Numéro 2 - Février 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2024

SECURITE SOCIALE

2e Civ., 1 février 2024, n° 22-16.581, (B), FRH

Cassation partielle sans renvoi

Cotisations – Assiette – Contribution au financement du plan d'épargne pour la retraite collectif – Déductibilité – Conditions – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 24 mars 2022), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2013 à 2015, l'URSSAF d'Alsace (l'URSSAF) a notifié à la société [3], aux droits de laquelle se trouve la société [4] (la société), une lettre d'observations du 21 octobre 2016 portant divers chefs de redressement, suivie d'une mise en demeure du 21 décembre 2016, pour son établissement de [Localité 1].

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement n° 22 (PERCO - abondement collectif et critères d'attribution), alors :

« 1°/ que les abondements des employeurs destinés à participer à l'effort d'épargne des adhérents à un plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO) ne sont exclus de l'assiette des cotisations sociales que lorsqu'ils revêtent un caractère collectif ; que l'abondement à un PERCO ne présente pas un caractère collectif lorsque le versement de l'entreprise dépend de la rémunération du salarié ; qu'en l'espèce, le règlement du PERCO prévoit que l'employeur abonde à hauteur de 100 % du versement du salarié, lequel abonde à hauteur maximale d'un pourcentage de sa rémunération ; que l'abondement de l'employeur étant fonction de la rémunération du salarié, et donc plus important, à valeur d'investissement égale, pour les salariés ayant la rémunération la plus élevée, il ne présente pas un caractère collectif, de sorte qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 3332-2 du code du travail ;

2°/ qu'à tout le moins, les abondements des employeurs destinés à participer à l'effort d'épargne des adhérents à un plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO) ne sont exclus de l'assiette des cotisations sociales que lorsqu'ils revêtent un caractère collectif ; que l'abondement à un PERCO ne présente pas un caractère collectif lorsque le versement de l'entreprise n'est pas, proportionnellement, identique pour tous les salariés ; qu'en l'espèce, le règlement du PERCO prévoit que l'employeur abonde à hauteur maximale de 0,5 % du salaire mensuel jusqu'à 4 000 euros et à hauteur maximale de 2,5 % du salaire mensuel pour la fraction comprise entre 4 000 euros et 18 535 euros ; que l'abondement de l'employeur étant proportionnellement plus élevé pour les salariés ayant une rémunération mensuelle excédant 4 000 euros, il ne présente pas un caractère collectif, de sorte qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 3332-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3332-12 du code du travail et R. 242-1-4 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :

4. En application du premier de ces textes, la modulation éventuelle des sommes versées par l'entreprise au titre d'un plan d'épargne d'entreprise ne saurait résulter que de l'application de règles à caractère général, qui ne peuvent, en outre, en aucun cas avoir pour effet de rendre le rapport entre le versement de l'entreprise et celui du salarié ou de la personne, mentionnée à l'article L. 3332-2 du même code, croissant avec la rémunération de ce dernier.

5. Selon le second, pour bénéficier de l'exclusion de l'assiette des cotisations, les contributions de l'employeur mentionnées aux alinéas 6 à 9 de l'article L. 242-1 du même code, sont fixées à un taux ou à un montant uniforme pour l'ensemble des salariés ou pour tous ceux d'une même catégorie au sens de l'article R. 242-1-1 du même code, sauf les cas particuliers qu'il énumère.

6. Il résulte de la combinaison de ces textes que les abondements des employeurs destinés à participer à l'effort d'épargne des adhérents à un plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO) ne sont exclus de l'assiette des cotisations sociales que lorsqu'ils revêtent un caractère collectif.

7. Pour annuler le redressement relatif aux abondements de l'employeur au PERCO mis en place par la société, l'arrêt énonce que, d'une part, les versements du participant à ce plan d'épargne sont prédéfinis en pourcentage du salaire de référence, selon deux tranches de revenus à 0,5 % du salaire de référence limité à un montant mensuel de 4 000 euros et à 2,5 % du salaire de référence compris entre 4 000 euros et 18 535 euros mensuels et que, d'autre part, l'abondement de l'employeur est, dans toutes les situations, égal à 100 % du versement effectué par le participant, en sorte que le PERCO respecte les dispositions de l'article L. 3332-12 du code du travail et le caractère collectif exigé puisque le rapport entre le versement du participant et l'abondement de l'employeur est le même dans chaque situation (soit égal à 1).

