Numéro 2 - Février 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2024

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL

2e Civ., 1 février 2024, n° 22-10.368, (B), FRH

Cassation

Cotisations – Taux – Fixation – Etablissement – Etablissement nouvellement créé – Définition – Portée

Il résulte de l'article D. 242-6-17 du code de la sécurité sociale que les établissements nouvellement créés, quel que soit leur effectif ou celui de l'entreprise dont ils relèvent, bénéficient, durant l'année de leur création et les deux années suivantes, d'une cotisation au taux net collectif. Selon l'alinéa 3 de ce texte, ne peut être considéré comme un établissement nouvellement créé celui issu d'un précédent établissement dans lequel est exercée une activité similaire, avec les mêmes moyens de production et ayant repris au moins la moitié du personnel.

Viole ce texte la cour d'appel qui juge qu'un établissement ne peut bénéficier de la cotisation au taux net collectif, alors qu'il résulte de ses constatations que la société a abandonné l'activité principale de l'établissement, de sorte que la nouvelle activité exercée n'était pas similaire à la précédente.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 19 novembre 2021), la société [2] (la société) a procédé à la fermeture de son activité d'aciérie le 31 mars 2009, conservant son activité de laminage.

La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail d'Alsace-Moselle (la CARSAT) a, par décision du 7 juillet 2016, rejeté la demande de la société d'attribution d'une cotisation affectée d'un taux collectif et lui a attribué le risque 27.4 CH « métallurgie des métaux non ferreux et précieux - laminage à chaud ou relaminage sans fabrication de fonte ni d'acier ».

2. La société a saisi d'un recours la juridiction de la tarification.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que selon l'article D. 242-6-17 du code de la sécurité sociale, ne peut être considéré comme un établissement nouvellement créé, dont le classement dans une catégorie de risque est opéré en fonction de l'activité exercée et soumis pendant l'année de sa création et les deux années suivantes à une cotisation affectée du taux collectif, l'établissement issu d'un établissement précédent dans lequel a été exercée une activité similaire avec les mêmes moyens d'exploitation et ayant repris au moins la moitié du personnel ; que les critères énumérés par le troisième alinéa du texte susvisé ne sont pas alternatifs mais cumulatifs, de sorte que, s'ils ne sont pas réunis, l'établissement peut être considéré comme nouveau au regard de la tarification du risque d'accident du travail, de sorte que l'existence d'un établissement nouveau est caractérisée en cas de cessation de l'activité principale de l'établissement et de poursuite ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt que la société a fermé l'aciérie et a donc cessé son activité principale de fabrication de fonte et d'acier le 31 mars 2009 et que seule une activité secondaire de laminage à chaud ou relaminage « sans fabrication d'acier de fonte, ni d'acier » a été poursuivie ; que cette cessation de l'activité principale de l'établissement suffisait, à elle seule, à caractériser un établissement nouveau ; qu'en écartant l'existence d'un établissement nouveau, aux motifs inopérants que les deux activités relèvent de la métallurgie et que l'abandon de moyens de production ne serait pas établi de manière certaine, la cour d'appel a méconnu les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations et violé les articles D. 242-6-1 et D. 242-6-17 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article D. 242-6-17 du code de la sécurité sociale :

4. Il résulte de ce texte que les établissements nouvellement créés, quel que soit leur effectif ou celui de l'entreprise dont ils relèvent, bénéficient durant l'année de leur création et les deux années suivantes d'une cotisation au taux net collectif.

Selon l'alinéa 3, ne peut être considéré comme un établissement nouvellement créé celui issu d'un précédent établissement dans lequel est exercée une activité similaire, avec les mêmes moyens de production, et ayant repris au moins la moitié du personnel.

5. Pour dire que la société ne peut bénéficier d'un taux net collectif, l'arrêt retient que s'il n'est pas contesté qu'elle a modifié son activité principale, le nouveau code risque attribué relève du même comité technique de la métallurgie et qu'elle ne démontre pas l'abandon des moyens de production. Il ajoute que la société échoue à rapporter la preuve qui lui incombe qu'elle a repris au 31 mars 2009 moins de la moitié du personnel.

