l'entreprise de travail temporaire.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal de l'entreprise de travail temporaire et le moyen du pourvoi incident de la salariée dans le dossier n° 22-20.258

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur les moyens du pourvoi de l'entreprise utilisatrice dans le dossier n° 22-20.321, réunis

Enoncé des moyens

8. Par son premier moyen, l'entreprise utilisatrice fait grief à l'arrêt de requalifier les missions d'intérim à son égard en contrat à durée indéterminée à compter du 8 avril 2015, de dire qu'elle a licencié la salariée sans cause réelle et sérieuse le 31 mai 2019 et de la condamner à payer à cette dernière diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que le contrat de travail à durée indéterminée intérimaire est régi par les dispositions du contrat de travail relatives au contrat à durée indéterminée ; que, si les missions effectuées par le salarié dans ce cadre sont régies par les articles L. 1251-5 à L. 1251-63 du code du travail, à l'exception de certaines dispositions parmi lesquelles ne sont pas mentionnées celles de l'article L. 1251-40 du code du travail, la requalification avec l'entreprise utilisatrice est nécessairement exclue dans la mesure où le salarié intérimaire ne peut être lié, pour une même prestation de travail, par deux contrats à durée indéterminée distincts ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme [C] avait été mise à la disposition, par la société Adecco France, de la société Petzl distribution, entre le 8 avril 2015 et le 23 décembre 2015 ; que le 13 janvier 2016, la salariée avait conclu un contrat à durée indéterminée intérimaire avec la société Adecco France et que, dans le cadre de ce contrat, elle avait été mise à disposition de la société Petzl distribution entre le 13 janvier 2016 et le 31 mai 2019, de la société Hager Security entre le 5 juin 2019 et le 12 juillet 2019, et de la SAS Araymond France du 29 juillet 2019 au 30 août 2019 ; qu'elle avait fait l'objet d'un licenciement pour faute grave, le 26 avril 2019, par la société Adecco France ; que, pour dire que la relation contractuelle entre la société Petzl distribution et Mme [C] devait être requalifiée en un contrat à durée indéterminée à compter du 8 avril 2015, que cette société avait licencié sans cause réelle et sérieuse Mme [C] le 31 mai 2019, et la condamner au paiement de sommes à titre d'indemnité de préavis, congés payés afférents, indemnité de licenciement et dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, la cour d'appel a considéré que les dispositions légales relatives au contrat à durée indéterminée intérimaire n'excluaient pas la requalification auprès de l'entreprise utilisatrice, et que dès lors qu'il n'était pas justifié du motif du recours au travail temporaire pour la période antérieure à 2016, les missions effectuées pour le compte la société Petzl distribution devaient être requalifiées en contrat à durée indéterminée à compter de la première d'entre elles ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 56 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, ensemble les articles L. 1251-58-1 à L. 1251-58-5 du code du travail, ainsi que les articles L. 1251-5, L. 1251-6, et L. 1251-40 du même code ;

2°/ que le contrat de travail à durée indéterminée intérimaire est régi par les dispositions du contrat de travail relatives au contrat à durée indéterminée ; qu'à admettre que le salarié lié à l'entreprise de travail temporaire par un contrat de travail à durée indéterminée temporaire intérimaire puisse solliciter la requalification auprès de l'entreprise utilisatrice, le fait, pour celle-ci, de cesser de fournir du travail au salarié au terme d'une mission conclue dans le cadre d'un tel contrat ne peut s'assimiler à une rupture produisant les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ; que, pour dire que la relation contractuelle entre la société Petzl distribution et Mme [C] devait être requalifiée en un contrat à durée indéterminée à compter du 8 avril 2015, que cette société avait licencié sans cause réelle et sérieuse Mme [C] le 31 mai 2019, et la condamner au paiement de sommes à titre d'indemnité de préavis, congés payés afférents, indemnité de licenciement et dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, la cour d'appel, après avoir procédé à la requalification des missions effectuées pour le compte la société Petzl distribution en un contrat à durée indéterminée, a retenu que dès lors que celle-ci avait cessé de fournir du travail à Mme [C] après le 31 mai 2019, elle avait rompu le contrat sans observation d'une procédure de licenciement, ce qui s'analysait en un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ; qu'en statuant ainsi, quand le fait, pour l'entreprise utilisatrice d'avoir, à l'issue d'une mission confiée dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée intérimaire, cessé de fournir du travail à la salariée, ne pouvait s'analyser en une rupture du contrat à durée indéterminée issu de la requalification à laquelle avait procédé, et moins encore en une rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ce d'autant qu'au cas présent la salariée, en exécution de son contrat à durée intérimaire avec l'entreprise de travail temporaire, s'était immédiatement vue confier de nouvelles missions avec d'autres entreprises utilisatrices, la cour d'appel a violé l'article 56 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, ensemble les articles L. 1251-58-1 à L. 1251-58-5 du code du travail, ainsi que les articles L. 1251-5, L. 1251-6, et L. 1251-40 du même code »