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la mise en place d'un taux unique d'abondement de l'employeur en fonction du montant de l'épargne des salariés, lui-même plafonné à une somme déterminée en pourcentage de la rémunération, a pour effet d'augmenter la part des versements complémentaires de l'employeur avec la rémunération du salarié en méconnaissance du caractère collectif que doit revêtir l'abondement de l'employeur au plan d'épargne d'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. D'une part, l'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

11. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 6 et 8, qu'il y a lieu de débouter la société de ses demandes en annulation du chef de redressement n° 22 et en remboursement par l'URSSAF de la somme de 62 827 euros et des intérêts légaux afférents.

12. D'autre part, la cassation des chefs de dispositif relatifs à l'annulation du point n° 22 et au remboursement par l'URSSAF à la société des cotisations et contributions prélevées à ce titre n'emporte pas celle du dispositif de l'arrêt condamnant pour moitié chaque partie aux dépens et rejetant les demandes d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel, en raison des dispositions de l'arrêt non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule le point n° 22 et ordonne à l'URSSAF d'Alsace de rembourser, sans astreinte, à la société [4] les cotisations et contributions prélevées à ce titre soit 62 827 euros dans un délai de trois mois à compter de la signification de l'arrêt, cette somme portant intérêts au taux légal à compter de la date de la décision, l'arrêt rendu le 24 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE les demandes de la société [4] en annulation du chef de redressement n° 22 (PERCO - abondement collectif et critères d'attribution) et en remboursement par l'URSSAF d'Alsace de la somme de 62 827 euros et des intérêts légaux afférents.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Rovinski - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles L. 3332-2 et L. 3332-12 du code du travail ; articles R. 242-1-1, R. 242-1-4 et L. 242-1 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 17 septembre 2015, pourvoi n° 14-20.264, Bull. 2015, II, n° 202 (cassation).

2e Civ., 1 février 2024, n° 21-25.226, (B), FRH

Cassation

Cotisations – Exonération – Exonération au titre de l'aide à la création d'entreprises – Durée – Prorogation – Bénéficiaires – Détermination – Portée

Il résulte des articles L. 131-6-4, D.131-6-1 et D. 131-6-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, relatifs à l'exonération de début d'activité de création ou de reprise d'entreprise, que les travailleurs indépendants, qui relèvent des régimes définis aux articles 50-0, 64 bis et 102 ter du code général des impôts mais ne relèvent pas des dispositions de l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale, bénéficient, sur les cotisations dont ils sont redevables au titre de chacun des exercices concernés de leur activité, d'une prolongation de l'exonération réduite aux deux tiers durant les douze mois qui suivent la période initiale d'exonération totale de cotisations et au tiers durant les douze mois suivants.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Albi, 8 novembre 2021), rendu en dernier ressort, M. [N] (le cotisant) a été affilié à la caisse de mutualité sociale agricole de Midi-Pyrénées Nord (la caisse) à compter du 1er avril 2019. Il a bénéficié de l'exonération de cotisations sociales au titre du dispositif d'aide à la création et à la reprise d'une entreprise (ACRE) au cours du premier exercice de son activité et de la prolongation de cette aide durant les vingt-quatre mois suivants.

2. Contestant le montant de l'exonération appliquée durant la période de prolongation, le cotisant a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le cotisant fait grief au jugement de rejeter son recours, alors « que les créateurs et repreneurs d'entreprise peuvent bénéficier à compter de la date de leur affiliation, sous certaines conditions, d'une exonération de cotisations de sécurité sociale, lorsque leurs revenus professionnels ne dépassent pas un certain plafond variant en fonction de l'année de création ou de reprise de l'entreprise ; que le dispositif mis en place consiste en une exonération de certaines cotisations sociales étalées sur trois ans, avec une dégressivité progressive de la réduction qui prend fin à partir du quatrième exercice, le bénéficiaire du dispositif devant se voir appliquer pour l'année 1 une exonération totale, pour l'année N+1 une exonération à hauteur de deux-tiers des montants dus et pour l'année N+2 une exonération à hauteur du tiers des montants dus ; qu'en jugeant, sans d'ailleurs s'en expliquer, que la MSA avait à bon droit appliqué les ratios d'exonération aux montants dus au titre de l'année initiale et non aux montants dus au titre de chacune des années concernées (N+1 et N+2), le tribunal judiciaire a violé les articles L. 131-6-4, D. 131-6-1 et D. 131-6-2 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 131-6-4, D. 131-6-1 et D. 131-6-2 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable au litige :