6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la société avait abandonné l'activité principale de l'établissement, de sorte que la nouvelle activité exercée n'était pas similaire à la précédente, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Lapasset - Avocat général : Mme Pieri-Gauthier - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article D. 242-6-17 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 21 janvier 2016, pourvoi n° 14-28.981, Bull. 2016, II, n° 24 (cassation) ; 2e Civ., 14 février 2019, pourvoi n° 18-10.728 (rejet) ; 2e Civ., 12 novembre 2020, pourvoi n° 19-23.565 (cassation) ; 2e Civ., 31 mai 2018, pourvoi n° 17-16.076 (cassation).

2e Civ., 29 février 2024, n° 22-18.868, (B), FRH

Rejet

Faute inexcusable de l'employeur – Définition

Il résulte des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale et L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé, à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur, a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles,16 juin 2022), Mme [C] (la victime), salariée de l'association Hôpital [4] (l'employeur), a été victime, dans la nuit du 8 au 9 janvier 2017, d'un accident pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (la caisse).

2. La victime a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que l'accident est dû à sa faute inexcusable, alors :

« 1°/ que la reconnaissance d'une faute inexcusable suppose qu'un lien de causalité nécessaire soit établi entre le manquement reproché à l'employeur et la lésion survenue au temps et au lieu de travail ; qu'au cas présent, l'employeur faisait valoir que le fait que les accès aux urgences aient été ouverts 24 heures sur 24 était indifférent dès lors qu'un patient, une fois pris en charge, pouvait être l'auteur d'une agression, et que la mise en place d'agents de sécurité dédiés à la protection et de portes fermant la zone de soins n'aurait pas été en mesure d'empêcher l'accident ; que pour retenir l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a énoncé que les zones de soins et ambulatoire n'étaient pas été fermées par une vitre ni l'accès limité par des portes, la cour d'appel s'étant bornée à déduire de la réalisation du risque que les mesures de sécurité mises en oeuvre par l'employeur étaient « manifestement insuffisantes à prévenir les risques d'agression au sein même de l'hôpital » ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser en quoi l'agression de la victime par une patiente déjà admise aux urgences pour y être soignée, était en lien de causalité avec l'absence de fermeture de la zone de soins et ambulatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que le caractère suffisant des mesures prises s'apprécie au regard de la conscience qu'avait, ou qu'aurait dû avoir l'employeur, du danger ; qu'il ne peut être considéré que la seule réalisation du risque démontrerait le caractère insuffisant des mesures mises en oeuvre par l'employeur, et donc sa conscience du danger subsistant, pour retenir l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur, les juges du fond étant tenus de caractériser quelles mesures auraient pu être prises afin d'éviter la réalisation du risque ; qu'au cas présent, l'employeur faisait valoir qu'elle avait mis en place avant l'accident des mesures de nature à prévenir le risque d'agression en recrutant notamment un maître-chien et en ayant fait appel à une prestation de sécurité de niveau 2 de 20h à 7h ; que le fait que les accès aux urgences aient été ouverts 24 heures sur 24 était indifférent dès lors qu'un patient, une fois pris en charge, pouvait être l'auteur d'une agression, ce qui avait été le cas de la patiente ayant agressé la victime ; que l'hôpital avait organisé régulièrement des formations sur la gestion de la violence et les situations traumatisantes et aucun dispositif de sécurité supplémentaire n'aurait pu empêcher l'accident, dû au comportement imprévisible de la patiente ; que l'hôpital indiquait encore qu'il serait excessif de placer, au sein d'un hôpital, des agents de sécurité armés, des portes blindées ou un filtrage systématique comme le soutenait la victime, tandis que la multiplication des dispositifs de sécurité ne pourrait en aucun cas garantir un risque zéro quant à la survenance d'un incident ; que la cour d'appel, pour retenir l'existence d'une faute inexcusable, a énoncé qu'aucune mesure n'avait été prise, avant l'agression, de nature à prévenir le risque tandis qu'il avait été demandé que la zone de soins et l'ambulatoire soient fermés par une vitre et que l'accès soit limité par des portes à l'entrée ; que ces portes n'avaient jamais fonctionné et il n'existait pas de personnel dédié à la protection, le recrutement d'un agent de sécurité pour des vacations et pour contrôler l'accès, ainsi que la fermeture des portes coulissantes, ayant été mises en place après l'accident ; qu'en statuant ainsi, sans expliquer en quoi le contrôle à l'entrée des urgences et la fermeture des portes de la zone de soins auraient été de nature à éviter l'accident et à préserver la victime du danger tandis qu'elle avait été agressée par une patiente admise aux urgences dans le parcours de soin, de sorte que le contrôle à l'entrée des urgences et la présence de portes fermées n'auraient pas empêché l'accident, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale et L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