9. Par son second moyen, elle fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de condamner l'entreprise de travail temporaire au paiement d'autres sommes de ces mêmes chefs, alors « que le salarié lié par un contrat à durée indéterminée intérimaire avec l'entreprise de travail temporaire ne peut obtenir, à la fois auprès de l'entreprise temporaire et de l'entreprise utilisatrice, les indemnités de rupture et dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, à raison des mêmes missions effectuées au sein de l'entreprise utilisatrice ; qu'en l'espèce, après avoir requalifié les missions effectuées par Mme [C] entre le 8 avril 2015 et le 31 mai 2019 auprès de la société Petzl distribution, en contrat à durée indéterminée qu'elle a estimé rompu par l'absence de fourniture d'une nouvelle mission après cette date, et retenu que le contrat à durée indéterminée intérimaire du 13 janvier 2016 conclu entre Mme [C] et la société Adecco France, rompu par un licenciement du 26 novembre 2019 selon elle injustifié, la cour d'appel a condamné, tant la Petzl distribution que la société Adecco France au paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, la première au titre de la période du 8 avril 2015 au 31 mai 2019, et la seconde au titre de la période du 13 janvier 2016 au 26 novembre 2019 ; qu'en prononçant de telles condamnations, sur le fondement de missions effectuées au sein de la société Petzl distribution entre le 13 janvier 2016 et le 31 mai 2016, qui n'étaient pas susceptibles de générer au bénéfice de la salariée une double indemnisation, la cour d'appel a violé l'article 56 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, les articles L. 1251-58-1 à L. 1251-58-5 du code du travail, les articles L. 1251-5, L. 1251-6 L. 1251-40, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. »

Réponse de la Cour

10. Selon l'article 56 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, une entreprise de travail temporaire peut conclure avec le salarié un contrat à durée indéterminée pour l'exécution de missions successives. Chaque mission donne lieu à la conclusion d'un contrat de mise à disposition entre l'entreprise de travail temporaire et le client utilisateur, dit entreprise utilisatrice, et à l'établissement, par l'entreprise de travail temporaire, d'une lettre de mission.

Le contrat de travail est régi par les dispositions du code du travail relatives au contrat à durée indéterminée, sous réserve des dispositions du présent article.

Les missions effectuées par le salarié lié par un contrat de travail à durée indéterminée avec l'entreprise de travail temporaire sont régies notamment par les articles L. 1251-5, L. 1251-6 et L. 1251-40 du code du travail. Pour l'application des dispositions de l'article L. 1251-5, les mots : « contrat de mission » sont remplacés par les mots : « lettre de mission ».

11. Aux termes de l'article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

12. Selon l'article L. 1251-6 du même code, sous réserve des dispositions de l'article L. 1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée « mission » et seulement dans les cas énumérés, parmi lesquels l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.