4. Aux termes du premier de ces textes, bénéficient de l'exonération des cotisations dues aux régimes d'assurance maladie, maternité, veuvage, vieillesse, invalidité et décès et d'allocations familiales dont elles sont redevables au titre de l'exercice de leur activité, les personnes qui créent ou reprennent une activité professionnelle ou entreprennent l'exercice d'une autre profession non salariée soit à titre indépendant relevant de l'article L. 611-1 du présent code ou de l'article L. 722-4 du code rural et de la pêche maritime, soit sous la forme d'une société à condition d'en exercer effectivement le contrôle, notamment dans le cas où cette création ou reprise prend la forme d'une société mentionnée aux 11°, 12° ou 23°, de l'article L. 311-3 du présent code ou aux 8° ou 9°, de l'article L. 722-20 du code rural et de la pêche maritime.

5. Selon le I du deuxième, la durée de l'exonération des cotisations dues par les personnes bénéficiant de l'aide à la création ou à la reprise d'entreprise prévue par le premier est de douze mois à compter de la date d'affiliation de l'assuré s'il relève d'un régime de non-salariés.

Le II de ce texte prévoit que le montant de l'exonération applicable pendant la période mentionnée au I est déterminé en fonction du montant du revenu perçu au cours de la période d'exonération selon qu'il est inférieur, égal ou supérieur à une portion de la valeur du plafond annuel de sécurité sociale.

6. Selon le troisième, alors en vigueur, pour les travailleurs indépendants qui relèvent des régimes définis aux articles 50-0, 64 bis et 102 ter du code général des impôts mais ne relèvent pas des dispositions de l'article L. 133-6-8, l'exonération de cotisations est prolongée :

1° À hauteur des deux-tiers des montants mentionnés au II de l'article D. 131-6-1 au titre des douze mois qui suivent la période prévue au I de ce même article ;

2° À hauteur d'un tiers des montants mentionnés au II de ce même article au titre des douze mois qui suivent la période prévue au 1°.

7. Il en résulte que ces personnes bénéficient, sur les cotisations dont elles sont redevables au titre de chacun des exercices concernés de leur activité, d'une prolongation de l'exonération réduite aux deux tiers durant les douze mois qui suivent la période d'exonération totale de cotisations et au tiers durant les douze mois suivants.

8. Pour rejeter le recours du cotisant, le jugement retient que l'exonération doit être calculée du 13e au 24e mois à hauteur des 2/3 du montant exonéré au titre de la période initiale d'exonération et du 25e au 36e mois à hauteur d'un tiers du montant exonéré lors de la période initiale d'exonération.

9. En statuant ainsi, sans tenir compte du montant des cotisations dont le cotisant était redevable au titre de chacun des exercices concernés par la prolongation de l'exonération, le tribunal a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 8 novembre 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire d'Albi ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Toulouse.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Leblanc - Avocat général : Mme Pieri-Gauthier - Avocat(s) : Me Balat ; SCP Zribi et Texier -

Textes visés :

Articles L. 131-6-4, D. 131-6-1 et D. 131-6-2 du code de la sécurité sociale ; articles 50-0, 64 bis et 102 ter du code général des impôts.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 20 septembre 2018, pourvoi n° 17-24.092, Bull. 2018, II, n° 181 (rejet).