6. L'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la victime a subi une agression physique par une patiente rentrée dans l'espace ambulatoire alors que le médecin ne prêtait pas attention à elle, et que seule l'équipe de soins est intervenue pour les séparer. Il relève que la recrudescence d'actes violents au sein du service des urgences de l'hôpital avait été évoquée dès 2015, en raison, notamment, de l'engorgement des services générant l'insatisfaction des usagers, l'altération des conditions de travail et la dégradation de la qualité des soins. Il en déduit que l'employeur ne pouvait ignorer le risque d'agression encouru par son personnel soignant, médecins compris.

7. Il estime ensuite que le recrutement d'un agent de sécurité et la fermeture de la zone de soins par des portes coulissantes, qui lui avaient été demandés par certains salariés pour sécuriser les locaux, sont postérieurs à l'accident du travail. Il relève que le contrat de sécurité cynophile était manifestement insuffisant à prévenir les risques d'agression au sein même de l'hôpital et retient que l'organisation de formations sur la gestion de la violence constituait une réponse sous-dimensionnée par rapport à la réalité et la gravité du risque encouru. Il en déduit que les mesures de protection mises en oeuvre par l'employeur étaient insuffisantes ou inefficaces à prévenir le risque d'agression auquel était soumis son personnel.

8. En l'état de ces constatations et énonciations, relevant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel, qui a procédé aux recherches prétendument omises, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Lerbret-Féréol - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : SCP Yves et Blaise Capron ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ; articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-26.677, Bull. (cassation).

2e Civ., 1 février 2024, n° 22-11.448, (B), FS

Rejet

Faute inexcusable de l'employeur – Effets – Réparation du préjudice – Etendue – Préjudices énumérés à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale – Dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale – Détermination – Portée

Si l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, dispose qu'en cas de faute inexcusable, indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut demander à l'employeur, devant la juridiction de la sécurité sociale, la réparation d'autres chefs de préjudice que ceux énumérés par ce texte, c'est à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

La rente majorée servie à la victime en application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale répare les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité permanente qui subsiste le jour de la consolidation. C'est, dès lors, à bon droit qu'une cour d'appel déboute la victime d'un accident du travail de sa demande d'indemnisation complémentaire au titre de la perte de gains professionnels futurs.

Rente – Préjudice indemnisé – Etendue – Détermination

Faute inexcusable de l'employeur – Effets – Réparation du préjudice – Etendue – Détermination – Portée

Selon l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article L. 452-2, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. C'est, dès lors, à bon droit qu'une cour d'appel, ayant retenu que l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité permanente subsistant à la consolidation est indemnisée par la rente allouée et majorée en raison de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, et que la victime ne démontrait pas que, lors de l'accident, elle présentait des chances de promotion professionnelle, à défaut de se prévaloir d'une formation ou d'un processus de nature à démontrer l'imminence ou l'annonce d'un avancement dans sa carrière ou encore d'une création d'entreprise, rejette la demande de la victime en réparation du préjudice subi au titre de l'incidence professionnelle.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 21 juin 2021), M. [G] (la victime), salarié de la société [9] (l'employeur), a été victime d'un accident le 6 février 2014, pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion (la caisse).