13. Selon l'article L. 1251-40 du même code, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions, notamment, des articles L. 1251-5 et L. 1251-6, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

14. Il résulte de ces textes que, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en violation des dispositions visées par l'article L. 1251-40, le salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa première mission irrégulière, y compris lorsqu'il a conclu avec l'entreprise de travail temporaire un contrat à durée indéterminée intérimaire.

15. Il en résulte en outre que, nonobstant l'existence d'un contrat à durée indéterminée intérimaire, la rupture des relations contractuelles à l'expiration d'une mission à l'initiative de l'entreprise utilisatrice s'analyse, si le contrat est requalifié à son égard en contrat à durée indéterminée, en un licenciement qui ouvre droit, le cas échéant, à des indemnités de rupture.

16. La cour d'appel a d'abord énoncé à bon droit que, nonobstant la signature d'un contrat à durée indéterminée intérimaire par le salarié, ce dernier peut solliciter, d'une part, la requalification des missions qui lui sont confiées en contrat à durée indéterminée de droit commun à l'égard de l'entreprise utilisatrice, au motif qu'elles ont eu pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de celle-ci, d'autre part, à l'égard de l'entreprise utilisatrice, par suite de cette requalification, comme de l'entreprise de travail temporaire en raison de son licenciement dans le cadre du contrat à durée indéterminée intérimaire, diverses sommes au titre des deux ruptures injustifiées, dès lors que l'objet des contrats n'est pas le même, y compris lorsque les ruptures interviennent à des périodes concomitantes après la fin d'une mission auprès de l'entreprise utilisatrice.

17. Ensuite, après avoir constaté que le motif de recours n'était pas justifié pour la période antérieure à l'année 2016, la cour d'appel a exactement retenu que les missions exercées par la salariée auprès de l'entreprise utilisatrice devaient être requalifiées en contrat à durée indéterminée à compter du 8 avril 2015.

18. Enfin, après avoir relevé que l'entreprise utilisatrice avait mis fin aux relations contractuelles le 31 mai 2019, elle a exactement décidé que la rupture du contrat de travail, intervenue sans procédure de licenciement, s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse justifiant que soient allouées à la salariée des sommes au titre des indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

19. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Techer - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 56 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi ; articles L. 1251-5, L. 1251-6 et L. 1251-40 du code du travail.

Soc., 7 février 2024, n° 22-16.961, (B), FS

Rejet

Contrat de mission – Terme – Echéance du terme – Survenue durant la période de suspension pour accident du travail – Visite de reprise – Obligation (non) – Détermination – Portée

Aux termes de l'article L. 1251-29 du code du travail, la suspension du contrat de mission du salarié ne fait pas obstacle à l'échéance de ce contrat.

Aux termes de l'article R. 4624-22 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012, le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail :

1° Après un congé de maternité ;

2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

3° Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.

Il résulte de la combinaison de ces textes que, nonobstant la suspension du contrat de mission pour cause d'accident du travail, si ce contrat arrive à échéance avant la fin de l'absence du salarié intérimaire, les dispositions de l'article R. 4624-22 du code du travail n'ont pas vocation à s'appliquer.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 avril 2021), M. [J] a été engagé en qualité d'auxiliaire ambulancier par la société Synergie Aubagne (entreprise de travail temporaire) suivant contrat de mission d'une durée d'un jour le 1er février 2016 et a été mis à disposition de la société Bruny ambulances peypinoises (entreprise utilisatrice).

2. Le salarié intérimaire a été victime d'un accident du travail au cours de cette journée et a fait l'objet d'un arrêt de travail jusqu'au 29 mars 2016.