2e Civ., 1 février 2024, n° 22-12.207, (B), FRH

Rejet

Financement – Financement du système de garantie de protection sociale complémentaire – Contributions dues par l'employeur – Cotisations – Recouvrement – Base de calcul – Réduction – Conditions – Détermination

Il résulte de l'article L. 133-4-8, II, du code de la sécurité sociale que, par dérogation au principe énoncé au I de ce texte, selon lequel le redressement relatif à l'application des règles liées au caractère obligatoire et collectif des systèmes de garanties de protection sociale complémentaire mentionnés au sixième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale porte sur le montant global des cotisations dues sur les contributions que l'employeur a versées pour le financement de ces garanties, le redressement n'est calculé sur une base réduite qu'à la condition préalable que l'employeur reconstitue de manière probante le montant des sommes faisant défaut ou excédant les contributions nécessaires pour que la couverture du régime revête un caractère obligatoire et collectif.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 16 décembre 2021), à la suite d'un contrôle de la société [6] (la société) portant sur la période du 16 janvier 2014 au 31 décembre 2015, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales du Limousin (l'URSSAF) lui a adressé une lettre d'observations du 30 janvier 2017 comportant notamment un chef de redressement relatif à la contribution de l'employeur au financement d'un régime de protection sociale complémentaire, suivie de deux mises en demeure du 4 juillet 2017.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses quatre dernières branches

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses quatre premières branches

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :

« 1°/ que c'est uniquement lorsque le manquement à l'origine du redressement révèle une méconnaissance d'une particulière gravité des règles liées au caractère obligatoire et collectif des systèmes de garanties de protection sociale complémentaire, que le redressement porte sur le montant global des cotisations dues sur les contributions que l'employeur a versées pour le financement de ces garanties ; qu'encore faut-il, dans le cadre de la procédure contradictoire préalable à la fin du contrôle, que l'agent chargé du contrôle ait informé l'employeur, en justifiant sa décision, sur cette méconnaissance d'une particulière gravité des règles liées au caractère obligatoire et collectif de ces garanties complémentaires ; que, dans ses écritures, le cotisant faisait valoir qu'à aucun moment lors des opérations de contrôle l'URSSAF ne l'avait informé et n'avait justifié des circonstances qui révélaient une méconnaissance d'une particulière gravité des règles liées au caractère obligatoire et collectif de ces garanties complémentaires ; qu'en s'abstenant de rechercher - comme il était expressément sollicité - si l'organisme de recouvrement avait satisfait à son obligation légale d'information dans le cadre de la procédure contradictoire préalable à la fin du contrôle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 133-4-8 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que dans le cadre d'un contrôle portant sur le caractère obligatoire et collectif des systèmes de garanties de protection sociale complémentaire mentionné au sixième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, le redressement ne porte sur le montant global des cotisations dues sur les contributions que les employeurs ont versées pour le financement de ces garanties qu'à la condition cumulative, d'une part, que le manquement à l'origine du redressement révèle une méconnaissance d'une particulière gravité des règles liées au caractère obligatoire et collectif de ces garanties complémentaires et, d'autre part, que l'agent chargé du contrôle en ait informé l'employeur, en justifiant sa décision, dans le cadre de la procédure contradictoire préalable à la fin du contrôle ; qu'en l'absence de cette information préalable à la fin du contrôle, le redressement est réduit à hauteur d'un montant calculé sur la seule base des sommes faisant défaut ou excédant les contributions nécessaires pour que la couverture du régime revête un caractère obligatoire et collectif dans les conditions prévues par l'article L. 133-4-8 II du code de la sécurité sociale ; que la cour d'appel a validé le redressement portant sur le montant global des cotisations dues sur les contributions que l'employeur avait versées, sans rechercher - comme il était expressément sollicité de la part du cotisant dans ses écritures - si l'organisme de recouvrement avait satisfait à son obligation d'information dans le cadre de la procédure contradictoire préalable à la fin du contrôle ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 133-4-8 du code de la sécurité sociale ;