2. La victime a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et de liquidation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La victime fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de réparation du préjudice subi au titre de la perte de gains professionnels, alors « qu'une victime d'accident du travail dû à la faute inexcusable de l'employeur doit être indemnisée de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ; qu'en écartant la demande de la victime tendant à l'indemnisation du préjudice lié à la perte de gains professionnels, au motif que la rente dont il bénéficiait indemnisait les pertes de gains professionnels, cependant qu'il subsistait un solde non indemnisé entre la perte de revenus professionnels engendrée par l'accident du travail et la rente accident du travail versée à la victime, la cour d'appel a violé l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

4. Si l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, dispose qu'en cas de faute inexcusable, indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut demander à l'employeur, devant la juridiction de la sécurité sociale, la réparation d'autres chefs de préjudice que ceux énumérés par ce texte, c'est à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

5. La Cour de cassation jugeait depuis 2009 que la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent (Crim., 19 mai 2009, pourvois n° 08-86.050 et 08-86.485, Bull. crim. 2009, n° 97 ; 2e Civ., 11 juin 2009, pourvoi n° 08-17.581, Bull. 2009, II, n° 155 ; pourvoi n° 07-21.768, Bull. 2009, II, n° 153 ; pourvoi n° 08-16.089, Bull. 2009, II, n° 154).

6. Par deux arrêts du 20 janvier 2023 (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvois n° 20-23.673 et 21-23.947, publié au Bulletin), la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence et juge désormais que la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.

7. Il en résulte que la rente majorée servie à la victime en application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale répare les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité permanente qui subsiste le jour de la consolidation.

8. En conséquence, c'est à bon droit que la cour d'appel a débouté la victime de sa demande d'indemnisation complémentaire au titre de la perte de gains professionnels futurs.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. La victime fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de réparation du préjudice subi au titre de l'incidence professionnelle, alors :

« 1°/ que l'incidence professionnelle correspond au préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, et du préjudice lié à la nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait en raison de la survenance de son handicap ; qu'en retenant que l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité permanente partielle subsistant à la consolidation était indemnisée par la rente allouée et majorée en raison de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur cependant que le préjudice lié à la dévalorisation sur le marché du travail et à la nécessité de devoir abandonner son ancien métier était distinct du préjudice résultant de l'incapacité permanente partielle subsistant à la consolidation, la cour d'appel a violé les articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que la victime faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que l'incidence professionnelle permettait d'indemniser les incidences du préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte de chance professionnelle (perte de chance d'accéder à des fonctions mieux rémunérées), de la pénibilité accrue dans l'exercice de son emploi, de sa nécessité d'abandonner la profession qu'elle exerçait, qu'en l'espèce, l'expert judiciaire avait conclu à l'existence d'un tel préjudice lié à sa dévalorisation sur le marché du travail dans la mesure où il était dans l'incapacité de reprendre son activité antérieure de maçon par la perte de force musculaire et par la perte de son oeil droit, si bien qu'eu égard à son âge (53 ans), aux handicaps et limitations dont il était porteur et à la longue période d'inactivité consécutive à l'accident du 6 février 2014, il était inapte à reprendre son activité de maçon et ses chances de retrouver un emploi étaient très faibles, caractérisant ainsi l'incidence professionnelle ; qu'en se bornant à énoncer, pour débouter la victime de sa demande au titre de l'incidence professionnelle, que celui-ci ne démontrait pas que, lors de l'accident, il présentait des chances de promotion professionnelle, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les conséquences de l'accident n'avaient pas privé la victime de son emploi de maçon et donc de toutes possibilités de promotion professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

11. Selon l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article L. 452-2, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

12. Ayant rappelé à bon droit que l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité permanente subsistant à la consolidation est indemnisée par la rente allouée et majorée en raison de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel, qui a retenu que la victime ne démontrait pas que, lors de l'accident, elle présentait des chances de promotion professionnelle, à défaut de se prévaloir d'une formation ou d'un processus de nature à démontrer l'imminence ou l'annonce d'un avancement dans sa carrière ou encore d'une création d'entreprise, a légalement justifié sa décision.

