Numéro 2 - Février 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 2 - Février 2024

PRUD'HOMMES

2e Civ., 8 février 2024, n° 21-23.752, (B), FRH

Cassation

Procédure – Représentation des parties – Personnes habilitées – Mandataire – Défenseur syndical – Mandat de représentation en justice – Obligation – Etendue – Détermination

Il résulte de la combinaison des articles 416 du code de procédure civile, R. 1451-1, R. 1453-2 et R. 1461-1, alinéa 1, du code du travail, que seul l'avocat étant dispensé de justifier d'un mandat de représentation en justice, le défenseur syndical doit justifier d'un tel mandat tant devant les juridictions prud'homales de première instance que devant les cours d'appel, saisies de l'appel de leurs décisions.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 22 juin 2021), M. [S], représenté par un défenseur syndical, a relevé appel le 23 janvier 2020 d'un jugement d'un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à son employeur, la société Saica Pack France.

2. Un conseiller de la mise en état a débouté la société Saica Pack France d'un incident tendant à constater la caducité et l'irrecevabilité de l'appel par une ordonnance du 19 janvier 2021 déférée à la cour d'appel.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

3. En application de l'article 1014, alinéa 1, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. M. [S] fait grief à l'arrêt de dire que le mandat produit par le défenseur syndical était irrégulier au sens de l'article 117 du code de procédure civile, de dire que la déclaration d'appel était nulle pour défaut de pouvoir du défenseur syndical assurant sa représentation et de dire qu'il était irrecevable en son appel, alors « que si, en application de l'article R. 1453-2 du code du travail, le défenseur syndical représentant une partie doit justifier d'un pouvoir spécial, dès lors qu'il n'est pas avocat, ce texte n'est applicable que devant le conseil de prud'hommes et non devant la cour d'appel ; que s'agissant de l'appel, où la procédure est soumise à représentation obligatoire, il ne résulte ni des articles R. 1461-1 et R. 1461-2 du code du travail, ni des articles 900 à 930-3 du code de procédure civile, ni d'aucun autre texte, que le défenseur syndical représentant une partie doive justifier d'un pouvoir spécial pour faire appel ; qu'au cas d'espèce, en jugeant que la déclaration d'appel formée par le défenseur syndical de M. [S] était nulle et que l'appel était irrecevable, faute pour le défenseur syndical de disposer d'un mandat valable, quand il n'était pas tenu de justifier d'un tel mandat pour faire appel dès lors qu'il n'était pas contesté qu'il disposait bien d'un pouvoir en première instance, la cour d'appel a violé les articles R. 1453-2, R. 1461-1 et R. 1461-2 du code du travail, 901 et 930-2 du code de procédure civile, ensemble les articles 411 du même code et 1984 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 416 du code de procédure civile, quiconque entend représenter ou assister une partie doit justifier qu'il en a reçu le mandat ou la mission.

L'avocat est toutefois dispensé d'en justifier.

Le commissaire de justice bénéficie de la même dispense dans les cas où il est habilité à représenter ou assister les parties.

6. Selon l'article R. 451-1 du code du travail, sous réserve des dispositions du présent code, la procédure devant les juridictions prud'homales est régie par les dispositions du livre premier du code de procédure civile.

7. Il résulte de l'article R. 1453-2 du code du travail, que les personnes habilitées à assister ou à représenter les parties sont :

1° Les salariés ou les employeurs appartenant à la même branche d'activité ;

2° Les défenseurs syndicaux ;

3° Le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin ;

4° Les avocats.

L'employeur peut également se faire assister ou représenter par un membre de l'entreprise ou de l'établissement fondé de pouvoir ou habilité à cet effet.

Le représentant, s'il n'est pas avocat, doit justifier d'un pouvoir spécial. Devant le bureau de conciliation et d'orientation, cet écrit doit l'autoriser à concilier au nom et pour le compte du mandant, et à prendre part aux mesures d'orientation.

8. Il résulte de l'article R. 1461-1, alinéa 2, du code du travail qu'à défaut d'être représentées en appel par un défenseur syndical, les parties sont tenues de constituer avocat.

9. Il en découle que seul l'avocat étant dispensé de justifier d'un mandat de représentation, le défenseur syndical doit justifier d'un tel mandat aussi bien devant les juridictions prud'homales de première instance que devant les cours d'appel, saisies de l'appel de leurs décisions.

10. Dès lors, le moyen manque en droit.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. M. [S] fait le même grief à l'arrêt, alors « que n'est pas affectée d'une irrégularité de fond la déclaration d'appel émanant d'un défenseur syndical se prévalant d'un pouvoir spécial affecté d'une simple erreur matérielle ; qu'au cas d'espèce, en jugeant nulle la déclaration d'appel émanant du défenseur syndical de M. [S], au motif que le pouvoir spécial dont il se prévalait visait un jugement du conseil de prud'hommes de Soissons du 13 juin 2019 (et non du 19 décembre 2019) et sous un autre numéro de répertoire général, quand il ne pouvait s'agir que d'une erreur matérielle en l'absence d'autre jugement rendu entre les parties, la cour d'appel a violé les articles 901 du code de procédure civile, 117 du même code, R. 1453-2 du code du travail, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 117 du code de procédure civile :

12. Selon l'article 117 du code de procédure civile, constitue une irrégularité de fond le défaut de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.

13. Pour déclarer irrecevable l'appel formé par M. [S], l'arrêt retient que la déclaration d'appel était nulle pour défaut de pouvoir du défenseur syndical en ce que celui ci avait reçu mandat de faire appel du jugement prud'homal : « RG n° 19/0021 du 13 juin 2019 rendu par la section industrie du conseil des prud'hommes de 02200 Soissons » tandis que le jugement prud'homal rendu était le suivant : « RG n° F 18/00184 du 19 décembre 2019 ».

14. En statuant ainsi, alors que seul le jugement du 19 décembre 2019 du conseil de prud'hommes de Soissons, section industrie, avait été rendu entre les parties et que la déclaration d'appel se rapportait sans ambiguïté au pouvoir donné au défenseur syndical de représenter M. [S] du fait de l'appel interjeté de ce jugement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Vendryes - Avocat général : M. Adida-Canac - Avocat(s) : SCP Krivine et Viaud ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 416 du code de procédure civile ; articles R. 1451-1, R. 1453-2 et R. 1461-1, alinéa 1, du code du travail.

Rapprochement(s) :

Avis de la Cour de cassation, 8 septembre 2014, n° 14-70.005, Bull. 2014, Avis, n° 5 ; Soc., 10 juin 2015, pourvoi n° 14-11.814, Bull. 2015, V, n° 120 (rejet) ; 2e Civ., 8 décembre 2022, pourvoi n° 21-16.186, Bull. (rejet).

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