Numéro 2 - Février 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2024

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX

2e Civ., 1 février 2024, n° 22-14.255, (B), FRH

Cassation partielle

Contentieux spéciaux – Expertise technique – Litige portant sur la décision prise après mise en oeuvre de l'expertise technique – Expertise prévue à l'article L. 141-2 du code de la sécurité sociale – Effets – Détermination – Portée

Il résulte de la combinaison des articles L. 141-1, L. 141-2 et R. 142-24-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction alors en vigueur, que lorsque le juge, saisi d'un différend portant sur une décision prise après mise en oeuvre de l'expertise médicale technique prévue par le premier, ordonne, à la demande d'une partie, une nouvelle expertise, en application des deux derniers, l'avis de l'expert, désigné dans les conditions prévues par le troisième, s'impose à l'intéressé comme à la caisse, sauf au juge à ordonner un complément d'expertise ou, à la demande de l'une des parties, une nouvelle expertise lorsque cet avis est ambigu ou manque de clarté.

Contentieux spéciaux – Expertise technique – Litige portant sur la décision prise après mise en oeuvre de l'expertise technique – Expertise prévue à l'article L. 141-2 du code de la sécurité sociale – Effets – Limites – Complément d'expertise ou nouvelle expertise – Cas

Faits et procédures

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 28 octobre 2021), la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin (la caisse) a, après expertise technique, notifié à M. [Y] (l'assuré), en arrêt de travail pour maladie depuis le 24 novembre 2014, une date d'aptitude à la reprise du travail au 16 février 2015 et cessé de lui verser les indemnités journalières à compter de cette date.

2. L'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'assuré fait grief à l'arrêt de confirmer la date du 16 février 2015 pour date d'aptitude à la reprise d'un travail quelconque, alors « que le rapport du docteur [X], désigné par l'arrêt avant dire droit en date du 9 mai 2018, indiquait « Ainsi, si nous ne modifions pas nos conclusions, à savoir que, à la date du 16 février 2015 le sujet n'était « pas apte à tout travail » à la suite de son arrêt maladie à compter du 24 novembre 2014 ;

Et que précisément, une aptitude à tout travail ne peut être fixée d'autant que le traitement psychotrope du patient est encore assez important » ; qu'en ne tenant pas compte de cette expertise médicale établie par l'expert qu'elle avait désigné, d'où il ressortait d'une part, que l'intéressé connaissait encore des troubles psychiatriques graves, et d'autre part, qu'aucune date d'aptitude à tout travail ne pouvait encore être fixée, ce dont il ressortait que la date du 16 février 2015 ne pouvait être retenue comme marquant celle à laquelle l'intéressé devait voir cesser ses indemnités journalières, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 141-1 et L. 142-2 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 141-1, L. 141-2 et R. 142-24-1, devenu R. 142-17-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction alors en vigueur :

5. Il résulte de la combinaison de ces textes que lorsque le juge, saisi d'un différend portant sur une décision prise après mise en oeuvre de l'expertise médicale technique prévue par le premier, ordonne, à la demande d'une partie, une nouvelle expertise en application des deux derniers, l'avis de l'expert désigné dans les conditions prévues par le troisième s'impose à l'intéressé comme à la caisse, sauf au juge à ordonner un complément d'expertise ou, à la demande de l'une d'elles, une nouvelle expertise lorsque cet avis est ambigu ou manque de clarté.

6. Pour maintenir au 16 février 2015 la date d'aptitude de l'assuré à un travail quelconque, l'arrêt retient que la dépression chronicisée évoquée par l'expert n'était pas advenue à la date des opérations d'expertise. Il ajoute que l'expert, d'une part, relève qu'aucune hospitalisation en milieu spécialisé n'est intervenue dès 2014 et d'autre part, décrit l'assuré comme irritable et agressif, notamment dans la sphère professionnelle bruyante.

L'arrêt en déduit que ces circonstances ne caractérisent pas une inaptitude totale à tout travail.

7. En statuant ainsi, alors que l'expert concluait qu'à la date du 16 février 2015, l'assuré n'était pas apte à tout travail puis précisait qu'une date d'aptitude ne pouvait être fixée à la date de son rapport du 16 octobre 2019, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable le recours formé contre la décision de rejet de la commission de recours amiable, l'arrêt rendu le 28 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Lerbret-Féréol - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : Me Soltner ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 141-1, L. 141-2 et R. 142-24-1 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 21 octobre 2021, pourvoi n° 20-15.548, Bull. (cassation).

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