13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Coutou - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvoi n° 20-23.673, Bull. (cassation partielle) ; 2e Civ., 19 septembre 2013, pourvoi n° 12-18.074, Bull. 2013, II, n° 170 (cassation partielle).

2e Civ., 29 février 2024, n° 21-20.688, (B), FRH

Cassation

Maladies professionnelles – Origine professionnelle – Conditions – Détermination – Portée

Il résulte de l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale et du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles que la condition tenant à la liste limitative des travaux n'est remplie que si la victime a personnellement effectué l'un des travaux énumérés par ce tableau, qui est d'interprétation stricte.

Maladies professionnelles – Dispositions générales – Travaux susceptibles de les provoquer – Tableau n°30 bis des maladies professionnelles – Application stricte

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 juin 2021), la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes-d'Armor (la caisse) a pris en charge, au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles, la maladie déclarée par Mme [U] (la victime), salariée de la société [4], devenue la société [3] (l'employeur), et lui a attribué une rente calculée sur la base d'un taux d'incapacité permanente de 67 %.

2. Après indemnisation par le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, la victime a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale, aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt d'accueillir le recours, alors « qu'il résulte du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles qu'une maladie désignée par ce tableau ne peut être prise en charge, sur le fondement de la présomption d'imputabilité instaurée par le deuxième alinéa de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, qu'à condition d'établir que le salarié a accompli des travaux figurant dans la liste limitative de ce tableau ; que saisi d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, le juge n'est pas tenu de recueillir l'avis d'un comité régional de reconnaissance de maladies professionnelles dès lors qu'il constate que la maladie déclarée, prise en charge par la caisse sur le fondement d'un tableau de maladies professionnelles, ne remplit pas les conditions de ce dernier et que le demandeur à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable n'invoque pas devant lui les dispositions des troisième ou quatrième alinéas de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ; que dans un tel cas, le juge doit écarter toute faute inexcusable de l'employeur, en l'absence de caractère professionnel de la maladie prise en charge ; qu'au cas présent, il ressort des constatations des juges du fond que Mme [U] n'accomplissait aucun des travaux limitativement énumérés par le tableau n° 30 bis des maladies professionnelles, les juges n'ayant retenu qu'une exposition environnementale au risque d'inhalation de poussières d'amiante émanant des fours à proximité desquels Mme [U] travaillait ; que Mme [U] elle-même invoquait l'existence d'une exposition environnementale à l'amiante ; que les conditions prévues par le tableau n° 30 bis des maladies professionnelles n'étant pas réunies et les parties ne s'étant fondées que sur la présomption d'imputabilité au soutien de la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel aurait dû déduire de ces constatations que la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de la maladie devait être rejetée, le caractère professionnel de l'affection déclarée par Mme [U] n'étant pas établi ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 461-1, L. 452-1 du code de la sécurité sociale et le tableau n° 30 bis des maladies professionnelles. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. La victime conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est incompatible avec la thèse soutenue par l'employeur devant la cour d'appel.

5. Cependant, l'employeur contestait que la victime avait accompli personnellement les travaux énumérés par le tableau 30 bis des maladies professionnelles.