3. Il a saisi la juridiction prud'homale, le 29 janvier 2018, de demandes tendant à condamner l'entreprise de travail temporaire à organiser une visite médicale de reprise sous astreinte ainsi qu'à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaire et de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié intérimaire fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à la condamnation de son employeur à organiser sous astreinte une visite médicale de reprise, à lui verser une certaine somme à parfaire à titre de rappel de salaires outre des dommages-intérêts, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article R. 4624-31 du code du travail dans sa version alors applicable, l'organisation par l'employeur d'une visite de reprise est obligatoire notamment en cas d'absence d'au moins 30 jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel ; que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité ; que selon la directive 91/383 du 25 juin 1991, les travailleurs intérimaires doivent bénéficier du même niveau de protection, d'information, de formation sur les risques professionnels et de suivi médical que les salariés permanents de l'entreprise ; que si en vertu de l'article L. 1226-19 du code du travail, la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ne fait effectivement pas obstacle à l'échéance du contrat de travail temporaire, il n'en demeure pas moins qu'en l'absence de visite médicale de reprise la période de suspension du contrat de travail se poursuit ; qu'en décidant néanmoins qu'en l'état du contrat de mission souscrit pour la journée du 1er février 2016, la société Synergie n'avait pas en mars 2016 la qualité d'employeur de M. [J] et qu'il ne pouvait en conséquence être opposé à cette dernière aucune carence dans l'organisation d'un examen de reprise de M. [J], qui n'était pas salarié permanent de l'entreprise de travail temporaire à son poste d'auxiliaire ambulancier au sein de l'entreprise utilisatrice, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-19, L. 4121-1 et les articles R. 4624-21 et R. 4624-22 du même code en leur rédaction alors applicable ;

2°/ que dans ses conclusions d'appel, M. [J] avait fait valoir que la carence fautive de la société Synergie engageait sa responsabilité et ouvrait droit à dommages- intérêts au bénéfice du salarié en réparation du préjudice subi ; que la faute de la société Synergie Aubagne lui était d'autant plus préjudiciable que les agences d'intérim ont accès à un fichier commun des aptitudes des salariés intérimaires permettant de vérifier les postes pour lesquels le salarié a récemment passé une visite médicale et s'il répond à tous les critères de validité d'aptitude au poste pour lequel il est recruté ; que par sa négligence fautive, la société Synergie l'avait donc, ni plus ni moins, ''black-listé'' dès lors que du fait de sa profession d'ambulancier, il devait être en possession d'un certificat médical de non contre-indications, établi avant l'embauche et ce d'autant plus compte tenu de l'exposition aux agents biologiques - corollaire de la profession du requérant - qui donne lieu à une surveillance médicale renforcée ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans répondre aux dites conclusions qui étaient de nature à influer sur la décision entreprise si elles avaient été prises en considération, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article L. 1251-29 du code du travail, la suspension du contrat de mission du salarié ne fait pas obstacle à l'échéance de ce contrat.

6. Aux termes de l'article R. 4624-22 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012, le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail :

1° Après un congé de maternité ;

2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

3° Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.

7. Il résulte de la combinaison de ces textes que, nonobstant la suspension du contrat de mission pour cause d'accident du travail, si ce contrat arrive à échéance avant la fin de l'absence du salarié intérimaire, les dispositions de l'article R. 4624-22 du code du travail n'ont pas vocation à s'appliquer.

8. L'arrêt constate, d'abord, que le contrat de mission liant l'entreprise de travail temporaire et le salarié intérimaire était prévu pour une journée, le 1er février 2016, et qu'il avait pris fin à l'échéance du terme, ce même jour, à l'horaire contractualisé.

9. Il relève, ensuite, que l'accident du travail dont a été victime le salarié intérimaire a suspendu le contrat de travail le 1er février 2016 à compter de sa survenance.

10. Il retient, enfin, qu'eu égard au contrat de mission souscrit pour la journée du 1er février 2016, l'entreprise de travail temporaire n'avait pas, au mois de mars 2016, la qualité d'employeur du salarié, lorsque ce dernier a été considéré comme susceptible de reprendre une activité.

11. En l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a retenu à bon droit qu'aucune carence dans l'organisation d'un examen de reprise du travail ne pouvait être reprochée à l'entreprise de travail temporaire et, répondant ainsi aux conclusions prétendument délaissées, en a exactement déduit que le salarié devait être débouté de l'ensemble de ses demandes.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Thomas-Davost - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 1251-29 et R. 4624-22 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012.

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