3°/ que la juridiction de sécurité sociale est un organe juridictionnel de pleine juridiction ayant le pouvoir de réformer en tous points, en fait comme en droit, la décision prise par l'organisme social (2e Civ., 30 septembre 2021, pourvoi n° 20-18.302, publié au Bulletin) ; qu'ainsi, lorsqu'elle estime le redressement fondé en son principe mais erroné dans son montant, soit la juridiction de sécurité sociale invite l'organisme social à recalculer le redressement sur une base rectifiée, soit elle le valide partiellement à hauteur du montant qui lui paraît justifié, mais elle ne peut l'annuler ou le valider en son entier ; que - par application - dans le cadre d'un contrôle portant sur le caractère obligatoire et collectif des systèmes de garanties de protection sociale complémentaire mentionné au sixième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale - en l'absence d'une méconnaissance d'une particulière gravité des règles liées au caractère obligatoire et collectif des systèmes de garanties de protection sociale complémentaire - la juridiction de sécurité sociale réduit le redressement aux seules sommes faisant défaut au caractère obligatoire et collectif du régime ; que, si elle n'est pas en mesure de le faire par elle même, à partir des éléments régulièrement produits devant elle, la juridiction de sécurité sociale enjoint l'organisme de recouvrement à calculer le montant de ce redressement réduit, à partir des éléments probants que lui a fourni l'employeur lors des opérations de contrôle ou, au besoin, à partir de nouveaux éléments probants ; que la cour d'appel a retenu que « l'organisme social ne justifie pas du caractère particulièrement grave de l'atteinte portée par la société au caractère obligatoire et collectif du régime de prévoyance dans la mesure où en raison du nombre limité des salariés concernés - soit 4 sur 80 - l'impact sur le calcul de réduction générale des cotisations reste modeste et où les quatre salariés visés non seulement n'étaient pas privés d'un régime de prévoyance mais pouvaient bien au contraire opter pour la garantie la plus protectrice » ; que la cour d'appel a néanmoins ajouté que « le cotisant ne reconstitue pas, de façon probante, les sommes faisant défaut ou excédant les contributions nécessaires pour que la couverture du régime revête un caractère obligatoire et collectif - en effet, elle se borne à verser aux débats en pièce 3 de son dossier un document intitulé « annexe 1 : assiette de régularisation des garanties frais de santé 2015 » qui se présente sous forme de tableau mentionnant notamment les noms, prénoms des salariés, le financement patronal garantie frais de santé et la régularisation base 100 plafonnée, à l'exclusion de tout autre renseignement - en effet, ni les conditions de la rédaction de cette pièce, ni l'identité de son rédacteur ne sont précisées - aucun justificatif n'est produit pour étayer les éléments qu'il contient - sa fiabilité et son authenticité ne sont confirmées par aucune signature, notamment celle d'un expert comptable par exemple » ; qu'en admettant que le redressement n'était fondé en son principe que pour les seules sommes faisant défaut au caractère obligatoire et collectif du régime, tout en validant le redressement pour l'intégralité des contributions que l'employeur avait versées, la cour d'appel a violé l'article L. 133-4-8 du code de la sécurité sociale ;

4°/ que le juge ne peut refuser de statuer sur une demande dont il admet le bien-fondé en son principe, au motif de l'insuffisance des preuves fournies par une partie (not. 1re Civ., 13 octobre 2021 pourvoi n° 19-26.284 ; 1re Civ., 13 octobre 2021, pourvoi n° 19-24.008, publié au Bulletin ; 3e Civ., 8 avril 2021, pourvoi n° 19-24.874 ; 2e Civ., 11 mars 2021, pourvoi n° 20-12.319 ; 1re Civ., 10 février 2021, pourvoi n° 19-19.375 ; 2e Civ., 26 novembre 2020, pourvoi n° 19-19.520, publié au Bulletin ; 2e Civ., 26 novembre 2020, pourvoi n° 19-10.523) ; qu'appliqué au contentieux général de la sécurité sociale, il s'ensuit que la juridiction de sécurité sociale qui admet qu'un redressement est fondé dans son principe mais erroné dans son montant, ne peut refuser de réduire le montant du redressement à ses justes proportions ; que la cour d'appel a constaté que le cotisant était bien fondé à solliciter que le redressement soit réduit aux seules sommes faisant défaut au caractère obligatoire et collectif du régime, en l'absence d'une méconnaissance d'une particulière gravité des règles liées au caractère obligatoire et collectif de la garantie complémentaire, en constatant que « l'organisme social ne justifie pas du caractère particulièrement grave de l'atteinte portée par la société au caractère obligatoire et collectif du régime de prévoyance dans la mesure où en raison du nombre limité des salariés concernés - soit 4 sur 80 - l'impact sur le calcul de réduction générale des cotisations reste modeste et où les quatre salariés visés non seulement n'étaient pas privés d'un régime de prévoyance mais pouvaient bien au contraire opter pour la garantie la plus protectrice » ; que cependant la cour d'appel a estimé que « le cotisant ne reconstituait pas, de façon probante, les sommes faisant défaut ou excédant les contributions nécessaires pour que la couverture du régime revête un caractère obligatoire et collectif » ; qu'en admettant le bien-fondé de la demande tout en la rejetant pour une insuffisance de preuve, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 242-1, alinéa 6, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, sont exclues de l'assiette des cotisations sociales, les contributions de l'employeur destinées au financement des prestations de protection sociale complémentaire entrant dans le champ d'application des articles L. 911-1 et L. 911-2 du même code, servies au bénéfice de leurs salariés à condition que ces garanties revêtent un caractère obligatoire et bénéficient à titre collectif à l'ensemble des salariés ou à une partie d'entre eux, sous réserve qu'ils appartiennent à une catégorie établie à partir de critères objectifs déterminés par décret en Conseil d'Etat.