6. Le moyen, qui n'est pas incompatible avec la thèse soutenue devant les juges du fond, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 461-1 et L. 461-2 du code de la sécurité sociale, et le tableau n° 30 bis des maladies professionnelles :

7. Aux termes du premier de ces textes, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

8. Il résulte des deux derniers que la condition tenant à la liste limitative des travaux n'est remplie que si la victime a personnellement effectué l'un des travaux énumérés par le tableau, qui est d'interprétation stricte.

9. Pour accueillir la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, l'arrêt constate que la victime a travaillé de 1972 à 1974 au sein de l'atelier tôlerie puis dans l'atelier brasage comme essayeuse avant de devenir opératrice sur scie. Il précise que durant une année, elle a procédé au montage et au contrôle des chaudières et chauffe-bains, opérations comportant la coupe et l'insertion d'un cordon amianté, puis qu'ayant été affectée à l'atelier brasage, à proximité des fours équipés de tresses amiantées, elle a inhalé les poussières d'amiante dégagées lorsque les pièces sortaient des fours en frottant sur les tresses.

L'arrêt en déduit que les conditions du tableau n° 30 bis sont remplies.

10. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la victime n'avait pas effectué l'un des travaux limitativement énumérés par le tableau n° 30 bis, de sorte que l'origine professionnelle de la maladie ne pouvait être établie par présomption, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert ; SCP Poupet et Kacenelenbogen ; SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Claire Leduc et Solange Vigand -

Textes visés :

Article L. 461-2 du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 29 février 2024, n° 22-16.818, (B), FRH

Rejet

Procédure – Procédure préliminaire – Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Caisse primaire d'assurance maladie – Obligation d'information – Etendue – Détermination – Portée

Il résulte des dispositions de l'article R. 441-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-356 du 23 avril 2019, que satisfait aux obligations d'information qui lui sont imposées par ce texte la caisse qui, après avoir engagé des investigations, informe la victime ou ses représentants et l'employeur au cours de la période de 30 jours visée au I de ce texte, tant de la date à laquelle elle rendra au plus tard sa décision, que des dates d'ouverture et de clôture des périodes qui leur seront ouvertes à l'issue des investigations pour, d'une part, consulter le dossier et, d'autre part, formuler des observations préalablement à sa décision.

Dès lors, fait une exacte application de ce texte l'arrêt qui, après avoir précisé qu'il n'impose pas à l'organisme de sécurité sociale de procéder à deux envois distincts d'information, constate que la caisse, d'une part, a transmis à l'employeur, par un unique courrier, les informations imposées par ce texte dans les délais qu'il fixe, d'autre part, a pris sa décision en respectant le calendrier qu'elle avait annoncé.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 29 mars 2022), la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes (la caisse) a, après investigations, pris en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident dont Mme [W] (la victime), salariée de la société [3] (l'employeur), a été victime le 6 décembre 2019.

2. L'employeur a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'une demande en inopposabilité de cette décision de prise en charge.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de le débouter de son recours, alors « qu'à l'issue de ses investigations et au plus tard dix jours francs avant le début de la période consultation, la caisse informe la victime et l'employeur des dates d'ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations ; qu'en considérant, pour écarter le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'instruction, que la caisse avait satisfait à ses obligations en informant les parties, avant le début de ses investigations, des dates d'ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle elles pourront consulter le dossier et formuler des observations, la cour d'appel a violé l'article R. 441-8 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte des dispositions de l'article R. 441-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-356 du 23 avril 2019, applicable au litige, que satisfait aux obligations d'information qui lui sont imposées par ce texte la caisse qui, après avoir engagé des investigations, informe la victime ou ses représentants et l'employeur au cours de la période de 30 jours visée au I de ce texte, tant de la date à laquelle elle rendra au plus tard sa décision, que des dates d'ouverture et de clôture des périodes qui leur seront ouvertes à l'issue des investigations pour, d'une part, consulter le dossier et, d'autre part, formuler des observations préalablement à sa décision.

5. L'arrêt retient que par lettre du 11 février 2020, la caisse a, d'une part, informé l'employeur de la réception du dossier complet le 7 février 2020 et de ce qu'elle entendait procéder à des investigations, d'autre part, précisé que lorsque les investigations seraient terminées, l'employeur pourrait consulter le dossier et formuler des observations du 20 avril au 4 mai 2020, et qu'au-delà de cette date, il ne pourrait que consulter le dossier jusqu'à la prise de décision devant intervenir au plus tard le 11 mai 2020.

6. Il ajoute que les articles R. 441-7 et R. 441-8 du code de la sécurité sociale n'imposent pas à l'organisme de sécurité sociale de procéder à deux envois distincts d'information et que l'employeur a été en mesure de connaître notamment les dates auxquelles il pouvait consulter le dossier après la clôture des investigations, et formuler des observations, dans le respect du délai de 10 jours prévu à l'article R. 441-8, II, second alinéa.

7. En l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement retenu que la caisse, qui a pris sa décision le 7 mai 2020 en respectant le calendrier qu'elle avait annoncé, a satisfait à son obligation d'information à l'égard de l'employeur.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Pédron - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : Me Haas -

Textes visés :

Article R. 441-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-356 du 23 avril 2019.

2e Civ., 29 février 2024, n° 22-14.424, (B), FRH

Cassation

Procédure – Procédure préliminaire – Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Obligation préalable d'information de l'employeur par la caisse – Domaine d'application – Exclusion – Instruction des réclamations devant la commission de recours amiable dont l'employeur peut ultérieurement contester la décision

L'obligation d'information de l'employeur prévue par l'article R. 441-14, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie, ne s'applique pas à l'instruction des réclamations devant la commission de recours amiable dont l'employeur peut ultérieurement contester la décision devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 janvier 2022), par lettre du 29 septembre 2015, la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis (la caisse) a informé la société [3] (l'employeur) de sa décision de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident dont l'un de ses salariés a été victime le 28 mai 2015.

2. À la suite du rejet de sa contestation de l'opposabilité de cette décision par la commission de recours amiable de la caisse, selon décision du 20 janvier 2016, l'employeur a porté son recours devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge de l'accident du travail, alors « que l'obligation d'information de l'employeur par la caisse prévue par les articles R. 441-11, R. 441-13 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale ne s'applique pas à l'instruction des réclamations devant la commission de recours amiable dont l'employeur peut ultérieurement contester la décision ; que l'absence de débat contradictoire à l'égard de l'employeur devant la commission de recours amiable ne peut donc entraîner l'inopposabilité à son égard de la décision de prise en charge décidée par cette commission ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la caisse avait respecté le principe du contradictoire avant de prendre sa décision initiale de prise en charge de l'accident le 29 septembre 2015 ; qu'en déclarant pourtant cette décision de prise en charge inopposable à l'employeur au prétexte que la commission de recours amiable, dont la décision se substituait à la décision initiale de la caisse, s'était fondée sur deux pièces postérieures à cette décision qui n'avaient jamais été portées à la connaissance de l'employeur, pièces qu'elle aurait dû écarter ou communiquer préalablement à l'employeur pour recueillir ses observations avant de se décider, de sorte que la procédure devant la commission de recours amiable n'avait pas été contradictoire, la cour d'appel a violé les articles précités, le premier et le troisième dans leur rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, le deuxième dans sa rédaction issue du issue du décret n° 85-1353 du 17 décembre 1985, applicables au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 441-14, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 :

4. Selon ce texte, dans le cas où elle a procédé à une instruction conformément au dernier alinéa de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13 du même code.

5. L'obligation d'information de l'employeur par la caisse prévue par le texte susvisé ne s'applique pas à l'instruction des réclamations devant la commission de recours amiable dont l'employeur peut ultérieurement contester la décision devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

6. Pour déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge litigieuse, l'arrêt retient que, pour rejeter cette demande, la commission de recours amiable de la caisse s'est fondée sur des pièces parvenues à la caisse postérieurement à la décision initiale et qui n'ont jamais été portées à la connaissance de l'employeur. Il en déduit que le principe du contradictoire a été méconnu dans la prise de décision de la commission, laquelle se substitue à la décision de la caisse.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article R. 441-14, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 3 juillet 2008, pourvoi n° 07-17.351, Bull. 2008, II, n° 169 (cassation).