6. Aux termes de l'article L. 133-4-8, I, du même code, les redressements opérés dans le cadre d'un contrôle effectué en application des articles L. 243-7 du code de la sécurité sociale et L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime et relatif à l'application des règles liées au caractère obligatoire et collectif des systèmes de garanties de protection sociale complémentaire mentionné au sixième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale portent sur le montant global des cotisations dues sur les contributions que les employeurs ont versées pour le financement de ces garanties.

7. Selon le II du même article, par dérogation au I de ce texte, l'agent chargé du contrôle réduit le redressement à hauteur d'un montant calculé sur la seule base des sommes faisant défaut ou excédant les contributions nécessaires pour que la couverture du régime revête un caractère obligatoire et collectif, au sens du sixième alinéa de l'article L. 242-1 et des textes pris pour son application, sous réserve que l'employeur reconstitue ces sommes de manière probante.

Le redressement ainsi réduit est fixé à hauteur : 1° d'une fois et demie ces sommes, lorsque le motif du redressement repose sur l'absence de production d'une demande de dispense ou de tout autre document ou justificatif nécessaire à l'appréciation du caractère obligatoire et collectif ; 2° de trois fois ces sommes, dans les cas autres que ceux mentionnés au 1° et lorsque le manquement à l'origine du redressement ne révèle pas une méconnaissance d'une particulière gravité des règles prises en application du sixième alinéa de l'article L. 242-1. Lorsque le manquement à l'origine du redressement révèle une méconnaissance d'une particulière gravité des règles liées au caractère obligatoire et collectif des systèmes de garanties de protection sociale complémentaire mentionné au même alinéa, l'agent chargé du contrôle en informe l'employeur, en justifiant sa décision, dans le cadre de la procédure contradictoire préalable à la fin du contrôle.

8. Il en résulte que, par dérogation au principe selon lequel le redressement porte sur le montant global des cotisations dues sur les contributions que l'employeur a versées pour le financement de ces garanties, le redressement n'est calculé sur une base réduite qu'à la condition préalable que l'employeur reconstitue de manière probante le montant des sommes faisant défaut ou excédant les contributions nécessaires pour que la couverture du régime revête un caractère obligatoire et collectif.

9. L'arrêt constate que la société se borne à verser aux débats un tableau mentionnant l'identité des salariés, le financement patronal « garantie frais de santé » et la régularisation base 100 plafonnée, à l'exclusion de tout autre renseignement. Il relève que ni les conditions de la rédaction de cette pièce, ni l'identité de son auteur ne sont précisées et qu'aucun justificatif n'est produit pour étayer les éléments qu'il contient. Il ajoute que le tableau produit mentionne la part patronale de la garantie, à l'exclusion des sommes faisant défaut.

10. En l'état de ces constatations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de faire une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que, faute pour la société d'établir les sommes faisant défaut au caractère obligatoire et collectif du régime de protection sociale complémentaire, le redressement devait être validé pour son entier montant.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Leblanc - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 133-4-8, II, et L. 242-1 du code de la sécurité sociale.

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