2e Civ., 29 février 2024, n° 22-14.592, (B), FRH

Rejet

Temps et lieu de travail – Accident de trajet – Conditions – Détermination – Portée

Selon l'article L. 411-2 du code de la sécurité sociale, l'accident survenu pendant le trajet entre la résidence du salarié et le lieu de travail est considéré comme un accident devant être pris en charge au titre de la législation professionnelle.

Est donc approuvée la décision de la cour d'appel qui, ayant estimé que le salarié avait quitté sa résidence et les dépendances de celle-ci, retient que l'accident était survenu sur le trajet du salarié pour se rendre à son travail et devait être pris en charge au titre de la législation professionnelle.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 9 décembre 2021), M. [R] (la victime), salarié de la société [4], a été victime le 1er février 2019 d'un accident, dont la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 2] (la caisse) a refusé la prise en charge au titre de la législation professionnelle comme accident de trajet.

2. La victime a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de dire que l'accident litigieux est un accident devant être pris en charge au titre de la législation professionnelle, alors :

« 1°/ que, constitue un accident de trajet tout accident dont est victime le travailleur, à l'aller ou au retour, entre le lieu où s'accomplit le travail et sa résidence, dans des conditions où il n'est pas encore ou n'est plus soumis aux instructions de l'employeur ; que le trajet débute lorsque l'assuré quitte sa résidence, soit son habitation et les dépendances intérieures et extérieures de celle-ci, et qu'il ne s'étend pas à des actes le précédant ou le préparant ; qu'en se fondant sur les motifs, impropres à caractériser un accident de trajet, que la victime procédait au déneigement et au dégagement de son véhicule garé sur une place extérieure située devant son domicile, et qu'il se livrait dès lors à des opérations indispensables et préparatoires à son départ pour le travail, la cour d'appel a violé l'article L. 411-2 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que, s'abstenant de rechercher si l'accident n'était pas survenu sur un parking privé, constituant une dépendance de l'habitation de l'assuré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-2 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 411-2 du code de la sécurité sociale, l'accident survenu pendant le trajet entre la résidence du salarié et le lieu de travail est considéré comme un accident devant être pris en charge au titre de la législation professionnelle.

5. L'arrêt relève que la victime a déclaré avoir fait une chute, alors qu'elle était sortie de son domicile, pour procéder au déneigement et au dégagement de son véhicule garé sur une place extérieure située devant celui-ci. Il ajoute que l'heure de survenance des faits est compatible avec les nécessaires précautions prises par la victime pour anticiper les difficultés de circulation inévitables en cas d'intempéries et être en mesure de se présenter sur le lieu de son travail à son horaire habituel de prise de poste. Il retient ensuite que les lésions de la victime, constatées le jour-même et imputées à sa chute, sont compatibles avec sa relation des faits. Il énonce enfin que la victime n'a pas interrompu ou détourné son trajet entre la sortie de son domicile et le lieu de son travail pour un motif dicté par son intérêt personnel et étranger aux nécessités essentielles de la vie courante.

6. De ces constatations et énonciations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, dont elle a fait ressortir que la victime avait quitté sa résidence et les dépendances de celle-ci lors de la survenance de l'accident, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a pu retenir, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche du moyen, que l'accident litigieux était survenu alors que la victime se trouvait sur le trajet pour se rendre à son travail, et a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Lerbret-Féréol - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 411-2 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

Soc., 15 juin 1995, pourvoi n° 92-16.853, Bull. 1995, V, n° 198 (rejet) ; Soc., 28 juin 1989, pourvoi n° 86-18.400, Bull. 1989, V, n° 486 (cassation).

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